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29/01/2019 | FRANCE | N°17/02094

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 29 janvier 2019, 17/02094


ARRET N° 19/54

CKD/MF



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 29 JANVIER 2019



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 11 décembre 2018

N° de rôle : N° RG 17/02094 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D32X



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VESOUL

en date du 08 septembre 2017

Code affaire : 89B

A.T.X... : demande relative à la faute inexcusable de l'empoyeur





APPELANTS



Madame Corin

ne Y... E... D..., demeurant [...]



Madame Corinne Y... E... D... agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure MANON, demeurant [...]



Monsieur David D... agissant tant en son n...

ARRET N° 19/54

CKD/MF

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 29 JANVIER 2019

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 11 décembre 2018

N° de rôle : N° RG 17/02094 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D32X

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VESOUL

en date du 08 septembre 2017

Code affaire : 89B

A.T.X... : demande relative à la faute inexcusable de l'empoyeur

APPELANTS

Madame Corinne Y... E... D..., demeurant [...]

Madame Corinne Y... E... D... agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure MANON, demeurant [...]

Monsieur David D... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de Bernard, F... D..., demeurant [...]

Monsieur David D... agissant en qualité d'administateur légal de sa fille mineure Aliya D... née le [...] à [...], demeurant [...]

Madame Maëlle D... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière de Bernard, F... D..., demeurant [...]

Madame Antoinette, Thérese Z... E... D... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de Bernard, F... D..., demeurant [...]

représentés par Me Pierre-Yves A..., avocat au barreau de MONTBELIARD

INTIMEES

SAS GESTAMP, dont le siège social est sis [...]

représentée par Me Juliette B..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Guillaume C..., avocat au barreau de PARIS

CPAM DE HAUTE SAONE, dont le siège social est sis [...]

Dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 [rédaction du décret 2010 - 1165 du 1er octobre 2010] du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 11 Décembre 2018 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Magali FERREC, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 29 Janvier 2019 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Patrick D... âgé de 47 ans avait été recruté le 3 janvier 2008 par la SAS GESTAMP en qualité de technicien méthode chargé d'affaires. Le 24 avril 2008, alors qu'il assistait à une opération d'essai de réglage d'une nouvelle presse, une chandelle de protection a été éjectée contre sa personne et l'a très grièvement blessé. Monsieur D... est décédé des suites de ses blessures le [...].

Par jugement définitif du 22 mai 2013, le tribunal correctionnel de Vesoul, a condamné le directeur délégué à la sécurité de la SAS GESTAMP pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité.

Le 23 février 2015 les ayants droit de feu Monsieur Patrick D... ont saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Vesoul d'une demande en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de l'employeur la SAS GESTAMP. Ils sollicitent l'indemnisation du préjudice d'affection et du préjudice économique subi par la veuve, les enfants, petits-enfants, et la mère.

À titre principal la SAS GESTAMP opposait la prescription biennale de l'action.

Par jugement du 08 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul a :

- Déclaré irrecevable par acquisition de la prescription biennale la demande en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par l'ensemble des parties,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC,

- Condamné solidairement les consorts D... aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 2015, les ayants droit de feu Monsieur Patrick D... ont interjeté appel de la décision, et ont formé des demandes au titre du préjudice d'affectionet préjudice économiquesubi par l'épouse, les enfants, la petite fille, et la mère de Monsieur Patrick D....

La SAS GESTAMP RONCHAMP concluait à titre principal à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement constatant la prescription, et très subsidiairement à la réduction des montants alloués.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Saône s'en rapportait.

