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29/01/2019 | FRANCE | N°17/02468

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 29 janvier 2019, 17/02468


ARRET N° 19/57


JC/MF





COUR D'APPEL DE BESANCON





ARRET DU 29 JANVIER 2019





CHAMBRE SOCIALE








Contradictoire


Audience publique


du 11 décembre 2018


N° de rôle : N° RG 17/02468 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D4TB





S/appel d'une décision


du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONS-LE-SAUNIER


en date du 15 novembre 2017


Code affaire : 80A


Demande d'indemnités liées à la ru

pture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





APPELANTES





Madame G... V... , demeurant [...]





CGT DU JURA, dont le siège social est sis [...]





FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGI...

ARRET N° 19/57

JC/MF

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 29 JANVIER 2019

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 11 décembre 2018

N° de rôle : N° RG 17/02468 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D4TB

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONS-LE-SAUNIER

en date du 15 novembre 2017

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTES

Madame G... V... , demeurant [...]

CGT DU JURA, dont le siège social est sis [...]

FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT, dont le siège social est sis [...]

représentés par Me Marie-Lucile ANGEL, avocat au barreau de JURA

INTIMEE

SAS NAJA, dont le siège social est sis [...]

représentée par Me Aurélie DEGOURNAY, avocat au barreau de JURA

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 11 Décembre 2018 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Magali FERREC, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 29 Janvier 2019 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme G... V... a été embauchée le 13 octobre 1994 comme soudeuse par la S.A.S. NAJA qui exerce une activité d'assemblage de montures de lunettes en métal . Elle occupait en dernier lieu les fonctions d'ouvrière spécialisée, niveau I, deuxième échelon, coefficient 145 de la convention collective de la métallurgie du Jura.

Elle a été élue déléguée du personnel en 2004 puis désignée déléguée syndicale par la CGT en 2005.

Mme G... V... a été déclarée inapte le 7 novembre 2014 par le médecin du travail.

L'Inspection du travail, après avoir constaté l'absence de possibilité de reclassement, a autorisé le licenciement pour inaptitude de Mme G... V... qui a été notifié par la S.A.S. NAJA le 5 janvier 2015.

Par déclaration enregistrée au greffe le 7 avril 2016, Mme G... V... a saisi le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier afin d'obtenir l'annulation de son licenciement, arguant que son inaptitude a été causée par des faits de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

Elle a sollicité la condamnation de la S.A.S. NAJA à lui payer les sommes suivantes :

- 200'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 2 945,44 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 294,45 € au titre des congés payés afférents,

- 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage rendu le 4 octobre 2017, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement pour inaptitude n'est pas lié à des faits de discrimination syndicale ou de harcèlement moral et a débouté Mme G... V... de l'intégralité de ses prétentions.

Le jugement a déclaré régulière l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Jura et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT mais les a déboutées de leurs demandes.

Mme G... V... , l'Union départementale CGT du Jura et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT ont été condamnées in solidum à payer à la S.A.S. NAJA une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 14 décembre 2017, Mme G... V... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 14 mars 2018, elle maintient que son inaptitude a été causée par les faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale dont elle a été victime. Elle réitère devant la Cour ses prétentions indemnitaires et salariales de première instance.

Elle soutient avoir fait l'objet de multiples sanctions disciplinaires injustifiées, d'entraves à l'exercice de ses mandats représentatifs ainsi que de tentatives de licenciement, agissements réitérés ayant eu des conséquences sur sa santé.

Elle explique que les relations avec sa hiérarchie, qui étaient bonnes depuis son embauche en 1994, se sont dégradées à compter de sa désignation comme déléguée syndicale. Elle dit alors avoir subi cinq avertissements contestés et non justifiés, trois mises à pied disciplinaires contestées et non justifiées, de nombreux courriers de reproches, des refus d'absence pour motif syndical non justifiés. Elle prétend encore qu'un procès-verbal pour délit d'entrave a été dressé par l'Inspection du travail suite à son éviction injustifiée de son rôle de secrétaire du comité d'entreprise. Elle dit enfin avoir constaté une dégradation constante de ses conditions de travail, marquée par la défiance continue de son employeur et par des difficultés relationnelles quotidiennes.

