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22/12/2017 | FRANCE | N°16/02372

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 22 décembre 2017, 16/02372


ARRET N° 17/

JC/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 DECEMBRE 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 10 Novembre 2017

N° de rôle : 16/02372



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 15 novembre 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





Madame [J] [Q

], demeurant [Adresse 1]



APPELANTE



représentée par Me Nathalie ROTA, avocat au barreau de BESANCON



Association LIGUE DE FRANCHE COMTE DE HANDBALL, [Adresse 2]



INTIMEE



représ...

ARRET N° 17/

JC/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 DECEMBRE 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 10 Novembre 2017

N° de rôle : 16/02372

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 15 novembre 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Madame [J] [Q], demeurant [Adresse 1]

APPELANTE

représentée par Me Nathalie ROTA, avocat au barreau de BESANCON

Association LIGUE DE FRANCHE COMTE DE HANDBALL, [Adresse 2]

INTIMEE

représentée par Me Floriane PETITJEAN, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur COTTERET Jérôme, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 22 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [J] [Q] a été embauchée par la Ligue de Franche-Comté de handball comme secrétaire selon contrat de travail à durée indéterminée le 24 février 1995. Selon avenant du 1er novembre 2001, elle a été promue directrice administrative.

Mme [J] [Q] a été placée en arrêt maladie à compter du 12 novembre 2014, renouvelé jusqu'au 16 février 2015.

À l'issue de deux visites médicales dont la dernière est intervenue le 5 mars 2015, Mme [J] [Q] a été déclarée inapte à tous les postes de la Ligue.

Par lettre du 12 mai 2015, après avoir été convoquée à un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Mme [J] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon par déclaration enregistrée au greffe le 21 décembre 2015 afin d'entendre annulé son licenciement, faisant valoir que son inaptitude est imputable à l'employeur suite au harcèlement moral dont elle aurait été victime.

Elle a ainsi sollicité la condamnation de la Ligue de Franche-Comté de handball à lui payer les sommes suivantes :

- 72'735 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 18'183 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 15 novembre 2016, le conseil de prud'hommes a dit que Mme [J] [Q] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral, a déclaré son licenciement fondé sur une inaptitude et l'a déboutée de ses prétentions en la condamnant à verser à la Ligue de Franche-Comté de handball une indemnité de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 28 novembre 2016, Mme [J] [Q] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 28 février 2017, elle maintient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral à l'origine de son inaptitude.

Elle sollicite en conséquence l'annulation de son licenciement et la condamnation de la Ligue de Franche-Comté de handball à lui payer les sommes suivantes:

- 6 061,24 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 72'735 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 18'183 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle reproche notamment à son employeur de lui avoir appliqué un traitement de défaveur par rapport aux autres salariés, de lui avoir retiré l'intégralité de ses attributions sans son accord, de l'avoir mise à l'écart et d'être responsable de son état dépressif.

*

Pour sa part, dans ses écrits déposés le 27 avril 2017, la Ligue de Franche-Comté de handball conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle dit être étrangère à l'inaptitude ayant conduit au licenciement de Mme [J] [Q] et conteste ainsi tout fait de harcèlement.

*

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 10 novembre 2017.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

L'article L. 1154-1 précise que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [J] [Q] prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral, se matérialisant par :

- une différence de traitement s'agissant des augmentations de salaires et d'une invitation à une réunion avec le personnel suivie du repas de fin d'année,

- un retrait de ses fonctions,

- une mise à l'écart,

- la dégradation de son état de santé.

Il convient en premier lieu d'examiner les éléments rapportés par la salariée:

a - sur les éléments laissant supposer l'existence de faits de harcèlement moral :

- sur la différence de traitement :

Mme [J] [Q] explique avoir été la seule salariée de la Ligue à ne pas avoir bénéficié d'augmentations de salaire à compter du mois de mai 2007.

