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03/12/2019 | FRANCE | N°19/00407

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 03 décembre 2019, 19/00407


ARRÊT N° 19/

CKD/CM



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2019



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 29 octobre 2019

N° de rôle : N° RG 19/00407 - N° Portalis DBVG-V-B7D-ECGZ



S/appel d'une décision

de Cour de Cassation de PARIS

en date du 28 novembre 2018

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPELANT



Monsieu

r [W] [G], demeurant [Adresse 1]



Comparant en personne assisté par Me Sandrine ARNAUD, Postulant, avocat au barreau de BESANÇON et Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de Dijon





INTIMEE



Madam...

ARRÊT N° 19/

CKD/CM

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2019

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 29 octobre 2019

N° de rôle : N° RG 19/00407 - N° Portalis DBVG-V-B7D-ECGZ

S/appel d'une décision

de Cour de Cassation de PARIS

en date du 28 novembre 2018

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [W] [G], demeurant [Adresse 1]

Comparant en personne assisté par Me Sandrine ARNAUD, Postulant, avocat au barreau de BESANÇON et Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de Dijon

INTIMEE

Madame [F] [H] épouse [P], demeurant [Adresse 2]

Comparante en personne, assistée de Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANÇON et Me Nathalie RIGNAULT, avocat au barreau de Dijon

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 29 Octobre 2019 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre et M. Laurent MARCEL, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Cécile MARTIN

lors du délibéré :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre et M. Laurent MARCEL, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Patrice BOURQUIN, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 03 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [F] [P] a le 2 avril 1991 été engagée en qualité de secrétaire négociatrice par la SARL IMMOBILIÈRE SAINT-PIERRE d'abord à temps plein, puis à temps partiel à hauteur de 20 heures par semaine.

Le 27 juillet 1998 la salariée a été licenciée pour motif économique, avant d'être réembauchée par contrat du 6 août 1998 en qualité de secrétaire à temps partiel à hauteur de 120 heures par mois.

À compter de décembre 2004 le temps de travail a été réduit à 93 heures par mois.

Elle a par ailleurs à partir du 1er juin 2004 commencé à travailler directement pour le compte de Monsieur [W] [G], un important propriétaire foncier de [Localité 4] dont l'agence immobilière [7] gérait les locations.

Ce travail s'effectuait au sein de l'agence immobilière, la société mettant à disposition payante de Monsieur [G] un local. Madame [P] était rémunérée par Monsieur [G] à hauteur de 6 heures par semaine soit 25,98 heures par mois. Aucun écrit ne formalisait ce second contrat de travail.

Par lettre du 17 février 2014 Madame [F] [P] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de Monsieur [W] [G].

Elle reproche à son employeur un travail dissimulé entraînant à son préjudice un manque à gagner. Elle lui reproche de lui régler 710 € par mois qui sont loin de couvrir le temps de travail effectif qu'elle fournit, la suppression du 13e mois en 2014, et des bulletins de paye non conformes aux chèques de salaires réellement perçus.

Par courrier en réponse du 24 février 2014 l'employeur réfutait toutes les allégations et analysait la rupture en une démission.

***

Le 6 mars 2014 Madame [F] [P] a saisi le conseil des prud'hommes de Dijon d'une demande à l'encontre de Monsieur [W] [G] tendant à voir requalifier le contrat de travail en contrat de travail à temps plein, obtenir paiement de 159.936 € de rappels de salaire, outre les congés payés, voir requalifier la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir les différentes indemnités de rupture, outre 20.000 € à titre de dommages et intérêts, et enfin voir condamner son ancien employeur à lui payer 20.492 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 1er octobre 2015 le conseil des prud'hommes de Dijon a condamné Monsieur [W] [G] à payer à Madame [F] [P] les sommes suivantes :

' 97.391 € à titre de rappels de salaire,

' 9.739,10 € au titre des congés payés afférents,

' 6.830,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 683,06 € au titre des congés payés afférents,

' 6.605 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 20.492 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

' 800 € au titre de l'article 700 du CPC.

***

Monsieur [W] [G] a interjeté appel à l'encontre de cette décision devant la cour d'appel de Dijon.

