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16/10/2018 | FRANCE | N°15/00815

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 16 octobre 2018, 15/00815


ARRÊT N°





BUL/CB





COUR D'APPEL DE BESANÇON


- 172 501 116 00013 -





ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2018





PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE











Contradictoire


Audience publique


du 04 septembre 2018


N° de rôle : N° RG 15/00815 - N° Portalis DBVG-V-B67-DOSW





S/appel d'une décision


du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON


en date du 03 mars 2015 [RG N° 13/01694]


Co

de affaire : 62A


Demande en réparation des dommages causés à une personne par un immeuble








Jean-Claude X... C/ Margaret D...








PARTIES EN CAUSE :








Monsieur Jean-Claude X...


né le [...] à BESANCON (25000)


demeurant [...] ...

ARRÊT N°

BUL/CB

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2018

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 04 septembre 2018

N° de rôle : N° RG 15/00815 - N° Portalis DBVG-V-B67-DOSW

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON

en date du 03 mars 2015 [RG N° 13/01694]

Code affaire : 62A

Demande en réparation des dommages causés à une personne par un immeuble

Jean-Claude X... C/ Margaret D...

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Jean-Claude X...

né le [...] à BESANCON (25000)

demeurant [...]

APPELANT

Représenté par Me Sophie-caroline E... de la SCP BICHET & E..., avocat au barreau de BESANCON

ET :

Madame Margaret D...

née le [...]

demeurant [...]

INTIMÉE

Représentée par Me Jean-michel Y..., et Me Jean-Philippe Z..., avocats au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER (magistrat rapporteur)

et A. CHIARADIA, Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames B. UGUEN LAITHIER, et A. CHIARADIA, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 04 septembre 2018 a été mise en délibéré au 09 octobre 2018 et prorogée au 16 octobre 2018 pour un plus ample délibéré. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, moyens et prétentions des parties

Mme Margeret D... est propriétaire d'une maison d'habitation du XVIIIème siècle située [...] , en contrebas du fonds de son voisin, M. Jean-Claude X....

Le 28 décembre 2004, M. Jean-Claude X... a obtenu un permis de construire une maison d'habitation sur son fonds, lequel, sur contestation de Mme Margaret D..., a été annulé par jugement du tribunal administratif de Besançon du 29 mars 2007, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 9 octobre 2008 puis par décision du Conseil d'Etat du 14 janvier 2011.

En dépit de ces décisions, M. Jean-Claude X... a procédé à l'édification de sa maison d'habitation en surplomb de celle de l'intimée.

Saisi par Mme Margaret D..., qui déplorait subir des désordres anormaux en provenance du fonds supérieur, le juge des référés du tribunal de grande instance de Besançon, a, par décision du 21 mars 2006, ordonné une expertise aux fins de déterminer si les travaux réalisés par M. Jean-Claude X... sont à l'origine des infiltrations observées sur la propriété de la requérante.

Au vu du rapport d'expertise déposé le 5 mars 2008, Mme Margaret D... a fait assigner M. Jean-Claude X... devant le tribunal de grande instance de Besançon, par acte délivré le 18 juin 2013, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Suivant jugement rendu le 3 mars 2015 ce tribunal a :

- déclaré Mme Margaret D... recevable en son action,

- déclaré M. Jean-Claude X... responsable des préjudices subis par Mme Margaret D... liés à l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux du fonds supérieur sur son fonds,

- condamné en conséquence M. Jean-Claude X... à:

* payer à Mme Margaret D... la somme de 31.951,22 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, incluant une somme de 5.000 € au titre du préjudice de jouissance, et bénéfice des dispositions de l'article 1154 du code civil, au titre du coût des travaux de drainage et d'étanchéité et de son trouble de jouissance,

* planter ou faire planter en limite sud-est de sa parcelle une haie d'arbres identique à celle qui existait antérieurement,

* réaliser ou faire réaliser des travaux de canalisation destinés à la captation sur ses terres des eaux de ruissellement de son fonds en conformité avec les prescriptions du code de l'urbanisme et ce, dans le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement à peine d'astreinte de 50 € par jour de retard passé ledit délai et pendant une durée de six mois,

- débouté Mme Margaret D... de sa demande au titre de la dévaluation de sa propriété,

- condamné M. Jean-Claude X... à payer à Mme Margaret D... une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec droit pour Maître Z... de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

Par déclaration parvenue au greffe le 17 avril 2015, M. Jean-Claude X... a relevé appel de cette décision et par arrêt avant-dire-droit du 28 juin 2016, la Cour, eu égard à l'ancienneté du rapport d'expertise et à la tardiveté de la saisine de la juridiction du fond, a ordonné une nouvelle expertise confiée à M. Jean-Marie A... qui a déposé son rapport le 22 novembre 2017.

