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28/09/2018 | FRANCE | N°17/02047

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 septembre 2018, 17/02047


ARRET N° 18/590


LM/KM





COUR D'APPEL DE BESANCON


- 172 501 116 00013 -


ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2018





CHAMBRE SOCIALE








Contradictoire


Audience publique


du 29 Juin 2018


N° de rôle : N° RG 17/02047





S/appel d'une décision


du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON


en date du 27 septembre 2017


code affaire : 80A


Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de tra

vail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





APPELANTE





Madame Régine G..., demeurant [...]





représentée par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien Y..., avocat au barreau de...

ARRET N° 18/590

LM/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2018

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 29 Juin 2018

N° de rôle : N° RG 17/02047

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 27 septembre 2017

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

Madame Régine G..., demeurant [...]

représentée par Me Isabelle TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Fabien Y..., avocat au barreau de BESANCON

INTIME

OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DU DEPARTEMENT DU DOUBS HABITAT [...]

représentée par Me Emmanuelle Z..., avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant et par Me Olivier A..., avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 29 Juin 2018 :

CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN

lors du délibéré :

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 24 avril 2011, Mme Régine G... a été embauchée par l'OPH du Doubs Habitat 25 en qualité de Directrice des ressources humaines et des moyens généraux.

Mme Régine G... a été arrêtée pour cause de maladie du 16 mars au 31 mai 2015. Après deux visites de reprises, qui ont eu lieu respectivement les 11 mai et 1 juin 2015, la salariée a été déclarée inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise.

Après un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude par courrier recommandée du 7 juillet 2015.

Alléguant avoir été victime de harcèlement moral de la part de son ex-employeur et considérant que son licenciement était dès lors nul, Mme Régine G... l'a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de Besançon aux fins d'être indemnisée à ce titre.

Par jugement contradictoire du 27 septembre 2017 le conseil de prud'hommes de Besançon a débouté Mme Régine G... de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 13 octobre 2017 Mme Régine G... a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières écritures déposées, le 18 juin 2018, Mme Régine G... poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de céans de :

- avant dire droit, ordonner une enquête civile aux fins de faire procéder à l'audition, de MM Pascal B... et Jean-François X..., ainsi que de Mme Sandra C...,

- au fond, dire nul son licenciement et condamner l'OPH du Doubs Habitat 25 à lui verser les sommes de :

. 95.000,00 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice,

. 3.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 24 mai 2018, l'OPH du Doubs Habitat 25 sollicite à titre principal la confirmation de la décision querellée. A titre subsidiaire l'intimé demande à la cour de cantonner l'indemnisation de Mme Régine G... à la somme de 31.837,44 €. En tout état de cause l'OPH du Doubs Habitat 25 réclame la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2018.

Motifs de la décision

Attendu qu'il est constant que Mme Régine G... a été embauchée par l'OPH du Doubs, sous contrat à durée indéterminée en date du 24 avril 2011, en qualité de Directrice des ressources humaines et des moyens généraux ; qu'aux termes de la fiche de poste, ses missions consistaient au sein de l'office à piloter la direction dont elle avait la charge selon la politique de l'entreprise, telle que définie par le conseil d'administration en déclinant les orientations stratégiques en plans d'actions opérationnels et à manager les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour atteindre lesdits objectifs ;

Attendu qu'il est établi par les pièces du dossier que Mme Régine G... a fait l'objet d'un premier arrêt de travail pour cause de maladie, du 31 mars au 13 avril 2014 ; qu'elle a été de nouveau arrêtée pour la même cause du 16 mars au 31 mai 2015 ; qu'après deux visites de reprise, qui ont eu lieu respectivement les 11 mai et 1 juin 2015, la salariée a été déclarée inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise; qu'après un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude par courrier recommandée du 7 juillet 2015 ;

Attendu que dans la présente instance Mme Régine G... soutient avoir fait l'objet de harcèlement moral au travail de la part du directeur général de l'office et prétend que son licenciement pour inaptitude est conséquence nul ; qu'à l'appui de ses prétentions, la salariée invoque principalement une 'mise au placard' ;

Attendu que l'article L.1152-1 du code du travail dispose : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'; que l'article L.1152-3 du même code ajoute : 'Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul';

Attendu qu'en matière de harcèlement, l'article L.1154-1 du code du travail fixe les règles probatoires suivantes :

