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21/12/2018 | FRANCE | N°17/02503

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 21 décembre 2018, 17/02503


ARRET N° 18/775

PB/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 21 DECEMBRE 2018



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 13 novembre 2018

N° de rôle : N° RG 17/02503 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D4VS



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 28 novembre 2017

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



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APPELANTE



Madame Aurélie X... épouse Y..., demeurant [...]



assistée par Me Françoise Z..., avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



Association LES SALINS DE BREGILLE, [......

ARRET N° 18/775

PB/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 21 DECEMBRE 2018

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 13 novembre 2018

N° de rôle : N° RG 17/02503 - N° Portalis DBVG-V-B7B-D4VS

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 28 novembre 2017

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

Madame Aurélie X... épouse Y..., demeurant [...]

assistée par Me Françoise Z..., avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

Association LES SALINS DE BREGILLE, [...]

représentée par Me Nicolas A..., avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 13 Novembre 2018 :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

M. Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Karine MAUCHAIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Aurélie X... épouse Y... a été embauchée par l' Association les Salins de Brégille par contrat à durée déterminée en date du 25 avril 2005, puis à compter du 25 juillet 2005 a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable logistique, niveau 1, coefficient 329.

L'Association gère un foyer logement pour retraités, un institut thérapeutique éducatif pour enfants et adolescents (ITEP), un centre de rééducation fonctionnelle et un service pour enfants polyhandicapés.

Elle fait application de la convention collective nationale des établissement privés d'hospitalisation, soins, cure du 31 octobre 1951.

Mme Aurélie X... épouse Y... a été placée en arrêt de maladie à compter du 5 juin 2015 puis le 27 octobre 2015 a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise.

Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 18 janvier 2016.

Contestant son licenciement elle a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon de demandes relatives à des rappels de salaire, pour obtenir l'indemnisation du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi et afin que le licenciement soit déclaré nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le conseil de prud'hommes a :

-dit que Mme Aurélie X... épouse Y... aurait dû bénéficier du statut de responsable logistique niveau 2 coefficient 405,

-condamné l'Association à lui payer les sommes suivantes :

* 5706,18€ à titre de rappel de salaire pour la période de février 2013 à janvier 2016,

[...] congés payés correspondante,

* 340,51€ au titre du rappel de prime décentralisée,

*750€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme Aurélie X... épouse Y... du surplus de ses demandes,

- débouté l'Association de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 21 décembre 2017, Mme Aurélie X... épouse Y... a interjeté appel de la décision.

Selon dernières conclusions du 2 août 2018, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a décidé qu'elle exerçait les fonctions de responsable logistique niveau 2 et à sa réformation pour le surplus.

Elle demande de :

-dire qu'elle aurait du être rémunérée selon un coefficient 449 et de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 12'680,28€ brut à titre de rappel de salaire sur la période de février 2013 à janvier 2016,

[...] d'ancienneté pour la même période,

[...] congés payés,

* 736,93€ brut au titre de rappel de la prime décentralisée,

-déclarer le licenciement pour inaptitude physique nul et de nul effet comme trouvant son origine dans le comportement harceleur de l'Association et en conséquence la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 4000 € à titre de dommages-intérêts, pour préjudice spécifique lié au harcèlement moral,

* 23'724,00€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié à la perte de l'emploi,

- à titre subsidiaire dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui allouer la somme de 23'724 € à titre de dommages-intérêts,

-en tout état de cause, lui allouer la somme de 3953,88€ brut à titre d'indemnité de préavis, outre 395,89€ brut au titre des congés payés afférents outre celle de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 26 juillet 2018, l'Association demande de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer diverses sommes à Mme Aurélie X... épouse Y..., de le confirmer pour le surplus et de la condamner à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la demande de rappel de salaires au titre de la classification

1-1 Sur la demande visant à obtenir le classement en qualité de responsable logistique niveau II - surveillant d'entretien

Mme Aurélie X... épouse Y... a été recrutée en qualité de responsable logistique.

