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12/12/2017 | FRANCE | N°16/02098

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 12 décembre 2017, 16/02098


ARRET N° 17/

PB/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 12 DECEMBRE 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 31 octobre 2017

N° de rôle : 16/02098



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 21 septembre 2016

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





APPELANT



Monsieur [

W] [X], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Isabelle PERRIN, avocat au barreau de BESANCON





INTIMEE



SA CAMELIN INVESTISSEMENTS, [Adresse 2]



représentée par Me Nicolas FREZARD, avocat ...

ARRET N° 17/

PB/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 12 DECEMBRE 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 31 octobre 2017

N° de rôle : 16/02098

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 21 septembre 2016

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANT

Monsieur [W] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle PERRIN, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

SA CAMELIN INVESTISSEMENTS, [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas FREZARD, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 31 Octobre 2017 :

Madame Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

qui en ont délibéré,

Madame Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 12 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [W] [X] a été embauché par contrat à durée indéterminée du 15 juillet 2002 par la Sas Camelin, aux droits de laquelle se trouve la Sa Camelin Investissements, en qualité de responsable administratif et financier, statut cadre, position II de la classification de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel brut de 5039,05€ brut.

Deux avertissements lui ont été notifiés les 20 décembre 2012 et 27 mai 2013.

Le 26 juin 2013, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 juillet 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2013, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement il a saisi le conseil de prud'hommes au fins d'obtenir le paiement des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral ainsi que le paiement d'heures supplémentaires outre divers rappels de salaire, et enfin l'annulation des deux avertissements.

Par jugement du 21 septembre 2016, il a été débouté de l'intégralité de ses demandes et condamné à payer la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par déclaration du 17 octobre 2016, M. [W] [X] a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions du 17 janvier 2017, il sollicite l'infirmation du jugement et demande de :

- annuler les avertissements du 20 décembre 2012 et 27 mai 2013,

- condamner la Sa Camelin Investissements à lui payer les sommes suivantes :

*5000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à la suite de faits de harcèlement moral,

*5.576,40€ bruts au titre de la mise à pied conservatoire,

*19.530,07€ nets au titre de l'indemnité de licenciement,

*15.117,15€ bruts au titre de l'indemnité de préavis,

*1.511,71€ bruts au titre des congés payés afférents,

*60.468€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*17.467,56€ bruts au titre des heures supplémentaires,

*466,14€ bruts au titre de la prime de vacances 2013,

*2.718,65€ bruts au titre de la prime de 13ème mois proratisée,

-ordonner la rectification des bulletins de paie concernés par les demandes,

-condamner la Sa Camelin Investissements à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 10 mai 2017, la Sa Camelin Investissements conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. [W] [X] à lui payer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la demande d'annulation des deux avertissements des 20 décembre 2012 et 27 mai 2013

1-1 Sur l'avertissement du 20 décembre 2012

M. [W] [X] est sanctionné pour deux séries de faits distincts :

' Vous avez adopté un comportement de contestation qui vous conduit à l'absence d'exécution de certaines missions confiées, de retard dans les travaux confiés et d'absence de suivi de certains travaux'.

Suivent une énumération de faits illustrant ce comportement :

- absence de mise en oeuvre effective d'une demande de contrôle de la facturation aux clients,

- retard fréquent ou absence de communication des informations de trésorerie,

- constat au dernier moment de l'impasse de trésorerie de la société Gradel en fin d'année,

- avancement limité des travaux visés par l'entretien annuel 2012, tel le suivi des marges réelles par articles et par client.

' Deuxièmement, vous avez adopté un comportement critique d'une ampleur qui est inacceptable car elle est extrêmement large'

L'employeur reproche à M. [W] [X] les faits suivants :

- critiques à l'égard d'autres cadres du groupe, MM. [V] [C] et [A] [W],

-critiques sur le bien-fondé des travaux de M. [X] [R], conseil extérieur intervenant au sein de la société,

- critiques répétées à l'égard de M. [U] [U], PDG de la Sa Camelin Investissements,

-partage de ces critiques avec les collaborateurs du service que dirige M. [W] [X].