Elle produit :

- un courrier adressé le 11 juin 2008 au président de la Ligue aux termes duquel elle demande, compte tenu de l'évolution du contenu de son poste, d'une augmentation permanente des charges administratives et de gestion, de son ancienneté de 25 ans, de son engagement et de l'absence d'augmentation depuis le mois de mai 2007, une augmentation à compter du 1er mai 2008 d'un montant de 150 € net par mois ainsi que la mise en place d'une prime d'ancienneté,

- un courrier adressé le 10 septembre 2008 aux termes duquel elle s'étonne que sa demande augmentation soit soumise à la commission des finances de la Ligue alors que, selon elle, aucune autre augmentation accordée aux autres salariés n'a fait l'objet d'une saisine de cette commission et que l'embauche d'un manager de projet développement ainsi que d'importants travaux immobiliers n'ont pas davantage amené la saisine de la commission,

- un courrier du 14 juin 2011 aux termes duquel elle demande au président de la Ligue la mise en conformité de sa rémunération avec la grille prévue par la convention collective nationale du sport.

La salariée prétend encore que la réunion avec le personnel suivie des entretiens individuels et du repas de fin d'année a été fixée durant l'été 2008 pendant ses congés payés afin de ne pas l'inviter.

Elle se réfère de nouveau à son courrier du 10 septembre 2008 dans lequel elle se plaint auprès du président de la Ligue que les entretiens individuels et le traditionnel repas de fin d'année aient été organisés sans qu'elle en soit avertie pendant ses congés dont elle avait au préalable fait connaître les dates à l'ensemble des intéressés.

- sur le retrait des fonctions :

Mme [J] [Q] indique que la Ligue a embauché M. [U] [B] comme manager de projet développement du 20 octobre 2006 au 19 octobre 2008 puis à compter du 3 novembre 2008 comme chargé de développement et affirme que ce dernier s'est vu confier les missions de mise en place des projets de la Ligue en relation avec les comités et les clubs et de mise en place des projets de la Ligue et de coordination des formations, attributions qui relevaient jusqu'ici de sa compétence.

Mme [J] [Q] se fonde sur sa fiche de poste intégrée à l'avenant de son contrat de travail du 1er novembre 2001 qu'elle compare avec la fiche de poste de M. [U] [B].

Elle indique qu'à la suite des élections régionales de juin 2012, une nouvelle équipe est venue renouveler le bureau directeur ainsi que le conseil d'administration de la Ligue, lesquels ont décidé de la mettre à l'écart et de promouvoir M. [U] [B], nommé officiellement manager général dès 2012, avec des fonctions qui relevaient auparavant de ses attributions, comme l'application des décisions validées par les instances dirigeantes de la Ligue et de la Fédération française de handball, l'administration des outils et des postes, la coordination des permanents, la gestion des passerelles entre toutes les composantes de la Ligue, la gestion du développement et la mise en 'uvre des dossiers des grands projets, la gestion de l'administration des commissions et du pôle, la coordination avec l'équipe technique régionale pour l'utilisation du pôle, l'organisation des stages, le suivi des stages techniques, le rôle de coordonnateur avec les différentes commissions, la lecture, l'étude, l'orientation et le suivi du courrier, la relecture des documents officiels, le montage des dossiers avec les officiels, la commande du matériel après décision du bureau directeur, la gestion quotidienne du personnel ainsi que la gestion des congés payés.

Elle en veut pour preuve le courrier électronique envoyé par M. [U] [B] aux salariés de la Ligue le 30 janvier 2013, qu'elle produit aux débats avec en pièce jointe le nouveau schéma de l'organisation qui selon elle témoigne du retrait des fonctions telles que décrites ci-dessus lorsqu'on le compare avec l'organigramme en vigueur avant le mois de février 2013.

Mme [J] [Q] ajoute en produisant deux comptes-rendus du bureau directeur en date des 24 et 29 janvier 2013 que M. [U] [B] est devenu le seul maillon entre les élus et le personnel de la Ligue, ce qui confirme selon elle le retrait des missions qui lui étaient précédemment confiées au niveau administratif et gestion du personnel.

Elle souligne encore qu'il résulte de cet organigramme qu'à compter du mois de février 2013, M. [U] [B] a été expressément désigné pour assurer la coordination entre les élus bénévoles et les salariés, ainsi que pour garantir la cohérence du fonctionnement de la Ligue, mettre en 'uvre les projets territoriaux, assurer les relations de la Ligue avec les internes et le milieu du handball, ainsi que le suivi du système associatif, attributions qui relevaient auparavant également de ses compétences.