Par arrêt du 18 mai 2017 la cour a infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il requalifie la prise d'acte de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau et ajoutant, a condamné Monsieur [G] à payer à Madame [P] les sommes suivantes :

' 900 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 90 € au titre des congés payés afférents,

' 870,30 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

' 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour a en outre condamné l'employeur à remettre à Madame [P] une attestation pôle emploi conforme à l'arrêt. Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes et les dépens ont été laissés à la charge de chacune d'entre elles.

***

Saisie par un pourvoi de Madame [F] [P] et d'un pourvoi incident de l'employeur, la chambre sociale de la Cour de cassation par arrêt du 28 novembre 2018 a cassé et annulé l'arrêt, mais uniquement en ce qu'il déboute Madame [P] :

' De sa demande de requalification en contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

' De ses demandes de rappels de salaire et congés payés afférents,

' En ce qu'il limite à 900 €, outre les congés payés afférents, l'indemnité de préavis,

' En ce qu'il limite à 870,30 € l'indemnité de licenciement,

' En ce qu'il la déboute de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

La cour a remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et a ordonné le renvoi devant la cour d'appel de Besançon.

La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants tirés de l'identité d'objets des contrats de travail liant la salariée à l'agence immobilière et à Monsieur [G], alors qu'en l'absence de contrat de travail écrit, il appartient à l'employeur de renverser la présomption de travail à temps complet en rapportant la preuve que la salariée n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, et alors qu'elle avait constaté que la durée de travail de la salariée était de 118,98 heures par mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé, soit l'article L 3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

***

Monsieur [W] [G] a saisi la cour de renvoi.

Par conclusions IV enregistrées le 21 octobre 2019, et reprises à la barre lors de l'audience du 29 octobre 2019, Monsieur [W] [G] demande à la cour de céans de réformer le jugement entrepris, et de :

' Fixer à 900 € outre les congés payés afférents, l'indemnité de préavis,

' Fixer à 870,30 € l'indemnité de licenciement,

' Débouter Madame [P] de l'intégralité de ses autres demandes.

Subsidiairement

' Fixer à 26.500 € bruts, outre les congés payés, le montant des rappels de salaires,

' Fixer à 2.700 € l'indemnité de travail dissimulé,

' Fixer à 2.263 € net l'indemnité légale de licenciement,

' Fixer à 2.642,26 € brut l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents,

En tout état de cause

' Condamner Madame [P] à lui verser 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' La condamner aux entiers dépens.

***

Par conclusions N°2 visées le 26 juin 2019, et reprises à la barre à l'audience 29 octobre 2019 Madame [F] [P] demande à la cour de :

- Dire et juger que le contrat de travail avec Monsieur [G] doit être requalifié en contrat de travail à temps plein avec un salaire de 3.415,31 € bruts par mois,

- Condamner Monsieur [G] à lui payer les sommes de :

' 159.936,96 € bruts à titre de rappels de salaire,

' 15.893,70 € bruts au titre des congés payés afférents,

' 6.830,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 683,06 € au titre des congés payés afférents,

' 6.625,70 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 20. 492 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

' 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Elle sollicite en outre la condamnation de Monsieur [G] à la remise des bulletins de salaire pour les mois de mars 2009 à février 2014 rectifiés sur le temps de travail et l'attestation pôle rectifiée, l'ensemble sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision, outre sa condamnation aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 29 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la requalification contrat de travail .

Attendu que l'article L 3123-14 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent contrat dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne :

1° la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification

3° les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié'

4° les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixé par le contrat ;

Attendu qu'en l'espèce l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail, et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet ;

Qu'il incombe dès lors, selon une jurisprudence constante, à Monsieur [G] employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;

Que les deux conditions sont cumulatives ;

***

Attendu que l'employeur invoque une durée hebdomadaire de travail de six heures conformément aux bulletins de paye, durée de travail contestée par la salariée ;

Mais que la seule production des bulletins de paye n'est pas suffisante à établir la durée convenue du travail entre les parties ;

Attendu surtout que l'employeur ne justifie de strictement aucun horaire, ou rythme quelconque s'agissant de la répartition des six heures alléguées, et qu'il se contente d'invoquer la grande autonomie de Madame [P];