Le courrier formule une liste de tâches à effectuer, en indiquant que ces 'travaux complètent le cas échéant la liste de priorités fixées pour 2012", classées par thèmes ( contrôle ERP, trésorerie, bilan, reporting-contrôle de gestion , gestion du service), soit une vingtaine d'actions, certaines très larges (mise en place d'un contrôle de gestion), d'autres très ponctuelles ('retirer le lieu de rencontre café du bureau').

Sur l'ensemble de ces points le salarié a répondu le 7 janvier 2013, en contestant les faits qui lui étaient reprochés et en expliquant pourquoi certaines tâches n'avaient pas été réalisées plus tôt.

Il conviendra de constater que pour justifier de l'ensemble de ces griefs l'employeur se fonde uniquement dans ses conclusions sur la pièce n° 19, soit l'attestation de M. [X] [R], consultant engagé par la Sa Camelin Investissements , aux fins d'assurer les travaux de mise en place d'une comptabilité consolidée au sein du groupe.

Il conviendra d'observer que M. [X] [R] détaille sa mission ainsi que les préconisations qu'il a pu formuler à M. [W] [X] pour l'organisation de son service, sans qu'il soit fait clairement mention de faits qui seraient constitutifs de carences fautives de la part de ce dernier .

Par ailleurs, cette attestation ne permet pas d'établir que M. [W] [X] a adopté un comportement de contestation qui l'aurait conduit à ne pas réaliser certaines tâches.

M. [X] [R] fait certes, en dernière partie de l'attestation, le constat d'une dégradation des relations avec M. [W] [X], mais il la date du 1er semestre 2013.

Dès lors que l'avertissement est daté du 20 décembre 2012, cette seule pièce expressément visée par l'employeur ne peut donc justifier la sanction prise antérieurement à l'année 2013.

2-2 Sur le courrier d'avertissement du 27 mai 2013

Le motif retenu par l'employeur est le suivant : 'Non respect délibéré et réitéré des consignes et refus de mettre en oeuvre les instructions, ainsi qu'un manque de respect de votre hiérarchie caractérisé par de la provocation et de la mauvaise volonté'.

Les faits visant à établir ce non respect délibéré des consignes sont énumérés ainsi qu'il suit par le courrier de licenciement :

- absence de mise en place d'outils de suivi des prix de revient, qui devaient au plus tard être produits le 25 avril 2013,

- budgets réalisés sur la base de la situation de l'année 2012, alors qu'il avait été donné pour instruction de les réaliser sur la base de 'mix produits' fixé au budget 2013,

-absence de 'mise en place des verrous nécessaires au contrôle M4",

- refus de transmettre les travaux préparatoires à la consolidation,

-refus de transmettre les indicateurs demandés,

- refus de mise en place d'un contrôle de gestion,

- persistance dans une attitude d'irrespect.

Il est en conséquence demandé à M. [W] [X] de 'corriger immédiatement votre comportement, de tenir compte de l'ensemble des remarques effectuées et de revenir à une situation à la fois de respect de votre hiérarchie, que des consignes fournies dont il ne vous appartient pas de remettre en cause la pertinence, ni de demander systématiquement l'usage qui en sera fait'.

L'employeur se fonde sur trois pièces :

- il s'agit d'un courriel tiré d'un échange entre le PDG et le salarié au sujet des documents nécessaires aux opérations de consolidation ainsi rédigé ' Je ne suis pas expert en la matière, mais je ne pense pas que les deux commissaires aux comptes se déplacent pour deux tableaux ni que ces deux tableaux puissent entraver la réunion de travail. Je m'assurerai de ces points avec M. [O]. Comme je te l'ai signalé plusieurs fois les travaux sont en cours et au surplus rien n'indique qu'ils ne seront pas faits le 7 mai '.

L'employeur en tire la conclusion que M. [W] [X] ' a remis en cause la pertinence de ces documents', ce qui ne résulte pas du texte précédemment repris dans son intégralité.

La Sa Camelin Investissements précise que le 16 mai, M. [W] [X] a été jusqu'à affirmer que 'les tableaux de consommation outillage Gradel n'étaient pas son problème dans la mesure où il n'est pas au courant de ce qui se passait dans cette société!!'.

L'employeur ne précise toutefois pas quelle pièce justifie cette affirmation, étant précisé qu'il n'est renvoyé à aucune annexe précise, le bordereau ne comportant par ailleurs aucune pièce datée du 16 mai 2013.