Par ses dernières conclusions transmises le 13 août 2018, M. Jean-Claude X... conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de:

- déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de l'appelante au titre de la condamnation à prendre en charge le coût d'édification d'un mur de soutènement,

- dire que les préjudices allégués par Mme Margaret D... ne lui sont pas imputables à défaut d'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux grevant le fonds de celle-ci au profit du sien,

- débouter en conséquence Mme Margaret D... de ses entières demandes,

- dire que sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ne constitue pas une prétention nouvelle et condamner Mme Margaret D... à lui payer la somme de 5.000€ à ce titre,

- condamner Mme Margaret D... à lui verser une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, en ce compris les frais d'expertise, avec droit pour Maître E... de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions transmises le 3 août 2018, Mme Margaret D... demande à la Cour de:

- déclarer l'appel partiellement irrecevable en ce qu'il comporte une demande de dommages-intérêts pour préjudice moral nouvelle en appel, débouter M. Jean-Claude X... de ses entières prétentions et, ajoutant au jugement déféré,

- condamner ce dernier à lui payer les sommes de:

* 27.616,08 € en réparation des désordres subis,

* 12.576 € au titre des travaux de réalisation d'un mur de soutènement afin de stopper les éboulis en provenance de son fonds,

* 70.000 € au titre de la perte de valeur vénale de sa propriété,

- dire que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du jugement déféré et faire application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil,

- condamner M. Jean-Claude X... à lui verser une indemnité de 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant le coût de l'expertise, avec droit pour Maître Y... de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 14 août 2018.

Discussion

* Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes nouvelles,

Attendu en premier lieu que Mme Margaret D... forme pour la première fois à hauteur d'appel une demande de condamnation de son contradicteur à l'indemniser du coût d'édification d'un mur de soutènement afin de faire cesser les éboulis en provenance du fonds de celui-ci ; qu'elle fait valoir que les travaux de remblais mal réalisés par l'appelant ont provoqué des éboulements de gravats et un affaissement de sa clôture en bois, exigeant de l'intéressé qu'il érige un mur de soutènement à ses frais ;

Attendu qu'en vertu des dispositions combinées des articles 564 et 566 du code de procédure civile, si les parties ne peuvent en principe soumettre à la Cour de nouvelles prétentions, elles peuvent en revanche ajouter à leurs prétentions initiales toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;

Qu'en l'espèce, cette prétention nouvelle, dont la formulation à ce stade de la procédure s'explique par l'ancienneté du litige et l'évolution de la configuration des lieux, ensuite des travaux réalisés par l'appelant doit être considérée comme le complément des prétentions initiales de la propriétaire du fonds inférieur ; qu'elle est ainsi recevable ;

Attendu que M. Jean-Claude X... forme également une demande nouvelle à hauteur de Cour consistant à solliciter l'allocation d'une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts en indemnisation d'un préjudice moral consécutif aux mauvaises relations de voisinage imposées par Mme Margaret D... et à son attitude procédurière, qui auraient eu, selon lui, des conséquences néfastes sur son état de santé ;

Que pour les mêmes motifs que les précédents, il y a lieu, sans préjuger dans les deux cas du bien fondé des-dites prétentions, de tenir pour recevable la demande de l'appelant au regard de l'article 566 du code de procédure civile, dès lors que cette prétention vient en complément de ses prétentions initiales;

* Sur l'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement,

Attendu que tout propriétaire a le droit de jouir et de disposer de son bien de la manière la plus absolue, dans le strict respect des lois et règlements et à la condition notamment de ne pas en faire un usage de nature à nuire aux droits des tiers ;

Qu'en vertu de l'article 640 du code civil les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué et le propriétaire du fonds supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur ; que si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur ;

