ARRET N° 17/
JC/GB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 26 MAI 2017
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 14 Avril 2017
N° de rôle : 16/00847
S/appel d'une décision
du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE BESANCON
en date du 04 avril 2016
code affaire : 88C
Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités
URSSAF DE FRANCHE-COMTE
C/
SAS TRANSPORT [V] STJ
PARTIES EN CAUSE :
URSSAF DE FRANCHE-COMTE, [Adresse 1]
APPELANTE
représentée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON
ET :
SAS TRANSPORT [V] STJ, [Adresse 2]
INTIMEE
représentée par Me Nessim SIRAT, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 14 Avril 2017 :
CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT
lors du délibéré :
Monsieur Jérôme COTTERET, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 26 Mai 2017 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suite à une perquisition autorisée par le président du tribunal de grande instance de Besançon et réalisée le 17 mars 2010 en présence des services de police et de l'Inspection du travail dans les locaux de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ, l'URSSAF [Localité 1] a adressé à cette dernière le 3 février 2011 une lettre d'observation lui indiquant qu'elle considérait que les chauffeurs internationaux employés par sa filiale slovaque STJ-SK relevaient, en l'absence d'un lien de subordination avec cette dernière, de la législation sociale française.
L'URSSAF a donc réclamé sur une base forfaitaire un rappel de cotisations sociales d'un montant de 638'962 € pour la période du 1er janvier 2006 au 28 février 2010.
Le constat de travail dissimulé a également entraîné l'annulation des réductions Fillon pour l'année 2009, pour un montant de 45'000 €.
Par courrier du 28 avril 2011, la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ a saisi la Commission de recours amiable de l'URSSAF qui a rejeté le recours par décision du 7 septembre 2012.
Par arrêt rendu le 26 mars 2013, la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Besançon a confirmé un jugement rendu par le tribunal correctionnel de Besançon le 18 novembre 2011 ayant condamné M. [U] [V], en sa qualité de dirigeant de droit et de fait de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ et de la filiale slovaque, de prêt de main-d''uvre à but lucratif illégal, fourniture illégale de main-d''uvre à but lucratif, et exécution de travail dissimulé commis entre le 1er juillet 2006 et le 17 mars 2010, sauf à dire que les faits antérieurs au 10 mars 2007 sont prescrits.
Par requête enregistrée au secrétariat le 8 avril 2013, la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ a formé un recours contre la décision de recours amiable de l'URSSAF devant le tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 1], lequel par jugement du 4 avril 2016, a annulé partiellement la décision déférée.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale a jugé que devaient être retirés de l'assiette du redressement les salariés dont la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ a produit le formulaire de détachement E 101 et a ainsi limité la condamnation à la somme de 86'941 € pour les cotisations et contributions sociales et à 32'900 € les majorations afférentes.
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Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 20 avril 2016, l'URSSAF [Localité 1] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses écrits déposés le 14 février 2017, l'URSSAF [Localité 1] conclut à l'infirmation du jugement et à la confirmation du redressement ainsi que de la décision de la Commission de recours amiable. Elle sollicite en conséquence la condamnation de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ à lui payer la somme de 494'698 € ainsi qu'une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle considère que les éléments versés au dossier font clairement apparaître que le lieu d'exercice de l'activité des chauffeurs slovaques est basé à [Localité 1] et que ces derniers doivent être soumis à la législation sociale française.
Elle rappelle que l'existence d'un lien de subordination entre les salariés slovaques et la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ ne faisant aucun doute, cette dernière ne peut prétendre que les intéressés ont fait l'objet d'un détachement régulier, malgré la fourniture pour certains d'entre eux des formulaires adéquats E 101.
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Pour sa part, dans ses écrits déposés le 11 avril 2017, la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ soutient que les chauffeurs slovaques de la STJ-SK dépendent de la législation sociale slovaque en vertu de l'article 14-2 du règlement communautaire n° 1408-71, dans la mesure où sa filiale a bien son siège à Bratislava.
Elle précise qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle et les chauffeurs slovaques et que ces derniers ont fait l'objet d'un détachement régulier pour 31 d'entre eux.
Elle ajoute que seul son dirigeant a fait l'objet d'une condamnation pénale si bien que l'arrêt rendu par la chambre correctionnelle de la Cour d'appel [Localité 1] ne lui est pas opposable.
La S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ conclut ainsi à l'infirmation du jugement et à l'annulation de la décision prise par la Commission de recours amiable le 7 septembre 2012.
À titre subsidiaire, elle entend voir déclarés opposables à l'URSSAF les formulaires de détachement E 101 et sollicite la réduction du redressement à la somme de 77'299 €.