La Sa Camelin Investissements fait ensuite valoir que M. [W] [X] refuse de mettre en place le contrôle de gestion malgré les demandes réitérées de la direction caractérisant ainsi un acte d'insubordination inacceptable de la part d'un responsable administratif et financier.

Elle rappelle par ailleurs l'absence de production 'd'outils de suivi de nos marges et des prix de revient, associée à un véritable contrôle de gestion'.

Par un courrier du 3 juillet 2013, M. [W] [X] a contesté les griefs retenus par le courrier d'avertissement, en reprenant de manière précise les reproches qui lui étaient faits et en apportant des explications sur chacun des points soulevés.

Il note en particulier qu'il doit faire face à une augmentation des tâches de son service, liées aux opérations préalables à la réalisation, pour le première fois, des comptes consolidés et précise, en ce qui concerne la mise en place d'un contrôle de gestion que son service est un service administratif et comptable plus que de contrôle de gestion et que sa mise en place d'un tel contrôle nécessite un investissement en temps difficilement compatible avec les tâches habituelles augmentées des travaux préalables à la consolidation.

Or l'employeur ne se prononce nullement sur la validité des observations de M. [W] [X] étant de plus observé qu'aucun élément ne permet de mettre en évidence les refus ou les attitudes irrespectueuses mentionnés par le courrier.

Il en résulte que le second avertissement doit également être annulé.

2 - Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

Le courrier de licenciement précise de la manière suivante les faits reprochés au salarié :

' Refus réitéré de mise en oeuvre des instructions de votre hiérarchie et de réalisation des travaux demandés ainsi que le non-respect réitéré des consignes données, et ce malgré deux avertissements dont vous n'avez manifestement pas daigné tenir compte. Un tel comportement totalement inacceptable, de surcroît de la part d'un cadre de votre niveau, porte gravement préjudice au bon fonctionnement de la société et fait peser sur cette dernière, le groupe et ses dirigeants des risques importants qui rendent impossible votre maintien dans l'entreprise. Cette insubordination caractérisée et répétée constitue une violation du pouvoir de direction de l'employeur ainsi qu'une violation de votre obligation d'exécution de bonne foi de votre contrant de travail'.

L'employeur indique que le refus de ne pas effectuer des travaux importants a conduit à l'impossibilité pour l'assemblée générale d'approuver les comptes consolidés et rappelle les deux avertissements des 20 décembre 2012 et 4 février 2013.

Il se prévaut également du 'refus de transmission des travaux préparatoires à la consolidation au motif notamment selon vous de leur manque de pertinence. Vous n'avez pas tenu compte de ces avertissements, remettant en cause les instructions ou méthodes à utiliser, et contraignant les commissaires aux comptes à écourter leurs missions dans l'entreprise'.

Les conclusions de la Sa Camelin Investissements se fondent sur ce point sur les pièces 25 à 27 : Il s'agit en premier lieu d'une consultation de la société d'avocat Juridil en date du 28 juin 2013 rappelant que les comptes consolidés n'ont pu être approuvés et indiquant qu'elle 'prenait bonne note des instructions visant à demander un report au 30 septembre', tout en rappelant que le défaut d'établissement des comptes consolidés exposait la société à un risque pénal. L'employeur produit en second lieu l'ordonnance du président du tribunal de commerce ayant accordé la prorogation du délai de dépôt des comptes au 30 septembre.

Ce courrier, qui ne fait que reprendre les dispositions légales, ne fait nullement la preuve de ce qu'un risque a été effectivement couru par l'entreprise, puisque l'obtention de la prolongation du délai de dépôt des comptes n'a fait l'objet d'aucune difficulté , l'ordonnance ayant été rendue le 27 juin soit, curieusement, à une date antérieure au courrier du conseil de l'entreprise indiquant avoir pris bonne note des instructions pour demander ce report et faisant mention d'un risque pénal inexistant eu égard à l'obtention de l'ordonnance, qui avait manifestement déjà été sollicitée.

Le courrier de licenciement fait par ailleurs état d'une 'insubordination caractérisée et répétée'.

Le caractère répété des actes fait allusion aux deux avertissements précédemment notifiés par l'employeur et qui, ayant été annulés, ne peuvent caractériser le caractère répété d'une insubordination à supposer celle-ci avérée.