Attendu qu'en l'espèce M. Jean-Claude X... a fait édifier en 2005/2006 une maison à usage d'habitation sur le fonds dont il est propriétaire à Scey-en-Maisières en surplomb de l'immeuble appartenant à Mme Margaret D... ; que le fonds de cette dernière est assurément débiteur d'une servitude naturelle d'écoulement des eaux envers celui de son voisin et tant la configuration des lieux que la forte déclivité du terrain permettent d'affirmer qu'il recueillait avant même la construction litigieuse les eaux de ruissellement en provenance du fonds contigu; qu'il appartient donc à Mme Margaret D... d'apporter la démonstration d'une aggravation de cette servitude par le fait de l'intimé ;

Attendu que Mme Margaret D... fait valoir que l'édification de la maison de l'appelant a substantiellement aggravé sa servitude de ruissellement des eaux en raison d'une part d'un terrassement ayant surélevé de deux mètres le niveau naturel du terrain, et d'autre part, de la suppression d'une haie d'arbres de haute tige en limite de propriété, qui avait pour office de capter les eaux de ruissellement, et conteste l'allégation adverse de plantation d'une nouvelle haie et de la vidange de sa piscine hors sol dirigée vers sa propriété ;

Qu'elle précise que si l'expert A... écarte au jour de son expertise toute aggravation de la servitude naturelle d'écoulement imputable à l'appelant, ce n'est qu'en raison des travaux de canalisation des eaux pluviales auxquels il a procédé postérieurement à la décision querellée, et conteste enfin toute responsabilité de la commune ou d'un tiers dans la réalisation de son dommage ;

Que l'appelant prétend pour sa part qu'aucune aggravation de la servitude naturelle n'est démontrée en sorte qu'il ne saurait lui être imputé une quelconque indemnité à raison des désordres invoqués par l'appelante, soulignant qu'aucun lien n'est retenu par l'expert entre son terrassement et les désordres ; que s'il convient avoir supprimé la barrière végétale en limite sud-est de son fonds en 2004 il prétend avoir replanté une nouvelle haie dès 2006, haute de plus de huit mètres aujourd'hui, et avoir fait le nécessaire pour drainer et évacuer les eaux de ruissellement de son fonds ; qu'il affirme enfin que le tuyau de vidange de sa piscine hors sol, définitivement démontée en 2011, était raccordé à l'égout ;

Attendu qu'il y a lieu d'examiner successivement les trois actes matériels imputés à M.Jean-Claude X... que l'intimée considère comme constitutifs d'une aggravation de la servitude légale, à l'origine de son préjudice ;

Attendu qu'à titre liminaire, il doit être rappelé qu'il ressort du rapport de l'expert B... en date du 5 mars 2008 que le dispositif d'assainissement individuel mis en place par M.Jean-Claude X... pour l'évacuation de ses eaux usées permet d'exclure tout écoulement sur le fonds de Mme Margaret D... ;

Que s'agissant du terrassement l'expert A... relève que la maison de M. Jean-Claude X... est implantée à l'altitude représentée dans le dossier de demande de permis de construire mais que le remblai situé en partie basse de la façade sud-est de la maison de l'intimé s'élève à 2 mètres au-dessus du niveau de la limite de la parcelle de Mme Margaret D..., ainsi que le déplore celle-ci ;

Qu'il ressort en premier lieu du rapport de l'expert A..., qui a recouru sur ce point à un sapiteur en la personne de M. Eric C..., que les 300 litres d'eau colorée par fluorescéine injectés dans les regards d'évacuation des eaux situées sur la propriété de M. Jean-Claude X... n'ont pas été retrouvés sur la propriété de l'intimée, ni dans la maison, ni sur le terrain, pas plus d'ailleurs que dans le ruisseau situé à l'est des deux parcelles ou dans la Loue située en contrebas des deux fonds ; que ces constatations confirment les tests de même nature réalisés par l'expert B... et relatés dans son rapport du 5 mars 2008 ;

Que le sapiteur précise encore que l'état très fissuré du terrain calcaire avec roches qui se délitent permet une libre circulation de l'eau de pluie dans le sous-sol plus ou moins à la verticale, et que la construction de la maison d'habitation de l'appelant n'a pu modifier de façon sensible la circulation de l'eau dans le sol ; qu'en tout état de cause, cette éventuelle perturbation de la circulation de l'eau en sous-sol n'a pas été observée en l'espèce de sorte que Mme Margaret D... ne peut en tirer aucune conséquence quant à un éventuel préjudice, l'expert ajoutant que ces phénomènes sont au surplus difficilement observables par des moyens spécialisés ;