Elle précise qu'ensuite, à compter de juillet 2014, M. [U] [B] a bénéficié du bureau du président de la Ligue qu'elle utilisait jusqu'ici pour effectuer les travaux de comptabilité, qu'il est devenu le principal destinataire de toutes les informations qui lui étaient auparavant adressées, notamment celles relatives à la gestion du personnel ainsi qu'à la comptabilité ou encore celles relatives à l'organisation des rencontres internationales. Elle affirme qu'à compter de cette même date, ses tâches se sont réduites à des tâches de secrétariat élémentaires, confiées par M. [U] [B].

Elle produit à cette fin, notamment en pièce n° 26, un compte rendu du bureau directeur du 26 août 2014, indiquant que les documents devant être traités par le bureau directeur doivent être envoyés obligatoirement par mail au secrétaire général, au secrétaire général adjoint, ainsi qu'au manager général, de même que tous les courriers reçus à destination du bureau ou du président, à charge pour le secrétaire général de faire un point régulier avec le manager général pour préparation du prochain bureau directeur.

Mme [J] [Q] fait encore observer qu'il résulte d'un courrier électronique adressé par le cabinet comptable le 16 juillet 2014 à la Ligue ainsi qu'à M. [U] [B], contenant les bulletins de paye des salariés, et dont elle n'est pas destinataire, que les attributions de gestion du personnel lui ont été effectivement retirées.

Elle souligne également qu'il ressort d'un courrier électronique adressé par M. [U] [B] aux salariés de la Ligue le 28 août 2014 que ce dernier s'est vu attribuer l'organisation des rencontres internationales. La lecture de ce courrier fait effectivement apparaître que M. [U] [B] transmet l'ordre du jour du prochain comité de pilotage de la Golden League qui est une rencontre internationale.

Mme [J] [Q] prétend encore s'être vue retirer une partie de ses attributions au profit de Mme [X] [O] dont la fiche de poste lui attribue la gestion du personnel qui comprend l'organisation et le suivi du travail ainsi que la gestion des congés payés.

Elle verse aux débats un courrier électronique de Mme [X] [O] du 4 juillet 2013 indiquant : 'à compter de ce jour, c'est moi qui m'occupe des congés et autres problèmes du personnel'.

- sur la mise à l'écart :

Mme [J] [Q] prétend ne pas avoir été informée du changement de cabinet d'expertise comptable, notamment dans la mesure où elle n'a pas été conviée à la réunion de prise de contact avec le nouveau cabinet.

Elle fait valoir qu'elle aurait dû pourtant, en sa qualité de directrice administrative, être associée au choix du nouvel expert-comptable.

Elle produit un courrier électronique que lui a adressé le nouveau cabinet d'expertise comptable, KPMG Entreprises, l'informant qu'à la suite d'un entretien, notamment avec M. [U] [B], il avait été désigné pour mettre en place une comptabilité analytique.

Mme [J] [Q] conclut en produisant :

- un courrier qu'elle a adressé à la Ligue par voie électronique le 7 octobre 2014 demandant de manière explicite le contenu de son poste, se plaignant du manque de clarté entre ses missions et celles de M. [U] [B],

- la fin de non-recevoir à cette demande que lui a fait parvenir la Ligue par mail du 8 octobre 2014.

Ces éléments, ainsi que le nouvel organigramme de la Ligue et la fiche de poste insérée au dernier avenant du contrat de travail de Mme [J] [Q] dont il ressort que celle-ci a pour compétence les attributions dont elle dit avoir été dépossédée dans les développements ci-dessus, laissent en conséquence supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il convient dès lors pour la Cour d'apprécier si les éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral.

b - sur les éléments contraires rapportés par l'employeur :

- sur la différence de traitement :

La Ligue fait remarquer qu'il résulte des fiches de paye de Mme [J] [Q] entre 2007 et 2012 que celle-ci a régulièrement bénéficié d'une augmentation de son salaire.

Or, force est de constater que la Ligue n'a jamais répondu aux trois courriers adressés par Mme [J] [Q] pour réclamer une augmentation de salaire et une mise en conformité avec la grille de la convention collective les 11 juin, 10 septembre 2008 et 14 juin 2011. L'augmentation consentie ne l'a été que fin 2008, sans aucune forme d'explication.