'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Attendu qu'il convient en l'espèce, avant d'examiner de façon précise les différents griefs formulés par Mme Régine G... à l'encontre de son ancien employeur, de retracer le contexte dans lequel les faits allégués se sont déroulés, tel qu'il se dessine au travers des diverses attestations produites aux débats ;

Attendu qu'à l'époque des faits invoqués, la direction générale de l'OPH du Doubs était assurée par M. Jean Luc D...; qu'il ressort des explications fournies par certaines pièces que ce dernier, issu de la fonction publique, a exercé successivement au sein de l'office, les fonctions de Directeur des services techniques, puis, après une parenthèse dans les services du conseil général, celles de Directeur Général Adjoint puis de Directeur général;

Attendu qu'à ce stade de l'exposé il convient de s'attarder sur l'attestation de M. E..., ancien salarié de l'OPH 25, devenu aujourd'hui Directeur du patrimoine à la mairie de Besançon; que ce témoignage, comportant six pages dactylographiées, retrace avec précision la collaboration de son rédacteur avec M. Jean Luc D... et permet d'appréhender les méthodes de management adoptées par celui-ci; qu'il y a lieu de préciser que M. E... reconnaît dans ses déclarations écrites, que durant sa collaboration avec M. Jean-Luc D... il a beaucoup appris de ce dernier sur le terrain professionnel;

Attendu que dans son récit M. E... indique que lorsqu'il est revenu à l'OPH 25 en qualité de directeur général adjoint, M. Jean Luc D... ' avait totalement changé, semblait aigri'; qu'il raconte pour illustrer son propos : ' les rapports de présentation des marchés sont devenus des épreuves de concours de littérature... Chaque courrier était corrigé, parfois pour y ajouter une virgule, remplacer un mot par un autre, pas toujours de manière efficiente ....Une lettre pouvait ainsi prendre une semaine de retard ...pour une virgule à ajouter. On a commencé à prendre des savons sans raison'; que l'attestant précise aussi à titre d'exemple: ' dans le cadre du renouvellement urbain, je me souviens que le DG prenait plaisir à être désagréable avec les partenaires, à s'en prendre aux personnes, de manière intentionnelle, parfois préméditée;

Attendu que M. E... se fait plus précis s'agissant du comportement de M. Jean-Luc D... dans ses relations avec le personnel de l'office; qu'il fait état des faits suivants ' afin de gagner de la place dans le bâtiment principal la direction du patrimoine a été amenée à déménager dans l'annexe... J'avais obtenu un consensus au sein de l'équipe pour l'attribution des nouveaux bureaux. Celle-ci convenait à tous. Néanmoins le DG ne m'a pas autorisé à la mettre en place : c'est lui qui a décidé de la position de chacun... Des propres termes du DG, il ne fallait pas confondre administration et démocratie...';

Attendu que M. E... explique ensuite la dégradation de sa propre situation : ' Petit à petit j'ai sombré dans les abysses. Le DG ne me témoignait plus aucun signe de confiance et je ne comprenais rien : j'avais toujours été franc, loyal, m'étais rarement trompé et tout mon travail était décortiqué, remis en cause éternellement par un DG froid au visage totalement fermé. Les propos étaient de plus en plus dévalorisants, les larmes de plus en plus fréquentes...' ;

Attendu que le témoin ajoute également : 'L'ambiance générale commençait à se dégrader... Petit à petit, nous nous sommes épuisés. Sandrine M., Fabienne R., deux directrices, sortaient régulièrement du bureau du DG en pleurant... Nous étions des nuls qui ne savaient pas travailler alors que nous avions donné notre vie et notre santé à l'Office. Nous étions présents chaque jour ; je venais travailler le samedi matin... mais nous n'en faisions pas assez'; que le témoin conclut : 'après un arrêt de travail de trois mois, suite à un burn-out qui a failli me coûter la vie j'ai décidé de quitter Habitat 25. Je sais qu'aujourd'hui d'autres têtes de turc m'ont succédé, d'autres personnes sont en souffrance à Habitat 25";

