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22/05/2018 | FRANCE | N°17/00769

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 22 mai 2018, 17/00769


ARRÊT N°



LM/CM



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 22 MAI 2018



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 10 avril 2018

N° de rôle : 17/00769



S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LONS LE SAUNIER

en date du 01 février 2017 [RG N° 15/00087]

Code affaire : 63B

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice


>Jean-Paul X... C/ Y... D...

PARTIES EN CAUSE :





Monsieur Jean-Paul X...

né le [...] à IS SUR TILLE

demeurant [...]



APPELANT



Représenté par Me Yannick Z..., avocat au barreau de JURA
...

ARRÊT N°

LM/CM

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 22 MAI 2018

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 10 avril 2018

N° de rôle : 17/00769

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LONS LE SAUNIER

en date du 01 février 2017 [RG N° 15/00087]

Code affaire : 63B

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Jean-Paul X... C/ Y... D...

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Jean-Paul X...

né le [...] à IS SUR TILLE

demeurant [...]

APPELANT

Représenté par Me Yannick Z..., avocat au barreau de JURA

ET :

Y... D...

dont le siège est [...]

INTIMÉE

Représentée par Me Yann E... de la SCP LARANGOT- HERIOT-BELLARGENT - E..., avocat au barreau de PARIS

et Me Ludovic A... de la B..., avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Monsieur L. MARCEL (magistrat rapporteur), Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI , Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Monsieur L. MARCEL, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 10 avril 2018 a été mise en délibéré au 22 mai 2018. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétentions des parties

M. Jean-Paul X... a été embauché en 1973 par la SA Léon Grosse en qualité d'ingénieur conducteur de travaux et affecté à l'agence de Dijon dont il est par la suite devenu le directeur. L'agence connaissant des difficultés, la SA Léon Grosse a décidé de procéder à sa restructuration au cours de laquelle elle a conclu avec M. Jean-Paul X... un protocole d'accord amiable, aux termes duquel celui-ci acceptait, d'une part, de travailler pour l'avenir à temps partiel moyennant l'allocation de dommages intérêts, et d'autre part, de rependre à son compte l'activité de la société "maisons individuelles". Le protocole stipulait qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de la SA Léon Grosse l'indemnité de licenciement due au salarié ne pourrait être inférieure à 500.000francs (76.224,51 €).

M. Jean-Paul X... a été licencié pour mésentente grave avec la direction régionale sur le fonctionnement de l'agence par courrier en date du 22 octobre 1999, il a contesté la validité de son congédiement devant la juridiction prud'homale, puis devant la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon, laquelle lui a alloué, par arrêt du 30 juin 2009, diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Considérant que l'avocat qui était en charge de la défense de ses intérêts devant la cour d'appel, Me Roland C..., avait manqué à un certain nombre de ses obligations contractuelles, M. Jean-Paul X... a fait assigner le 14 avril 2014 la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier devant le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier aux fins de la voir condamnée à lui payer à titre de dommages intérêts :

-172.015,06 € en réparation de son préjudice résultant d'une perte de chance suite à l'omission d'un moyen de droit,

- 16.133,37 € en réparation de son préjudice résultant d'un manque de diligence,

- 14.550,00 € en réparation de son préjudice résultant d'un manque de prudence,

- 5.895,00 € en réparation de son préjudice résultant du retard apporté dans la restitution des fonds,

outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2009 pour les trois premières demandes et à compter de décembre 2014 pour la quatrième demande et 4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement rendu le 1er février 2017 le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a:

- condamné la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier à payer à M. Jean-Paul X... la somme de 500€ à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice résultant du retard apporté dans la restitution des fonds,

- débouté M. Jean-Paul X... de ses autres prétentions,

- débouté la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts pour procédure abusive,

- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier aux dépens.

Par déclaration parvenue au greffe de la cour le 31 mars 2017 M. Jean-Paul X... a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions transmises le 30 juin 2017, il en poursuit l'infirmation sauf en ce qu'il a débouté la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.

A hauteur de cour il formule à nouveau les prétentions qu'il avait émises devant les premiers juges et réclame en outre la condamnation de la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier à lui verser la somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières écritures, déposées le 18 juillet 2017, la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier sollicite la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec droit pour la B..., avocats, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2018.