En tout état de cause, elle sollicite la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 14 avril 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° ) Sur le redressement :
Les faits constatés par l'Inspection du travail et les services de police ont donné lieu d'une part à des poursuites pénales et d'autre part à un redressement.
Par arrêt rendu le 26 mars 2013, la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel [Localité 1] a confirmé un jugement rendu par le tribunal correctionnel [Localité 1] le 18 novembre 2011 ayant condamné M. [U] [V], en sa qualité de dirigeant de droit et de fait de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ et de la filiale slovaque STJ-SK, de prêt de main-d''uvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire, fourniture illégale de main-d''uvre à but lucratif, et exécution de travail dissimulé commis entre le 1er juillet 2006 et le 17 mars 2010, sauf à dire que les faits antérieurs au 10 mars 2007 sont prescrits.
Par des motifs, qui sont le soutien nécessaire de la décision, le juge pénal a relevé que dans les faits, la filiale slovaque STJ-SK après avoir mis à disposition de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ des véhicules avec conducteur, perd toute maîtrise sur le transport qui lui est confié. Il est noté que les conducteurs salariés de la société slovaque, pendant le temps du transport, n'ont aucun contact avec elle mais qu'ils sont sous la totale dépendance de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ laquelle ne leur donne pas seulement des directives générales mais toutes les directives nécessaires à l'exécution de leurs missions. Le juge pénal a encore dit que la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ, en réduisant ses effectifs français à trois conducteurs, s'est dans les faits privée des moyens de répondre aux commandes qui lui sont passées au point qu'elle est effectivement contrainte de recourir aux services de sa filiale slovaque dont la création n'a ainsi jamais eu pour objet de disposer d'une attache en Slovaquie afin de développer le transport dans les pays de l'Est mais uniquement de prêter de la main-d''uvre meilleure marché à sa société mère.
La chambre correctionnelle a enfin observé que si les conducteurs slovaques sont embauchés et licenciés par la filiale slovaque, apparaissant ainsi comme ses préposés juridiques, ils sont dans les faits, les salariés de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ.
Le juge pénal a ainsi confirmé la déclaration de culpabilité de M. [U] [V] en sa qualité de gérant de droit de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ.
La S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ indique que la décision pénale ne lui est pas opposable dans la mesure où elle ne concerne que son représentant légal, personne physique, et qu'elle ne fait ainsi pas obstacle à ce que soit reconnue l'existence d'un lien de subordination entre les chauffeurs slovaques et sa filiale slovaque ainsi que le détachement de ces derniers.
Or, l'analyse de la situation de détachement, au sens de la réglementation européenne qui constitue l'essentiel de l'argumentation de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ, suppose le maintien d'un lien de subordination entre l'employeur du pays d'envoi et le salarié.
La juridiction pénale, dont la décision a par nature autorité absolue de la chose jugée, ayant retenu l'absence de lien de subordination entre les chauffeurs concernés et la filiale slovaque, il ne pouvait donc exister de situation de détachement au sens de ces dispositions, de sorte que l'argumentation de l'intimée sur ce point, et notamment la validité des certificats de détachement, n'a pas lieu d'être examinée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a annulé la décision de la Commission de recours amiable 'partiellement sauf pour ce qui concerne la mention relative à la réduction Fillon'.
La Cour n'étant saisie d'aucun autre moyen à l'encontre du redressement, il en résulte que la décision de la Commission de recours amiable doit être confirmée dans son intégralité, la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ étant condamnée au paiement de la somme de 494 698 €.
2° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Il sera rappelé que la présente procédure est gratuite et sans frais.
La somme de 1 500 € sera allouée à l'URSSAF [Localité 1] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée au même titre par la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel principal de l'URSSAF [Localité 1] bien fondé ;
DÉCLARE l'appel incident de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ mal fondé ;
INFIRME le jugement rendu le 4 avril 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale [Localité 1] sauf en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ,
- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
- annulé le bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, dite 'réduction Fillon'.
Statuant à nouveau,
CONFIRME la décision de la Commission de recours amiable du 7 septembre 2012 rejetant le recours de la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ à l'encontre de la lettre d'observations du 3 février 2011 ;
CONDAMNE la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ à payer à l'URSSAF de Franche-Comté la somme de quatre cent quatre vingt quatorze mille six cent quatre vingt dix huit euros (494 698 €) ;
DÉBOUTE la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la S.A.S. TRANSPORTS [V] STJ à payer à l'URSSAF de Franche-Comté la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
RAPPELLE que la présente procédure est gratuite et sans frais.
LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt-six mai deux mille dix-sept et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et par Mme Gaëlle BIOT, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,