Mme G... V... indique que le comportement de son employeur a généré des angoisses réactionnelles puis un état anxiodépressif à l'origine d'un arrêt de travail de plusieurs mois fin 2013, suivi de plusieurs autres de février à avril 2014 puis à compter de juillet 2014, jusqu'à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 7 novembre 2014.

*

Dans leurs conclusions déposées le 14 mars 2018, l'Union départementale des syndicats CGT et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT sollicitent une somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Pour sa part, dans ses écrits déposés le 14 juin 2018, la S.A.S. NAJA conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. NAJA conteste tout fait de harcèlement ou de discrimination syndicale, faisant valoir que les sanctions disciplinaires étaient justifiées de même que les tentatives de licencier la salariée.

Elle rappelle que l'inaptitude est survenue pour un motif non professionnel.

Elle explique qu'en réalité le comportement inadapté de Mme G... V... a excédé les autres salariés, ce qui a conduit l'intéressée à perdre les élections professionnelles de l'année 2014. Elle dit que Mme G... V... , se trouvant ainsi par son propre fait isolée au sein de l'entreprise, n'a plus souhaité venir y travailler et n'a plus caché son intention de s'installer dans la région de Clermont-Ferrand.

*

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

À titre liminaire, il y a lieu de constater que dispositions du jugement ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de l'Union départementale CGT du Jura et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT ne sont pas contestées à hauteur de Cour si bien qu'elles peuvent d'ores et déjà recevoir confirmation.

I - Sur la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de qualification, de classement ou de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.

De même, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

A - Sur la discrimination syndicale :

Selon l'article L. 1134-1, en cas de litige le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale et il incombe, au vu de ces éléments, à la partie défenderesse de prouver que la décision est justifiée par des éléments objectifs à toute discrimination.

En l'espèce, il est constant que Mme G... V... a été élue déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise le 4 mars 2004. Elle a été ensuite désignée déléguée syndicale le 8 mars 2005 par l'Union des syndicats des travailleurs de la métallurgie du Jura-CGT, puis nommé secrétaire du comité d'entreprise le 14 avril 2005. Elle a conservé ses mandats jusqu'aux élections de l'année 2014 aux termes desquelles elle n'a pas été réélue.

Il convient en premier lieu d'examiner les éléments allégués par la salariée relatifs à la discrimination syndicale dont elle fait état.

1° ) Sur les éléments allégués par la salariée :

a - sur les tentatives de licenciement :

Mme G... V... rappelle en premier lieu que la S.A.S. NAJA a saisi à deux reprises l'Inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement, la première pour motif disciplinaire et la seconde pour motif économique.

Il apparaît que par décision du 5 juillet 2013, l'Inspection du travail a rejeté l'autorisation, considérant qu'il existait un lien entre la demande de l'employeur et l'exercice des mandats de Mme G... V... . La décision relève notamment la dégradation du dialogue social au cours des deux dernières années, du fait d'éléments structurels et conjoncturels d'une part mais aussi d'un malaise social qui s'est cristallisé sur la personne de Mme G... V... d'autre part. L'Inspection du travail observe que les tensions se sont accentuées suite à l'exercice du droit d'alerte économique par le comité d'entreprise initié sur proposition de Mme G... V... , l'usage de cette prérogative ayant été largement commenté par la Direction. L'Inspection note encore que l'entreprise a notamment tenté de discréditer et d'isoler Mme G... V... en faisant voter sa destitution de sa fonction de secrétaire du comité d'entreprise.