Que cependant l'autonomie dont bénéficie la salariée n'a pas pour effet de dispenser l'employeur d'établir qu'elle n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu'elle n'était pas obligée de se tenir constamment à la disposition de son employeur ;

Attendu pour sa part que la salariée verse aux débats 26 attestations de témoins établies notamment par des clients locataires, d'anciens clients propriétaires, des commerçants à proximité de l'agence, un artisan intervenant dans les appartements, des amis, ou de proches ;

Que l'ensemble de ces témoins rapporte sa très grande disponibilité, qu'ils rapportent qu'elle a travaillait tôt le matin, tard le soir, durant la pause déjeuner, en juillet et août, ou encore qu'elle travaillait tous les jours, et qu'elle était joignable par téléphone à tout moment, y compris le dimanche soir, ou le week-end, ou encore qu'elle effectuait des visites en dehors des horaires d'ouverture de l'agence ;

Que plusieurs rapportent des visites effectuées le samedi matin, notamment des commerçants à proximité qui constataient ses nombreux déplacements à ce moment-là, que son gendre atteste qu'elle gardait toujours son téléphone à portée de main pendant les vacances et les week-ends, traitant le plus rapidement possible les innombrables problèmes des locataires, (fuites d'eau, problèmes de boîte aux lettres, clés perdues etc.), qu'il ajoute ne pas compter les week-ends durant lesquels elle effectuait des visites ou états des lieux d'appartements et qu'il témoigne de la grande difficulté qu'elle rencontrait pour pouvoir leur rendre visite ;

Attendu par ailleurs que c'est à tort que Monsieur [G] soutient que Madame [P] ne peut revendiquer une requalification à temps plein dès lors qu'elle disposait d'un autre contrat de travail à hauteur de 93 heures par mois ;

Qu'en effet la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une requalification sanction, de sorte que la circonstance selon laquelle la salariée occupe un autre emploi ne détruit pas la présomption de travail à temps plein ;

Qu'il appartient à Monsieur [G] de prouver que dans le cadre du contrat de travail le liant à Madame [P] celle-ci n'était notamment pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ;

Or Attendu que de manière étonnante Monsieur [G] conclut (page 11) que la salariée « ne pouvait évidemment avoir d'horaires précis pour travailler pour Monsieur [G] puisque cela dépendait essentiellement de la venue de nouveaux locataires », et qu'il procède à une analyse sur plusieurs années du nombre de nouveaux contrats ;

Qu'outre le fait que l'employeur reconnaît ainsi que la salariée n'avait aucun horaire précis, donc qu'elle devait se tenir constamment à sa disposition, l'argument n'est pas pertinent puisque les horaires de travail pouvaient être strictement limités à certains créneaux, et que par ailleurs le travail de Madame [P] ne se limitait pas à la seule gestion des nouveaux contrats, puisque évidemment la gestion des contrats en cours faisait partie de son activité ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Monsieur [G] n'établit pas la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, ni que Madame [P] n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ;

Qu'il ne renverse pas la présomption de travail à temps complet ;

Que par conséquent le jugement déféré ayant fait droit à la requalification contrat de travail à temps plein doit être confirmé ;

2. Sur le rappel de salaires

Attendu que le conseil des prud'hommes, dans la limite de la prescription légale de trois ans, a fait droit à la demande de la salariée à hauteur de 97 391 € outre les congés payés afférents ;

Attendu qu'à hauteur de cour Madame [P] forme un appel incident et réclame l'allocation d'une somme de 159 746,62 € au titre des rappels de salaire du 1er mars 2009 au 31 janvier 2014, outre les congés payés afférents ;

' Sur l'irrecevabilité d'une demande qualifiée de nouvelle

Attendu que Monsieur [G] soulève l'irrecevabilité de cette demande qu'il considère comme une demande nouvelle formée devant la cour d'appel de Besançon, alors qu'elle n'avait pas été formée devant la cour d'appel de Dijon, et ce au regard des dispositions de l'article 631 et suivants du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt de la Cour de cassation remet expressément sur les points cassés, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour d'appel de Dijon ;