La convention collective prévoit pour les non-cadres, deux niveaux :

- le responsable logistique niveau 1, qui 'assure la responsabilité et la coordination personnels de service logistique' et qui peut obtenir une majoration au titre d'un complément de poste en fonction du nombre des salariés encadrés,

-le responsable logistique niveau 2 qui assure également ' la responsabilité et la coordination des personnels des services logistiques' et peut obtenir une majoration de points en qualité de sous-chef de cuisine, chef de cuisine, surveillant d'entretien et également en fonction du nombre des personnes encadrées.

Par ailleurs, la convention collective opère un regroupement des responsables de service logistique niveau I avec les ouvriers logistiques de niveau I dans une catégorie intitulée également ouvriers des services logistiques niveau I .

Le poste de responsable de service logistique niveau II fait l'objet, avec les ouvriers logistiques de niveau II et les ouvriers hautement qualifiés, d'un regroupement intitulé ouvriers de service logistique niveau II.

Le responsable de service logistique de niveau II correspond aux emplois de chef de buanderie, contremaître, surveillant d'entretien, sous-chef de cuisine, chef de cuisine et chef d'équipe des services de sécurité.

C'est la qualification de surveillant d'entretien que revendique Mme Aurélie X... épouse Y....

Selon les documents annexes à la convention, notamment la grille de transposition entre nouvelle convention FHP et l'ancienne convention ANTE le surveillant d'entretien est 'l'agent professionnel travaillant généralement lui-même et chargé du contrôle de plusieurs chefs d'équipe ou de plusieurs ouvriers qualifiés ou spécialisés de professions différentes, chargé de l'entretien général de l'établissement'.

Le document intitulé profil d'emploi auquel fait référence le contrat de travail, après avoir précisé que la 'fonction de responsable logistique n'est pas réglementée', précise ainsi qu'il suit les missions de Mme Aurélie X... épouse Y...:

- assurer une prestation hôtelière de haute qualité en faveur des personnes fréquentant le CRRF,

- animer les équipes d'agents des services hospitaliers,

- avoir la responsabilité du bon usage des matériels hôteliers et médicaux et s'assurer du suivi des maintenances préventives et curatives,

-participer au choix des matériels,

- assurer l'approvisionnement et la gestion des matériels et produits hôteliers,

- travailler en étroite collaboration avec les autres professionnels de santé du CRRF,

- organiser et répartir le travail entre les différentes ASH,

-veiller à la qualité du travail fourni par l'équipe ASH,

-participer au confort et au bien-être des patients.

Il fait par ailleurs également état des activités principales suivantes :

-acteur de la qualité globale de l'établissement

- responsable de l'encadrement et de la gestion de l'ensemble des agents de service,

-responsable de la satisfaction des personnes hospitalisées pour tout ce qui concerne l'hôtellerie,

- participe à l'élaboration des procédures et protocoles d'hygiène dans l'établissement en collaboration avec le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN),

- responsable de l'hygiène des locaux de l'établissement et notamment de l'application des procédures et protocoles d'hygiène élaborés et/ ou validés par le CLIN,

- interlocuteur référent pour les personnes hospitalisées et leur famille pour tout ce qui concerne toute question de l'hôtellerie,

- encadre les stagiaires qui lui sont confiés et s'assure de leur prise en charge,

- réceptionne les fiches d'événements indésirables, les analyse et les transmet à la personne habilitée,

- transmet les informations utiles à l'équipe d' ASH,

- contribue à l'élaboration des plannings de travail des ASH,

-en tant que responsable hôtelier favorise les relations professionnelles avec les autres acteurs de santé du CRRF afin de garantir une prise en charge de qualité des patients, en lien en interne avec le personnel de l'accueil, les équipes de soins, les services centraux, le pharmacien, le kinésithérapeute-chef, la directrice de soins, le directeur et en externe avec les fournisseurs et les différents prestataires.

Il lui est demandé une bonne qualité d'analyse, de négociation et d'esprit de décision ainsi qu'une maîtrise des outils de bureautique.