Par décision du 12 septembre 2013, l'Inspection du travail a rejeté la seconde demande d'autorisation de licenciement après avoir relevé l'existence depuis plusieurs années de relations conflictuelles entre la Direction et Mme G... V... , laquelle est très active dans le cadre de ses fonctions syndicales. La décision reprend les motifs exposés lors du précédent rejet, ajoutant qu'un procès-verbal pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise a été transmis au parquet courant juin 2013.

b - sur la dégradation de ses relations avec l'entreprise postérieurement à sa désignation comme déléguée syndicale :

Mme G... V... ajoute que les premiers juges auraient dû examiner les autres éléments qu'elle alléguait et notamment l'historique de ses relations avec la Direction.

Elle fait observer que pendant les dix premières années de sa collaboration au sein de l'entreprise, elle n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire alors que postérieurement à sa désignation comme déléguée syndicale, elle a subi cinq avertissements contestés et non justifiés, trois mises à pied disciplinaires également contestées et injustifiées, ainsi que de nombreux courriers de reproches et des refus d'autorisations d'absence syndicale injustifiés.

Elle indique que le comportement de son employeur a changé dès le mois de mars 2004 lorsqu'elle a demandé en sa qualité de déléguée du personnel titulaire et membre titulaire du comité d'entreprise la mise en place du remboursement des trois journées de carence de la sécurité sociale conformément aux dispositions de la convention collective applicable.

Elle fait observer que lui a été notifié, pour la première fois après 12 ans d'ancienneté, un avertissement le 10 novembre 2006 pour manque de qualité dans son travail de contrôle de pièces, sanction intervenant deux mois après avoir été démise de ses fonctions de secrétaire du comité d'entreprise.

Mme G... V... indique avoir contesté cet avertissement par courrier du 28 novembre 2006 arguant d'un manque de vigilance du régleur contrôleur, d'une cadence de production excessive et de la nécessité d'un contrôle en amont.

Elle fait encore valoir que le 15 janvier 2007, la S.A.S. NAJA lui a notifié une mise à pied disciplinaire en raison d'un manque de productivité, sanction qu'elle a contestée par courrier.

Elle soutient avoir le 21 décembre 2009 demandé au directeur de l'entreprise l'autorisation de s'absenter pour suivre un stage intitulé 'Direction syndicale' en lien avec son mandat et avoir fait l'objet de pressions en présence de sa supérieure hiérarchique.

Mme G... V... indique, après sa réélection à la délégation unique du personnel au mois de mars 2010, avoir fait l'objet d'un constat de mauvais travail le 6 avril 2010 qui lui a été envoyé chez elle alors qu'elle était en arrêt maladie.

Elle relate que l'employeur a refusé qu'elle s'absente pour se rendre au conseil national de la Fédération CGT de la métallurgie les 2 et 3 mars 2011. Elle souligne que ce refus lui ayant été adressé par courrier électronique seulement deux heures avant son départ, elle n'a pas pu en prendre connaissance, qu'elle s'est ainsi rendue au congrès de son syndicat, ce qui a amené la S.A.S. NAJA à lui notifier un nouvel avertissement injustifié le 23 mars 2011.

La salariée fait encore valoir que le 22 mars 2011, elle a de nouveau demandé l'autorisation de se rendre à une réunion nationale tenue par le syndicat CGT le 31 mars 2011, ce que l'employeur lui a refusé en raison d'impératifs de production et de livraison.

Elle indique avoir fait l'objet d'une nouvelle mise à pied disciplinaire de trois jours le 19 avril 2011, la S.A.S. NAJA lui reprochant d'avoir photographié des informations contenues sur les tableaux d'affichage. Elle explique qu'il ne s'agissait pas d'utiliser à des fins personnelles des informations et des documents appartenant à l'entreprise, ce qu'elle reconnaît être effectivement interdit par l'article 8 du règlement intérieur, mais de mener à bien sa mission d'information dans le cadre de son mandat de déléguée syndicale. Elle considère que cette sanction, la seconde infligée en un mois, caractérise un acharnement envers sa personne.