***

Par arrêt du 04 septembre 2018 la cour d'appel de céans astatué ainsi :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul le 08 septembre 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable par acquisition de la prescription biennale la demande en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par:

- Madame Corinne Y... veuve D...,

- Monsieur David D...,

- Madame Antoinette Z... épouse D...,

Y ajoutant

Déclare irrecevable car prescrite l'action introduite par l'ensemble des ayants droit deMonsieur Bernard F... D...,

Sursoit à statuer sur les demandes présentées par Maëlle D..., et pour le compte des mineures Manon D..., et Aliya D...;

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 11 décembre 2018;

Invite les parties à conclure sur l'interruption de la prescription pour cause de minorité en application de l'article 2235 Code civil;

Réserve à statuer sur les frais irrépétibles;

Par conclusions visées le 04 décembre 2018, Mademoiselle Maëlle D..., Madame Corinne Y... veuve D... es qualité d'administratrice légale de sa fille Manon D..., et Monsieur David D...es qualité d'administrateur légal de sa fille Aliya D... demandent à la cour, vu l'arrêt rendu le 4 septembre 2018, de réformer le jugement déféré et de:

- Dire et juger que leur action en reconnaissance de faute inexcusable n'est pas prescrite,

- Dire et juger que la société GESTAMP a commis une faute inexcusable à l'origine du décès de Monsieur Patrick D...,

- D'indemniser de la manière suivante les préjudices subis :

- Au profit de Mademoiselle Manon D...:

- préjudice d'affection: 35000 €

- préjudice économique: 45469,70 €

- Au profit de Mademoiselle Maëlle D...:

- préjudice d'affection: 35000 €

- préjudice économique: 42560,60 €

- Au profit de l'enfant Aliya:

- préjudice d'affection: 10000 €

- Dire qu'il y aura lieu de condamner la société GESTAMP et la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Saône au payement des dites sommes dans les conditions prévues par la loi,

- Condamner la société GESTAMP au paiement d'une somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées le 06 décembre 2018, la SAS GESTAMP RONCHAMP demande à la cour de:

- Constater la prescription des demandes de Mademoiselle Maëlle D...et les déclarer irrecevables,

- Débouter Madame Corinne Y... veuve D... de sa demande formée au titre du préjudice économique de Mademoiselle Manon D...,

- Allouer à Madame Corinne Y... veuve D... en sa qualité d'administratrice légale de sa fille Manon D... la somme de 15000 € en réparation du préjudice moral subi,

- Allouer à Monsieur David D... en sa qualité d'administrateur légal de sa fille Aliya D... la somme de 500 € en réparation du préjudice moral subi,

- Réduire aux plus justes proportions la demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et dire n'y avoir lieu à dépens.

Par conclusions visées le 29 octobre 2018 la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Saône déclare s'en rapporter sur l'application de la prescription, sur le mérite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, sur le taux de majoration de la rente, et sur la fixation des indemnités, sous réserve de ses observations. Elle demande également à la cour de dire et juger qu'elle récupérera toutes les sommes éventuellement avancées (capital représentatif de la majoration des rentes, préjudices moraux) auprès de l'employeur.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la prescription

Attendu que l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale dispose que les droits de la victime, ou de ses ayants droit, aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater notamment :

1° Du jour de l'accident, ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

Attendu en l'espèce que le point de départ de la prescription est le 28 avril 2008 dès lors que l'accident a eu lieu le 24 avril 2008, et que le versement des indemnités journalières a cessé le 27 avril 2008 jour du décès de l'assuré, de sorte que la prescription est, sauf interruption ou suspension, acquise le 28 avril 2010;

- Sur l'interruption de la prescription résultant de la minorité

Mais attendu que l'article 2235 Code civil dispose que la prescription extinctive ne court pas, ou est suspendue, notamment, contre les mineurs non émancipés sauf pour certaines actions;

Attendu que le 28 avril 2008 point de départ du délai de prescription trois des ayants droit étaient mineures, il s'agit de :

- Maëlle D... née le [...] devenue majeure le [...],

- Manon D... née le [...] qui sera majeure le [...],

- Aliya D... née le [...] qui sera majeure le [...];