Pour justifier le comportement attribué au salarié l'employeur se fonde sur le courrier de l'expert comptable ainsi que sur l'attestation de M. [X] [R], consultant chargé d'une mission relative à l'établissement des comptes consolidés.

Le courrier de M. [A] [F], commissaire aux comptes associé retrace le contrôle des comptes clos le 31 décembre 2012.

Il convient toutefois de constater que celui-ci ne fait que retracer de manière objective le déroulement des opérations et ne se prononce nullement sur l'origine des retards qu'il ne fait que constater.

L'insubordination relevée par le courrier de licenciement ne résulte en réalité que de l'attestation de M. [X] [R].

Ce dernier, après avoir rappelé l'étendue de sa mission et précisé les préconisations faites à M. [W] [X] quant à l'organisation de son service et aux outils de gestion à mettre en place, précise :

' L'intérêt porté par M. [X] à ces dernières préconisations, a été très mesuré, j'ai eu le sentiment que cela n'était pas sa préoccupation, à tel point que les travaux au titre du premier exercice de consolidation ont débuté bien trop tardivement pour permettre leur finalisation à temps.

La qualité de la collaboration de M. [X] a été fluctuante, tout au long de ma mission, passant suivant les périodes de l'accueil le plus chaleureux et d'une collaboration effective la production d'observations peu reluisantes voire d'une agressivité franche, accompagnés d'une réticence à mettre en place certaines préconisations validées par M. [U]. Cette collaboration s'est dégradée au cours du premier semestre 2013.

Tout particulièrement, début 2013, à une date que je ne peux fixer, j'ai été l'objet à mon arrivée au siège de la société d'une virulente agressivité verbale de M. [X] relativement à des faits auxquels j'étais totalement étranger.

J'ai été particulièrement choqué de cette agression verbale et des éclats de voix de M. [X], des termes employés et ai demandé ce jour-là à M. [U] la suspension de ma mission dans un tel contexte de travail.

J'ai poursuivi ma mission à la demande de M. [U]'.

M. [W] [R] fait état d'une qualité fluctuante de la collaboration. Il doit toutefois être observé que durant cette période M. [W] [X] attire l'attention de M. [U] sur la charge de travail de son service et sur la difficulté de mener de front les différentes actions qui lui sont demandées.

Il sera rappelé que le premier courrier d'avertissement du 20 décembre 2012, liste une vingtaine d'actions à mener. Il lui est notamment demandé de mettre en place un contrôle de gestion, alors que M. [W] [X] , qui ne refuse pas cette mission, indique à l'employeur que son service est plus un service administratif et comptable, qu'un service de contrôle de gestion et attire l'attention de l'employeur sur l'ampleur de la tâche, alors qu'il doit par ailleurs réaliser les travaux préparatoires à l'établissement des comptes consolidés et doit donc satisfaire aux demandes de M. [X] [R] sur ce point, tout en assurant par ailleurs la charge de travail normal de son service.

Sur ce point l'employeur, s'il se prévaut d'acte de refus ou d'insubordination, ne s'explique, ni dans les courriels adressés au salarié, ni dans ses conclusions sur la possibilité de mener de front l'ensemble de ces tâches.

M. [W] [X] produit par ailleurs, une attestation de Mme [M] [L], actuellement retraitée et ancienne responsable de l'administration du personnel, indiquant avoir eu toute la confiance de son employeur ce que ce dernier ne conteste nullement.

Celle-ci a produit plusieurs attestations distinctes, mais de manière synthétique indique (attestation n° 5) que 'pendant des mois, M. [U] l'a poussé à bout pour qu'il parte'.

Il ne peut donc être reproché à M. [W] [X] d'avoir fait preuve d'un 'intérêt fluctuant' pour les travaux de consolidation, ni par ailleurs, dans ce contexte, de l'existence d'un incident qui a pu l'opposer au consultant, alors qu'au surplus les échanges de courriel entre le salarié et ce dernier témoignent de relations certes tendues à certains moment, mais sans témoigner d'un comportement agressif de la part de M. [W] [X].

Il en résulte donc que l'attitude d'insubordination relevée par le courrier de licenciement n'est pas établie et que, compte-tenu du contexte, il n'existe pas de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il sera en conséquence fait droit aux demandes d'indemnité de préavis et de licenciement qui si elles sont contestées dans leur principe ne le sont pas dans leur montant.

