ARRÊT N°
BUL/CB
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 05 MARS 2019
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Par défaut
Audience publique
du 22 janvier 2019
N° de rôle : N° RG 17/00482 - N° Portalis DBVG-V-B7B-DYRP
S/appel d'une décision
du TRIBUNAL DE COMMERCE DE VESOUL
en date du 17 janvier 2017 [RG N° 2014002193]
Code affaire : 50D
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
SA UNILIVRES HOLDING C/ [H] [L], [W] [A] épouse [L], [N] [L], [K] [G], [O] [T], [U] [D], [S] [M]
PARTIES EN CAUSE :
SA UNILIVRES HOLDING
dont le siège est sis [Adresse 10] SUISSE
APPELANTE
Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE-GLAIVE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE et Me Amaury DUMAS-MARZE, avocat au barreau de LYON
ET :
Monsieur [H] [L]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 1]
Madame [W] [A] épouse [L]
née le [Date naissance 6] 1948 à [Localité 11]
demeurant , [Adresse 1]
Monsieur [N] [L]
né le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 11]
demeurant [Adresse 5]
INTIMÉS
Représentés par Me Julien DICHAMP de la SCP TOURNIER MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [K] [G]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
INTIMÉ
n'ayant pas constitué avocat
Madame [O] [T]
de nationalité française, demeurant [Adresse 8]
INTIMÉE
n'ayant pas constitué avocat
Madame [U] [D]
de nationalité française, demeurant [Adresse 9]
INTIMÉe
n'ayant pas constitué avocat
Madame [S] [M]
de nationalité française, demeurant [Adresse 7]
INTIMÉ
n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur) et
A. CHIARADIA, Conseillers.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre
ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 22 janvier 2019 a été mise en délibéré au 05 mars 2019. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits et prétentions des parties
Par arrêt mixte du 9 octobre 2018, auquel il est référé pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la présente cour a :
- confirmé le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce de Vesoul le 17 janvier 2017 en ce qu'il a :
* rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et l'exception de nullité soulevées par les consorts [L],
* débouté la SA Unilivres Holding de ses demandes tendant à la résolution de la cession de parts sociales sur le fondement des vices cachés et à l'annulation de la cession à raison de l'erreur sur la viabilité économique de la société Culture et Musique,
- sursis à statuer sur le surplus des demandes et les dépens,
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,
- invité les conseils des parties à conclure sur la recevabilité de la demande d'exécution de la convention de garantie du 31 mars 2009 s'agissant de l'indemnisation liée à l'attestation erronée d'une conformité des locaux affectés à l'exploitation de l'activité aux prescriptions légales, réglementaires ou administratives en vigueur concernant la sécurité et l'hygiène, compte tenu de l'attribution expresse de compétence à une juridiction arbitrale faite par les parties.
Par dernières conclusions transmises le 14 janvier 2019, la SA Unilivres Holding demande à la cour de :
- la déclarer recevable en sa demande d'indemnisation au titre de la convention de garantie,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande,
- constater que l'actif cédé n'est pas conforme à ce qui a été convenu entre les parties,
- condamner en conséquence les époux [L] au paiement d'une somme de 100 000 euros en application de la convention de garantie,
- débouter de leurs prétentions contraires les consorts [L],
- condamner les consorts [L] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Maître Claude.
Par écritures déposées le 27 décembre 2018, les époux [L] et monsieur [N] [L] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris et condamner la SA Unilivres Holding à leur verser une indemnité de 6 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec droit pour leur conseil de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2019.
