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30/10/2018 | FRANCE | N°18/00296

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 octobre 2018, 18/00296


ARRET N° 18/666

PB/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 30 OCTOBRE 2018



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 18 septembre 2018

N° de rôle : N° RG 18/00296 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D5KI



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BELFORT

en date du 25 janvier 2018

Code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse





APPELANTE



CAISSE

PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TERRITOIRE DE [Localité 1], [Adresse 1]



dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 [rédaction du décret 2010 - 1165 du 1er octobre...

ARRET N° 18/666

PB/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 30 OCTOBRE 2018

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 18 septembre 2018

N° de rôle : N° RG 18/00296 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D5KI

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BELFORT

en date du 25 janvier 2018

Code affaire : 89E

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TERRITOIRE DE [Localité 1], [Adresse 1]

dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 [rédaction du décret 2010 - 1165 du 1er octobre 2010] du code de procédure civile.

INTIMEE

SOCIETE ALSTOM TRANSPORT, [Adresse 2]

représentée par Me Anne WILLIE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 18 Septembre 2018 :

Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Karine MAUCHAIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 30 Octobre 2018 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

Le 12 décembre 2015, la Sa Alstom Transport a établi une déclaration d'accident du travail concernant Mme [I] [O] , assortie de réserves, et précisant que ' suite à une discussion vive avec une collègue le 4 décembre 2015, Mme [I] [O] déclare avoir ressenti un mal être psychologique. Elle s'est rendue au service médical le 7 décembre 2015 à 10h45".

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 1] a diligenté une enquête puis a notifié le 23 février 2016 à la Sa Alstom Transport sa décision de prendre l'accident en charge au titre de la législation professionnelle.

La Sa Alstom Transport a saisi la commission de recours amiable le 21 avril 2016, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de Belfort du rejet implicite de son recours.

Par jugement du 28 septembre 2017 le tribunal a :

- dit que la décision de prise en charge de l'accident du 4 décembre 2015 est définitive dans les rapports caisse-salarié,

- dit que dans ses rapports avec l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie ne rapporte pas la preuve de la matérialité de l'accident du travail du 4 décembre 2015,

- déclaré inopposable à la Sa Alstom Transport la décision de prise en charge de l'accident déclaré le 12 décembre 2015 au titre de la législation professionnelle.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 8 février 2018, la caisse primaire a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions visées le 28 mai 2018, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et le débouté de l'ensemble des demandes de la Sa Alstom Transport .

Selon conclusions du 11 septembre 2018, la Sa Alstom Transport sollicite la confirmation du jugement entrepris et à titre subsidiaire demande de dire que l'instruction est irrégulière et de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge.

Elle sollicite en outre la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 18 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la matérialité de l'accident du travail

Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il résulte de ce texte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

En l'espèce la caisse indique que le fait accidentel réside dans l'entretien qui s'est tenu le 4 décembre 2015 entre Mme [I] [O] et son responsable fonctionnel, en présence de deux autres personnes de l'entreprise, au vu et au su de l'ensemble des autres personnes présentes.

Il résulte en effet des déclarations recueillies par l'agent enquêteur de la caisse que Mme [I] [O], embauchée en 1980, travaillait sur un projet de livraison de matériel ferroviaire au Kazakhstan et que le vendredi 4 décembre 2015, vers 11h, Mme [R] [E], directeur de projet, responsable fonctionnel de la salariée, accompagnée de [W] [M], prestataire extérieure et un troisième salarié se sont rendus dans l'espace de l'open space occupé conjointement par Mme [I] [O] et un autre salarié, M. [U] [R].

Il n'est pas contesté que la discussion a porté sur le retard imputé à Mme [I] [O] par Mme [R] [E], dans la remise de la documentation relative à la locomotive susceptible de mettre en péril la réalisation du projet selon cette dernière.

Les parties diffèrent quant aux conditions dans lesquelles cet entretien a eu lieu.

Mme [R] [E] indique qu'il s'est déroulé de manière normale, sur un ton calme, confirmée en cela par les deux autres salariés qui l'accompagnaient.

M. [U] [R] indique quant à lui dans son questionnaire que ' le responsable du projet est venu accompagné de deux personnes et a fait des reproches publics à Mme [I] [O] concernant son travail (brimades)'.

