ARRET N° 18/
PB/GB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 01 JUIN 2018
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 04 Mai 2018
N° de rôle : 17/02050
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON
en date du 13 septembre 2017
code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
APPELANT
Monsieur Jean-Michel X..., demeurant [...]
représenté par Me Anne-Sylvie Y..., avocat au barreau de BESANCON
INTIMEE
SARL LLERENA BOURGOGNE FRANCHE-COMTE agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, [...]
représentée par Me Sabine G..., avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant et Me Ludovic Z..., avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 04 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur BOURQUIN Patrice, Conseiller, entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre
M. Jérôme COTTERET, Conseiller
Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 1er Juin 2018 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCÉDURE
Le 23 avril 2008, M. Jean-Michel X... a été embauché par la Sarl Llerena et par la société Cerfc Llerena par deux contrats à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de formateur poids lourds.
Au 1er janvier 2014 , M. Jean-Michel X... a été muté, sur un poste de responsable des centres de Dijon et Besançon et un nouveau contrat de travail a été signé avec la Sarl Llerena.
La Sarl Llerena exerce une activité d'enseignement de la conduite ainsi que de formation professionnelle, de vente, de réalisation d'actions de formation pour les entreprises dans le domaine du transport, de la logistique et, du bâtiment, des travaux publics et de la sécurité.
Le 2 février 2016, M. Jean-Michel X... a adressé un courrier à son employeur par lequel il indiquait démissionner de son poste, au motif que les conditions actuelles ne lui permettaient plus de remplir sa mission dans des conditions acceptables.
Le 28 juin 2016, M. Jean-Michel X... a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon aux fins que sa démission produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il a été débouté de l'intégralité de ses demandes par jugement du conseil de prud'hommes du 13 septembre 2017, qui l'a en outre condamné à payer à la Sarl Llerena la somme de 660€ à titre d'indemnité pour la partie du préavis non exécuté.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 16 octobre 2017, il a interjeté appel de la décision.
Selon conclusions visées le 4 décembre 2017, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande de :
- dire que la démission est équivoque et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la Sarl Llerena à lui payer le sommes suivantes :
* 42.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5584€ à titre d'indemnité de licenciement ,outre intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe,
* 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sollicite en outre la condamnation de la Sarl Llerena à délivrer un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte définitive de 100€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
Selon conclusions du 20 février 2018, la Sarl Llerena conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. Jean-Michel X... à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2018.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 3 mai 2018 a été rejetée une demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la demande relative à la démission
La démission est un acte unilatéral de volonté par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.
En l'espèce, le courrier de démission du 2 février 2016 est ainsi rédigé ' Comme je vous l'ai annoncé lors de notre échange téléphonique du 1er février 2016, je vous présente ma démission de poste de responsable de centre que j'occupe dans votre société.
Les conditions actuelles ne me permettent plus de remplir ma mission dans des conditions acceptables'.
Les termes mêmes du courrier de démission sont de nature à rendre celle-ci équivoque de sorte qu'il y a lieu d'examiner les faits invoqués par ce dernier pour soutenir qu'il s'agit en réalité d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par un courrier du 7 avril 2016, soit deux mois après la démission, M. Jean-Michel X... précisera les faits auxquels il fait allusion dans le courrier de démission en se référant à une réunion du 27 janvier 2016, au cours de laquelle il aurait été pris à partie au sujet de la démission d'une salariée de l'entreprise.
Ce courrier fait mention d'autres faits, qui toutefois sont postérieurs à la démission et ne l'expliquent donc pas.
Par un second courrier en date du 21 avril 2016, il met fin à sa période de préavis pour des raisons postérieures à la rupture sans apporter plus de précisions sur la cause de celle-ci.
Au titre de la discussion des éléments permettant de justifier sa démission, M. Jean-Michel X... fait valoir plusieurs griefs (p 10 à 14/16) en faisant référence à diverses pièces communiquées :
- insuffisance de moyens matériels et humains :
A l'appui de ses allégations, M. Jean-Michel X... produit une attestation de Mme Valérie A..., aux termes de laquelle, elle 'a dû l'aider à plusieurs reprises à convoyer des véhicules pour son employeur entre 2014 et 2016. En effet aucune autre solution n'avait été trouvée par le planning de Strasbourg le vendredi soir pour le lundi matin', (pièce n° 46).
Il s'appuie également sur une attestation de Mme Ludivine B..., faisant état de ce que sa collaboration dans l'entreprise de septembre 2013 à juin 2015 s'est bien déroulée et que M. Jean-Michel X... 'n'a jamais exercé de pression négative à son égard. Aucune violence dans ses actes et ses paroles' (pièce 44).