Motifs de la décision

- Sur la demande en réparation d'un préjudice financier fondée sur l'omission par l'avocat de présenter un moyen de droit,

Attendu qu'il est constant que dans le cadre de la restructuration de son agence de Dijon, la SA Léon Grosse a conclu le 26 décembre 1997 avec son salarié, M. Jean-Paul X..., qui en était alors le directeur, un protocole d'accord comportant deux volets: la re-définition des fonctions de M. X... au sein de l'agence, d'une part, la reprise par ce dernier de l'activité de la société " maisons individuelles";

Attendu que s'agissant du premier point, M. X... acceptait, au terme de l'accord et d'un avenant signé le même jour, de continuer d'occuper ses fonctions à hauteur de 40 % de son temps de travail moyennant, entre autres, une indemnité à titre de dommages intérêts, de 300.000francs (45.734,70 €); que l'accord stipulait également qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur les indemnités de licenciement ne pourraient être inférieures à 500.000francs (76.224,51 €);

Attendu que par courrier du 5 octobre 1999 M. X... a été licencié par la SA Léon Grosse; que cette société a été condamnée par arrêt de la présente cour à payer à son ancien salarié diverses sommes dont celle de 99.091,80 € à titre de dommages intérêts en réparation de la violation de son statut protecteur de conseiller prud'homal ainsi que celle 19.818,356 € en réparation de son préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement;

Attendu que M. X... fait grief à la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier de ne pas avoir soulevé le moyen de droit pris de la nullité pour dol du protocole; qu'il explique que la SA Léon Grosse avait déjà l'intention de le licencier lors de la conclusion dudit protocole et que ce dernier avait pour finalité notamment de limiter les effets négatifs d'une rupture brutale tout en sauvegardant des relations commerciales, le suivi des dossiers et la gestion de l'agence et de se débarrasser d'une branche d'activité déficitaire; qu'il soutient qu'en ne faisant pas le choix de ce moyen de droit, son avocat lui a fait perdre une chance d'être mieux indemnisé puisque le calcul de son indemnisation a été effectué sur la base du protocole d'accord, et donc sur celle d'un salaire à mi-temps; qu'il évalue sa perte de chance à la somme de 172.015,06€;

Attendu qu'en réponse la SCP Berthat - C... - Duchanoy - Héritier expose que le choix de ne pas soutenir ce moyen était justifié à double titre: d'abord parce que le salarié ne détenait aucune preuve de l'existence d'un dol et que ce moyen ne pouvait dès lors que polluer le débat, ajoutant que M. X... avait admis cette solution lors d'un entretien téléphonique passé la veille de l'audience; ensuite parce que l'accord qui constituait une transaction avait été exécuté durant deux années pour "sa partie successive" et intégralement s'agissant du volet "cession d'entreprise";

Attendu que M. X... fonde ses allégations sur le plumitif établi lors de l'audience de jugement tenue le 12 décembre 2005 par le conseil de prud'hommes de Chaumontalors que cette pièce de procédure, versée en copie, ne fait pas mention des prétendues déclarations du conseil de la SA Léon Grosse selon lesquelles le licenciement était déjà prévu lors de la signature de la transaction;

Attendu en outre qu'il ressort de ce document que lors de cette audience M. X..., qui n'était pas alors assisté d'un conseil, avait mis en avant la nullité de son licenciement pour non-respect par l'employeur de son statut protecteur de conseiller prud'homal;

Attendu qu'en l'absence de tout élément de preuve, le moyen litigieux n'avait aucune chance de prospérer, le dol ne se présumant pas mais devant être prouvé; qu'il ne saurait donc être fait grief à Me C... de ne pas l'avoir soulevé et d'avoir choisi un autre moyen, dont l'efficacité a été démontrée, ainsi qu'en atteste le résultat obtenu devant la chambre sociale de la cour; que M. X... ne démontre donc pas que son avocat a failli à son obligation de conseil;

- Sur la demande en réparation d'un préjudice fondé sur un manque de diligence de l'avocat,

Attendu que M. X... reproche également à Me C... d'être à l'origine d'un retard dans le déroulement de la procédure devant la chambre sociale; qu'il soutient que celui-ci n'a pas respecté le calendrier de procédure, négligence sanctionnée par un retrait du rôle de l'affaire, et ce, alors qu'il disposait du dossier complet depuis plusieurs mois; qu'il en est résulté un retard dans le prononcé de la décision et par voie de conséquence une perte financière; que M. X... réclame à ce titre la somme de 16.133,37 €, indemnisation calculée sur la base des intérêts au taux légal sur les sommes obtenues;