Mme G... V... rapporte qu'un mois plus tard, en mai 2011, la S.A.S. NAJA a refusé la proposition de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT de mettre en place une convention visant à structurer ses activités et ses responsabilités syndicales, et ce, sans donner d'explication.

Elle fait encore valoir que selon notification du 4 mars 2013, elle a été mise à pied pendant cinq jours pour avoir transmis des informations confidentielles sur les secrets de fabrication de l'entreprise à la déléguée syndicale d'une société cliente, MCL. Or, elle soutient que ces accusations ne reposaient sur aucun élément de preuve, raison pour laquelle elle a également contesté cette sanction.

Mme G... V... indique avoir demandé l'autorisation de s'absenter le 2 mai 2014 afin d'assister à une réunion syndicale, ce qui lui a été refusé par la S.A.S. NAJA les 13 et 28 mai 2014, au motif que l'entreprise avait un besoin en ressources humaines au cours de la période d'absence sollicitée.

Elle explique également avoir fait l'objet d'une discrimination syndicale lors de son retour d'un arrêt de travail. Elle indique que contrairement à une autre salariée qui a pu se rendre à la visite médicale de reprise avec une voiture mise à la disposition par l'entreprise, elle a dû quant à elle se déplacer par ses propres moyens. Elle explique avoir alors adressé à son employeur une note de frais que celui-ci a refusé de prendre en charge, sans justification objective.

Mme G... V... souligne, après son retour d'arrêt maladie le 5 mai 2014, avoir fait l'objet d'un avertissement notifié le jour même, son employeur lui reprochant d'avoir repris son poste avec 15 minutes de retard.

Elle fait encore observer qu'un nouvel avertissement lui a été notifié le 14 mai 2014 pour manque de productivité.

Enfin, elle explique avoir fait l'objet de reproches injustifiés concernant la remise tardive d'un bon de délégation le 2 juin 2014, puis d'une menace de sanction disciplinaire pour ce motif le 10 juin 2014. Elle indique de même que la S.A.S. NAJA lui a reproché à tort par courrier du 16 juillet 2014 un dépassement du temps de délégation.

Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble qu'il existe des faits de nature à établir l'existence d'une discrimination syndicale.

Il appartient donc à l'employeur de de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs à toute discrimination.

2° ) Sur les éléments de justification apportés par l'employeur :

a - sur les tentatives de licenciement :

Il résulte des pièces produites par la S.A.S. NAJA que le 9 février 2013, Mme G... V... a sollicité l'autorisation de participer à un stage de formation syndicale du 17 au 22 mars 2013. La salariée a fait parvenir une attestation de formation du 18 au 22 mars 2013, signée par la secrétaire de la section fédérale de la métallurgie du centre de la formation syndicale CGT, Madame H... P.... Or, il résulte d'une publication officielle de la CGT qu'en réalité Mme G... V... représentait du 18 au 22 mars 2013 les syndiqués franc-comtois au 50ème congrès confédéral de la CGT.

Il apparaît donc qu'elle a obtenu de manière frauduleuse l'autorisation de son employeur de s'absenter pour une formation qui n'avait en réalité pas lieu, s'agissant d'un congrès fédéral.

Dès lors, même si l'autorisation de licenciement a été refusée par l'Inspection du travail, il ne peut être reproché à la S.A.S. NAJA de l'avoir sollicitée dans la mesure où l'employeur pouvait se prévaloir d'une faute à l'encontre de sa salariée.