Il ajoute que Mme [I] [O] est 'partie chez elle en pleurs et à son retour après manger elle a repleuré, de 14h à 16heures'.

Selon ses déclarations auprès de l'agent enquêteur, il indique que il a entendu Mme [R] [E] reprocher à la salariée 'sur un ton sec, de mettre en péril financièrement un projet car elle n'a pas terminé certaines tâches'.

La Sa Alstom Transport critique cette attestation en indiquant que le témoin, ayant perdu son poste de secrétaire du CHSCT acceptait difficilement de reprendre ses activités professionnelles ce qui se traduisait notamment 'par une instrumentalisation de tout ce qui pouvait s'apparenter de près ou de loin à des risques psychosociaux' et verse à titre de preuve ce qui apparaît être la réponse du supérieur hiérarchique à une demande de la caisse sur un accident déclaré par M. [U] [R] le 11 février 2016, date à laquelle celui-ci se serait rendu à l'infirmerie pour indiquer qu'il avait 'des maux de tête'.

Cette seule pièce n'est pas de nature à conduire à permettre d'écarter le témoignage du salarié, qui est par ailleurs le seul à ne pas avoir été impliqué dans la discussion.

Il résulte donc de ces pièces que le 4 décembre 2015, trois des intervenants dans le projet, dont le chef de projet, se sont rendus dans l'espace de travail de Mme [I] [O], le responsable fonctionnel émettant des reproches à son encontre.

Or, cette manière de procéder, en dehors même de toute intention des participants, constituait un événement de nature à déstabiliser la salariée, dès lors que les reproches et les considérations quant à la mise en péril de l'entier projet par le responsable fonctionnel, appuyé par la présence des deux autres interlocuteurs, étaient émis en présence d' au moins un tiers, M. [U] [R], étant au surplus observé qu'il n'est pas contesté que les bureaux sont en open-space et que la scène était donc susceptible d'être vue par d'autres salariés, les reproches étant en outre adressés à une salariée présente depuis près de 35 ans dans l'entreprise, dont rien ne permet d'établir qu'elle ait pu subir auparavant une remise en cause de la qualité de son travail de cette manière.

Mme [I] [O] indique d'ailleurs dans sa déclaration 'être choquée que ce reproche infondé soit devant des tiers, collègues et prestataire extérieur, dans un bureau de plusieurs personnes'.

Par ailleurs, rien ne permet de mettre en cause ses affirmations confirmées par le témoin selon lesquelles elle s'est ensuite, compte-tenu du malaise ressenti, mise à pleurer et a fait de même au retour de la pause méridienne.

Le déroulement des faits permet donc d'identifier un événement précis dont il est résulté immédiatement un mal être psychologique, noté par le médecin dans son certificat médical.

Sur ce point, il doit être constaté que si la lésion n'est pas clairement identifiée, en ce sens que le certificat médical n'indique pas une pathologie précise, il n'en reste pas moins que le médecin a estimé nécessaire de prescrire d'emblée un arrêt de travail de 15 jours, qui n'a pas fait l'objet de contestations.

Dans ces conditions c'est à juste titre que la caisse primaire a pris en charge l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle, le jugement devant être infirmé.

2 - Sur la régularité de la procédure d'instruction

La Sa Alstom Transport fait valoir que le dossier ouvert à la consultation comprenait le rapport de l'agent enquêteur mais non les procès-verbaux d'audition et qu'il n'était donc pas complet.

Il résulte toutefois d'un document établi et signé le 17 février 2016 par Mme [C], en qualité de représentante de la Sa Alstom Transport qu'elle certifie avoir pris connaissance dans les locaux de la caisse primaire de [Localité 1] de l'ensemble des documents figurant au dossier, sans émettre aucune observation sur l'absence éventuelle de pièces.

La demande de la Sa Alstom Transport sera donc rejetée.

3 - Sur les frais irrépétibles

Compte-tenu de la solution donnée au litige la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la Sa Alstom Transport sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

DECLARE opposable à la Sa Alstom Transport la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de [Localité 1] relative à la prise en charge au titre de la législation relative aux accidents du travail, de l'accident survenu le 4 décembre 2015 à Mme [I] [O] ;

DEBOUTE la Sa Alstom Transport de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente octobre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de la Chambre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00296
Date de la décision : 30/10/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°18/00296 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-30;18.00296 ?
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