Mme Aurélie X... épouse Y... produit par ailleurs ses agendas sur les années considérées qui font apparaître qu'elle a exercé, notamment, les tâches suivantes:

-entretien d'embauche des Ash,

-reprise de la gestion du matériel de location après décès du cadre santé,

- travail sur la procédure 'systèmes de communication médical et non médical' avec l'assistante qualité et présentation aux salariés,

'réunion avec prestataire de service pour commande de l'installation du système appel malade,

-travail sur le plan épidémique,

- travail sur la procédure sécurité incendie 'avec directeur B... et Psv',

- organisation formation incendie,

- rédaction plan de prévention,

- rédaction fiches de tâches Ash,

-mise en place de mesures de protection des patients par rapport à la présence de légionnelles dans le réseau d'eau et rédaction d'une note d'information aux patients validée par le directeur,

- rendez vous commercial pour système de contention,

-réunion avec le directeur pour la planification des investissements 2014,

- travail avec le directeur sur diaporama de présentation de l'établissement pour les agents Bionet,

-suivi/organisation des travaux pour l'installation de climatisation,

Par ailleurs, Mme Aurélie X... épouse Y... a, durant cette période suivi les formations suivantes :

-la politique d'achat,

-la gestion de projet,

-l'évaluation des ressources humaines,

-audit interne

-contrôle de gestion,

-atelier de formation aux méthodes et outils gestion des risques.

L'employeur ne conteste pas l'énoncé de ses tâches mais fait valoir que Mme Aurélie X... épouse Y... ne les a jamais réalisées en tant que décisionnaire, ou qu'elle a participé à diverses instances au même titre que d'autres salariés.

Il doit toutefois être rappelé que la salariée ne revendique plus la qualité de cadre, ainsi qu'elle le faisait en première instance, ayant constaté qu'elle ne disposait pas des diplômes nécessaires pour y prétendre.

Elle ne revendique pas plus le statut de technicien, qui n'existe que dans des fonctions très spécialisées dans la filière logistique, mais uniquement la qualification la plus élevée des agents et ouvriers des services logistiques ce qui rend vaine toute discussion en matière de pouvoir de décision.

Or, il convient de constater que les tâchée énumérées vont au-delà de celles de la simple coordination d'agents et/ou ouvriers, notamment en ce qui concerne l'ensemble des tâches de rédaction réalisées (modes opératoires divers, descriptions de processus, plan de prévention, compte-rendu de réunions de service) et dans les tâches directement liées à des problématiques de santé.

Par ailleurs en ce qui concerne la revendication de la qualification de surveillant d'entretien, la notion de contrôle résulte du profil de poste lui-même qui ne se limite pas à l'encadrement de l'équipe et que l'on voit difficilement pourquoi Mme Aurélie X... épouse Y... aurait réalisé des stages consacrés à l'évaluation des ressources humaines, à l'audit interne et au contrôle de gestion si elle n'avait pas eu des tâches de contrôle, au moins dans la limite de la classification revendiquée, correspondant au regroupement de métiers 'ouvriers des services logistiques de niveau II' .

Il en résulte que Mme Aurélie X... épouse Y... doit bénéficier de la qualification de responsable logistique de niveau 2, ce en quoi le jugement sera confirmé.

2 - Sur le coefficient applicable

L'Association fait valoir que même en procédant au classement au niveau II de la grille, Mme Aurélie X... épouse Y... n'en tirerait aucun bénéfice dès lors que le coefficient est de 295, inférieur à celui auquel elle se trouve actuellement.

Si ce coefficient apparaît bien au regard du métier de responsable de niveau 2, dans l'exemplaire de la convention remis par l'employeur, la simple lecture de celui-ci fait apparaître que ce coefficient 295 doit être appliqué uniquement pour les dispositions de l'annexe I de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, ce qui est sans rapport avec le litige.

Le coefficient à retenir est donc celui de 339, outre 60 points en qualité de surveillant d'entretien.

En ce qui concerne la majoration au titre du nombre des personnes encadrées, l'employeur indique, sans être contredit, que Mme Aurélie X... épouse Y... a encadré 9,87 ETP jusqu'en 2010, 6,75 ETP de 2010 à 2014 et 4,75 ETP à compter de 2014.

Le rappel de salaire étant sollicité depuis 2013, le nombre de points est donc de 25 au titre d'un salarié encadrant de 3 à 9 salariés.

Le salaire doit donc être calculé sur la base d'un coefficient 339 + 60 + 25 soit 424, alors qu'elle était rémunérée sur la base d'un coefficient de 369, soit une différence de 55.

