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21/12/2018 | FRANCE | N°18/00007

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 21 décembre 2018, 18/00007


ARRET N° 18/776

JC/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 21 DECEMBRE 2018



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 13 novembre 2018

N° de rôle : N° RG 18/00007 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D4ZH



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de D...

en date du 01 décembre 2017

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





APPELANT



Monsieur Marc X..., demeurant [...]



représenté par Me Françoise Y..., avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



F... B... E... D... - YPO CAMP, [...]



représentée par...

ARRET N° 18/776

JC/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 21 DECEMBRE 2018

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 13 novembre 2018

N° de rôle : N° RG 18/00007 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D4ZH

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de D...

en date du 01 décembre 2017

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur Marc X..., demeurant [...]

représenté par Me Françoise Y..., avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

F... B... E... D... - YPO CAMP, [...]

représentée par Me Xavier Z..., avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 13 Novembre 2018 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

M. Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Karine MAUCHAIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société B... E..., aux droits de laquelle vient désormais la S.A.S. B... E... D..., est une entreprise spécialisée dans la vente et l'achat de camping-cars et de caravanes.

Elle a engagé M. Marc X... selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2004 comme vendeur coefficient 140 de la convention collective du commerce des articles de sport et d'équipements de loisirs.

Selon avenant du 1er septembre 2010, il a été octroyé à M. Marc X... le statut de cadre.

M. Marc X... a sollicité le 11 janvier 2014 une rupture conventionnelle de son contrat de travail qui a été refusée par la S.A.S. B... E... D... le 21 janvier 2014.

M. Marc X... a été placé en arrêt de travail du 13 janvier au 3 mars 2014.

Suite à la seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu le 21 mars 2014 un avis d'inaptitude au poste de vendeur de véhicules de loisirs.

La S.A.S. B... E... D... a adressé le 28 mars 2014 à M. Marc X... trois propositions de reclassement.

En l'absence de réponse du salarié, la S.A.S. B... E... D... l'a convoqué par courrier du 9 avril 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 avril 2014 auquel l'intéressé ne s'est pas rendu.

Par courrier recommandé du 29 avril 2014, la S.A.S. B... E... D... a licencié M. Marc X... pour inaptitude à ses fonctions et impossibilité de le reclasser.

Prétendant que l'inaptitude est due au harcèlement moral de la S.A.S. B... E... D..., M. Marc X... a saisi le conseil de prud'hommes de D... par déclaration enregistrée au greffe le 31 mars 2017.

En l'état de ses dernières écritures, il a sollicité la condamnation de la S.A.S. B... E... D... à lui verser les sommes suivantes :

- 57'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 28'500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 14'420,85 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 1 442,08 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5 720,55 € brut à titre de rappel sur heures supplémentaires pour l'année 2011,

- 6 431,91 € au titre des heures supplémentaires accomplies en 2012,

- 6 717,48 € brut au titre des heures supplémentaires de l'année 2013,

- 1 886,99 € brut au titre des congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 4 641,50 € brut à titre de rappel de salaire sur commissions de vente de véhicules neufs et d'occasion du mois d'octobre 2013,

- 1 870 € brut à titre de rappel de salaire sur commissions de contrat de financement pour les mois de juin, juillet et août 2013,

- 728 € brut au même titre, pour le mois d'octobre 2013,

- 641 € brut au même titre pour le mois de novembre 2013

- 788 € au titre des congés payés afférent aux rappels de salaire sur commission,

- 3 636,36 € brut à titre de rappel de salaire pour indemnité de travail le dimanche de l'année 2011,

- 4 680,40 € brut pour les dimanches de l'année 2012,

- 4 145,98 € brut au titre des dimanches de l'année 2013,

- 1 246,27 € brut au titre des congés payés ce rappel de salaire sur indemnité de travail le dimanche,

- 7 128 € brut au titre de la non prise en compte des repos compensateurs des années 2011 à 2013,

- 549 € brut au titre de l'indemnité de travail du 11 novembre 2013,

- 54,90 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1 004,37 € brut à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2014,

- 1 000 € brut au titre de rappel de salaire pour mars 2014,

- 200,43 € brut au titre des congés payés afférents,

- 2 250 € brut à titre d'indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Besançon Micropolis,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 1er décembre 2017, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement fondé sur une inaptitude médicale ne résultant pas d'un harcèlement moral de la S.A.S. B... E... D....

Les demandes de M. Marc X... ont été déclarées irrecevables comme étant prescrites dans leur intégralité.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 2018, M. Marc X... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 25 juin 2018, il maintient ses prétentions de première instance.