En ce qui concerne la seconde tentative de licenciement, celle-ci était fondée sur un motif économique. Or, si elle a refusé le licenciement, l'Inspection du travail a néanmoins validé tant l'existence de motifs économiques que le respect de l'ordre des critères, étant en effet observé que lors de l'adoption du plan de sauvegarde de l'emploi de l'entreprise, près de la moitié des effectifs, soit 80 personnes, a été licenciée.

b - sur la dégradation des relations avec l'entreprise postérieurement à la désignation comme déléguée syndicale :

Concernant l'avertissement du 10 novembre 2006, la S.A.S. NAJA indique que les pièces soudées par la salariée présentaient des défauts très visibles sur la face avant, Mme G... V... ayant endommagé 277 pièces sur 400 au total, soit 200 sur 200 sur la première série et 77 sur 200 sur la seconde série. Il n'est pas contesté qu'il s'agissait de son travail habituel et qu'il n'a jamais été prétendu par l'intéressée qu'elle devait faire face à un manque de vigilance du régleur contrôleur, ou à une cadence de production excessive ou à un défaut d'un contrôle en amont.

En ce qui concerne la mise à pied disciplinaire du 15 janvier 2007, la S.A.S. NAJA a constaté après examen du relevé des productions individuelles des mois d'octobre et de novembre 2006 que Mme G... V... avait produit un relevé erroné afin de masquer un manque de productivité, et ce dans le seul but d'obtenir sa prime de productivité. Comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, la sanction est fondée sur des pièces matériellement et objectivement vérifiables, versées au débat.

L'avertissement du 23 mars 2011 fait suite à une absence non autorisée pour se rendre au conseil national de Fédération CGT de la métallurgie des 2 et 3 mars 2011. Il est exact que Mme G... V... a utilisé des bons de délégation en invoquant ses responsabilités au sein de la Fédération alors qu'il résulte d'une jurisprudence constante que les réunions qui ne sont pas organisées dans le cadre de l'entreprise n'entrent pas dans la mission du délégué syndical permettant à ce dernier d'utiliser des bons de délégation pour s'absenter. L'avertissement était donc justifié.

Mme G... V... a été mise à pied de manière disciplinaire le 22 avril 2011 pour avoir photographié des informations techniques confidentielles contenues sur le tableau de marche de l'îlot pliage. Elle fait valoir que ces photographies entraient dans sa mission d'information en tant que déléguée syndicale. Or, la S.A.S. NAJA justifie que ces panneaux d'information contenaient des données individuelles qu'il lui appartenaient d'autant plus de s'assurer qu'elles ne soient pas diffusées à l'extérieur de l'entreprise que la salariée avait devant témoins menacé de les montrer 'à qui de droit'.

Selon sanction du 4 mars 2013, la S.A.S. NAJA a mis à pied Mme G... V... pour avoir transmis des informations confidentielles sur les secrets de fabrication d'entreprise à la déléguée syndicale de la société MCL (MANUFACTURE CARTIER LUNETTES). Si la salariée a contesté par la suite par courrier les faits qui lui sont reprochés, force est de constater que dans un premier temps, devant le comité d'entreprise s'étant réuni le 1er février 2013, elle les avait reconnus, expliquant avoir répondu aux questions posées par cette déléguée syndicale lors d'une rencontre.

Il est exact que selon courrier produit aux débats, l'employeur a refusé de rembourser à la salariée sa note de frais pour se rendre à la visite médicale de reprise. Toutefois, il est rappelé dans ce courrier qu'il lui appartenait soit de solliciter préalablement l'autorisation d'utiliser son véhicule personnel, soit de prendre un véhicule de la société comme le font dans cette hypothèse les autres salariés. Or, dans son courrier de transmission de sa note de frais, la salariée reconnaît qu'elle aurait pu prendre un véhicule de la société mais prétend, sans en justifier, qu'elle n'aurait pas pu le rendre avant la fermeture et ainsi en restituer les clés.

Il apparaît qu'elle n'a donc subi aucune discrimination de ce chef, l'employeur ne lui ayant pas refusé l'emprunt d'un véhicule de la société en raison de l'horaire tardif de sa convocation à la médecine du travail.

