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22/12/2017 | FRANCE | N°16/02433

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 22 décembre 2017, 16/02433


ARRET N° 17/

JC/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 DECEMBRE 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 10 Novembre 2017

N° de rôle : 16/02433



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 25 octobre 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



Monsieur [U] [N], demeu

rant [Adresse 1]



APPELANT



représenté par Me Jean-louis LANFUMEZ, avocat au barreau de BELFORT



SARL MULTI BENNE ORGANISATION BOSSERT ANGEOT -MBO-, [Adresse 2]



INTIMEE



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ARRET N° 17/

JC/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 DECEMBRE 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 10 Novembre 2017

N° de rôle : 16/02433

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 25 octobre 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Monsieur [U] [N], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

représenté par Me Jean-louis LANFUMEZ, avocat au barreau de BELFORT

SARL MULTI BENNE ORGANISATION BOSSERT ANGEOT -MBO-, [Adresse 2]

INTIMEE

représentée par Me André CHAMY, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur COTTERET Jérôme, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 22 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La S.A.R.L. MBO (MULTIBENNE ORGANISATION BOSSERT ANGEOT) exerce une activité dans le secteur des travaux de terrassement courants et travaux préparatoires. Elle compte trois salariés.

Elle a embauché M. [U] [N] selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 janvier 2000 comme conducteur d'engin, chauffeur poids-lourds.

Ce dernier a été convoqué par lettre du 13 mai 2015 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 27 mai 2015 et a été mis à pied à titre conservatoire le même jour.

La S.A.R.L. MBO a notifié à M. [U] [N] son licenciement pour faute lourde par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juin 2015, lui reprochant notamment, outre divers manquements techniques, d'avoir provoqué une altercation avec un partenaire de l'entreprise, d'avoir abandonné un chantier, et d'avoir des comportements inappropriés vis-à-vis des clients.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [U] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort par déclaration enregistrée au greffe le 14 octobre 2015 afin d'obtenir la condamnation de la S.A.R.L. MBO à lui payer les sommes suivantes :

- 1 123,46 € brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

- 112,34 € brut au titre des congés payés afférents,

- 4 282,84 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 428,22 € brut au titre des congés payés afférents,

- 8 487,08 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 51'386,88 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 25 octobre 2016, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement repose sur une faute lourde et a débouté M. [U] [N] de l'intégralité de ses prétentions.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 2 décembre 2016, M. [U] [N] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 5 mai 2017, il maintient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que ses prétentions de première instance.

Il soutient que les griefs allégués ne sont pas constitués.

*

Pour sa part, dans ses écrits déposés le 5 avril 2017, la S.A.R.L. MBO conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que les divers manquements de M. [U] [N] constituent une faute lourde.

*

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 10 novembre 2017.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 juillet 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur le licenciement et ses conséquences financières :

Il résulte des articles L. 1232-1 et L. 3141-26 du code du travail que la faute du salarié, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur, est considérée comme lourde lorsqu'elle est commise dans l'intention de nuire à celui-ci et qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'effectif y compris pendant la période de préavis.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement du 1er juin 2015 notifiée par voie recommandée qui fixe les limites du litige et à laquelle la Cour renvoie expressément en raison de sa longueur (9 pages), que la S.A.R.L. MBO reproche à M. [U] [N], outre divers manquements techniques, d'avoir provoqué une altercation avec un partenaire de l'entreprise, d'avoir abandonné un chantier, et d'avoir des comportements inappropriés et agressifs vis-à-vis des clients.

a - sur les griefs relatifs au 5 mai 2015 :

La lettre de licenciement reproche à M. [U] [N] les faits suivants : 'Le mardi 5 mai, vous avez quitté le chantier à [Localité 1] à 16 h 25 et vous n'avez pas nettoyé votre matériel, laissant ainsi la pelleteuse sale et deux godets très encrotés, le tout impropre à l'utilisation. À 16 h 45, vous étiez dans votre voiture personnelle et quittiez le dépôt sans autre explication. Vous savez pourtant que, intervenant sur le réseau d'eau potable, nous sommes susceptibles de devoir intervenir rapidement en cas de problème et que de ce fait le matériel doit toujours être prêt pour une intervention. Vous savez pourtant que ranger et nettoyer le matériel est essentiel pour notre activité conformément à nos habitudes et ce depuis 30 ans. Vous savez pourtant que l'activité principale de notre entreprise est l'entretien du réseau d'eau potable et nous pouvons être à tout moment sollicités pour intervenir rapidement et réparer une fuite sur ce réseau. Vous savez pourtant qu'un autre collègue est susceptible d'utiliser cette machine dans le cadre d'une intervention urgente et imprévisible. Et malgré nos différents rappels de laisser le véhicule et le matériel propres et rangés afin qu'en cas d'urgence nous soyons, comme convenu dans notre transaction avec le client, opérationnels rapidement, vous vous obstinez dans votre insubordination, vous nous bassinez de vos litanies 'je sais travailler'. Enquête menée : je note que depuis quelques temps vous affirmez votre volonté à vous soustraire à vos obligations contractuelles et je constate votre mépris de nos rappels à l'ordre'.

