ARRÊT N°
EM/CB
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2018
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 05 Septembre 2018
N° de rôle : N° RG 18/00779 - N° Portalis DBVG-V-B7C-D6LD
S/appel d'une décision
du Tribunal de Commerce de LONS LE SAUNIER
en date du 16 mars 2018 [RG N° 2017F148]
Code affaire : 4IF
Recours devant le tribunal contre les décisions du juge commissaire et appels contre les décisions statuant sur ces recours
SARL B.V.P.I C/ CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE, SCP PASCAL LECLERC
PARTIES EN CAUSE :
SARL B.V.P.I
dont le siège est [...]
APPELANTE
Représentée par Me Séverine X... de la SCP DSC AVOCATS, avocat au barreau de BESANCON
ET :
CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE
dont le siège est [...]
INTIMÉ
Représenté par Me Jean-marie Y... de la Z... , avocat au barreau de JURA
SCP Pascal LECLERC, ès qualités de Mandataire Judiciaire de la société BVPI, domicilié [...] .
dont le siège est [...]
INTIMÉE
Représentée par Me Jean-pierre A... de la B... - BILLAUDEL, avocat au barreau de JURA
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame D. BOROWSKI , Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Mesdames A. CHIARADIA et B. UGUEN-LAITHIER, Conseillers.
L'affaire, plaidée à l'audience du 05 septembre 2018 a été mise en délibéré au 03 octobre 2018. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits et prétentions des parties
Par jugements rendus respectivement les 7 avril 2006 et 25 mai 2007, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la SARL BVPI (la société) en désignant la SCP Leclerc et Masselon en qualité de mandataire judiciaire puis a arrêté le plan de redressement présenté par la société en accordant à celle-ci la faculté de se libérer par anticipation et a désigné la SCP Leclerc et Masselon en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par quatre ordonnances datées du 11 juillet 2007 aujourd'hui définitives, le juge commissaire de cette procédure collective, statuant sur la déclaration par le Crédit agricole mutuel de Franche-Comté (la banque) de ses créances, a prononcé l'admission de celles-ci comme suit:
- 16.105,56 € à titre chirographaire échu,
- 20.095,25 € à titre chirographaire échu,
- 675,40 € à titre privilégié échu et 15.795,39 € à titre privilégié à échoir (nantissement sur le fondes de commerce),
- 1.241,89 € à titre chirographaire échu et 61.949,77 € à titre chirographaire à échoir.
La banque ayant réclamé et obtenu le remboursement de l'intégralité de ses créances majorées pour certaines des intérêts contractuels qu'elle avait déclarés pour mémoire, la société, estimant avoir indûment payé ces intérêts, a saisi le président du tribunal de commerce afin qu'il convoque les parties.
C'est dans ces conditions qu'ensuite d'une audience qui s'est tenue le 28 novembre 2016 dans des conditions ignorées de la cour, M. Claude C..., juge commissaire de la procédure collective de la société a, par ordonnance rendue le 6 février 2017 :
- jugé que les intérêts à échoir mentionnés dans la déclaration de créance n'ont pas été admis au passif de la procédure collective,
- renvoyé la société BVPI à saisir la juridiction compétente sur les conséquences du rejet des intérêts ainsi que sur la demande de constat de bonne exécution du plan,
- débouté la société BVPI du surplus de ses demandes,
- débouté la SCP Pascal Leclerc de sa demande de rectification d'erreur matérielle,
- passé les frais en frais privilégiés de procédure collective.
