ARRET N° 17/
CP/GB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 30 MAI 2017
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 07 Avril 2017
N° de rôle : 16/00740
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LURE
en date du 15 mars 2016
code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
[W] [P]
C/
SAS KNAUF FIBRE
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [W] [P], demeurant [Adresse 1]
APPELANT
Représenté par Monsieur [L] [Q] muni d'un pouvoir en date du 27 janvier 2017.
ET :
SAS KNAUF FIBRE, [Adresse 2]
INTIMEE
Représentée par Me Patrick BARRAUX, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 07 Avril 2017 :
CONSEILLER RAPPORTEUR : Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT
GREFFIER STAGIAIRE : M [K] [G]
lors du délibéré :
Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Jérôme COTTERET, Conseiller et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 30 Mai 2017 par mise à disposition au greffe.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:
M. [W] [P] a été engagé par la Sas Knauf Fibre le 18 septembre1978, société qui avait mis en place un contrat collectif frais-santé souscrit auprès du Gan, via la société de courtage en assurances Filhet-Allard et Cie.
A la suite de problèmes de santé, M. [P] était reconnu par le médecin du travail, inapte à son poste de cariste polyvalent le 26 juillet 2010, puis, inapte à titre définitif le 9 août 2010, lors de la seconde visite médicale.
Il était licencié pour inaptitude le 4 novembre 2010, après autorisation de l'inspecteur du travail, étant un salarié protégé.
Le 18 avril 2011, il demandait par courrier, le maintien de ses garanties et prestations prévoyance-mutuelle-décès-incapacité, en application de la loi Evin du 31décembre 1989.
Le 1er avril 2014 M. [P] bénéficiait de ses droits à la retraite.
Le 23 septembre 2015, il saisissait le Conseil de Prud'hommes de Lure pour obtenir le rétablissement de la garantie frais de santé option 200 et la réparation du préjudice subi du fait du non respect de cette garantie complémentaire. Par jugement du 15 mars 2016, le Conseil de Prud'hommes déboutait M. [P] de ses demandes et le condamnait au paiement de la somme de 200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [P] a interjeté appel de la décision.
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Dans ses conclusions déposées le 7 mars 2017, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Knauf Fibre à rétablir et maintenir les garanties frais de santé option 200 en application de la loi Evin, sous astreinte de 50 euros par jour de retard mais aussi de la condamner au paiement de la somme de 4000 euros en réparation du préjudice subi, de celle de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
M. [P] fait valoir en premier lieu que la demande est recevable car d'une part, il était salarié de la société Knauf Fibre jusqu'au 6 novembre 2010 et d'autre part, que cette dernière est bien le souscripteur du contrat de prévoyance collective, l'assureur Gan de ce contrat Groupe n'ayant pas vocation à se substituer aux obligations légales et conventionnelles de la société Knauf Fibre en application de l'article L1411-6 du code du travail.
Il indique qu' il bénéficiait à la suite de son licenciement pour inaptitude, de la portabilité de ses garanties santé et prévoyance, issue de l'ANI du 11 janvier 2008, dans la limite de 9 mois.
Il a bien formulé le 18 avril 2011, une demande de maintien et de rétablissement de la couverture santé prévue au contrat niveau 200 comme le prévoit la loi Evin du 31 décembre 1989.
Il rappelle que l'employeur s'est contenté de lui remettre une simple note informative appelée «flash Info» l'informant qu'à compter du 1er janvier 2012 des modifications interviendraient dans le régime frais de santé et prévoyance souscrit auprès du Gan qui étaient déficitaires.
A compter du 1er janvier 2012, il se voyait alors transposées ces modifications et passer du régime de base niveau 200 au «régime initial + confort», ce qui entraînait une baisse générale des plafonds de remboursement sur différentes prestations.
Il précise qu'il avait pourtant fait le nécessaire par écrit pour demander la poursuite de la couverture acquise antérieurement, dans le délai de six mois de son licenciement comme le prévoit l'article 4 de la loi Evin. Il considère donc que les modifications apportées au contrat de groupe le 1er janvier 2012, dérogeaient aux dispositions d'ordre public de la loi Evin qui prévoient bien le maintien de la couverture identique au salarié privé d'emploi sans faire de différence entre garanties obligatoires et facultatives comme le soutient l'employeur.