Attendu que ce témoignage n'est pas isolé et qu'il se trouve confirmé sur certains points par celui de Mme Sandrine F..., ancienne directrice 'Construction' à OPH 25; qu'il échet de citer à titre d'exemple : ' la rédaction des documents était compliquée... courriers systématiquement renvoyés avec corrections, bien sûr quelquefois justifiées, mais quelque fois avec des annotations blessantes que tout le monde voyait.'; que cette ex-salariée de l'office précise : ' le personnel était devenu démotivé, beaucoup de départs de l'entreprise, pas souvent remplacés. Je me rappelle d'une remarque du DG à l'ensemble des cadres lors d'une réunion plénière où il nous avait rendu responsables (car 'il ne pouvait pas nous faire confiance' ) du fait qu'il ne pouvait être que Directeur Général et qu'il ne pouvait animer par ex. des réseaux professionnels'; qu'elle cite par ailleurs une réflexion faite par M. D... suite à un désaccord : 'il n'y a pas à discuter, tu n'as qu'à obéir '; que pour l'attestante M. Jean-Luc D... était un directeur pratiquant ' un management très autoritaire, injuste, maltraitant, négatif ';

Attendu que s'agissant du management de M. Jean-Luc D..., M. Patrice B..., directeur des affaires générales à Habitat 25 atteste en ces termes : ' le Directeur général d'Habitat 25, Jean-Luc D..., exerce depuis plusieurs années un management de type autocratique, c'est à dire qu'il impose ses choix sur systématiquement tous les sujets.. La recherche de la performance impacte négativement les agents ..dans la mesure où le droit à l'erreur n'existe pas. Les points négatifs sont les seuls à être mis en exergue, les point positifs, les réussites ne sont jamais mis en avant, ne sont jamais valorisées. La confiance dans les équipes n'existent pas'; qu'il cite par exemple le cas de Mme S. F... qui a du piloter sa direction sans chefs de service durant plusieurs mois : 'les objectifs qui lui étaient assignés étaient quasiment les mêmes, le niveau de qualité d'excellence, de précision également, la pression quotidienne qui était alors exercée sur elle alors qu'elle travaillait en mode dégradé, a fini par la rendre malade dans un grand état de stress et d'angoisse, ce qui s'est traduit, à titre d'exemple, par un malaise lors d'un bureau du conseil d'administration. Ayant totalement perdu confiance en elle a fini par démissionner...' ;

Attendu que c'est dans ce contexte que Mme Régine G... invoque sa mise à l'écart laquelle se serait traduit par un retrait de certaines missions qui lui étaient dévolues de par son contrat de travail; que dans un courrier du 18 novembre 2013, remis en mains propres le 11 décembre 2013, elle demande au directeur général de lui restituer 'la place qui est due à son poste';

Sur la mise à l'écart de la salariée à l'occasion du dialogue social dans l'entreprise

Attendu qu'en 2013 le directeur général de l'office a donné délégation à Mme Régine G... pour qu'elle préside à sa place le CHSCT ; qu'il est établi qu'à la fin de la même année le directeur général a mis fin à cette délégation ; que pour écarter tout reproche sur ce point, l'office explique que cette décision a été prise à la demande des membres de l'institution;

Attendu que les éléments versés aux débats, en particulier l'enquête civile diligentée par les premiers juges, ne permettent pas de remettre en cause les explications fournies par l'OPH 25; qu'il résulte des quelques déclarations écrites recueillies sur ce point, que la demande formulée par les membres du CHSCT était motivée par la volonté d'avoir des débats plus sereins;

Attendu que s'agissant plus largement de la préparation du dialogue social dans l'entreprise, le directeur général explique dans un courrier qu'il a adressé à Mme Régine G... le 17 mars 2014, que son intervention prépondérante en la matière résultait des carences des services de celle-ci, lequel lui aurait transmis tardivement et de façon désordonnée des éléments nécessaires à la négociation; qu'il y a lieu de juger cette explication, au demeurant non étayée par des pièces, insuffisante pour justifier la mise à l'écart de Mme Régine G... , la participation au dialogue social dans l'entreprise relevant de la sphère d'activité de la directrice des ressources humaines;

Attendu qu'il résulte des écritures des parties que le directeur général de l'office a confié à un membre du CHSCT le soin de piloter le plan de prévention des risques psychosociaux (RPS) ; que pour justifier une telle décision, l'office met en avant sa volonté de faire participer au maximum l'ensemble des salariés à la démarche entamée ; que cette explication n'apparaît pas sérieuse dès lors qu'un tel objectif pouvait être atteint sans porter atteinte aux attributions de Mme Régine G... ;

Sur la mise à l'écart de la salariée à l'occasion du passage à la comptabilité commerciale