En ce qui concerne les dommages et intérêts sollicités, il y a lieu de constater que l'employeur indique, sans être contredit sur ce point, que la Sa Camelin Investissements, qui est la société holding du groupe, comporte moins de onze salariés et en conséquence sont applicables les dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail.

A la date du licenciement, M. [W] [X] bénéficiait d'une ancienneté de 11 ans et percevait un salaire mensuel de 5.039,05€.

Il n'indique toutefois pas quel a été son parcours professionnel postérieur au licenciement alors que l'employeur indique, sans être contredit, que le salarié a retrouvé un travail en septembre 2013.

Au vu de ces éléments le préjudice subi sera évalué à la somme de 35.000€.

3 - Sur la demande formée au titre du harcèlement moral

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1154-1, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le salarié présente des éléments de fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement.

Au titre des éléments de fait qu'il lui appartient de présenter le salarié fait état d'un ton agressif et de reproches permanents de la part du PDG, d'une situation conflictuelle créée par ce dernier, de reproches du consultant chargé de vérifier son travail, d'une tentative de désorganiser le service dont il avait la charge, de la fixation d'objectifs irréalisables, d'une charge de travail importante à réaliser dans un délai très court, de l'exigence de nouveaux travaux en plus des tâches quotidiennes, d'instructions contradictoires et enfin des avertissements du 20 décembre et du 21 mai 2013.

Il résulte des développements précédents, que le salarié a fait l'objet de deux avertissements dont l'employeur n'a pas été mesure de justifier du bien-fondé, ainsi par ailleurs que d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L' attestation de Mme [M] [L], dont rien ne permet d'établir qu'elle ait pu avoir un quelconque ressentiment à l'encontre de son ancien employeur, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu, atteste que le PDG de l'entreprise a 'pendant plusieurs mois tout fait pour faire partir M. [W] [X] '.

Enfin, les échanges de courriels entre M. [U] et M. [W] [X] , font régulièrement état de ce que ce dernier indique ne pas pouvoir mener de front toutes les tâches demandées, notamment la vingtaine d'actions mentionnée par le courrier d'avertissement de décembre 2012, s'ajoutant aux priorités dégagées pour l'année 2012.

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur indique qu'il ne nie pas avoir demandé 'quelquefois avec insistance', à M. [W] [X] de réaliser enfin les travaux sollicités, mais qu'il ne s'agit que de l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction.

L'examen tant des avertissements que des conditions dans lesquelles s'est déroulé le licenciement a fait apparaître que le pouvoir de direction n'avait pas été exercé de manière légitime et la Sa Camelin Investissements ne justifie donc pas que les faits, étaient étrangers à tout harcèlement moral.

Le jugement sera donc infirmé, et il sera alloué à M. [W] [X] la somme de 5.000€ à tire de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi.

4 - Sur la demande de paiement des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [W] [X] bénéficiait d'un forfait annuel en jour, dont il conteste toutefois la validité au motif que la convention ne respecte pas les conditions de validité fixées par la loi.

Sur ce point, c'est par une motivation qui doit être approuvée que le premier juge a estimé que la convention était privée d'effet.

Il appartient en premier lieu au salarié de produire des éléments de nature à étayer sa demande d'heures supplémentaires.

M. [W] [X] produit :

-l'attestation de Mme [L], ancienne responsable relations humaines précisant 'c'est lui qui fermait les portes. Il avait bien du mal à prendre ses RTT et ses congés. Il travaillait également chez lui (lors de la mise en place des programmes de pointage et de centralisation des paies). Il a aussi été rappelé pendant les congés, (vacances de Noël pour préparer les budgets)',

-de multiples mails échangés avec M. [U] et M. [R], certains tard dans la soirée,

- des échanges de courriels qualifiés de 'relevés de pointage', sur la période de décembre 2012 au 25 juin 2013, consistant en des mails réciproques de M. [W] [X] et d'une collègue Mme [M], l'appelant indiquant avoir mis ce système en place à la suite de doutes émis par M. [U] sur l'ampleur de son travail,

-un tableau de synthèse comportant l'évaluation des heures supplémentaires qu'il estime avoir réalisées.

Le premier juge a relevé l'existence de certaines incohérences dans les horaires résultant des mails échangés entre les deux salariés, ce qui est exact.