Sur l'opposition formée par la banque contre cette ordonnance, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier a, selon jugement rendu le 16 mars 2018 :
- mis à néant l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 6 février 2017,
- constaté que la société BVPI a été informée , dès le mois d'avril 2008, de la totalité des sommes à verser au Crédit agricole mutuel de Franche-Comté,
- dit et jugé que l'action engagée par la société BVPI est prescrite,
- en conséquence, déclaré irrecevable la demande de la société BVPI,
- rejeté la demande du Crédit agricole formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- passé les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
La société a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe le 27 avril 2018 et, dans ses écrits transmis le 8 juin 2018, elle en sollicite l'infirmation et demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a considéré que, les intérêts n'étant pas mentionnés sur la décision d'admission, c'est à tort que la banque a sollicité leur paiement et juger que les intérêts à échoir mentionnés dans la déclaration de créance n'ont pas été admis au passif de la procédure collective,
- condamner la banque à lui restituer la somme de 36.625,94 € outre intérêts au taux légal à compter de leur versement,
- au besoin, juger que la déclaration de créance de la banque du 9 mai 2006 ne respecte pas les exigences de l'article R.622-33 du code de commerce,
- juger que les décisions d'admission de la créance de la banque par le juge commissaire le 7 juillet 2007 ne satisfont pas aux exigences de l'article R.622-33 du code de commerce faute d'indication des modalités de calcul des intérêts à échoir,
- en conséquence, juger que les intérêts à échoir postérieurement au jugement de mise en redressement judiciaire (sic) de la société sont exclus du passif et du plan et que les sommes indûment versées à la banque doivent être restituées à la société,
- constater que l'intégralité du passif admis a été réglée,
- constater l'extinction du plan par apurement du passif,
- en toute hypothèse condamner la banque à lui payer 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La banque a répliqué en dernier lieu le 21 juin 2018 pour solliciter la confirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions et la condamnation de la société à lui payer 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses écrits déposés le 25 juin 2018, la SCP Pascal Leclerc, ès qualités de mandataire judiciaire de la société, a déclaré s'en rapporter à justice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2018,
Motifs de la décision
Le tribunal de commerce a méconnu l'effet dévolutif résultant du recours formé contre l'ordonnance du 6 février 2017.
En effet, le président du tribunal de commerce qui, saisi par une requête de la société qu'aucune des parties n'a jugé utile de produire à hauteur de cour, a décidé le 17 août 2016 de statuer ès qualités de juge commissaire de la procédure collective de ladite société, s'est borné à interpréter ses décisions d'admission des créances de la banque ce qui, par application de l'article 461 du code de procédure civile, ressortait effectivement de son pouvoir juridictionnel.
C'est donc avec pertinence qu'après avoir procédé à l'interprétation de ses précédentes décisions, parfaitement conscient de son total défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur une demande en répétition de l'indu formée par la société contre la banque, il a renvoyé la société à saisir la juridiction compétente sur les conséquences du rejet des intérêts ainsi que sur la demande de constat de bonne exécution du plan.
Il s'ensuit que le tribunal, saisi de l'opposition formée contre l'ordonnance ainsi rendue, devait lui-même se limiter à l'interprétation à donner aux décisions portant admission des créances de la banque 'outre intérêts pour mémoire'.
Le pouvoir juridictionnel de la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, n'est pas plus étendu que celui du juge initialement saisi qui a statué en qualité de juge commissaire de sorte qu'il ne s'étend notamment pas à la possibilité, ni de condamner la banque à restituer quelque somme que ce soit à la société, ni de déclarer prescrite la demande de la société en répétition des sommes qu'elle a versées à la banque dans le cadre de l'exécution de son plan.
Il se limite à l'interprétation donnée par le juge commissaire des ordonnances qu'il a rendues le 11 juillet 2007 dans le cadre de la vérification des créances déclarées par la banque au passif de la procédure collective de la société sans pouvoir se prononcer ni sur le fait que l'intégralité du passif admis a été réglée, ni sur l'éventuelle extinction du plan par apurement du passif.
Or, sur ce point, force est de constater que, comme l'a justement constaté le juge commissaire, la banque n'ayant déclaré les indemnités et les intérêts contractuels des emprunts que 'pour mémoire', ceux-ci n'ont pas été mentionnés dans les ordonnances d'admission de créances devenues irrévocables faute de tout recours, de sorte qu'ils n'ont pas été admis.
Il s'ensuit qu'infirmant le jugement déféré, il convient de confirmer l'ordonnance du juge commissaire en toutes ses dispositions.
La banque qui succombe supportera les dépens et indemnisera la société des frais irrépétibles qu'elle lui a fait exposer.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi ,
Déclare la SARL BVPI recevable et fondée en son appel.
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mars 2018 par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier et statuant à nouveau,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 6 février 2017 par le juge commissaire de la procédure collective de la SARL BVPI.
Condamne le Crédit agricole mutuel de Franche-Comté à payer à la SARL BVPI la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne le Crédit agricole mutuel de Franche-Comté aux dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Ordonne la notification du présent arrêt par les soins du greffe, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la SARL BVPI, au Crédit agricole mutuel de Franche-Comté et à la SCP Pascal Leclerc.
Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.
Le Greffier, le Président de chambre