La S.A.S. NAJA, par avertissement du 14 mai 2014, a reproché à la salariée un défaut de productivité ainsi qu'une absence injustifiée. Or, il apparaît que les motifs sont matériellement vérifiables, Mme G... V... ne les niant par ailleurs pas sérieusement dans la mesure où elle indique dans son courrier de contestation, pour expliquer son retard, qu'il lui fallait un peu de temps pour retrouver son rythme de travail après plusieurs mois d'absence.

Concernant les autorisations d'absence pour motif syndical, force est de constater que Mme G... V... , entre le 23 septembre 2005 et le 23 juin 2014, en a sollicité 64. Seuls quatre refus lui ont été opposés et motivés par des impératifs de production. Ces quatre refus, dès lors qu'ils sont motivés et exceptionnels, ne peuvent ainsi apparaître comme abusifs de la part de l'employeur.

Il est exact que Mme G... V... a perdu son poste de secrétaire du comité d'entreprise lors d'une réunion tenue le 1er février 2013 alors que l'ordre du jour ne le prévoyait pas et que par ailleurs la réglementation du travail ne permet le remplacement d'un membre qu'en cas d'absence ou d'empêchement. Il est constant que Mme G... V... n'était ni absente, ni empêchée, et qu'elle n'a pas démissionné de son poste de secrétaire.

Toutefois, comme l'a également noté le conseil de prud'hommes, il apparaît que la nomination d'un nouveau secrétaire a été effectuée par un vote à main levée à la majorité des membres présents, c'est-à-dire avec les voix de la Direction mais également celles des salariés. L'attestation de Mme D... C..., qui sera examinée plus en détail dans des développements ultérieurs, le confirme.

En l'état, il ne peut donc être affirmé que le remplacement du secrétaire a été provoqué par une man'uvre exclusive de l'entreprise.

Enfin il est exact que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT a adressé un courrier à la S.A.S. NAJA le 27 mai 2011 pour mettre en place une convention relative à l'exercice des responsabilités syndicales de Mme G... V... . L'employeur a répondu le 8 septembre 2011, ce qui a ouvert une phase de négociation.

Toutefois, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, aucun élément au dossier ne permet de déterminer les raisons pour lesquelles cette négociation n'a pas abouti.

De manière générale, la S.A.S. NAJA ne conteste pas que ses relations avec Mme G... V... se soient dégradées à partir du moment elle a exercé des mandats syndicaux.

Elle explique que cet état de fait était en réalité la conséquence du comportement de la salariée qui n'a jamais réellement défendu l'intérêt collectif, et qui avait pour objectif principal de servir ses intérêts personnels. Elle décrit Mme G... V... comme une syndicaliste autoritaire, n'acceptant aucune opinion divergente, et ayant mis en péril l'ambiance de travail à une période où l'entreprise connaissait de graves difficultés économiques.