Attendu que compte tenu de la date de leur majorité, l'action intentée par leurs représentants légaux pour le compte de Manon et Aliya D... le 23 février 2015 n'est visiblement pas prescrite, de sorte que l'exception doit être rejetée, et le jugement ayant déclaré l'action prescrite doit être infirmés'agissant de ces deux ayants-droit;

Attendu en revanche que la suspension dont bénéficiait Maëlle D... s'est achevée dès le 6 décembre 2008, date de sa majorité, et que l'action n'a été introduite que le 23 février 2015, de sorte que la suspension de la prescription pour cause de minorité est insuffisante à rendre son action recevable;

Qu'il convient d'examiner si une autre cause permet d'interrompre la prescription ;

- Sur l'interruption de la prescription résultant de l'action pénale

Attendu que le tribunal après avoir rappelé que l'action se prescrit par deux ans à compter de l'accident, a jugé que la prescription est un principe général impératif du droit, qu'elle est d'interprétation stricte, et que l'ouverture d'une action pénale n'est pas une cause d'interruption, de sorte que la demande est irrecevable pour acquisition de la prescription biennale;

Attendu que la prescription est selon l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale interrompue par l'exercice de l'action pénaleengagée pour les mêmes faits ;

Attendu que le dernier alinéa de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale prévoit que toutefois en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ;

Attendu que l'action pénale est engagée par une citation devant une juridiction, ou par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction, qu'en revanche il est de jurisprudence constante que l'interruption de la prescription ne peut provenir ni d'un dépôt de plainte entre les mains du procureur de la République, ou des services de police, ni des instructions adressées par le procureur de la République aux services de police lors de l'enquête préliminaire, ni des procès-verbaux dressés par l'inspection du travail ;

Or attendu qu'il résulte de l'examen des pièces produites par les appelants que l'intégralité de l'enquête s'est faite dans le cadre d'une enquête préliminaire sous le contrôle du procureur de la République jusqu'au procès-verbal de synthèse du 23 novembre 2012, mais qu'aucun juge d'instruction n'a été saisi par les victimes, qui ne se sont pas constituées partie civile avant l'audience du tribunal correctionnel de mai 2013;

Que par conséquent aucun élément n'a interrompu la prescription qui reste acquise au 28 avril 2010, puisqu'en effet les convocations du 14 janvier 2013, où le jugement du 2 mai 2013 sont postérieurs à l'acquisition de la prescription, et ne peuvent donc pas l'interrompre;

Attendu que l'arrêt de Cour de cassation du 09 février 2017 produit par les appelants n'est pas de nature à étayer leur thèse dès lors que les circonstances de cette cause sont différentes de la présente;

Qu'en effet la cour suprême a jugé que la notification du jugement de condamnation pénale a interrompu la prescription, que pour autant dans le litige soumis à la Cour de cassation, l'accident du travail était survenu le 11 juillet 2006, et le jugement contradictoire était prononcé le 16 avril 2008, de sorte que ce dernier événement intervenu à l'intérieur du délai de deux ans pouvait valablement interrompre la prescription et rendre recevable une demande formée le 8 décembre 2009; alors que dans la présente espèce le jugement pénal est intervenu trois ans après l'acquisition de la prescription qu'il ne pouvait par conséquent plus interrompre;

Attendu que l'article 2234 du Code civil dispose que la prescription ne court pas, ou est suspendu contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention, ou de la force majeure;

Que l'appelante ne justifie cependant pas se trouver dans l'un de ces cas, et qu'elle ne peut soutenir s'être trouvée dans l'impossibilité d'agir avant la fin de l'enquête préliminaire, alors que l'action pénale, et l'action en reconnaissance de la faute inexcusable sont indépendantes, et qu'elle pouvait introduire cette dernière, et si nécessaire solliciter la communication de pièces, voire le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale;

Attendu enfin que par un arrêt de principe du 12 mars 2015 la Cour de cassation a jugé que le régime de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable n'est pas incompatible avec les articles 6-1 et suivants de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'introduction de l'action pénale postérieure à l'acquisition de la prescription n'est pas de nature à l'interrompre;