Discussion
* Sur les conclusions de dernière heure déposées le 14 janvier 2019,
Attendu que les consorts [L] ont, par le truchement de leur avocat, sollicité par courrier enregistré au greffe le 14 janvier 2019 que les derniers écrits adverses déposés le jour même, soit la veille de l'ordonnance de clôture, soient écartés des débats faute de leur avoir permis d'y répliquer utilement ; que le conseil de la partie appelante s'oppose à cette demande par courrier reçu au greffe le 17 janvier 2019 ;
Attendu que dans son arrêt mixte du 9 octobre 2018, la présente cour a rouvert les débats à l'effet, exclusivement, d'inviter les conseils des parties à conclure sur le moyen relevé d'office tiré de la recevabilité de leurs demandes relatives à la mise en oeuvre de la convention de garantie, dont les parties avaient conventionnellement prévu que tout éventuel litige serait soumis à la juridiction arbitrale ; que le débat était donc circonscrit à la seule question de la recevabilité de cette prétention, les parties ayant abondamment conclu dans leurs précédents écrits sur la question de fond relative à la garantie d'actif et de passif ;
Que dans ces conditions, outre que la cour n'a pas été régulièrement saisie de cette demande par voie de conclusions de procédure, il n'y a pas lieu d'y faire droit dans la mesure où les observations de la SA Unilivres Holding ayant trait à la question de la recevabilité y sont en tous points identiques à celles figurant dans les précédents écrits déposés le 16 novembre 2018 ;
* Sur la recevabilité de la demande au titre de la convention de garantie,
Attendu que les parties indiquent expressément et d'un commun accord renoncer au bénéfice de la clause compromissoire et soumettre par conséquent à la juridiction étatique le litige né de l'application de la convention de garantie signée le 31 mars 2009 entre les époux [L] et la SA Unilivres Holding ;
* Sur la mise en jeu de la convention de garantie,
Attendu que la SA Unilivres Holding considère, à titre très subsidiaire, qu'elle est légitime à prétendre, sur le fondement de l'article 1134 ancien du code civil, au bénéfice de la convention de garantie du 31 mars 2009 consentie par les époux [L], cédants ;
Qu'elle rappelle que la convention garantissait le cessionnaire en cas d'inexactitudes ou d'omissions dans les déclarations et attestations faites par les cédants et de survenance d'un passif non comptabilisé, dont la cause ou l'origine serait imputable à des faits antérieurs à la cession ; qu'elle considère que l'attestation erronée par les cédants de la conformité des locaux et matériels cédés aux normes de sécurité et d'hygiène alors qu'il résulte de l'expertise que les locaux ne sont pas conformes à la réglementation en matière de sécurité incendie et que la mise en conformité des locaux représente un coût de 107.000 euros ht, justifie l'application de la garantie ; qu'elle soutient en outre que les travaux exigés ne relèvent pas de l'exclusion de garantie prévue à la convention portant sur les provisions pour grosses réparations puisqu'une telle provision n'était pas inscrite dans les comptes au jour de la cession ; qu'elle se prévaut encore d'un passif non comptabilisé tenant à une surévaluation des stocks par les cédants et la réintroduction de livres invendables dans le stock ;
Attendu que les intimés objectent en substance que la demande de l'appelante au titre de la convention de garantie est vaine dès lors que la non-conformité alléguée à l'appui de la demande adverse n'a été révélée que plus d'un an (avril 2010) après la cession des parts et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été connue des cédants, ni même existante, au jour de la cession, puisqu'il était justifié de visites périodiques de la commission de sécurité et d'avis favorables à la poursuite de l'exploitation ; qu'ils rappellent que la lumière a été faite dans l'acte de cession sur l'état des préconisations (document annexé à l'acte) et des travaux réalisés et non réalisés ;
Attendu qu'en vertu de la convention de garantie invoquée, la société Camponovo, aux droits de laquelle vient la SA Unilivres Holding, indique ne consentir à l'acquisition qu'à la condition que les cédants lui confirment diverses déclarations, attestations et garanties relatives à la société émettrice, l'objet du contrat étant de constater ces déclarations ainsi que les engagements des cédants à l'égard du cessionnaire ;
Qu'au nombre de ces attestations, figure l'attestation suivante sous l'article 5.10 : 'les locaux affectés à la réception du public répondent à toutes les prescriptions légales, réglementaires ou administratives en vigueur concernant la sécurité et l'hygiène. Il n'existe aucune mise en cause de responsabilité à ce titre, ni aucune exigence quelconque de mise en conformité émanant d'une quelconque autorité' ;
Attendu qu'en premier lieu la véracité de la seconde partie du paragraphe ci-dessus n'est pas mise en cause par l'appelante ;
Qu'il ressort des pièces communiquées et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 10 janvier 2013 que les prescriptions anciennes non réalisées par les cédants à la suite de la visite quinquennale de la commission de sécurité du 20 avril 2005, et par ailleurs soumises à aucun délai de réalisation, ont été expressément indiquées au cessionnaire qui en a donc nécessairement fait son affaire personnelle, et qui portaient sur les points suivants :
- faire vérifier le système de désenfumage et produire les attestations,
- installer un système d'alarme de type 4,
- installer un bloc-porte coupe feu de degré 1/2 heure muni de ferme-porte à la réserve et à la chaufferie,