Il rappelle à titre liminaire que la demande d'annulation du licenciement pour inaptitude en raison d'un harcèlement moral n'est pas prescrite et que la demande salariale ne l'est pas davantage dans la mesure où lorsqu'il a été mis un terme à l'exécution du contrat de travail, le salarié peut solliciter le règlement des sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Sur le fond, il maintient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral caractérisé par la réticence de l'entreprise à lui communiquer ses tableaux de commission, l'absence de rémunération des dimanches travaillés ainsi que des heures supplémentaires, des faits de dénigrement et d'humiliation dont attestent selon lui d'anciens collègues. Il fait observer que ces éléments ont entraîné une dépression réactionnelle constatée médicalement.

Concernant les heures supplémentaires, il soutient que celles-ci ont été effectuées pour partie lors de l'occasion d'événements tels que des portes ouvertes ou des salons.

Il affirme également que l'intégralité de ses commissions ne lui a pas été versée.

*

Pour sa part, dans ses écrits en réponse déposés le 29 mai 2018, la S.A.S. B... E... D... conteste tout fait de harcèlement moral, faisant valoir qu'elle n'avait aucun intérêt à se séparer de M. Marc X... qui était son meilleur commercial.

Elle explique que celui-ci a en réalité cherché à obtenir, sous de faux prétextes, une rupture conventionnelle dans le but de rejoindre un ancien salarié de l'entreprise qui venait de démissionner de son poste de commercial pour créer à D... une société concurrente, la société CAMPING-CAR 70.

Elle affirme avoir payé l'intégralité des éléments de salaire et de commissions dus à M. Marc X....

En l'absence de harcèlement moral, la S.A.S. B... E... D... considère que toute demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est prescrite, de même que les demandes ayant une nature salariale.

La S.A.S. B... E... D... conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur les rappels de salaires et de commissions :

A - Sur la prescription :

L'employeur fait valoir que, suite à une saisine du conseil des prud'hommes le 31 mars 2017, les demandes sont prescrites en application de l'article L. 3245-1 du code du travail pour les créances antérieures au 31 mars 2014, qui fixe le délai de prescription à trois ans.

Toutefois, ces dispositions sont issues de l'article 21 de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 qui précise expressément en son article 5 que les nouvelles dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, l'ancienne prescription quinquennale a commencé à courir et la prescription triennale s'est appliquée à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale ne puisse excéder cinq ans.

Il en résulte que seules sont prescrites les créances antérieures au 31 mars 2012, puisque pour celles-ci, le délai de prescription triennal était expiré le 16 juin 2016, et le délai de prescription quinquennale était également expiré au 31 mars 2017.

Le salarié s'appuie certes sur les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail précisant que l'action en paiement ou en répétition du salaire peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce qui, la rupture étant en date du 29 avril 2014, permettrait de solliciter le paiement de la créance à compter du 29 avril 2011.

Ces dispositions ne sauraient toutefois conduire à permettre le paiement des créances comprises entre le 29 avril 2011 et le 31 mars 2012, prescrites à la date de l'introduction de la demande.

B - Sur le rappel de commissions :

M. Marc X... produit un courrier électronique du 11 mai 2012 faisant part à son employeur d'une erreur constatée dans le calcul de ses commissions.

Cette réclamation concerne trois ventes. Pour la première, la S.A.S. B... E... D... explique qu'elle n'était pas au courant de celle-ci et qu'elle a versé la commission correspondante le mois d'après, ce que ne conteste pas le salarié. Pour la deuxième, le salarié contestait le pourcentage de la commission et la S.A.S. B... E... D... lui a expliqué qu'il convenait de prendre en compte pour le calcul de celui-ci les cadeaux consentis au client concerné. Le salarié n'a plus fait aucune observation. Enfin, pour la troisième vente, dans la mesure où le client n'avait versé aucun acompte, la S.A.S. B... E... D... explique n'avoir versé la commission qu'au moment de la livraison et du paiement du prix de vente, ce qui n'est pas sérieusement contesté par le salarié.

Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Marc X... de ses demandes au titre de rappels de commissions sur ventes.

C - Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs :

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. Marc X... produit des décomptes détaillés pour les heures supplémentaires qu'il dit avoir effectuées en 2011, 2012 et 2013 et qui correspondent à sa présence sur des salons ou sur des journées 'portes ouvertes' ayant eu lieu au Bourget et à Besançon. Sont annexées à ces décomptes les publicités parues dans la presse à l'occasion de ces événements.

Force est de constater que la S.A.S. B... E... D... ne conteste pas la présence de M. Marc X... lors de salons, y compris les dimanches, dans la mesure où elle produit des attestations émanant de ses salariés indiquant que l'intéressé bénéficiait d'une pause pour déjeuner.

La Cour observe encore que la S.A.S. B... E... D... ne produit en revanche aucun autre élément de nature à contredire les décomptes effectués par le salarié.