Mais attendu que les premiers juges ont justement retenu que si Me C... avait tardé à entamer l'étude du dossier, au jour initialement fixé pour les plaidoiries, soit à l'audience du 13 novembre 2007, l'affaire n'était pas en état d'être jugée; qu'au vu des différents de courriers et courriels échangés par M. X... avec son conseil, la cour ne peut que partager ce constat; que la lecture de ces documents montre en effet que du 19 novembre 2007 au 14 avril 2009, veille de l'audience, M. X... n'a cessé d'apporter des modifications à ses demandes; qu'il s'ensuit que le prétendu retard dans le prononcé de l'arrêt ne trouve pas son origine dans la négligence de Me C... de sorte que ce dernier ne saurait voir sa responsabilité engagée à ce titre;

- Sur la demande en réparation fondée sur un manque de prudence de l'avocat,

Attendu qu'il est avéré que Me C... a adressé le 7 avril 2009 à son confrère, défendant les intérêts de la SA Léon Grosse, un courrier dans lequel il formulait une demande additionnelle au titre du préjudice occasionné par la régularisation des points de retraite résultant d'une transmission tardive par l'employeur des certificats de congés payés pour les exercices 1998 et 1999;

Attendu que si M. X... ne conteste pas que cette demande a été effectivement débattue lors de l'audience des débats, il reproche cependant à son avocat de ne pas avoir relevé que cette prétention n'avait pas été reprise par la cour dans sa décision; qu'il lui fait également grief de l'avoir laissé prendre seul l'initiative d'une requête en omission de statuer;

Mais attendu que la tenue du registre d'audience n'incombe pas aux conseils des parties mais au greffier sous l'autorité du magistrat assurant la présidence de l'audience étant ajouté qu'il n'est pas fait obligation aux avocats de vérifier le contenu dudit registre; que dès lors qu'il est établi en l'espèce que la demande litigieuse a été formulée par l'avocat lors des débats, celui-ci ne saurait être tenu responsable de l'absence de mention dans le registre d'audience et, par la suite, de l'omission de statuer de la cour; qu'il est par ailleurs démontré par un courrier en délibéré du 14 mai 2009 adressé à la cour que Me C... a complété cette demande par la production de diverses pièces;

Attendu que Me C... précise que M. X... a préféré présenter, seul, sa requête en omission de statuer laquelle a été rejetée; que l'ancien conseil de l'appelant ne peut voir sa responsabilité mise en oeuvre en raison l'issue défavorable d'une procédure pour laquelle il n'avait pas été mandaté;

Attendu qu'en considération des développements qui précèdent, la décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. Jean-Paul X... de ces prétentions;

- Sur la demande en réparation fondée sur le retard apporté par l'avocat à reverser à son client des sommes consignées à la CARPA,

Attendu qu'en sollicitant la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions, Me C... reconnaît à hauteur de cour avoir engagé sa responsabilité en tardant à reverser à son client les fonds déposés à la CARPA par la SA Léon Grosse; que pour sa part M. X... estime insuffisante l'indemnisation allouée à ce titre par les premiers juges et réclame en appel la somme de 5895€;

Attendu que les retards allégués par M. X... sont de 3 mois sur la somme de 201.259€ et de 8 mois sur celle de 22.299€ ; qu'eu égard à ces éléments la somme de 500 € allouée à titre de dommages-intérêts apparaît réparer entièrement le préjudice subi du fait de ces retards de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point;

- Sur la demande de dommages intérêts formée par la société intimée pour procédure abusive,

Attendu qu'aucune des parties ne remettant en cause la disposition de la décision déférée ayant rejeté ce chef de demande, celle-ci sera confirmée;

- Sur les demandes accessoires,

Attendu que la confirmation du jugement querellé sera étendue à ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens; que M. Jean-Paul X... qui succombe à hauteur de cour supportera les dépens d'appel et les demandes formées application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er février 2017 par le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier.

Et y ajoutant,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. Jean-Paul X... aux dépens d'appel avec droit pour la SCP d'avocats Dumont-A... de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Chantal Mouget, faisant fonction de greffier.

Le Greffier,le Président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/00769
Date de la décision : 22/05/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 01, arrêt n°17/00769 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-22;17.00769 ?
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