ARRÊT N°
LM/CB
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 30 AVRIL 2019
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique
du 20 Mars 2019
N° de rôle : N° RG 18/00091 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D45T
S/appel d'une décision
du Tribunal de Grande Instance de BESANCON
en date du 12 décembre 2017 [RG N° 16/02025]
Code affaire : 54G
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
[L] [R], [J] [M] épouse [R] C/ [N] [Y], [Z] [S] épouse [Y]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [L] [R]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3] - [Localité 6]
Madame [J] [M] épouse [R]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3] - [Localité 6]
APPELANTS
Représentés par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD
ET :
Monsieur [N] [Y]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]
Madame [Z] [S] épouse [Y]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]
INTIMÉS
Représentés par Me Benoît MAURIN de la SCP MAURIN & ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur L. MARCEL, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur L. MARCEL, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur E. MAZARIN , Président et Madame Bénédicte UGUEN LAITHIER, Conseiller
L'affaire, plaidée à l'audience du 20 mars 2019 a été mise en délibéré au 30 avril 2019. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Suivant acte notarié en date du 6 août 2012 M. [N] [Y] et son épouse Mme [Z] [S] (ci-après les époux [Y]) ont acquis de M. [L] [R] et de son épouse Mme [J] [M] (ci-après les époux [R]) une maison d'habitation située [Adresse 1] à [Localité 7] (25).
Constatant la présence d'humidité et, notamment, des traces de salpêtre et des remontées d'eau et considérant que ces désordres trouvaient leur origine dans des travaux réalisés par les époux [Y], les époux [R] les ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Besançon aux fins de voir mettre en oeuvre une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 15 avril 2014 le juge des référés a fait droit à leur demande.
Au vu des conclusions de l'expert judiciaire les époux [R] ont fait attraire les époux [Y] par acte du 24 août 2016 devant le tribunal de grande instance de Besançon aux fins de les voir condamnés, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à les indemniser à hauteur de 96 580,57 euros au titre des leurs divers préjudices.
Par jugement contradictoire rendu le 12 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Besançon a :
* condamné solidairement les époux [R] à payer aux époux [Y] les sommes de :
- 39 396,50 euros TTC au titre de la reprise du dallage et l'étanchéité de l'immeuble,
- 10 780,77 euros TTC au titre de la dépose et de la repose des cloisons et de la reprise des placo-platres et des peintures,
- 2 500 euros au titre des frais de relogement,
- 201,24 euros au titre des frais de déménagement et de garde-meubles,
- 4 000 euros au titre du préjudice moral,
* rejeté en l'état les autres indemnitaires des époux [Y],
* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
* condamné solidairement les époux [Y] à payer aux époux [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant ceux de référés et d'expertise avec droit pour maître [I], avocat, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration parvenue au greffe le 12 janvier 2018, les époux [R] ont relevé appel de ce jugement et, dans leurs dernières conclusions transmises le 5 avril 2018 ils en poursuivent l'infirmation en ce qu'il a alloué aux époux [Y] diverses sommes et sa confirmation pour le surplus et concluent :
- à titre principal, au débouté des intimés et à leur condamnation à leur payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant ceux de référés et le coût de l'expertise judiciaire,
- à titre subsidiaire, si leur responsabilité devait être retenue, ils demandent à la cour de limiter l'indemnisation des époux [Y] à la somme de 2 500 euros, de rejeter le surplus de leurs prétentions et de statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ordonnance rendue le 14 août 2018 le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions des intimés, déposées par maître [I] le 6 juillet 2018, irrecevables en application de l'article 909 du code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des moyens des appelants, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2018.