À défaut d'éléments produits par l'employeur, il y a lieu de retenir, dans les limites de la prescription, les calculs détaillés des heures supplémentaires établis par le salarié au titre des portes ouvertes et des expositions ou salons entre avril 2012 et novembre 2013.

De même, il ne saurait être déduit des attestations des salariés produites par l'employeur indiquant que M. Marc X... avait une pause méridienne pour se restaurer pendant les salons que ce dernier a bénéficié des repos compensateurs auxquels il avait droit.

Par ailleurs, la S.A.S. B... E... D... se contente d'indiquer qu'ils sont prescrits, ce qui est en grande partie inexact, mais sans contester sérieusement les calculs effectués par le salarié.

Il convient donc de faire droit, dans les limites de la prescription, à la demande relative aux repos compensateur selon les modalités définies au dispositif de la présente décision.

II - Sur le harcèlement moral :

A - sur la prescription :

Il résulte des articles L. 1152-1 du code du travail et 2224 du code civil que le délai de prescription d'une action fondée sur l'annulation d'un licenciement pour inaptitude consécutive à des faits de harcèlement moral est de cinq ans à compter du licenciement.

En l'espèce, M. Marc X... a été licencié pour inaptitude le 29 avril 2014. Dans la mesure où il a saisi le conseil de prud'hommes par déclaration enregistrée au greffe le 31 mars 2017, soit dans le délai de cinq ans, son action est donc recevable.

B - sur le fond :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

L'article L. 1154-1 précise que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. Marc X... prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral, se matérialisant par la réticence de l'entreprise à lui communiquer ses tableaux de commission, l'absence de rémunération des dimanches travaillés ainsi que des heures supplémentaires, et des faits de dénigrement et d'humiliation.

Il convient en premier lieu d'examiner les éléments rapportés par le salarié :

1° ) Sur la réticence de l'entreprise à communiquer à M. Marc X... ses tableaux de commissions et les erreurs de calcul concernant certaines d'entre elles :

M. Marc X... produit en pièces n° 28, 29 et 30 plusieurs courriers électroniques adressés à son employeur lui demandant de lui communiquer le tableau des commissions des mois d'octobre 2012, novembre 2012, décembre 2012, mars 2013, avril 2013 et mai 2013.

Il a été constaté en revanche ci-dessus que l'intégralité des commissions dues à M. Marc X... lui a été payée.

2° ) Sur les dimanches travaillés et les heures supplémentaires non rémunérées:

Le salarié rappelle que de nombreuses heures supplémentaires sont restées impayées.

3° ) Sur le dénigrement et les humiliations :

M. Marc X... explique que la relation avec l'employeur s'est dégradée considérablement à partir de 2012. Il soutient qu'il a alors fait l'objet de remarques désobligeantes en public et que lui ont été confiées des tâches incompatibles avec son contrat de travail.

Il produit une attestation rédigée par un ancien collègue de travail, M. Dimitri A... qui écrit : 'Pendant les rapports commerciaux, M. Christophe B... dénigrait la façon de travailler de M. Marc X.... Lors de certaines foires ou portes ouvertes, il lui donnait des tâches telles que laver les 80 camping-cars ainsi que les WC et la salle de bains, ce qui est indigne pour un cadre de la société. M. Christophe B... m'a dit à plusieurs reprises qu'il souhaitait du sang neuf à la société. À la fin, M. Marc X... était fatigué et usé mentalement de leur comportement. Je l'ai même à plusieurs reprises vu se cacher pour pleurer'.

Il verse également une attestation rédigée par son frère. Toutefois, ce dernier ne fait que rapporter les doléances du salarié sans rien avoir pu constater personnellement, ne faisant pas partie des effectifs de l'entreprise.

De même, la Cour ne peut tirer aucune conclusion de l'attestation rédigée par M. Jacky C... qui est le beau-père de l'intéressé et qui n'a rien pu constater de manière directe puisqu'il ne travaillait pas non plus dans l'entreprise.

Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, à savoir les demandes réitérées de communication des tableaux de commissions, les erreurs de calcul de certaines d'entre elles, l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, notamment les dimanches, et le témoignage de l'ancien collègue de travail du salarié, qu'il existe des faits de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve de ce que ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral.

1° ) Sur la réticence de l'entreprise à communiquer à M. Marc X... ses tableaux de commissions :

La S.A.S. B... E... D... explique que l'établissement des tableaux de commissions exige de connaître toutes les ventes du mois précédent. Elle indique que les tableaux ne peuvent dès lors être finalisés qu'au moment de l'établissement des fiches de paye, le 5 de chaque mois. Elle en conclut que les réclamations adressées par le salarié le 4 décembre 2012 et le 30 mars 2013 sont prématurées.