Il est exact que la S.A.R.L. MBO, dans le cadre de ses obligations contractuelles, a l'obligation d'intervenir rapidement en cas de fuite d'eau sur le réseau d'eau potable de la commune de [Localité 2]. Ainsi, selon attestation produite en pièce n° 7, le président du Syndicat des eaux de la Saint-Nicolas indique que conformément à l'acte d'engagement signé le 8 novembre 2012, le délai d'intervention de la S.A.R.L. MBO en cas de fuite est d'une heure. La pièce n° 9 est un extrait de l'acte d'engagement précité. Les pièces n° 10 et n° 11 sont des factures émises dans le cadre de cet acte d'engagement.

Toutefois, force est de constater que ces pièces ne sont pas de nature à éclairer la nature des faits fautifs reprochés à M. [U] [N]. En effet, si le disque chronotachygraphe produit en pièce n° 13 permet de connaître l'heure à laquelle le salarié a quitté le chantier le 5 mai, les autres éléments versés par l'employeur ne permettent pas, à défaut d'attestations ou de photographies, d'établir que l'intéressé est parti sans nettoyer son matériel.

b - sur le comportement inapproprié du salarié :

L'employeur, dans la lettre de licenciement, écrit en page 8 : 'Votre esprit subversif, votre comportement suggestif, votre entêtement à conserver vos propres mesures d'organisation de travail entraînent des pertes de temps, des diminutions d'horaires non signalés et ces actes répétés causent des absences de rendement et une réelle dégradation de nos conditions et de notre production de travail'.

Il verse en pièce n° 14 une attestation rédigée par Mme [G] [V], employée administrative aux carrières de l'Est depuis mars 1976, de la manière suivante: 'J'atteste avoir signalé courant 2015 à l'entreprise MBO le comportement irascible et la mauvaise foi de son chauffeur lors du passage de celui-ci sur le site de [Localité 3]. En effet, ce chauffeur a montré à plusieurs reprises un caractère emporté et critique suite à mes remarques concernant le respect des obligations de non surcharge et vitesse sur la carrière'. Le même témoin précise dans une attestation rédigée postérieurement et produit en pièce n° 16 : 'le chauffeur dont je parlais est M. [U] [N]. Le fait est que j'ai signalé à M. [F] le comportement particulièrement désagréable et irascible en mai 2015 de M. [U] [N]. Mon signalement est dû au fait que le comportement signalé n'était pas un acte isolé mais répétitif depuis un certain temps'.

Or, la Cour remarque que les faits relatés ne sont ni précisément circonstanciés, ni datés de manière certaine. Il n'est pas expliqué en quoi le salarié avait un comportement désagréable et irascible, si bien que ce témoignage n'apparaît que comme un jugement de valeur rédigé à la demande de l'employeur pour les besoins de la cause.

c - synthèse :

L'employeur, au soutien de ses prétentions, n'a produit que 16 pièces.

Toutes celles utiles à la résolution du litige, numérotées 7, 9, 10, 11, 13, 14 et 16 ont été examinées ci-dessus.

En revanche, les pièces n° 1 à n° 3 sont constituées de la lettre de licenciement, de la lettre de mise à pied conservatoire, ainsi que de la lettre de contestation du licenciement par M. [U] [N]. La pièce n° 4 est la lettre de transmission de L'attestation Pôle Emploi ainsi que de l'attestation de demande de paiement pour la Caisse des congés payés. Elles n'ont donc aucune utilité pour la résolution du litige.