Motifs de la décision
- Sur la responsabilité décennale des vendeurs au titre du carrelage et des placoplatres,
Attendu que les époux [R] rappellent, à titre liminaire, que leur responsabilité ne peut être recherchée que dans la limite des clauses insérées de l'acte de vente ; qu'ils considèrent, à la lecture des stipulations de la convention, que pour prétendre à la garantie décennale, leurs adversaires n'ont d'autre choix que de démontrer que les vendeurs ont la qualité de constructeurs ;
Attendu que l'expertise judiciaire a mis en évidence des désordres affectant la dalle supportant le carrelage et les cloisons en placoplatre, laquelle dalle ne comporte pas de barrières anti-remontées capillaires, destinées à bloquer la remontée d'humidité s'effectuant par le sol ; qu'il en résulte des remontées d'humidité dans l'habitation et la présence de salpêtre aux joints de carrelage et dans les murs ;
Attendu que les époux [R] contestent énergiquement avoir réalisé la dalle litigieuse et produisent pour en justifier quatre attestations, dont trois émanent de membres de leur famille (pièces n° 18, 19 et 20) et ne peuvent de ce fait qu'être accueillies avec circonspection ; que s'agissant du quatrième témoignage (pièce n° 17 ) il fait état de la présence de la dalle le 18 juin 2006, soit le lendemain de l'acquisition de la vente par les époux [R] ;
Attendu que les époux [R] versent également un cliché photographique sur lequel figurent tout à la fois la chape litigieuse et Mme [R], alors enceinte de sa fille [X], née le [Date naissance 4] 2006, et en déduisent que la chape existait antérieurement à la vente ; que la date de la photographie n'étant pas certifiée, il ne peut cependant en être tiré aucune conséquence ;
Attendu que l'expert judiciaire a indiqué dans son rapport qu'un doute subsistait sur le réalisateur de la chape défaillante ; que malgré les pièces produites par les époux [R], ce doute existe encore ;
Attendu que les époux [Y] expliquent qu'il importe peu que la chape ait été réalisée par les précédents propriétaires et que les époux [R] doivent être considérés comme des constructeurs dès lors qu'ils ont accepté le support d'une chape sur laquelle ils ont réalisé par la suite des travaux de carrelage ;
Attendu que les premiers juges ont estimé pour leur part que quand bien même la chape ne serait l'oeuvre des époux [R], ceux-ci étaient tenus préalablement à la pose du carrelage et des cloisons, qu'ils on réalisés, de vérifier la solidité, la conformité et l'efficacité du support, éventuellement en s'adjoignant le concours d'un professionnel ; qu'ils ont estimé qu'en n'y procédant pas, les époux [R], qui avaient acquis lors dits travaux les qualités cumulées de maître de l'ouvrage/maître d'oeuvre et de constructeur, devaient endosser la responsabilité dans son ensemble ;
Attendu que les époux [R] soutiennent ensuite que le carrelage et les cloisons en placoplatre constituent des éléments dissociables et que leur pose ne saurait conférer la qualité de constructeurs au sens de l'article 1792 et suivants du code civil ; qu'ils affirment en effet que la pose, sur la chape litigieuse, d'un carrelage et de cloisons en placoplatre, éléments dissociables, ne peut conférer à ceux-ci la qualité d'ouvrage ;
Attendu que le carrelage collé sur une chape et des cloisons en placoplatre sont des éléments dissociables de l'ouvrage dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de l'ouvrage ; que toutefois il est de jurisprudence constante que la responsabilité de plein droit doit fonctionner dès lors que les dommages les affectant rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ;
Attendu que l'expert judiciaire a conclu dans son rapport que les désordres constatés affectaient l'habitation d'une humidité anormalement élevée et détériorait les embellissements ; qu'il s'ensuit que ces désordres rendent l'habitation impropre à sa destination ;
Attendu qu'eu égard à la localisation des désordres et à leur manifestation, les époux [Y], qui ne sont pas des professionnels du bâtiment ni un public averti, ne pouvaient les déceler à l'oeil nu ; que les premiers juges ont justement retenu que la manifestation principale des désordres, à savoir la présence excessive d'humidité dans l'habitation, dépend essentiellement du contexte climatique et pluviométrique et que la négociation et la vente de l'immeuble étaient pour leur part intervenues en période estivale ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que les travaux litigieux ont été réalisés depuis moins de dix ans ; qu'il convient, en conséquence des développements qui précèdent, d'approuver le jugement déféré en ce qu'il a dit que la garantie décennale avait vocation à s'appliquer aux désordres de la présente espèce et a déclaré les époux [R] responsables à ce titre ;