La valeur du point ayant été de 4,4030 sur l'ensemble de la période pour laquelle est sollicité le rappel, le différentiel mensuel est de 242,16€ sur 36 mois soit 8717,76€, le jugement qui a procédé à un calcul sur la base de l'indice 291 devant être infirmé.

En ce qui concerne la prime d'ancienneté, les taux et les durées à prendre en compte ne sont pas contestés, le montant du rappel devant toutefois être modifié, dès lors qu'il n'a pas été fait droit à la totalité de la demande :

* période du 18 janvier au 18 juillet 2013

6x 242,16€x 7% = 101,70€

* période du 19 juillet 2013 au 18juillet 2014

6x 242,16€x 8% = 116,24€

*période du 19 juillet 2014 au 18 juillet 2015

6x242,16€x 9% = 130,76€

* période du 19juillet 2015 au 18 janvier 2016

[...]

Soit un total de 494€

Le montant de l'indemnité de congés payés s'élève en outre à 8717,76€ + 494€ = 9211,76€ x 10% = 921,17€.

Enfin le rappel de prime décentralisée s'élève à 9211,76€ + 921,17€ x 5% = 506,64€

3- Sur la demande au titre du harcèlement moral

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1154-1, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement.

Au titre des éléments de fait qu'il lui appartient de faire valoir , Mme Aurélie X... épouse Y... indique que:

1 - Elle s'est vue refuser une évolution normale de ses fonctions, alors qu'elle a sollicité une évolution de sa classification en 2006, 2010 et 2013

Mme Aurélie X... épouse Y... justifie avoir à au moins trois reprises sollicité une prise en compte de l'étendue de son activité pour solliciter un passage au niveau 2.

Elle a obtenu partiellement satisfaction en obtenant une majoration pour encadrement de 40 points, ce qui était toutefois inférieur au niveau qu'elle pouvait obtenir, supérieur de 55 points au classement opéré par l'employeur.

2- Ses demandes ont été systématiquement différées, accompagnées de projets d'aboutissement plus ou moins aboutis : il est exact que depuis le 4 décembre 2006, soit durant près de neuf ans une réponse sensiblement identique a été donnée à Mme Aurélie X... épouse Y... 'l'évolution suivante à entrevoir concernerait l'accès à la fonction de responsable logistique niveau 2 qui pourrait intervenir en cas d'une réflexion aboutie concernant la mise en oeuvre d'un projet transversal touchant les activités de logistique du secteur Doubs évoqué précédemment'.(courrier du 4.12.2006).

3 - Elle s'est épuisée dans des fonctions sans cesse plus importantes

Il a été précédemment constaté que progressivement Mme Aurélie X... épouse Y... a été chargée de missions qui dépassaient celles d'un agent des services logistiques, même de niveau 2.

Il n'est toutefois pas établi qu'elle a été victime d'un épuisement dans ses fonctions.

4 - La forme des refus illustrait l'absence de considération de l'employeur pour elle

Il est exact que selon un courriel de Mme Samira C... D..., celle-ci indique avoir répondu à la salariée, que 'l'associer aux différents groupes de travail n'était pas pour ma part de nouvelles responsabilités et qu'il m'apparaît au contraire qu'il s'agit de 'gages de reconnaissances', qu'il 'est tout à son honneur' de participer à ces différents travaux.

Lorsque Mme Aurélie X... épouse Y... fait état 'de son salaire non motivant et son niveau inférieur à certains membres de son équipe, je lui ai dit qu'il s'agit d'un défaut de la CC51 qui donne un poids important à l'ancienneté'. ' Sur sa faculté d'adaptation, je lui ai précisé qu'il n'y avait rien d'extraordinaire, car tous les salariés, de la direction à l'agent de service pallient d'une certaine manière à l'absence du cadre de santé', étant toutefois rappelé que Mme Aurélie X... épouse Y... n'était nullement cadre, et qu'elle avait repris des fonctions correspondant à ce niveau, alors qu'elle relevait de la catégorie ouvrier.