Et attendu que force est de constater que devant le conseil des prud'hommes de Dijon Madame [P] avait bien formulé une demande de rappels de salaire de 159.746,62 € outre les congés payés afférents, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, et que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée ;

' Sur la prescription

Attendu que le conseil des prud'hommes a fait droit à la demande de rappels de salaire dans la limite de la prescription triennale, sans motiver cette décision, cette limite étant contestée par la salariée qui estime pouvoir réclamer un rappel de salaire sur cinq ans ;

Attendu que la loi du 14 juin 2013 a, en matière de rappels de salaire, réduit le délai de prescription initial de 5 ans à 3 ans ;

Que cependant selon les dispositions transitoires de la loi, les dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de la promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Attendu qu'il en résulte que si le fait générateur est antérieur au 13 juin 2013, le salarié peut solliciter un rappel de salaire sur cinq ans, tant que l'action est engagée au plus tard le 16 juin 2016 ;

Attendu qu'en l'espèce la salariée a lors de l'introduction de la demande le 6 mars 2014 sollicité trois ans de salaire (97 020,51 €), avant d'augmenter sa demande lors de l'audience du 11 septembre 2014 la portant à 159 746,62 € représentant cinq années de salaire, de sorte qu'elle a bien engagé son action avant le 16 juin 2016, et qu'elle bénéficie donc bien du délai total qui ne peut excéder l'ancien délai de prescription soit cinq ans ;

Attendu que le jugement déféré ayant fait application de la prescription de trois ans doit donc être infirmé ;

' Sur les montants dûs

Attendu que Monsieur [G] soutient qu'il y a lieu de déduire de la somme réclamée les salaires perçus par Madame [P] au titre de son autre contrat de travail ;

Mais attendu qu'il est rappelé que la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein est une requalification sanction qui ne repose pas sur la démonstration du nombre exact d'heures effectuées puisque la présomption n'est pas renversée ;

Qu'il n'y a pas lieu à déduire les salaires perçus par Madame [P] dans le cadre d'une autre relation contractuelle ;

Attendu que le taux horaire n'est pas contesté de sorte que le salaire mensuel pour 151,67 heures s'élève à la somme de 3.415,31 €, montant auquel il y a lieu de déduire la somme de 710 € versée mensuellement par Monsieur [G], et qu'ainsi la salariée demeure créancière d'une somme de 2.705,31 € par mois ;

Que la demande porte sur la période du 24 mars 2009 au 17 février 2014, de sorte que la salariée est bien fondée à réclamer la somme de 159.936,96 € bruts outre 15.893,70 € bruts au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement déféré doit donc être infirmé s'agissant des montants alloués de ces chefs ;

3. Sur l'indemnité de travail dissimulé

Attendu que le conseil des prud'hommes a fait droit à la demande en jugeant qu'en payant une rémunération mensuelle par chèque dont le montant est supérieur à celui indiqué sur les bulletins de paye, l'employeur a conscience de dissimuler une partie des heures effectuées par la salariée ce qui caractérise le délit de travail dissimulé ;

Attendu que l'employeur soutient qu'un accord était intervenu avec la salariée pour qu'il lui verse chaque mois une somme forfaitaire correspondant au montant de son salaire net augmenté des frais qu'il avait acceptés de prendre à sa charge, à savoir les frais de stationnement, de parking et de téléphone ;

Mais attendu que la salariée conteste l'existence d'un tel accord, et affirme qu'elle percevait un salaire minoré bien inférieur au temps de travail qu'elle consacrait à Monsieur [G] et qui dépassait largement les six heures prévues au contrat, ce qu'il ne pouvait ignorer puisqu'il minorait sciemment la rémunération et la compensait partiellement en faisant des versements complémentaires hors bulletins de salaire ;

Attendu que l'employeur qui invoque un accord sur le paiement de frais pour expliquer la différence entre les sommes versées et celles mentionnées sur les bulletins de paye, supporte la charge de la preuve de l'existence de l'accord ;

Or attendu que force est de constater qu'aucune preuve d'un quelconque accord, contesté avec force par la salariée, n'est rapportée ;