Que l'expert A... précise par ailleurs que si l'urbanisation d'une parcelle peut en effet aggraver une servitude d'écoulement des eaux, l'emprise de la maison correspond à une surface de toiture sur laquelle les eaux pluviales sont collectées et correctement évacuées et que la cour laissée en gravillons en partie basse de la parcelle, précisément du côté du fonds de l'intimée, permet l'infiltration des eaux pluviales et limite le ruissellement en aval ;

Que l'expert B... n'avait, quant à lui, relevé à aucun moment que le terrassement réalisé par l'appelant était de nature à aggraver la servitude d'écoulement comme le prétendait déjà Mme Margaret D... ;

Qu'en revanche l'expert A... estime que trois interventions de M. Jean-Claude X... sur sa parcelle ont été à l'origine d'une aggravation de la servitude, à savoir, le rejet dans le talus surplombant la maison de l'intimée de l'eau de la piscine hors sol installée dans la cour de M.Jean-Claude X..., comme en atteste le cliché inséré dans le rapport, la création du chemin privé d'accès à sa maison à partir du chemin communal des Planchets, qui, étant en pente en direction de la parcelle de l'intimée, favorise la collecte et le ruissellement des eaux de pluie et, enfin, la coupe des arbres antérieurement situés sur la parcelle n°[...], propriété de M. Jean-Claude X..., séparant les parcelles bâties des deux parties ;

Attendu que la Cour est tout d'abord encline à suivre les conclusions de l'homme de l'art lorsqu'il considère comme minime l'aggravation suscitée par le tuyau d'évacuation branché au filtre à sable de la piscine, compte tenu de la présence temporaire de celui-ci sur le fonds (définitivement démonté en 2011) et du caractère très limité des vidanges pendant la période de fonctionnement de la piscine, essentiellement estivale, dès lors que la filtration suit un circuit fermé et que le phénomène habituel d'évaporation conduit plutôt à un apport d'eau durant son usage estival, ainsi qu'avant la période d'hivernage puisque la vidange consiste en une simple baisse du niveau d'eau, la vidange totale de l'eau du bassin sur son fonds lors du démontage définitif n'étant pas allégué par Mme Margaret D... ;

Que s'agissant de l'aggravation causée par la création du chemin d'accès à l'immeuble bâti, relevée également par l'expert B..., force est de constater à la lumière du dernier rapport d'expertise et des pièces versées aux débats que les travaux de drainage et d'évacuation réalisés par M. Jean-Claude X... postérieurement au jugement déféré, que n'avait pu constater dans leur entièreté l'expert B..., ont compensé et résolu cette source d'aggravation, les eaux de ruissellement du chemin étant correctement et totalement dirigées vers un puits d'infiltration par une rigole en acier galvanisé, quatre regards avec grille et des canalisations ;

Attendu enfin que les deux experts s'accordent pour considérer que la suppression de la barrière végétale de haute tige, située entre les deux fonds, au cours de l'année 2004 a incontestablement aggravé la servitude naturelle en cause ; que si M. A... minore la capacité de captation des eaux de pluie par une haie, considérant qu'un besoin en eau de 100 litres tel qu'évoqué par son confrère B..., est réservé aux seuls très grands arbres et que l'aggravation a été limitée également par le fait qu'une nouvelle haie a été replantée, laquelle ne peut que se densifier avec le temps, force est de constater que l'ancienne barrière végétale, qui était maintenue en l'état dans le dossier de demande de permis de construire initiale, comme en atteste la notice de présentation du projet du 28 octobre 2004, était particulièrement dense et que la nouvelle haie n'est pas encore parvenue à une telle hauteur et densité, laissant donc persister une aggravation de la servitude;

Attendu que l'expert A..., après avoir développé ces trois causes d'aggravation, estime que si M. Jean-Claude X... a corrigé et mis un terme à celles-ci, il n'en est pas moins à l'origine d'un préjudice causé au fonds inférieur, qui doit être indemnisé ;

Que l'expert B... concluait pour sa part que les traces d'humidité relevées au bas du mur de l'angle nord de la propriété de l'intimée et le dépôt de terre fine situé au pied de la paroi nord-ouest, amenée par les infiltrations d'eau au travers de la roche "lui paraissent" imputables à M. Jean-Claude X... dès lors que celui-ci a coupé la haie d'arbres ;