5- Des demandes de formation qu'elle faisait en vue de l'officialisation de sa progression dans l'entreprise lui ont été refusées.

Mme Aurélie X... épouse Y... justifie qu'effectivement certaines formations lui ont été refusées.

6- Une demande lui a été faite en décembre 2014 de décrire sa charge de travail, et ce en 4 jours, ce qui a été la cause d'une inquiétude et elle a ensuite été dirigée vers un cabinet de recrutement, ce qui n'est pas contesté par l'employeur et résulte notamment d'une convocation auprès du cabinet RH Partners

7 - Un recrutement externe a pourvu le poste de responsable service entretien et maintenance, issu d'une restructuration (Projet Bionet) alors qu'il lui avait été indiqué qu'elle était susceptible de postuler.

Il est exact que le poste a été pourvu par un recrutement externe, dans le cadre d'une fusion des services entretien au niveau des cinq établissements ainsi que des services de maintenance, alors qu'il lui avait été précédemment indiqué qu'elle était susceptible de postuler au titre de responsable entretien.

9- Absence de clarté dans les processus de restructuration

Mme Aurélie X... épouse Y... indique que dans le cadre du projet de restructuration, aucune proposition claire et écrite ne lui a été faite, qu' elle n'a eu aucune perspective de modification de statut ou de salaire et qu'elle n'était plus informée des appels à candidature interne, alors que la suppression de son poste était évoquée.

Elle produit des échanges de courriels et courriers qui traduisent son inquiétude dans le cadre du processus de restructuration.

L'un des courriers du D... précise 'Ainsi nous avons évoqué votre rôle au sein de l'équipe qui consistera à être 'relais terrain' du futur responsable, ce qui supposera l'abandon des activités propres au CRRF de Brégille, tels que l'achat de fournitures, l'interface STL pour les petits travaux et revoir la participation à certaines instances auxquelles vous participez, soit l'ensemble des activités pour lesquelles vous constatiez depuis plus de 2 ans, une évolution tant en responsabilité qu'en volume à traiter.

'Vous nous avez alors interrogé sur vos futures conditions salariales et je vous ai répondu qu'aucune évolution n'était envisagée sur ce point, puisque l'activité de nettoyage était portée par un responsable en cours de recrutement.

Vous avez alors manifesté votre volonté de ne pas assurer ces nouvelles activités, ce sur quoi nous vous avons invité à réfléchir compte tenu de la remise en question que cela engendrerait de votre avenir au sein de notre institution.

Je vous invite une nouvelle fois à réfléchir aux conséquences découlant d'un refus de votre part et me retourner par écrit votre position assortie de propositions le cas échéant'.

Il résulte de ce courrier que le responsable RH indique à Mme Aurélie X... épouse Y... qu'il n'est envisagé aucune évolution dans la classification, et que par ailleurs, il est demandé à la salariée de prendre position sur un projet relatif à de nouvelles activités peu précises, et ce sous la menace, à peine voilée d'un licenciement en cas de refus.

Mme Aurélie X... épouse Y... répondra ensuite qu'il lui manque un certain nombre d'éléments essentiels pour prendre sa décision.

10 - Dossier médical

Le médecin du travail note le 7 avril 2015 que Mme Aurélie X... épouse Y... 'dit se sentir perdue', au mois de juin 2015 'pleure, dit être arrivée à un point de non retour', 'dit avoir eu un entretien avec Mme C... arrogante agressive, méprisante' , 'décrit une mauvaise considération et mauvais traitement de la part de l'employeur', 'ressent une perte de confiance en elle depuis six mois, pleure ++', 'contrôle médical à la demande de l'employeur ce jour. Arrêt justifié, dit être mal psychologiquement à ce jour', 'dit avoir peur de reprendre un poste aux Salins' .

L'ensemble de ces éléments laissent donc supposer l'existence d'un harcèlement moral et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce que ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral.

L'Association fait en premier lieu valoir que Mme Aurélie X... épouse Y... s'appuie sur ses propres affirmations, des échanges de courriels, établis pour les besoins de la cause et enfin des certificats médicaux qui ne font que reprendre ses propres affirmations.

L'examen des faits invoqués par la salariée permet toutefois d'établir qu'ils ne se limitent à des éléments de ce type.