Attendu qu'il apparaît en outre peu crédible d'exposer 260 € de frais pour un nombre d'heures de travail limité à 26 heures par mois pour une salariée qui habite et travaille au centre-ville où sont également situés la plupart des immeubles de Monsieur [G] de sorte que la plupart des déplacements s'effectuent à pieds, et que par ailleurs les forfaits téléphoniques sont devenus peu onéreux ;

Qu'il est d'ailleurs remarquable que l'employeur ne justifie d'aucune demande de remboursement de frais, ou de justificatifs ;

Attendu par conséquent, qu'en l'absence de preuve d'un accord concernant les frais, il demeure la situation tout à fait anormale et irrégulière d'une rémunération mensuelle par chèque dont le montant est supérieur à celui indiqué sur les bulletins de paye, ce qui, comme l'a jugé le conseil des prud'hommes, caractérise un travail dissimulé, dès lors que cette discordance entre le salaire et le bulletin de paye est volontaire ;

Que le jugement est par conséquent également confirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une somme de 20.492 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

Qu'il conviendra simplement de préciser que cette somme est nette ;

4. Sur les indemnités de rupture

Attendu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est définitivement jugée ;

Qu'il convient en revanche de statuer conformément au dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation d'une part sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, et d'autre part sur l'indemnité de licenciement ;

Attendu que suite à la requalification du contrat en contrat de travail à temps plein, le salaire de Madame [P] s'élève à 3.415,31 € ;

Attendu par conséquent qu'elle est bien fondée à réclamer une indemnité de préavis de deux mois de salaire, soit 6.830,62 € bruts, outre 683,06 € au titre des congés payés afférents ;

Que par ailleurs compte tenu d'une ancienneté de neuf ans et huit mois, l'indemnité de licenciement qui représente un cinquième de salaire par année s'élève conformément aux calculs du conseil des prud'hommes à 6.605 € nets ;

Attendu par conséquent que le jugement déféré est confirmé s'agissant des trois montants alloués ;

5. Sur les demandes annexes

Attendu enfin que Monsieur [G] doit être condamné à remettre à Madame [P] les bulletins de salaire de mars 2009 à février 2014 rectifiés conformément au présent arrêt, ainsi que l'attestation pôle emploi, et ce sous astreinte provisoire de 20 € par jour de retard commençant à courir le 31e jour suivant la signification par Madame [P] du présent arrêt, la cour ne se réservant pas le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;

Attendu que le jugement déféré est confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des frais et dépens ;

Attendu que Monsieur [G] qui succombe doit être condamné aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

Attendu que l'équité commande de le condamner à payer à Madame [F] [P] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Qu'en revanche l'équité ne commande pas de faire application de ce même texte à son profit ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

Dans la limite de la saisine par renvoi par arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018,

INFIRME le jugement rendu le 1er octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de Dijon en ce qu'il a condamné Monsieur [W] [G] à payer à Madame [F] [H] épouse [P] les sommes de 97.391 € à titre de rappels de salaire, et 9.739,10 € au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant :

REJETTE l'exception d'irrecevabilité soulevée par Monsieur [W] [G],

CONDAMNE Monsieur [W] [G] à payer à Madame [F] [H] épouse [P] les sommes de :

' 159.936,96 € bruts à titre des rappels de salaire du 24 mars 2009 au 17 février2014,

' 15 893,70 € bruts au titre des congés payés afférents, 

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions ;

DIT et JUGE que le montant de 20 492 € alloué au titre de l'indemnité pour travail dissimulé est un montant net ;

CONDAMNE Monsieur [W] [G] à remettre à Madame [F] [H] épouse [P] les bulletins de paie conformes au présent arrêt pour la période du 24 mars 2009 au 17 février 2014, et une attestation ASSEDIC, ce sous astreinte de 20 € par jour de retard commençant à courir le 31e jour suivant la signification du présent arrêt par Madame [F] [H] épouse [P] ;

CONDAMNE Monsieur [W] [G] aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE Monsieur [W] [G] à payer à Madame Madame [F] [H] épouse [P] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de frais irrépétibles formée par Monsieur [W] [G].

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trois décembre deux mille dix neuf et signé par Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00407
Date de la décision : 03/12/2019

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°19/00407 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-03;19.00407 ?
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