Attendu que Mme Régine G... soutient dans ses écritures que lors du passage de l'office à la comptabilité commerciale le directeur général a décidé de l'ignorer et de s'adresser directement à un des chefs de service de sa direction ; que pour conforter ses allégations elle produit aux débats un échange de courriels entre M. Jean-Luc D... et M. Julien I... relatif 'au passage en comptabilité commerciale : Profils métiers/ postes cibles'; que pour répondre à cette critique l'OPH 25 indique en premier lieu que la première étape du processus n'avait aucun impact sur les ressources humaines et qu'il n'y avait pas lieu d'impliquer les services de la salariée; qu'il ajoute ensuite que les travaux devaient être achevés pour le 11 juillet 2014, et que Mme Régine G... étant en congé du 4 juillet au 4 août 2014, il a fallu solliciter un chef de service de la direction des ressources humaines;

Attendu que les explications données sur ce point par l'OPH 25 ne sauraient être regardées comme valables ; que le passage en comptabilité commerciale, même appréhendé sous un aspect purement technique, nécessitait la participation de la directrice des ressources humaines et des moyens généraux pour prévenir toute difficulté ultérieure; que l'argument pris des congés de Mme Régine G... n'est pas davantage opérant dès lors que le courriel adressé par M. Jean-Luc D... au chef de service est daté du 3 juillet 2014 et qu'à cette date la salariée était encore en fonction; ;

Attendu par ailleurs que si un compte-rendu de réunion atteste du fait que la directrice des ressources humaines a été informée de la date du début des différents chantiers résultant du passage à la comptabilité commerciale, il ne démontre toutefois pas que celle-ci a été informée de ce que lesdits chantiers seraient confiés à un chef de service de sa direction ;

Attendu que dans son attestation le Directeur des affaires comptables de l'office indique : ' Par rapport à l'évolution de la situation de Régine G..., j'ai pu constater, à diverses reprises, sa mise à l'écart volontaire dans les dossiers de réorganisation impliquant fortement les personnels. L'exemple le plus prégnant se situe au niveau de la réflexion amorcée en 2013 dans le cadre du passage en comptabilité commerciale. Elle a été alors mise volontairement à l'écart de toutes les réunions et surtout de la définition des postes et des compétences qui pourtant relèvent de sa responsabilité. La mission de réécrire les fiches de postes dans cette nouvelle organisation a alors été confiée au jeune chef de service des ressources humaines normalement placé sous l'autorité de Mme G...... ;

Attendu que le passage à la comptabilité commerciale a conduit à une réorganisation des services et leur ré-amanagement ; qu'il n'est pas contesté par l'office que Mme Régine G... , directrice des ressources humaines et des moyens généraux, n'a du tout été associée à ces opérations; que pour justifier cette décision l'OPH 25 indique que le sujet étant extrêmement sensible, le Directeur Général a seulement demandé à la responsable du service des moyens généraux d'écrire ses directives et que s'agissant d'un simple travail de transcription, il n'y avait pas lieu de mobiliser une directrice; que cette explication témoigne de la volonté du directeur général d'ignorer les attributions conférées à Mme Régine G... , telles qu'elles découlaient de la fiche de poste;

Sur la mise à l'écart de la salariée à l'occasion de recrutements

Attendu que Mme Régine G... fait aussi grief à son ex-employeur d'avoir procédé à divers recrutements sans son intervention ; que l'OPH 25 répond, que s'agissant de l'embauche d'une autre directrice, il existait un impératif de confidentialité au regard de la situation de l'intéressée chez son autre employeur, ajoutant d'autre part que les autres directeurs de l'office n'avaient pas à participer au choix de leurs collègues;

Attendu que tels arguments ne peuvent être qu'écartés, sauf à estimer, comme semble le faire M. Jean-Luc D..., que ses proches collaborateurs sont incapables de respecter leur obligation de discrétion professionnelle; qu'il y a lieu, d'autre part, de considérer que la participation de la DRH aux opérations de recrutement d'un autre directeur n'induisait pas nécessairement qu'elle prenne position ou émette un avis;

Attendu qu'en ce qui concerne l'embauche d'une assistante du directeur général, l'employeur affirme qu'il était naturel que celui-ci y procède lui-même puisqu'il s'agissait de sa future proche collaboratrice; qu'il ajoute en outre que le recrutement litigieux a débuté alors que Mme Régine G... était en congés; qu'il y a lieu de relever une coïncidence récurrente entre les faits incriminés et les congés de Mme Régine G... ; qu'en tout état de cause le recrutement aurait du être poursuivi par la DRH à son retour de congés;