- Sur l'indemnisation des époux [Y] au titre du carrelage et des placoplatres,
Attendu que s'agissant de la reprise de la dalle et du carrelage, les époux [Y] ont produit en première instance le devis d'une entreprise (SARL Chiocca) conforme aux préconisations de l'expert judiciaire ; que cette estimation, d'un montant total de 37 471,50 euros TTC, qui a été adoptée dans la décision querellée, sera donc retenue ;
Attendu que la reprise de la maçonnerie et du carrelage induit la dépose de divers éléments mobiliers et d'équipement ; que cette opération a été justement chiffrée dans le jugement entrepris, à la somme de 1 925 euros TTC ;
Attendu qu'en ce qui concerne la reprise des placoplatres non porteurs, leur dépose et leur remplacement seront prévus à concurrence de 26,50m² ; qu'il convient d'inclure dans ce poste les travaux de reprise des parties des cloisons et des murs porteurs intérieurs endommagés par la reprise des autres cloisons ; qu'en considération des surfaces concernées et des devis versés aux débats (SARL Salvador) le montant total des travaux sera fixé, peinture incluse, à la somme de 10 780,77 euros ;
Attendu que les époux [Y] demandent aussi de leur allouer 4 000 euros correspondant aux frais de relogement durant la durée des travaux de reprise alors que l'expert judiciaire propose à ce titre la somme de 500 euros en se basant sur le devis du gîte "la Clé des champs"; que les époux [R] s'insurgent contre cette demande en expliquant que les désordres n'affectent que le hall de la maison et que les travaux n'empêcheront donc pas les occupants de demeurer dans leur habitation ;
Attendu que les travaux de reprise du carrelage et des cloisons mobiles au rez-de-chaussée de l'immeuble imposeront aux époux [Y] de quitter leur logement durant le temps de leur exécution ; qu'en validant le devis su-mentionné l'expert a implicitement fixé la durée des travaux (500 euros pour 5 nuits) ; que les époux [Y] ne démontrant pas que la durée des travaux sera supérieure à celle prévue par l'expert, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
Attendu que les époux [Y] sollicitent encore une indemnisation au titre de frais de déménagement des meubles et de garde-meubles ; que les premiers juges leur ont octroyé la somme de 201,24 euros alors que ceux-ci n'établissent pas la nécessité d'avoir recours à un déménageur pour entreposer leurs meubles dans un garde-meubles ; que la décision critiquée sera infirmée sur ce point ;
Attendu enfin que les époux [Y] demandent réparation de leur préjudice moral ; qu'eu égard au désagrément résultant des désordres depuis l'acquisition du bien et au refus des époux [R] de toute solution amiable, l'indemnisation de 4 000 euros retenue par les premiers juges sera confirmée ;
- Sur les autres désordres invoqués par les époux [Y],
Attendu que les époux [Y] invoquent également d'autres désordres et réclament à ce titre la somme de 5 503,30 euros ; que l'expert judiciaire n'a toutefois pas constaté ceux qui affecteraient prétendument les pavés de la terrasse et l'enduit de crépis ; qu'ensuite, si l'homme de l'art a effectivement pu constater la présence de trois fissures à la jonction de la maison d'habitation et des garages et entre les portes des garages, il a précisé que ces désordres seront corrigés lors de la mise en oeuvre de l'enduit final ; que le jugement déféré mérite en conséquence d'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux [Y] de ce chef de demande ;
- Sur les demandes accessoires,
Attendu que le jugement critiqué sera confirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; que les époux [R] qui succombent à hauteur de cour dans la plupart de leurs prétentions seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et seront condamnés aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 12 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Besançon sauf dans sa disposition allouant aux époux [Y] une indemnisation au titre des frais de déménagement et de garde-meubles.
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Déboute les époux [Y] de leur demande d'indemnisation formée au titre de frais de déménagement et de garde-meuble.
Déboute M. [L] [R] et son épouse Mme [J] [M] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum M. [L] [R] et son épouse Mme [J] [M] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier,le Président de chambre