La S.A.S. NAJA produit ainsi l'attestation de Madame L... T... qui écrit: 'J'ai vécu et subi le comportement de Mme G... V... pendant de nombreuses années. Mme G... V... a beaucoup changé après être entrée au comité d'entreprise puis après avoir été nommée déléguée syndicale. Elle a systématiquement, et elle s'en vantait d'ailleurs auprès des autres salariés, cherché à attaquer l'entreprise pour des motifs futiles, tous les prétextes étaient bons. Au titre de ces nuisances, je me souviens qu'elle faisait le tour de ses collègues pour leur demander de réduire le rythme de production pour faire baisser les cadences qui étaient pourtant largement atteignables, qu'elle nous interdisait en nous menaçant de représailles de commencer avant la sonnerie. Elle m'a régulièrement menacée parce que je travaillais plus vite qu'elle. Elle faisait de même avec les autres filles. Je n'ai jamais cédé. Elle m'en a voulu. Elle inventait des problèmes sur le montage, quittait son poste et se mettait en délégation ou était absente le lendemain. Depuis son départ, nous sommes libérés de son oppression. Elle a fait longtemps pression sur moi pour que j'adhère à la CGT et que je me fasse élire représentant du personnel CGT. N'acceptant pas son comportement et doutant du bien-fondé de ses actions pour les ouvriers, j'ai longtemps refusé puis j'ai fini par me laisser convaincre. J'ai ainsi pu constater de l'intérieur tout le mal que Mme G... V... cherchait à faire à l'entreprise. (...) Elle nous réunissait avant les comités d'entreprise et nous disait : 'c'est moi qui parle'. Quand j'avais quelque chose à dire en réunion, elle cherchait à me faire taire en me rabaissant parfois violemment. (...) Nous avons décidé de ne pas nous présenter sur la liste de Mme G... V... en 2014. Les salariés ayant compris que Mme G... V... se servait d'eux et de l'entreprise pour sa carrière syndicale personnelle, qu'elle trichait et qu'elle mentait, bref qu'elle était nuisible à l'entreprise, elle n'a pas été réélue. Elle a fait carrière dans la CGT sur notre dos et en cherchant à faire couler la société'.

L'entreprise produit encore l'attestation de M. J... I... qui indique : 'J'ai à de nombreuses reprises été amené à constater le comportement hors-la-loi de Mme G... V... . Elle a détourné la vérité, menti sans vergogne, triché, volé, truqué, enfreint la loi et le règlement intérieur de l'entreprise. À partir du moment où elle a été nommée déléguée syndicale, elle s'est considérée comme intouchable. Elle pouvait tout se permettre, y compris oublier ses devoirs contractuels envers la société, proférer des insultes à l'encontre de la Direction et de certains de ses collègues et d'exercer des pressions. Concernant la démocratie à l'intérieur du comité d'entreprise, en plus du sentiment de me faire régulièrement agresser, j'ai souvent observé le comportement dictatorial de Mme G... V... qui confisquait la parole aux autres élus du personnel, quitte à les faire taire en séance. Elle allait même jusqu'à importuner certains collaborateurs sur leur pas de porte après le travail. Dans ce cadre, je ne suis pas surpris que les salariés aient fini par retirer leur soutien'.

Madame D... C... précise pour sa part : 'Mme G... V... était très autoritaire et ne nous laissait décider de rien, ni participer à rien. En réunion du comité d'entreprise, il était impossible d'avoir une véritable discussion avec la Direction qu'elle cherchait à agresser. Pendant toutes ces années, elle s'est organisée pour nous faire croire que la S.A.S. NAJA abusait de nous. (...) Elle outrepassait trop souvent ses droits. Nous, les autres membres du comité d'entreprise, avons alors fini par ouvrir les yeux et lui avons retiré lors d'un vote le secrétariat du comité d'entreprise pour tenter de l'empêcher de continuer à nuire. À partir de ce moment-là, le harcèlement par Mme G... V... a empiré. Le 7 mars 2013, après une préparation de réunion du comité d'entreprise, elle nous a convoqués (...) mais c'était à nouveau pour nous intimider et nous lancer des jurons'.

La S.A.S. NAJA indique que Mme D... C... lui a alors adressé un courrier le 18 mars 2013 pour dénoncer le harcèlement dont elle était victime de la part de Mme G... V... . L'employeur précise qu'à la suite de ce courrier, il a saisi le CHSCT, amenant le secrétaire de cette instance à écrire le 25 mars 2013 : 'Du fait de la spontanéité des différents témoignages qui se recoupent, je recommande d'être attentif au comportement de Mme G... V... qui semble avoir dépassé les limites du raisonnable, et agir, sans retenue, pour la santé des salariés concernés'.

La S.A.S. NAJA justifie que lors des élections de l'année 2014, de nombreux salariés ont présenté une liste indépendante et ont élaboré une pétition, signée par 46 d'entre eux, soit plus de la moitié de l'effectif, pour demander que la CGT ne soit plus admise au sein de l'entreprise.