Sur la mise à l'écart de la salariée suite à un audit de performances de l'office

Attendu qu'au cours de l'année 2014, l'OPH 25 a confié à un cabinet extérieur la mission de mesurer la performance de cet organisme; qu'il est avéré que le directeur général de l'office a demandé au prestataire de limiter la diffusion de ses conclusions à sa seule personne; que Mme Régine G... a eu toutefois connaissance par le cabinet du prestataire de certaines informations; que pour se défendre de toute mise à l'écart de la salariée, l'office met en avant le caractère confidentiel de cette étude, ajoutant que la consigne de non-diffusion valait pour l'ensemble du personnel;

Attendu que la mission dont s'agit, avait pour objet d'analyser les performances de l'organisme dans ses différentes branches d'activités au regard des moyens mobilisés pour les atteindre, dont les moyens humains; qu'il était donc légitime que Mme Régine G... revendique la communication des conclusions du prestataire, et ce, en sa qualité de DRH; qu'il échet d'ajouter que le fait que les autres directeurs n'avaient pas eu connaissance de ce rapport, fait au demeurant non-établi, est sans incidence sur cette constatation;

Sur les mise à l'écart de la salariée dans les délégations de signatures

Attendu que Mme Régine G... soutient avoir également subi un traitement différencié en matière de délégation de signature; qu'elle expose en effet qu'en 2013 toutes les délégations de signatures ont été refaites sauf la sienne; qu'il en est résulté pour elle l'impossibilité de signer des bons de commande pour des marchés inférieurs à 4.000,00 € et la nécessité de les soumettre à la signature d'un de ses chefs de service ;

Attendu que l'OPH 25 répond que le refus de modifier la délégation de Mme P ne l'empêchait pas de signer les bons de commande de 4.000,00 € à 20.000,00 € qu'il verse aux débats deux bons de commande en date du 29 mai et 26 juillet 2013 signés de la main de Mme Régine G... ;

Attendu que l'OPH 25 ne répond pas à l'argument de Mme Régine G... ; qu'il n'explique surtout pas pour quelle raison cette salariée, qui avait le statut de directrice, se voyait contrainte de soumettre à la signature d'un de ses subordonnés certains bons de commande, étant ajouté qu'en l'absence de la production des diverses délégations consenties en la matière au sein de l'organisme la cour n'est pas en mesure d'apprécier le caractère généralisé de la mesure appliquée à Mme Régine G... ;

Attendu que dans ses écritures l'OPH 25,reprenant un mail de son directeur général en date du 19 janvier 2015, explique qu'en tout état de cause il existait un dispositif permettant au directeur de signer quand le chef de service était absent; que dans ses conclusions l'office omet de retranscrire complètement le texte du courriel ; qu'en effet le directeur ne pouvait signer que s'il détenait la délégation correspondante;

Sur la mise à l'écart de la salariée à l'occasion de réunions

Attendu que Mme Régine G... prétend que son ex-employeur l'évinçait des réunions du Comité de patrimoine, et ce, alors que celui-ci était amené à traiter des dossiers intéressant les bâtiments administratifs, lesquels relevaient de sa direction ; que l'OPH 25 proteste et verse aux débats des copies de procès-verbaux qui attestent de la présence de Mme Régine G... aux réunions;

Attendu que l'OPH 25 ne répond pas à la critique formulée par Mme Régine G... laquelle affirme ne pas avoir été conviée à participer à ces réunions et affirme s'y être 'imposée' ; que ses dires se trouvent confortée par échange de courriels avec le DG, dans lequel Mme Régine G... lui demande : ' Puis-je participer au COPAT pour ce dossier s'il te plaît ''; qu'il y a lieu de constater que L'OPH 25 ne démontre pas avoir convoqué Mme Régine G... auxdites réunions;

Sur la mise à l'écart de la salariée résultant de l'absence de réponses du directeur général à ses demandes

Attendu que Mme Régine G... affirme ne pas avoir reçu de réponses à diverses demandes adressées au directeur général; qu'elle y voit une manifestation supplémentaire de sa mise à l'écart; que les éléments produits par celle-ci - quelques courriels- sont trop disparates pour caractériser une quelconque forme de marginalisation ; que par ailleurs s'agissant des primes de résultat l'appelante ne démontre pas en quoi, leur calcul erroné aurait participé d'une forme de harcèlement;