Qu'enfin que l'expert A... relève que l'aggravation imputable à l'intimé, à l'origine des entrées d'eau constatées dans la maison de la plaignante, doit être tempérée par plusieurs circonstances tenant à la topographie des lieux et à l'évolution du bâti dans le quartier ;

Attendu qu'il ressort en effet de ses constatations que les désordres déplorés par Mme Margaret D... et imputés par elle à son voisin persistent à ce jour alors qu'il a été retenu que les causes d'aggravation avaient disparu depuis plusieurs années, s'agissant des deux premiers griefs à tout le moins ;

Que toutefois, si l'expert A... n'exclut pas que la construction d'un autre immeuble d'habitation en surplomb du fonds de l'intéressée est de nature à aggraver la servitude naturelle, il n'est toutefois pas en mesure de l'affirmer en l'état de ses travaux ; que s'il rappelle en outre que la maison d'habitation de Mme Margaret D..., qui est enterrée partiellement sur les façades sud-ouest et nord-est et presque jusqu'au faîtage sur le pignon nord-ouest, est dépourvue d'un dispositif de drainage conforme aux règles de l'art (NF DTU 20.1), faute de disposer d'une membrane d'étanchéité et d'un enduit d'une épaisseur et d'une profondeur suffisantes, ce constat n'exclut pas la responsabilité de l'intimé dans l'aggravation de la servitude et a simplement vocation à retenir que le dispositif de drainage existant était partiellement efficient ; que dans ces conditions, la contestation de la sincérité de l'attestation du dénommé M. G... F..., qui ne démontre en effet pas avoir effectué des travaux de drainage de la maison de l'intimée alors que l'intéressée le conteste vigoureusement, est donc sans réel emport en la cause ;

Qu'enfin s'il émane des témoignages communiqués aux débats par M. Jean-Claude X... et repris dans le rapport de l'expert, que deux personnes qui ont habité, ou simplement connu de longue date, la maison d'habitation, aujourd'hui propriété de Mme Margaret D..., attestent, pour l'un, qu'elle a toujours été humide et, pour l'autre, que le mur accolé au rocher était très humide et la première pièce à l'entrée, inhabitable, ces témoignages, peu circonstanciés, à supposer qu'ils relatent un fait naturel avéré, ne remettent pas non plus en cause la responsabilité retenue à l'encontre de l'intimé, dont la responsabilité dans l'aggravation de la servitude d'écoulement a aggravé dans ce cas un phénomène naturel d'humidité existante ;

Qu'en dernier lieu, les végétaux existant à proximité de la limite séparative des fonds forment une barrière végétale beaucoup moins dense et sensiblement moins haute qu'en 2004 lors de l'arrachage de la haie "historique" par M. Jean-Claude X..., de sorte qu'il est difficile de considérer, à la suite de l'expert A..., que cette cause d'aggravation a été totalement corrigée par la plantation de nouveaux arbres ou arbustes;

* Sur l'indemnisation des désordres subis,

Attendu que l'expert A... a retenu, à l'effet de corriger les désordres constatés sur la propriété de Mme Margaret D..., les devis de la société Stéphane Letondor du 30 octobre 2013 et de la société nouvelle de construction bisontine du 8 avril 2014, qu'il qualifie de complémentaires et propose, à la faveur d'une actualisation des montants, de retenir un coût de 27.616,18 € ttc pour la reprise des désordres en lien avec l'aggravation de la servitude imputable à M. Jean-Claude X... ;

Qu'infirmant le jugement déféré quant au seul quantum de la condamnation, il y aura lieu de condamner M. Jean-Claude X... à payer cette somme à l'intimée, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur celle de 26.951,22 € allouée par les premiers juges au vu des mêmes devis, et à compter du présent arrêt pour le surplus ; qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnisation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 5.000 €, à laquelle acquiesce l'intimée, est justifiée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu par ailleurs que si la demande formée pour la première fois à hauteur de Cour par Mme Margaret D... tendant à l'indemnisation d'un préjudice lié à l'éboulement de gravats sur sa propriété, est recevable, encore faut il qu'elle en établisse le caractère bien fondé;