Sont produits aux débats les procès-verbaux des élections indiquant que Mme G... V... a obtenu neuf suffrages exprimés sur un total de 80 salariés.

Il résulte de l'ensemble de ces observations que non seulement la S.A.S. NAJA n'a commis aucun fait de discrimination syndicale à l'encontre de Mme G... V... mais que la dégradation de leurs relations a été causée par le seul comportement de la salariée.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.

B - Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1154-1 précise que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme G... V... fait valoir qu'elle a fait l'objet de multiples sanctions disciplinaires injustifiées, d'entraves à l'exercice de ses mandats représentatifs et de tentatives de licenciement injustifié. Elle affirme que ces agissements réitérés ont eu des conséquences sur sa santé et qu'ils caractérisent ainsi des faits de harcèlement discriminatoire.

Or, comme il a été démontré ci-dessus, Mme G... V... n'a pas été victime de discrimination syndicale, et la S.A.S. NAJA a justifié du bien-fondé des circonstances l'ayant amenée à engager deux procédure de licenciement ainsi qu'à notifier à la salariée de multiples avertissements.

Ainsi, aucun élément ne permet d'établir un lien de causalité entre l'inaptitude constatée par le médecin du travail pour des faits de 'danger immédiat', avec un quelconque comportement de la part de l'entreprise.

De plus, comme l'ont noté les premiers juges, aucun des arrêts de travail faisant état d'angoisse réactionnelle ou d'état anxiodépressif ne permet d'établir un lien direct et certain entre cette pathologie et la sphère professionnelle, étant encore précisé que les absences pour maladie de Mme G... V... ont coïncidé avec des difficultés personnelles. À ce sujet, l'attestation rédigée par M. E... N... mentionne que Mme G... V... est devenue psychologiquement fragile en raison de problèmes matrimoniaux ayant conduit à la séparation avec son mari.

Enfin, il est troublant qu'une déléguée syndicale particulièrement active et par ailleurs très informée comme l'était Mme G... V... , n'ait pas saisi le CHSCT des faits de harcèlement dont elle se dit victime dans le cadre de la présente procédure prud'homale. De même, il peut être constaté que la salariée n'a sur ce point jamais saisi l'Inspection du travail, ni déposé de plainte pénale.

Au regard de ces observations, c'est à juste titre que le jugement déféré a estimé que Mme G... V... n'apporte pas d'éléments laissant supposer qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme G... V... de sa demande d'annulation du licenciement, tant sur des faits de discrimination syndicale que sur des faits de harcèlement moral, ainsi que de ses prétentions indemnitaires.

II - Sur les demandes de l'Union départementale des syndicats CGT du Jura et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT :

Est sollicitée la somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts au motif que le comportement de la S.A.S. NAJA visait à faire disparaître la représentation CGT au sein de l'entreprise.

Or, il ressort des développements ci-dessus que la S.A.S. NAJA n'a commis aucune faute et que seul le comportement de Mme G... V... a conduit la majorité des salariés, lors des élections de 2014, à ne pas voter pour la candidate représentant la CGT.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demanderesses de leurs prétentions.

III - Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:

Le jugement ayant été intégralement confirmé, Mme G... V... ainsi que l'Union départementale des syndicats CGT et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT devront supporter les entiers dépens d'appel sans pouvoir prétendre elles-mêmes à l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à la S.A.S. NAJA une indemnité de

1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier le 15 novembre 2017 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme G... V... , ainsi que l'Union départementale des syndicats CGT et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE in solidum Mme G... V... , l'Union départementale des syndicats CGT et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à la S.A.S. NAJA une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT aa été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt neuf janvier deux mille dix neuf et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/02468
Date de la décision : 29/01/2019

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/02468 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-29;17.02468 ?
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