Il produit enfin un courriel du 27 avril 2016 de M. Arnaud C..., formateur dans l'entreprise, lui indiquant que ce fut un grand plaisir de travailler avec lui (pièce 45).
Il peut donc uniquement en être tiré que M. Jean-Michel X... a procédé, à plusieurs reprises, au convoyage de véhicules le vendredi soir, les autres pièces ne permettant manifestement pas de caractériser une insuffisance de moyens matériels et humains.
- critiques et reproches infondés
M. Jean-Michel X... indique qu'il a subi des critiques répétées de la part de M. D..., alors même que ce dernier n'avait aucun lien hiérarchique avec lui sans toutefois produire aucun élément qui permettrait d'en justifier.
Il ajoute que, si par ses fonctions et responsabilités qui étaient les siennes il pouvait être amené à assurer des formations, il n'était nullement prévu qu'il se retrouve sur le planning des formateurs et produit divers plannings comportant son nom. Il n'apparaît toutefois pas incohérent que, s'il était amené à participer à diverses actions de formation en ne contestant être amené à le faire de par ses fonctions, il apparaisse sur les plannings.
Il produit un document intitulé bilan commercial des sites de Dijon et Besançon pour l'année 2015, dont il tire la conclusion que les résultats ne sont pas bons, étant toutefois observé que rien ne permet d'établir qu'il ait fait l'objet de critiques sur ses résultats, aucune référence n'étant faite au moindre courriel ou courrier sur ce point de la part de la direction qui lui aurait fait des reproches sur son insuffisance de résultats.
Il s'appuie enfin sur une pièce n° 46 en indiquant qu'il s'agit d'une réorganisation postérieure à son départ, sans procéder à la moindre analyse de cette pièce de sept pages, qui permettrait d'établir qu'elle constituerait une réponse à une désorganisation antérieure, dont il aurait été la victime.
Il fait enfin valoir que l'employeur a remis en cause des primes à compter d'avril 2016 et produit un courrier du 19 octobre 2015 par lequel la Sarl Llerena indique dénoncer un usage relatif à la prime d'objectifs et à la prime de résultats, sans soutenir que cette remise en cause était entachée d'illégalité.
Il n'établit donc pas en quoi il aurait subi, avant sa démission, des reproches et critiques infondés, aucune pièce ne permettant d'en justifier.
-violente prise à partie au cours d'une réunion du 27 janvier 2016
M. Jean-Michel X... indique qu'il a été pris à partie lors d'une réunion à la suite de la démission d'une salariée de l'entreprise, Mme E..., au cours de laquelle n'a été retenue que la version des faits telle que présentée par cette dernière.
Il s'appuie sur les pièces 40 à 43 :
-pièce n° 40 : il s'agit d'un courriel de Mme Vanessa F..., qui s'est vue confier la responsabilité des centres, après le départ de M. Jean-Michel X... , et qui indique qu'elle communique sa nouvelle signature,
'pièce n° 41 : il s'agit d'une procès verbal de la réunion des délégués du personnel en date du 21 mars, dont M. Jean-Michel X... n'indique pas les conclusions qui doivent en être tirées,
-pièces n° 42 : il s'agit du courriel par lequel Mme Vanessa F... pose sa candidature au poste laissé vacant par M. Jean-Michel X...,
-pièce n ° 43 : il s'agit d'une attestation de Mme Vanessa F..., indiquant n'avoir jamais eu d'animosité à l'égard de M. Jean-Michel X... .
Ces pièces n'établissent pas en quoi M. Jean-Michel X... aurait été mis violemment pris à partie, de manière injustifiée lors de la réunion du 27 janvier 2016.
Il doit donc être constaté que les pièces produites ne permettent pas d'établir l'existence de faits, qui, même si le courrier de licenciement, fait état de conditions ne permettant plus au salarié de remplir sa mission, justifieraient que la démission soit requalifiée en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. Jean-Michel X... de l'intégralité de ses demandes.
2- Sur la demande relative à l'indemnité de préavis
Il doit être constaté que si M. Jean-Michel X... sollicite l'infirmation du jugement en sa totalité, il n'indique pas en quoi ce chef de dispositif devrait être réformé, ses conclusions ne comportant aucune précision sur ce point.
Le jugement devra donc être également confirmé.
3- Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE M. Jean-Michel X... aux dépens de la procédure d'appel.
Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le premier juin deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de la Chambre Sociale, et Mme Gaëlle BIOT, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,