De même, la Ligue soutient qu'une commission des finances a été mise en place en 2008 à l'initiative du nouveau président afin d'assister les services comptables, raison pour laquelle il n'aurait pas été répondu de suite à la demande d'augmentation de la salariée. Elle affirme que l'embauche de M. [U] [B] ayant été validée par le conseil d'administration, le montant de son salaire n'avait pas à être soumis à la commission des finances, ce qui ne traduit aucune différence de traitement.

Toutefois, force est de constater que la Ligue ne rapporte pas la preuve que la commission des finances ait été créée postérieurement à la demande d'augmentation de Mme [J] [Q] ni qu'elle ait été saisie systématiquement de toutes les demandes formées par les autres salariés. Or la salariée prétend que la commission existait déjà et qu'elle n'était jamais saisie des demandes d'augmentation de salaire. De même, la Ligue ne produit pas la validation des contrats signés avec M. [U] [B] par le conseil d'administration si bien qu'il n'est pas possible de vérifier si son embauche ou le montant de son salaire devaient être soumis à la commission des finances.

De même, la Ligue prétend que seul l'emploi du temps contraint de son nouveau président a nécessité d'organiser la réunion et le repas de fin d'année pendant les congés d'été de Mme [J] [Q].

Or, l'employeur ne justifie pas des contraintes alléguées de son président, étant observé que l'emploi du temps de ce dernier est celui d'un professeur au sein d'une maison familiale rurale.

Il ne conteste pas ne pas avoir invité la salariée alors que celle-ci, en congés, aurait pu être disponible pour le repas convivial de fin d'année.

- sur le retrait des fonctions :

La Ligue soutient que Mme [J] [Q] fait une fausse interprétation de la fiche de poste de M. [U] [B] dont l'employeur explique la nomination au poste nouvellement créé de manager général par l'augmentation du nombre de licenciés depuis l'année 2000.

Elle affirme que les tâches qui ont été dévolues à ce dernier ne sont pas de nature à priver Mme [J] [Q] de sa mission générale et administrative de gestion de développement et de la mise en 'uvre des grands projets.

Force est toutefois de constater que la Ligue ne fait que procéder par voie d'affirmation, et qu'elle n'explique pas les raisons pour lesquelles ont été également confiés à M. [U] [B] la mise en place des projets de la Ligue avec le milieu scolaire, la participation à la mise en place des actions événementielles, les interventions sur la formation et la coordination sur la coordination des formations d'État, attributions dont il apparaît, au vu de la fiche de poste insérée à l'avenant du 1er novembre 2001 de la salariée, qu'elles se recoupent avec les siennes.

La Ligue n'explique pas non plus pourquoi elle n'a pas répondu de manière claire et précise à Mme [J] [Q] qui lui demandait de redéfinir son poste suite aux missions confiées à M. [U] [B], notamment en raison des confusions que cela entraînait au niveau du fonctionnement de la structure.

Elle ne justifie pas non plus des raisons pour lesquelles M. [U] [B] s'est trouvé destinataire de toutes les informations qui lui étaient précédemment adressées à elle seule concernant la gestion du personnel, se contentant d'affirmer, sans le prouver, que la salariée était souvent absente pour congés ou RTT.

La Ligue n'explique pas davantage pourquoi M. [U] [B] aurait transmis l'ordre du jour du comité de pilotage concernant l'organisation de la Golden League si ne lui avait pas été confiée la charge de celle-ci.

Aucune explication convaincante n'est davantage fournie concernant le retrait de la responsabilité du traitement du courrier, ni sur le fait que le bureau du président ait été affecté en l'absence de ce dernier à M. [U] [B], alors que jusqu'ici, Mme [J] [Q] en avait seule les clés comme le reconnaît l'employeur.

Concernant le retrait des fonctions au profit de Mme [X] [O], la Ligue ne conteste pas sérieusement que celle-ci a eu pour mission de reprendre la gestion des congés payés et des récupérations d'heures supplémentaires en raison de certains abus constatés et des absences de Mme [J] [Q] pendant les congés scolaires. Elle soutient qu'il convenait de mettre fin aux avantages que l'intéressée s'était octroyée.