Force est toutefois de constater que la S.A.S. B... E... D... reconnaît en revanche le retard concernant l'établissement des tableaux de commissions qui faisaient l'objet des autres réclamations de M. Marc X.... Elle se contente d'affirmer que ce retard concernait tous les salariés, ce dont elle ne justifie pas. En effet, la Cour observe que sur ce point la S.A.S. B... E... D... ne produit aucun témoignage de salariés attestant de ses difficultés à établir dans les temps les tableaux de commissions.

2° ) Sur les dimanches travaillés et les heures supplémentaires non rémunérées:

Il a été jugé ci-dessus que l'employeur reste redevable d'heures supplémentaires effectuées pendant les foires et journées portes ouvertes.

3° ) Sur le dénigrement et les humiliations :

La S.A.S. B... E... D... conteste avoir demandé à M. Marc X... de nettoyer les WC et les salles de bains des véhicules lors des expositions. Elle ne produit toutefois aucune attestation de nature à contredire celle produite par le salarié et rédigée par M. Dimitri A....

De même, la S.A.S. B... E... D... ne verse aux débats aucun élément de nature à contredire l'attestation de ce dernier concernant les propos dénigrants qui étaient adressés en public à M. Marc X... lors des rapports commerciaux.

En revanche, il est exact, comme le soutient la S.A.S. B... E... D..., que le contrat de travail de M. Marc X... stipule, en son article 4, qu'il est chargé de l'entretien du gros matériel lors des expositions extérieures. Il en résulte que le salarié ne peut reprocher à l'employeur de lui avoir demandé, lors des salons et expositions, de laver les camping-cars.

Synthèse :

Il résulte des observations ci-dessus que sont constitués les manquements allégués concernant l'absence de communication régulière des tableaux de commissions, l'existence de propos dénigrants à l'encontre du salarié, l'absence injustifiée de paiement des heures supplémentaires effectuées lors des salons et expositions, notamment les dimanches. De même, peut être retenu comme ayant un caractère humiliant l'obligation faite à M. Marc X... de nettoyer les WC et les salles de bains des camping-cars, taches qui ne relevaient pas de son contrat travail.

Ces éléments ont conduit à une altération de la santé du salarié, ainsi qu'à la décision d'inaptitude comme en témoignent les divers et nombreux éléments médicaux produits par l'intéressé, et ils doivent donc être qualifiés de harcèlement moral.

III - Sur les conséquences financières du harcèlement moral :

Au regard du préjudice moral subi par M. Marc X..., la Cour fixera à la somme de 4 000 € les dommages et intérêts qui lui seront octroyés en réparation.

Le licenciement trouvant son origine dans un harcèlement moral, il est en conséquence nul et le jugement sera infirmé en ce sens.

Au titre du préjudice lié à la perte de son emploi, compte-tenu d'une ancienneté de dix ans et d'un salaire, commissions comprises, de l'ordre de 3 200 € brut par mois, il sera alloué à M. Marc X... la somme de 20 000 €, étant précisé que l'intéressé a retrouvé du travail dès son licenciement au sein d'une société concurrente créée par un ancien salarié.

Par ailleurs, il sera fait droit à la demande d'indemnité de préavis à hauteur de 14 420,85 € brut, outre 1 442,08 € brut au titre des congés payés, seul le principe mais non le calcul étant contesté par l'employeur.

IV - Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:

La S.A.S. B... E... D... ayant succombé devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à M. Marc X... une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de D... le 1er décembre 2017 en ce qu'il a débouté M. Marc X... de sa demande relative aux rappels de commissions ;

INFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE nul le licenciement de M. Marc X... ;

CONDAMNE la S.A.S. B... E... D... à verser à M. Marc X... les sommes suivantes :

- 20'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 14'420,85 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 1 442,08 € brut au titre des congés payés afférents,- 5 446,59 € au titre des heures supplémentaires accomplies en 2012,

- 6 717,48 € brut au titre des heures supplémentaires de l'année 2013,

- 1 216,40 € brut au titre des congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 3 137,98 € brut pour les dimanches de l'année 2012,

- 4 145,98 € brut au titre des dimanches de l'année 2013,

- 728,39 € brut au titre des congés payés pour rappel de salaire sur indemnité de travail le dimanche,

- 4 501,80 € brut au titre de la non prise en compte des repos compensateurs depuis avril 2012 jusqu'à 2013,

- 549 € brut au titre de l'indemnité de travail du 11 novembre 2013,

- 54,90 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1 004,37 € brut à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2014,

- 1 000 € brut au titre de rappel de salaire pour mars 2014,

- 200,43 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1 440 € brut à titre d'indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire pendant les salons du Bourget et de Micropolis entre avril 2012 et jusqu'en 2013 ;

DÉBOUTE la S.A.S. B... E... D... de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la S.A.S. B... E... D... aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. Marc X... une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un décembre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme Magali FERREC, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00007
Date de la décision : 21/12/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°18/00007 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-21;18.00007 ?
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