L'employeur reprend ensuite les différents faits reprochés par Mme Aurélie X... épouse Y... et notamment :

- le refus d'accéder à une demande de promotion

L'Association soutient que Mme Aurélie X... épouse Y... ne verse aucune pièce susceptible d'asseoir ses revendications quant au titre de responsable de niveau II, alors qu'il a été précédemment établi qu'elle exerçait des tâches de ce niveau, sinon d'un niveau supérieur auquel elle ne pouvait toutefois accéder en l'absence des diplômes exigés par la convention collective.

Elle n'explique par ailleurs pas pourquoi les tâches progressivement confiées à Mme Aurélie X... épouse Y... n'ont pas permis d'envisager une nouvelle classification, ni par ailleurs les multiples formations réalisées, qui eu égard à leur intitulé ( évaluation des ressources humaines, audit interne, contrôle de gestion) dépassaient notablement le niveau de responsable logistique niveau 1, ni pourquoi le responsable D... plutôt que de s'interroger sur la réelle classification de Mme Aurélie X... épouse Y..., raisonnait en termes de 'gages de reconnaissance'.

Elle fait ensuite valoir que, même à supposer que la salariée ait pu accéder au statut de responsable niveau II, le refus ne peut être constitutif d'agissements répétés.

Il doit toutefois être observé qu'il a été refusé à plusieurs reprises, à des périodes différentes, la possibilité à Mme Aurélie X... épouse Y... d'accéder à ce niveau.

- la mise en oeuvre du projet de restructuration

L'employeur soutient qu'il n'a jamais eu la volonté de gagner du temps, en se prévalant d'un projet de restructuration des activités logistiques, pour retarder l'augmentation de coefficient.

Toutefois, les différents courriers font apparaître que dès le 4 décembre 2006, le directeur général indique à Mme Aurélie X... épouse Y... que l'évolution vers la fonction de responsable logistique niveau II ne 'pourrait intervenir en cas d'une réflexion aboute concernant la mise en oeuvre d'un projet transversal touchant les activités de logistique du secteur Doubs'.

Il en résulte que pendant près de neuf ans l'accès de Mme Aurélie X... épouse Y... au statut de responsable de niveau II lui a été refusé pour le même motif.

L'employeur fait valoir qu'à l'issue de la réflexion sur la réorganisation, il a été décidé de regrouper le service entretien et le service maintenance et qu'en conséquence Mme Aurélie X... épouse Y... ne disposait plus des compétences nécessaires pour prétendre au poste de responsable, dès lors qu'était recherché un candidat disposant d'une formation technique supérieure.

Il n'en reste pas moins que si aucune promesse de promotion n'avait été faite à Mme Aurélie X... épouse Y..., il a toujours été fait référence à la possibilité pour celle-ci de postuler au poste de responsable.

L'employeur fait par ailleurs valoir qu'il a été proposé à la salariée un poste de chargé de mission achat et logistique, sur lequel Mme Aurélie X... épouse Y... a d'ailleurs postulé le 13 avril 2015 pour ensuite le refuser, au motif qu'il n'existait aucune modification de son statut ou de sa rémunération.

L'absence de toute pièce définissant précisément le poste ainsi que les conditions de rémunération ne permet toutefois pas d'établir s'il correspondait effectivement au moins à un poste de niveau II, correspondant à la classification dont aurait dû bénéficier Mme Aurélie X... épouse Y....

L'employeur indique ensuite qu'il a été proposé un poste de 'relais terrain, responsable logistique niveau II', Mme Aurélie X... épouse Y... ayant décliné cette proposition, au motif qu'elle aurait cumulé ce poste avec l'essentiel de ses anciennes attributions, et qu'il s'agissait d'un CDD, ce qui était inexact.

Il doit toutefois être observé qu'au mois d'octobre 2014,le D... indiquait à Mme Aurélie X... épouse Y... qu'elle ne serait déchargée que des 'activités pour lesquelles vous constatiez, depuis plus de deux ans, une évolution tant en responsabilité qu'en volume à traiter' et que, considérant les futures conditions salariales 'aucune évolution n'était à envisager sur ce point'.