Par ailleurs, il a estimé que le caractère pour le moins ambigu de certains d'entre eux, effectivement avéré, faisait ressortir l'existence de relations personnelles entre les deux parties, qui permettaient de laisser planer un doute quant à l'objectivité de ces relevés, les mails ayant par ailleurs tout aussi bien pu faire l'objet d'un envoi différé.

Il doit toutefois être constaté que ces courriels viennent confirmer l'étendue des horaires de travail révélés par ceux qui étaient échangés entre le salarié, le PDG et le consultant et que rien ne vient accréditer l'hypothèse d'un envoi différé.

Il en résulte que le salarié produit des pièces permettant de faire apparaître l'existence d'heures supplémentaires, étant observé que l'employeur ne soutient nullement que M. [W] [X], en sa qualité de directeur administratif et financier, limitait son travail à cinq journées de sept heures, dès lors que, compte-tenu de l'absence d'effet de la convention de forfait le décompte des heures supplémentaires commençait à la 35ème heure.

Il appartient donc à l'employeur de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ce qu'il ne fait pas.

Au vu des différentes pièces produites et notamment du tableau du salarié, la cour trouve les éléments nécessaires pour fixer à la somme de 15.000€, le montant des heures supplémentaires, le jugement étant en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

5- Sur la prime de vacances 2013

M. [W] [X] indique que la prime de vacances constituait un usage d'entreprise, la seule condition requise étant d'être salarié au 30 juin et produit, pour justifier du caractère identique des modalités de calcul d'une année sur l'autre et de la régularité et de la constance de son versement, les bulletins de paie de Mmes [L] et [M].

L'employeur indique que M. [W] [X] procède par simple affirmation, sans toutefois contester que les bulletins de paie produits font apparaître de manière régulière pour ces deux salariées une prime de vacances identique d'une année sur l'autre.

Le jugement, qui a rejeté ce chef de demande, sera donc infirmé et la somme de 466,14€ sera allouée au salarié.

6- Sur la prime de treizième mois

M. [W] [X] indique qu'il a été privé de la prime de treizième mois au titre de l'année 2013, alors qu'il en a toujours bénéficié sous forme d'acompte en décembre avec une régularisation au mois de janvier et produit ses bulletins de paie de juillet 2010 à juillet 2012. Il produit par ailleurs les bulletins de paie de Mme [L] et [M] pour justifier de la régularité et de la constance de son versement.

L'employeur par une argumentation identique à celle qui concerne de la prime de vacances conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté ce chef de demande, sans toutefois contester que les bulletins de paie font apparaître le versement d'une prime de 13ème mois, dont la constance et généralité permettent de conclure à l'existence d'un usage.

Le jugement sera donc également infirmé sur ce point et la somme de 2.718,65€ brut correspondant à la prime proratisée sera allouée à M. [W] [X].

7 - Sur la modification des documents liés à la rupture du contrat de travail et des bulletins de paie

Le jugement sera également infirmé dès lors que les sommes allouées doivent conduire à l'établissement de documents et bulletins de paie rectifiés.

8- Sur les frais irrépétibles

La somme de 2000€ sera allouée à M. [W] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée au même titre par la Sa Camelin Investissements étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ANNULE les avertissements des 20 décembre 2012 et 27 mai 2013 ;

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la Sa Camelin Investissements à payer à M. [W] [X] les sommes suivantes :

*5.576,40€ bruts au titre de la mise à pied conservatoire,

*19.530,07€ nets au titre de l'indemnité de licenciement,

*15.117,15€ bruts au titre de l'indemnité de préavis,

*1.511,71€ bruts au titre des congés payés afférents,

*35.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

*15.000€ bruts au titre des heures supplémentaires,

*466,14€ bruts au titre de la prime de vacances 2013,

*2.718,65€ bruts au titre de la prime de 13ème mois proratisée,

ORDONNE la délivrance par la Sa Camelin Investissements des documents liés à la rupture du contrat de travail et des bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision ;

CONDAMNE la Sa Camelin Investissements à payer à M. [W] [X] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Sa Camelin Investissements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sa Camelin Investissements aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le douze décembre deux mille dix sept et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de la Chambre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02098
Date de la décision : 12/12/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°16/02098 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-12;16.02098 ?
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