La pièce n° 12 est un certificat de travail délivré à Mme [B] [R] par la société des Carrières de l'Est pour laquelle elle a travaillé comme employée administrative du 17 avril 1990 au 26 janvier 2010. La Cour ne trouve aucun lien entre ce certificat de travail et les faits reprochés au salarié, étant en effet observé que le nom de Mme [B] [R] n'est mentionné dans aucune des 9 pages de la lettre de licenciement.

La pièce n° 15 est une attestation rédigée par le directeur des services techniques de la Communauté de communes du Tilleul et de la Bourbeuse indiquant que la S.A.R.L. MBO a réalisé plusieurs tranches de travaux dans le cadre du programme de réhabilitation des systèmes d'assainissement non collectifs, que les prestations ont donné satisfaction, à l'exception d'une malfaçon. La Cour observe que ce témoignage ne permet ni de dater précisément la malfaçon constatée, ni de l'imputer de manière spécifique à M. [U] [N], ce dernier n'étant d'ailleurs même pas cité de manière nominative.

Enfin, les deux dernières pièces produites, n° 5 et n° 6, concernent pour la première une sanction disciplinaire notifiée à M. [U] [N] par lettre recommandée du 25 novembre 2009 pour des faits d'agressions verbales sur un chantier, et pour la seconde un rappel à l'ordre notifié par lettre recommandée du 23 avril 2002 pour des faits d'insubordination.

Toutefois, au regard des développements précédents, à défaut de faits matériellement vérifiables concernant les griefs contenus dans la lettre de licenciement, ces deux pièces apparaissent sans emport sur la solution du litige.

En l'absence d'autres pièces, la Cour se trouve dans l'impossibilité de vérifier la véracité et la matérialité des nombreux autres griefs de la lettre de licenciement, l'employeur ne procédant que par voie d'affirmation.

Il résulte de l'ensemble de ces observations que l'employeur non seulement n'établit pas l'intention de nuire caractérisant la faute lourde mais ne prouve pas non plus que le licenciement de M. [U] [N] repose sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera ainsi intégralement infirmé.

2° ) Sur les conséquences financières du licenciement abusif :

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, l'indemnité à laquelle peut prétendre le salarié d'une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés doit correspondre au préjudice subi.

En l'espèce, il résulte des éléments produits par M. [U] [N] que ce dernier n'a retrouvé un emploi stable que le 27 octobre 2016, après diverses périodes de chômage et plusieurs contrats à durée déterminée.

Ces éléments ne sont pas contestés par la S.A.R.L. MBO à hauteur d'appel.

Au regard de ces observations et des bulletins de paye versés au débat, dans la mesure où M. [U] [N] avait plus de 15 ans d'ancienneté, où la moyenne de ses derniers mois de salaire est de 2 202,48 € brut par mois et où il était âgé de 51 ans au moment du licenciement, il convient de fixer son préjudice pour licenciement abusif à la somme de 30 000 €.

L'absence de faute lourde ou grave entraîne le paiement de l'indemnité légale de licenciement, du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire au titre des congés payés, ainsi que des indemnités pour congés payés sur rappel de salaire et sur indemnité compensatrice de préavis, dont seul le principe, mais pas les montants, est contesté par l'employeur.

Les sommes ayant la nature juridique de salaire porteront, comme le sollicite le salarié, intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2015, date de la réception par l'employeur de la demande formée devant le conseil de prud'hommes.

3° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Le licenciement ayant été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse, la S.A.R.L. MBO devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à M. [U] [N] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 25 octobre 2016 par le conseil de prud'hommes de Belfort en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. [U] [N] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la S.A.R.L. MBO à payer à M. [U] [N] les sommes suivantes, avec les intérêts légaux à compter du 17 octobre 2015 sur celles ayant la nature juridique de salaire :

- trente mille euros (30 000 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- mille cent vingt trois euros quarante six (1 123,46 €) brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

- cent douze euros trente quatre (112,34 €) brut au titre des congés payés afférents,

- quatre mille deux cent quatre vingt deux euros quatre vingt quatre (4 282,84€) brut au titre de l'indemnité de préavis,

- quatre cent vingt huit euros vingt deux (428,22 €) brut au titre des congés payés afférents,

- huit mille quatre cent quatre vingt sept euros zéro huit (8 487,08 €) au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. MBO de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A.R.L. MBO aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. [U] [N] une indemnité de trois mille euros (3 000€) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt deux décembre deux mille dix-sept et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre, et par Mme Gaëlle BIOT, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02433
Date de la décision : 22/12/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°16/02433 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-22;16.02433 ?
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