Que par conséquent le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il déclare irrecevable pour acquisition de la prescription biennale la demande formée par Mademoiselle Maëlle D... ;

2) Sur la faute inexcusable

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail;

Attendu que le manquement à cette obligation de sécurité à le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;

Attendu qu'en l'espèce, selon jugement définitif du 22 mai 2013, le tribunal correctionnel de Vesoul a condamné le directeur délégué à la sécurité de la SAS GESTAMP pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité;

Attendu qu'il convient de rappeler que l'autorité de la chose jugée s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement jugé par le juge pénal sur ce qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale;

Attendu que le tribunal correctionnel a retenu que le préposé de la SAS GESTAMP a fourni au salarié un équipement de travail sans respect des règles d'utilisation, a fait exécuter des travaux à une entreprise extérieure sans inspection commune préalable, et a employé un travailleur exposé à un facteur de risques professionnels sans établir de fiche de prévention des expositions conforme;

Attendu que ni devant le tribunal des affaires de sociale, ni devant la cour d'appel l'employeur ne conteste l'existence d'une faute inexcusable;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que la connaissance du risque est établie, ainsi que l'absence de mesures prises pour en préserver le salarié, de sorte que la faute inexcusable doit être retenue à l'encontre de la SAS GESTAMP;

3) Sur l'indemnisation des préjudices

- Sur le préjudice d'affection

Attendu qu'il est réclamé pour le compte de Manon née le [...] une somme de 35.000 €, la société intimée offrant un montant de 15000 €;

Attendu que l'enfant âgé de 6 ans et 10 mois lors du décès de son père entretenait d'étroites relations avec ce dernier, qu'il existait une communauté de vie avec la victime, et que Manon a été, dès son enfance, brutalement privée de la présence de son père qui participait à la construction sa personnalité, ce qui a entrainé un traumatismecertain ;

Que ces éléments justifient qu'une somme de 30000 € lui soit allouée au titre du préjudice d'affection;

Attendu qu'il est réclamé pour le compte d'Aliya née le [...] une somme de 10.000€, la société intimée offrant un montant de 500 €;

Attendu que Monsieur D... est décédé un mois et demi après la naissance de sa petite-fille qui dès lors n'a malheureusement pas connu son grand-père;

Que cependant la somme réclamée est excessive, et correspond à la réparation moyenne du préjudice subi par des petits-enfants ayant des relations fréquentes avec le grand parent, mais qu'en revanche l'offre d'indemnisation est manifestement sous-évaluée ;

Que compte tenu de ces éléments une somme de 2.500 € sera allouée au titre du préjudice d'affection;

- Sur le préjudice économique

Attendu qu'il est réclamé pour le compte de Manon une somme de 45469,70 €;

Que l'appelante explique que Manon perçoit une rente annuelle de la sécurité sociale de 9.093,94 € jusqu'à sa 20e année, mais qu'elle restera économiquement à la charge de sa mère pendant la durée prévisible de ses études soit au moins jusqu'à 25 ans, de sorte qu'elle réclame une somme correspondant à cinq années de rente annuelle de la sécurité sociale;

Qu'elle fait valoir que prenant acte de la position du conseil constitutionnel, la Cour de cassation a jugé que la victime peut désormais demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale;

Attendu que la société intimée conclut au débouté de la demande au motif que le préjudice économique est déjà réparé par l'allocation de la rente, et que seuls les dommages qui ne font l'objet d'aucune couverture par le code de la sécurité sociale peuvent justifier une indemnisation complémentaire ;

Qu'elle poursuit que la Cour de cassation a précisé que si le préjudice est indemnisé par une rente prévue à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, ce dommage est d'ores et déjà indemnisé par le livre IV du code de la sécurité sociale;