Attendu qu'au soutien de ses demandes Mme Régine G... fait état de mauvais traitements verbaux; qu'il est avéré que lors d'une réunion d'entreprise le directeur général lui a demandé de se taire; qu'un témoin précise : 'il m'a semblé que Mme G... était gênée, peinée, chagrinée'; que ce même témoin précise : ' Le climat était tendu. On ne le vivait pas très bien. Il n'y avait plus de sérénité. C'était quelque chose qui nous gênait dans la façon de débattre, dans la façon dont les séances CE se déroulaient. On savait que si Mme G... allait dire quelque chose, cela allait mal se passer...';

Attendu que cette brutalité de ton se retrouve également dans certains courriels du directeur général; qu'il convient de citer à titre d'exemples : ' Enfin quand je donne un ordre, j'entends qu'il soit suivi d'effet, sans discussion', 'Par ailleurs, je n'ai pas besoin que tu me dises où je suis indispensable, ton avis sur ce point ne m'intéresse pas '; que cette brutalité pouvait également se traduire par des insinuations du type : ' je n'ose croire que c'est volontairement que la somme n'a pas été portée au budget';

Attendu que pour décrédibiliser l'action judiciaire initiée à son encontre par Mme Régine G... , l'OPH 25 prétend tout d'abord que les allégations de harcèlement moral sont nées à la suite de critiques formulées sur son travail par le directeur général de l'office; que cet argument se trouve démenti par la chronologie des documents versés aux débats;

Attendu que l'OPH 25 tente ensuite d'accréditer la thèse selon laquelle Mme Régine G... aurait elle-même pratiqué le harcèlement moral à l'égard de deux salariés de l'office lorsqu'elle était directrice ; que les pièces produites pour ce faire n'en apportent pas la démonstration ;

Attendu en conclusion qu'il s'évince des constatations qui précèdent que, sous couvert de pratiquer un management directif, voir autoritaire, le directeur général de L'OPH 25 a dessaisi progressivement Mme Régine G... d'une grande partie des attributions qui lui étaient conférées par son contrat de travail; que ce comportement a été justement ressenti par la salariée comme une marginalisation pure et simple au sein de l'office public ; que les agissements du directeur général de l'OPH 25 doivent être analysés comme des agissements répétés de harcèlement moral, étant rappelé que celui-ci est constitué indépendamment de l'intention de son auteur ;

Attendu qu'il résulte de quatorze attestations, rédigées par des proches et des amis, dont un médecin, que cette mise à l'écart professionnelle a généré chez Mme Régine G... une perte de confiance en soi et une dévalorisation puis une lente dégradation de son état de santé;

qu'il est établi par les pièces médicales que suite à la dégradation de son état de santé Mme Régine G... a été placée par la suite en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif et déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise;

Attendu qu'il échet de dire, en application de l'article 1152-1 du code du travail, que Mme Régine G... été victime de faits de harcèlement moral et qu'en conséquence son licenciement est nul; qu'eu égard aux circonstances de la cause, d'une part, à l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise lors de la rupture du contrat de travail et à ses perspectives de retrouver un emploi, jusque-là demeurées vaines, d'autre part, il lui sera alloué la somme de 40.000,00 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que le jugement critiqué sera infirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens; qu'au titre de la première instance il sera accordé à Mme Régine G... la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles, les dépens restant à la charge de l'OPH 25;

Attendu que l'OPH 25 qui succombe à hauteur de cour sera condamné à payer la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ces titres;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement rendu le 27 septembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Besançon dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement prononcé par l'OPH du Doubs Habitat 25 à l'encontre de Mme Régine G... .

CONDAMNE l'OPH du Doubs Habitat 25 à payer à Mme Régine G... la somme de quarante mille euros (40.000,00 €) en réparation des préjudices en résultant;

DÉBOUTE l'OPH du Doubs Habitat 25 de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne sur ce fondement à payer à Mme Régine G... la somme de quatre mille cinq cents euros (4.500,00 €).

CONDAMNE l'OPH du Doubs Habitat 25 aux dépens de première instance et d'appel avec droit pour la SCP d'avocats CODA de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt huit septembre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre et Mme Karine MAUCHAIN , greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/02047
Date de la décision : 28/09/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/02047 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-28;17.02047 ?
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