Sur le préjudice, M.[P] soutient que la société Knauf Fibre a engagé sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de faire connaître de façon précise les droits et obligations de l'adhérent en lui donnant des informations inexactes et incomplètes sur ces droits .
La société Knauf Fibre ne lui a pas donné des informations exactes malgré son courrier du 18 avril 2014.
Il affirme avoir subi un préjudice réel puisqu'il n'a pu obtenir le remboursement de certains frais restés à sa charge (frais dentaires, optiques..) et qui ne saurait être limité aux seules pertes de l'avantage ni à une perte de chance.
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Dans ses conclusions déposées le 20 mars 2017, la société Knauf Fibre soulève l'irrecevabilité de l'appel, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de toutes les demandes et à l'allocation d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société soutient que M. [P] fait une analyse erronée de la situation et estime qu'elle ne peut être tenue pour responsable d'une modification décidée de manière unilatérale par un organisme d'assurance totalement indépendant.
Elle rappelle que l' article 4 de la loi Evin met à la charge de l'assureur l'obligation de maintenir la couverture santé pour les anciens salariés mais celle relevant du régime obligatoire sans condition de durée. Ainsi, le salarié qui a perdu son travail et qui veut en bénéficier, doit faire la demande dans les six mois suivant la date de la rupture du contrat.
Toutefois, compte tenu que M. [P] ne fait plus partie de l'entreprise, il ne peut plus être rattaché au contrat collectif obligatoire de l'entreprise et doit adhérer soit individuellement soit souscrire à un contrat collectif facultatif.
Elle rappelle que la loi Evin ne s'applique qu'au régime de couverture santé obligatoire et soutient que le litige ne porte pas sur la loi Evin mais sur la minoration des garanties afférentes à la complémentaire santé souscrite auprès du Gan et qui relève de l'application des Accords nationaux Interprofessionnels notamment de ceux des 11 janvier 2008 et 2013 qui prévoient le maintien des droits en terme de santé et de prévoyance (régime complémentaire facultatif) dans la limite de 9 mois porté par la suite à 12 mois.
Or, et conformément à ces accords, M. [P] a bien bénéficié de la portabilité de ses droits pendant 9 mois . Au delà, elle estime qu'elle n'était plus tenue à aucune obligation de sorte qu'il appartenait à M. [P] de contester le nouveau tableau auprès du Gan qui était son seul interlocuteur.
Elle estime donc la demande irrecevable.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience du 7 avril 2017 .
MOTIFS DE LA DECISION:
La société Knauf fibre ne conteste pas l'existence d'un contrat collectif «Frais santé» souscrit auprès du Gan, via la société de courtage Filhet Allard et Cie ,au bénéfice de ses salariés.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. [P] avait souscrit à une option de garantie complémentaire niveau 200 pour lui et son épouse.
Il est constant que M. [P] a été licencié pour inaptitude le 4 novembre 2010 et qu'il a signé le 8 novembre 2010, le formulaire lui ayant permis de bénéficier de la portabilité des garanties santé et prévoyance pendant 9 mois .
Par ailleurs, M. [P] justifie avoir demandé par courrier du 18 avril 2011, le maintien des prestations identiques«Prévoyance-mutuelle-décès-incapacité des contrats collectifs Groupe souscrits», conformément à la loi Evin.
M. [P] indique avoir été informé par un «flash Infos» qu'il produit, de modifications des régimes en place à compter du 1er janvier 2012, et qui consistaient à instaurer un nouveau régime appelé «régime initial» qui regroupait les salariés ayant choisi « l'option 100» et un régime «initial +Confort», applicables à ceux qui cotisaient jusque là, à l'option 200.
La lettre d'information demande à chaque salarié de se prononcer avant le 9 décembre.
M. [P] conteste que ces modifications lui soient applicables et demande que l'employeur, en application de l'article 4 de la loi Evin, lui reconnaisse les mêmes garanties pour la couverture Santé que celles dont il bénéficiait avant le 1er janvier 2012 faisant valoir que cette modification qui, quand bien même a tenu compte de l'ancienne option 200 souscrite, lui accorde des taux de remboursement de prestations bien inférieurs, lui occasionnant un préjudice.