Qu'elle invoque un arrêt du 12 avril 2012 dans lequel la Cour de cassation a jugé que la rente versée selon l'article L 434-10 du code de la sécurité sociale à l'enfant de la victime d'un accident mortel du travail indemnise le poste de préjudice patrimonial de la perte de revenus;

***

Attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale(Cour Cass. 2ème ch civ 4 avril 2012 N°11-15.393);

Attendu que suite à une faute inexcusable de l'employeur la rente servie par la sécurité sociale en application de l'article L 434-10 du code de la sécurité sociale jusqu'aux 20 ans de l'enfant constitue l'indemnisation d'un dommage prévu par le livre IV du code de sécurité sociale;

Qu'en réclamant l'indemnisation d'un préjudice au-delà de l'âge de 20 ans l'appelante forme une demande qui n'est pas indemnisée par le livre IV du code de sécurité sociale et qui demeure recevable au regard de la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2010 qui permet de demander réparation de l'ensemble des dommages non couverts par ce livre;

Attendu que Manon est âgée de 17 ans et réclame l'indemnisation d'un préjudice qu'elle subirait de 20 à 25 ans;

Attendu qu'il s'agit d'un préjudice futur et hypothétiquenon indemnisable en tant que tel ;

Que par ailleurs si la perte d'une chance peut être indemnisée, force est de constater qu'aucune pièce n'est produite à l'appui de la demande qui repose uniquement sur le calcul figurant dans les conclusions, qu'aucune précision n'est apportée sur la scolarité de la jeune fille, et sur ses projets d'orientation, de sorte que la perte d'une chance n'est pas établie par l'appelante;

Attendu dans de telles conditions la demande ne peut-être que rejetée;

4) Sur les demandes annexes

Attendu que la majoration de la rente pour l'enfant Manon doit être fixée à son maximum;

Attendu qu'en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité, sociale, la réparation des préjudices sera versée directement aux ayant droits par la Caisse, qui en récupérera le montant auprès de l'employeur;

Attendu qu'il est rappelé que la présente procédure est gratuite et sans frais;

Attendu que l'équité commande d'allouer une somme globale de 3.000 euros à Manon et Aliya D..., et de rejeter toutes les autres demandes à ce titre;

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de céans le 04 septembre 2018;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul le 08 septembre 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite la demande en reconnaissance de la faute inexcusable introduite parMaëlle D...;

INFIRME le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vesoul le 08 septembre 2017 en ce qu'il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes en reconnaissance de la faute inexcusable introduites parManon D...et Aliya D...représentées par leurs administrateurs légaux, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne solidairement les consorts D...aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

REJETTE l'exception de prescription de l'action introduite par Manon D...et Aliya D...représentées par leurs administrateurs légaux;

DIT et JUGE que la SAS GESTAMP a commis une faute inexcusable à l'origine du décès de Monsieur Patrick D...;

FIXE à la somme de 30000 € l'indemnisationdu préjudice moral subi par Manon D...représentée par sa mère Corinne D...en qualité d'administratrice légale;

FIXE à la somme de 2.500 € l'indemnisationdu préjudice moral subi par Aliya D...représentée par son père David D...en qualité d'administrateur légal;

DEBOUTE Manon D...représentée par sa mère Corinne D...en qualité d'administratrice légalede sa demande de réparation d'un préjudice économique;

ORDONNE la majoration de la rente attribuée à Manon D...à son taux maximal ;

DIT et JUGE que la caisse primaire d'assurance maladie récupérera toutes les sommes éventuellement avancées auprès de la SAS GESTAMP;

RAPPELLE que la présente procédure est gratuite et sans frais;

CONDAMNE la SAS GESTAMP à payer à Manon D...et Aliya D...représentées par leurs administrateurs légaux une somme globale de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt neuf janvier deux mille dix neuf et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffière.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/02094
Date de la décision : 29/01/2019

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/02094 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-29;17.02094 ?
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