- installer un déclencheur manuel d'ouverture à proximité de la porte automatique ;
Que dans ces conditions, l'attestation de conformité précitée doit nécessairement être appréhendée au regard de ces réserves dont le cessionnaire a eu parfaitement connaissance lors de la cession ;
Attendu par ailleurs que l'appelante ne peut imputer aux cédants le coût de la mise en conformité des lieux en termes d'accessibilité des locaux recevant du public (ERP) alors que la commission d'accessibilité n'était pas encore créée en 1995, qu'aucune prescription avant ou après la cession n'avait été émise, ainsi que le souligne à juste titre l'homme de l'art, et que le cessionnaire, en sa qualité de professionnel exploitant d'autres établissements de même nature, ne pouvait ignorer la réglementation en la matière, l'exigence, prescrite par le législateur en 2011 d'une mise en conformité des locaux au plus tard le 1er janvier 2015, étant largement postérieure à la cession ;
Que pour le surplus, l'expert relève que l'équipe de maîtrise d'oeuvre à laquelle les consorts [L] avaient confié une mission complète de conception et de réalisation des travaux d'aménagement des locaux commerciaux a engagé sa responsabilité en attestant, en réponse à une lettre de la ville de [Localité 11] du 16 août 1995, de la conformité des lieux au regard des règles de sécurité et d'accessibilité de l'établissement destiné à recevoir du public ; qu'à cette date, les consorts [L] n'ont pas missionné de bureau de contrôle technique pour s'assurer de la conformité des locaux en particulier aux règles de sécurité incendie et ont pu être légitimement convaincus de cette conformité qui n'a pas été contredite par les visites ultérieures de la commission de sécurité incendie et en particulier celle du 25 août 1995 qui a rendu un avis favorable à la poursuite de l'activité sans prescriptions particulières au vu des plans et de la notice de sécurité établis en l'occurrence par le maître d'oeuvre ;
Que la circonstance que les attestations de conformité à la réglementation en vigueur en 1995, date d'ouverture de l'établissement, émanant de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, aient été contredites par l'étude Socotec mandatée par le cessionnaire quelques mois après la cession, en particulier s'agissant d'inexactitudes portant sur des dispositions constructives, ne saurait être opposée aux consorts [L], profanes en la matière, qui avaient été assurés du contraire par des professionnels ;
Attendu qu'il résulte en définitive des éléments du débats, et notamment du rapport d'expertise, que si la conformité des locaux aux règles de sécurité n'étaient pas strictement satisfaite à la date de la cession s'agissant de la ventilation et de l'isolation assurant une sécurité contre l'incendie et du système électrique, l'affirmation de conformité des locaux par les cédants aux prescriptions légales, réglementaires ou administratives en vigueur concernant la sécurité et l'hygiène, et sous les réserves précitées et parfaitement transparentes pour le cessionnaire, constituait le reflet de la réalité au regard des éléments techniques dont ceux-ci disposaient à la date de la cession des parts ;
Que dans ces circonstances, le cessionnaire, qui a curieusement fait le choix de missionner un cabinet d'études techniques postérieurement à la cession, comme le relève l'expert, est mal fondée à solliciter la mise en oeuvre de la convention de garantie au titre d'un actif sous-évalué au motif que les locaux auraient dû être exempts de toute non-conformité ;
Attendu par ailleurs que la SA Unilivres Holding, qui invoque en second lieu un passif non comptabilisé tenant à une surévaluation des stocks par les cédants et la réintroduction de livres invendables dans le stock, n'apporte pas à la cour la démonstration du bien fondé de cette allégation ;
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA Unilivres Holding de sa demande de condamnation des époux [L] à lui payer la somme de 100 000 euros en exécution de la convention de garantie ;
* Sur les demandes accessoires,
Attendu que la SA Unilivres Holding, qui succombe, sera condamnée à verser aux consorts [L] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel, les dispositions du jugement entrepris relatives à l'indemnité de procédure et les dépens étant confirmées ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'arrêt mixte rendu par la présente cour le 9 octobre 2018,
Vu la renonciation des parties à la clause compromissoire figurant à la convention de garantie signée le 31 mars 2009,
Déclare recevable la demande tendant à voir statuer sur la mise en oeuvre de ladite convention.
Déboute monsieur [H] [L], madame [W] [A] épouse [L] et monsieur [N] [L] de leur demande tendant au rejet des conclusions adverses de dernière heure.
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vesoul le 17 janvier 2017 en ce qu'il a :
- débouté la SA Unilivres Holding de sa demande tendant à voir condamner monsieur [H] [L] et madame [W] [A] épouse [L] à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la convention de garantie du 31 mars 2009,
- condamné la SA Unilivres Holding à payer aux consorts [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.
Condamne la SA Unilivres Holding à payer à monsieur [H] [L], madame [W] [A] épouse [L] et monsieur [N] [L], ensemble, une indemnité de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA Unilivres Holding aux dépens d'appel et autorise la SCP Tournier Mayer Blondeau Giacomoni Dichamp Martinval et Maître Claude à recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier,le Président de chambre