Or, l'article 4 de la loi Evin du 31 décembre 1989 cité, précise les modalités selon lesquelles l'organisme s'engage à maintenir la couverture Santé au profit des anciens salariés de l'entreprise qui ont notamment perdu leur emploi à la condition qu'ils en aient fait la demande dans les six mois qui suivent la date de la rupture du contrat , étant observé que la loi ne concerne que la complémentaire santé.
Par ailleurs, l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008, a étendu dans son article 14, la portabilité aux garanties «Santé et prévoyance».
Ce dispositif de portabilité des garanties permet donc le maintien des garanties complémentaires Prévoyance et Santé des salariés en cas de rupture du contrat de travail, sous réserve que le salarié soit pris en charge par le régime d'assurance chômage mais exclusivement pendant le délai légal applicable à la présente espèce, de 9 mois .
A l'expiration du dispositif de portabilité et en cas de demande de maintien de la complémentaire santé, l'assureur doit proposer une adhésion individuelle ou une souscription à un contrat collectif facultatif.
Il est exact qu' au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 2e civ.7fev.2008 n° 06-15.0006), il ne peut être dérogé par voie de convention aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1989 qui prévoient le maintien à l'ancien salarié privé d'emploi de la couverture résultant de l'assurance groupe souscrite par l'employeur pour la garantie frais de santé, couverture qui doit être identique à celle dont bénéficiait le salarié au moment de son départ de l'entreprise.
Or en l'espèce, la modification invoquée est entrée en vigueur dans l'entreprise dès le 1er janvier 2012. Elle concernait l'ensemble des salariés sans distinction . Elle avait de plus, fait l'objet d'une information parvenue également à M. [P] au vu du flash 'info' produit.
M. [P] ayant été licencié le 4 novembre 2010, a bénéficié du dispositif de portabilité pendant 9 mois à partir du 8 novembre 2011.
Il a, en application de l'article 4 de la loi Evin, et dans le délai légal de six mois à compter de la rupture du contrat, informé l'employeur de son souhait de maintenir la mutuelle pour les frais de santé.
Dès lors et pour ce faire, il a dû nécessairement souscrire avec l'assureur pour maintenir sa couverture Santé.
Il indique, d'ailleurs lui-même dans un courrier du 29 octobre 2012, avoir bénéficié d'une «nouvelle affiliation après radiation » de la Mutuelle entre avril et août 2011.
Pour autant, M. [P] ne produit pas le contrat souscrit.
Force est toutefois de constater que les modifications du 1er janvier 2012 au contrat Groupe dont se prévaut M. [P] sont postérieures à sa demande de maintien de la couverture à l'expiration du dispositif de portabilité de 9 mois.
Dès lors, et comme l'a retenu le Conseil de Prud'hommes, il appartient à M. [P] de vérifier auprès de l'assureur les clauses du nouveau contrat souscrit, ne pouvant plus depuis la fin du contrat, puisqu'il ne fait plus partie des effectifs, continuer à bénéficier du contrat Groupe souscrit par l'employeur.
En outre, ce dernier était libéré de tout engagement et de toute obligation à l'égard de M. [P] et ce, dès la fin de la période de portabilité.
Ainsi, il en résulte que l 'employeur a respecté les seules obligations mises à sa charge par les textes ci dessus, n'encourant aucune responsabilité du fait de l'application à son contrat personnel, que pourrait avoir fait l'assureur des modifications des garanties du 1er janvier 2012 appliquées au contrat Groupe de l'entreprise de sorte que la demande doit être rejetée comme l'a fait le Conseil de Prud'hommes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
M. [P] qui succombe dans la présente procédure, sera condamné au paiement des dépens de la procédure d'appel ce qui entraîne le rejet de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Besançon du 15 mars 2016 ;
DÉBOUTE M. [W] [P] de toutes ses demandes ;
Y ajoutant:
CONDAMNE M. [P] aux dépens de la procédure d'appel;
LE CONDAMNE à payer à la société Knauf Fibre une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le trente mai deux mille dix sept et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Madame Karine MAUCHAIN, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,