Toutefois, sur ces points, aucune preuve tangible n'est versée aux débats devant la Cour.

Rien ne permet à la juridiction de comprendre pourquoi les courriers contenant les fiches de paye ont été adressés également à M. [U] [B] et non plus seulement à la salariée.

Concernant le changement de cabinet d'expertise comptable, la Ligue prétend que Mme [J] [Q] a été conviée à une réunion d'information avec le cabinet retenu par le conseil d'administration. Or, il résulte de l'attestation rédigée par M. [S] [D], l'un des collaborateurs de ce cabinet d'expertise, que lors de la réunion de présentation, le 24 mars 2014, Mme [J] [Q] n'était pas présente. La Ligue ne fournit à cette absence aucune justification.

Enfin, la Cour observe que la Ligue, de façon générale, se contente d'affirmer que la salariée n'a pas accepté le renouvellement de l'équipe et de l'organigramme, faisant état de ses relations privilégiées avec l'ancien président.

Il résulte de l'ensemble de ces observations que l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe et ne donne aucune explication convaincante pour justifier que le nouvel organigramme ait évincé Mme [J] [Q] des attributions qu'elle exerçait au moment de la rupture du contrat de travail. Le harcèlement moral est ainsi établi, étant encore observé que :

- de manière concomitante avec les plaintes, Mme [J] [Q] a fait l'objet à compter du 12 novembre 2014 d'un arrêt de travail établi par son médecin traitant le docteur [C] [M] faisant état d'un harcèlement au travail,

- par courrier du 16 février 2015, le médecin du travail fait état de la dégradation de la situation professionnelle de Mme [J] [Q] ayant des répercussions sur sa santé et nécessitant une procédure d'inaptitude,

- par courrier du 27 janvier 2015, le médecin du travail constate une nouvelle dégradation de sa situation professionnelle, à l'origine d'un amaigrissement.

Le licenciement étant motivé par une inaptitude consécutive à un harcèlement moral, il devra donc être déclaré nul en application de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens.

3° ) Sur les conséquences financières de l'annulation du licenciement :

a - sur l'indemnité pour licenciement nul :

En application d'une jurisprudence constante, le salarié dont le licenciement a été déclaré nul a droit à une indemnité égale à au moins six mois de salaire quels que soient son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

En l'espèce, Mme [J] [Q], âgée de 53 ans au moment de son licenciement, avait 24 ans d'ancienneté. Il n'est pas contesté par les parties que la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 3 030,62 € brut.

Au regard de ces observations, il convient de faire droit à la demande de Mme [J] [Q] et de fixer à la somme de 54 550 € les dommages et intérêts pour licenciement nul.

b - sur l'indemnité de préavis :

Celle-ci est due même si la salariée n'a pas été en mesure d'exécuter son préavis dès lors que l'inaptitude a été causée par une faute de l'employeur.

Il sera donc octroyé à Mme [J] [Q] la somme de 6 061,24 € brut à ce titre, étant observé que la salariée ne sollicite pas les congés payés afférents.

4° ) Sur le préjudice distinct :

Il ressort des développements ci-dessus que Mme [J] [Q] a subi, suite aux faits de harcèlement ayant conduit à l'altération de son état de santé, un préjudice distinct qui sera réparé par la Cour à hauteur de 5 000 €.

5° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Dans la mesure où l'employeur succombe, il devra supporter la charge des dépens d'appel sans pouvoir prétendre lui-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'octroyer à Mme [J] [Q] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 15 novembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Besançon en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ANNULE le licenciement de Mme [J] [Q] ;

CONDAMNE la Ligue de Franche-Comté de handball à payer à Mme [J] [Q] les sommes suivantes :

- cinquante quatre mille cinq cent cinquante euros (54 550 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- six mille soixante et un euros vingt quatre (6 061,24 €) brut, à titre d'indemnité de préavis,

- cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

DÉBOUTE la Ligue de Franche-Comté de handball de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Ligue de Franche-Comté de handball aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à Mme [J] [Q] une indemnité de trois mille euros (3 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt deux décembre deux mille dix-sept et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre, et par Mme Gaëlle BIOT, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02372
Date de la décision : 22/12/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°16/02372 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-22;16.02372 ?
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