Que si l'expert, en réponse au dire du conseil de l'intéressée, relève la présence de cailloux sur le fonds de l'intimée, le long de certaines parties de sa clôture, et explique leur présence par une mauvaise stabilisation du remblai réalisé par M. Jean-Claude X... et par une inclinaison du talus supérieure à 45 degrés, il ressort du cliché joint au rapport que la clôture n'est pas endommagée, que la présence de cailloux, incontestablement en provenance du fonds supérieur, est clairsemée et que la demande d'indemnisation à hauteur de 12.576 € à l'effet de faire ériger un mur de soutènement destiné à faire cesser lesdits éboulis, est manifestement excessive, ce d'autant qu'il appartient au propriétaire du fonds supérieur de retenir ses terres afin d'éviter tout éboulement de cette nature qui constituerait un trouble anormal de voisinage, au besoin en érigeant un mur de soutènement sur son propre fonds ; qu'il lui sera en revanche alloué une somme de 2.000 € à ce titre, en réparation des désagréments supplémentaires ainsi causés et du coût d'enlèvement des éboulis ; qu'il appartiendra cependant à M. Jean-Claude X... de se conformer à l'obligation précitée en stabilisant son remblai ;

* Sur la perte de la valeur vénale de l'immeuble,

Attendu que Mme Margaret D... ne démontre pas en quoi les trois causes d'aggravation de la servitude naturelle de ruissellement imputées à M. Jean-Claude X... dans la réalisation de son préjudice, ont induit une perte de valeur vénale de sa maison d'habitation, qu'elle chiffre même à 70.000 € ; que la cour suivra sur ce point l'analyse de l'expert considérant que, dès lors que M. Jean-Claude X... est condamné à indemniser l'intéressée de son préjudice et que celle-ci va ainsi pouvoir remédier aux entrées d'eau dans son immeuble, aucun préjudice ne peut sérieusement être invoqué au titre d'une dévaluation de celui-ci;

Que le jugement déféré qui a rejeté cette prétention sera confirmé de ce chef ;

* Sur la demande de dommages-intérêts,

Attendu que M. Jean-Claude X... dont la responsabilité est retenue au terme du présent litige, ne saurait être suivi en sa demande de dommages-intérêts formée pour la première fois à hauteur de cour à l'encontre de son contradicteur, au motif qu'il subirait un préjudice moral, voire médical, découlant de l'action abusive et de l'attitude procédurière de Mme Margaret D... ; qu'il en sera par suite débouté ;

* Sur les demandes accessoires,

Attendu que l'issue du présent litige et l'équité commandent de faire droit à la demande de Mme Margaret D... au titre des frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 2.000€; que M. Jean-Claude X..., qui succombe au principal supportera lesdépens de première instance et d'appel, à l'exception du coût de l'expertise réalisée par A..., dont le recours a été rendu nécessaire par la réaction tardive de Mme Margaret D... à solliciter judiciairement l'indemnisation de ses préjudices à la suite du dépôt du rapport de l'expert B... le 5 mars 2008 ; qu'il s'ensuit que les dépens supportés par l'intimé ne comprendront que le coût de la première expertise, le coût de la seconde étant laissé à la charge de Mme Margaret D... ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette les moyens d'irrecevabilité tirés de la nouveauté en appel des prétentions.

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Besançon le 3 mars 2015, sauf à réactualiser le quantum de la condamnation au titre de la reprise des désordres et à constater que la condamnation de M. Jean-Claude X... à réaliser des travaux de canalisation et captation des eaux de ruissellement sur son fonds est désormais sans objet.

Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. Jean-Claude X... à payer à Mme Margaret D... les sommes de :

* vingt sept mille six cent seize euros et dix huit centimes (27.616,18 € ttc), outre intérêts au taux légal à compter du jugement déféré sur 26.951,22 € et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre de la reprise des désordres consécutifs à l'aggravation de servitude naturelle,

* deux mille euros (2.000 €) en réparation du préjudice causé par les éboulements en provenance du remblai non stabilisé du fonds supérieur, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Déboute M. Jean-Claude X... de sa demande de dommages-intérêts.

Condamne M. Jean-Claude X... à verser à Mme Margaret D... une indemnité de deux mille euros (2.000 €) au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne Mme Margaret D... à prendre en charge le coût de l'expertise de M. A... dont le rapport a été déposé le 22 novembre 2017.

Condamne M. Jean-Claude X... aux autres frais et dépens d'appel et autorise Maître Y... à recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

Le Greffier, le Président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/00815
Date de la décision : 16/10/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 01, arrêt n°15/00815 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-16;15.00815 ?
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