Par ailleurs, s'il est exact qu'il ne pouvait s'agir d'un CDD, dès lors que Mme Aurélie X... épouse Y... bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée, l'employeur reconnaît lui-même que 'la mission de relais terrain était prévue pour une durée initiale de douze mois', sans que des perspectives soient données pour la suite, ce qui ne pouvait qu'accroître la confusion pour une salariée, d'ores et déjà fragilisée.

-refus de formation : l'employeur observe que Mme Aurélie X... épouse Y... a bénéficié de multiples formations, qui ont été précédemment rappelées, et justifie que seules deux formations ont été refusées en raison d'une insuffisance de crédit et de problèmes d'organisation.

Il résulte donc de cet examen que durant le cours de la relation contractuelle, alors que Mme Aurélie X... épouse Y... revendiquait de manière légitime une réexamen de sa classification contractuelle, elle s'est heurtée à des refus successifs, qui ne prenaient pas en compte la réalité des fonctions exercées,.

Par ailleurs, il avait été affirmé à la salariée au cours de ces années que son statut pourrait évoluer à l'occasion de la réorganisation des services. Même si le contenu de cette réorganisation relève du pouvoir de direction de l'employeur, il n'en reste pas moins qu'il avait été à de multiples reprises indiqué, même s'il n'existait aucune promesse d'emploi formelle, qu'elle serait susceptible d'obtenir des responsabilités plus importantes, alors qu'à l'issue de la réorganisation il apparaît clairement que l'employeur a en réalité des difficultés à définir un poste de travail, de surcroît en précisant ( courriel du D... octobre 2014) que les conditions salariales n'évolueront pas.

Au final, l'employeur fera une proposition de poste, certes sous forme de contrat à durée indéterminée, mais pour une mission de douze mois, se révélant dans l'incapacité de définir un poste à plus long terme pour une salariée, à laquelle il avait laissé entrevoir depuis près de neuf ans une possible promotion à cette occasion.

Ces agissements, peu important qu'ils ne revêtent pas un caractère volontaire, ont conduit à une altération de la santé de la salariée, ainsi qu'à la décision d'inaptitude ainsi qu'en témoigne les observations du médecin du travail consignées au dossier médical produit par Mme Aurélie X... épouse Y... et ils doivent donc être qualifiés de harcèlement moral.

Le jugement sera en conséquence infirmé et il sera alloué à l'appelante la somme de 4000€ à titre de dommages et intérêts à l'appelant à ce titre.

Par ailleurs, le licenciement trouvant son origine dans une harcèlement moral, il est en conséquence nul.

Au titre du préjudice lié à la perte de son emploi., compte-tenu d'une ancienneté de dix ans et d'un salaire de 1976€ mensuels, il sera alloué à Mme Aurélie X... épouse Y... la somme de 20.000€.

Par ailleurs, il sera fait droit à la demande d 'indemnité de préavis à hauteur de 3953,88€ brut outre 395,39€ brut au titre des congés payés afférents.

4 - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La somme de 3000€ sera allouée à Mme Aurélie X... épouse Y... au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée par l'Association au même titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que Mme Aurélie X... épouse Y... exerçait les fonctions de 'responsable logistique niveau II' ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ,

CONDAMNE l'Association les Salins de Brégille à payer à Mme Aurélie X... épouse Y... les sommes suivantes :

- 8717,76€ au titre du rappel de salaire,

- 494€ au titre du rappel de prime d'ancienneté,

- 921,17€ au titre des congés payés afférents,

[...] décentralisée ;

DECLARE nul le licenciement de Mme Aurélie X... épouse Y... ;

CONDAMNE l'Association les Salins de Brégille à payer à Mme Aurélie X... épouse Y... les sommes suivantes :

- 4000€ à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du harcèlement moral,

-20.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte de l'emploi,

- 3953,88€ brut à titre d'indemnité de préavis outre 395,39€ au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE l'Association les Salins de Brégille à payer à Mme Aurélie X... épouse Y... la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Association les Salins de Brégille aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Françoise Z..., Avocat.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un décembre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme Magali FERREC, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/02503
Date de la décision : 21/12/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/02503 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-21;17.02503 ?
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