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26/05/2017 | FRANCE | N°16/00826

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 26 mai 2017, 16/00826


ARRET N° 17/

JC/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 26 MAI 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 14 Avril 2017

N° de rôle : 16/00826



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 21 mars 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





SA PARROT

C/
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PARTIES EN CAUSE :





SA PARROT, [Adresse 1]





APPELANTE



représentée par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON



ET :



Monsieur [W] [C], demeurant [Adresse 2...

ARRET N° 17/

JC/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 26 MAI 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 14 Avril 2017

N° de rôle : 16/00826

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 21 mars 2016

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

SA PARROT

C/

[W] [C]

PARTIES EN CAUSE :

SA PARROT, [Adresse 1]

APPELANTE

représentée par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Monsieur [W] [C], demeurant [Adresse 2]

INTIME

représenté par Me Marie-lucile ANGEL, avocat au barreau de JURA, substitué par Me MOREL Nicolas, avocat au barreau du JURA

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 14 Avril 2017 :

CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT

lors du délibéré :

Monsieur Jérôme COTTERET, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 26 Mai 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

À la suite de plusieurs missions d'intérim, M. [W] [C] a été embauché par la S.A. PARROT selon contrat de travail à durée déterminée du 3 octobre au 4 novembre 2011.

Après plusieurs renouvellements de ce contrat, M. [W] [C] a été embauché par la S.A. PARROT selon contrat de travail à durée indéterminée du 6 avril 2012, comme ouvrier, coefficient 145, échelon 1, niveau II de la convention collective de la métallurgie du Jura.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 avril 2014, la S.A. PARROT a notifié à M. [W] [C] son licenciement pour motif économique.

M. [W] [C] a accepté le 4 avril 2014 le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé au cours de l'entretien préalable.

Par requête enregistrée au greffe le 12 décembre 2014, M. [W] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Dole afin d'entendre déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et son employeur condamné à lui payer la somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ainsi qu'une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 21 mars 2016, le conseil de prud'hommes a déclaré le licenciement de M. [W] [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A. PARROT à lui verser la somme de 18'000 € à titre de dommages et intérêts.

Le conseil de prud'hommes a fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 374,61 € et a condamné la S.A. PARROT à verser à M. [W] [C] une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 15 avril 2016, la S.A. PARROT a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 9 janvier 2017, elle maintient que le licenciement repose sur un motif économique réel et sérieux, qu'elle a loyalement rempli son obligation de reclassement et appliqué correctement les dispositions légales relatives aux critères d'ordre des licenciements.

Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement, le rejet des prétentions de M. [W] [C] et sa condamnation à lui payer une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle avoir enregistré une nette contraction de son activité, en raison notamment des baisses importantes de commandes avec certains de ses clients essentiels.

Elle dit verser aux débats son organigramme permettant de vérifier qu'aucun poste de reclassement n'existait en interne.

La S.A. PARROT précise enfin que M. [W] [C] étant le seul salarié de sa catégorie, en l'espèce opérateur régleur, elle ne pouvait pas appliquer de critères spécifiques dans l'ordre des licenciements.

*

Pour sa part, en réponse dans ses écrits déposés le 10 avril 2017, M. [W] [C] sollicite la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il remet en cause l'existence de difficultés économiques réelles au motif qu'il a été le seul salarié licencié, faisant valoir que le licenciement est en réalité motivé par la volonté de l'employeur de se séparer d'un salarié ayant fait l'objet d'un arrêt maladie pour troubles anxieux réactionnels.

Il ajoute qu'il occupait les fonctions d'ouvrier de production et qu'il n'était donc pas le seul salarié de sa catégorie.

Enfin, M. [W] [C] soutient que la S.A. PARROT n'a pas loyalement rempli son obligation de reclassement.

*

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 14 avril 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur le licenciement économique :

a - sur la réalité des motifs économiques invoqués par la S.A. PARROT :

Il résulte des articles L. 1233-3, L. 1233-16 et L. 1233-42 du code du travail que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi du salarié (Cass. soc., 6 juill. 1999, n° 97-41.547 : JurisData n° 1999-002809 ; Bull. civ. 1999, V, n° 328).

En l'espèce, la lettre de licenciement du 4 avril 2014 énonce :

'Le motif économique pour lequel nous envisageons la rupture de votre contrat résulte de la réorganisation de nos services nécessaire à la sauvegarde la compétitivité, voire de la pérennité, de notre entreprise.

En effet, nous sommes confrontés à plusieurs pertes de marchés qui concernent l'ensemble de la production dont le parc des 'petites machines' à savoir :

- Nous ne recevons plus depuis le 16 octobre 2013 aucune commande de l'un de nos plus importants clients, FAGOR-BRANDT suite à son redressement judiciaire intervenu en novembre 2013 : depuis des années auparavant, ce client était livré chaque semaine.

- Ce client représentait en moyenne 80 k€ de chiffre d'affaires par mois pour notre entreprise ; de nombreuses séries telles que les supports et les glissières étaient produites par le parc 'petites machines' ; un exemple : les supports BRANDT 5 000 / mois en 2013, zéro en 2014, glissières environ 5 000 / mois en 2013, zéro en 2014.

- Une baisse des marchés produits majoritairement sur les commandes numériques et robots de soudage par suite de l'arrêt ou de la diminution de volumes de certaines références chez VOLVO RVI (grille FH, KERAX) : perte de chiffre d'affaires de minimum 25 % sur ce client ; sur ces références, des opérations de reprise étaient aussi faites sur les petites machines (taraudage, rognage, emboutissage, etc...).

- Les changements de gamme chez VOLVO et l'arrêt d'une référence chez HONDA (axes de roue) en 2014 entraîne une diminution de la charge des presses et soudeuses. Quelques exemples :

- réf. 10'923 : 1 500 à 2 000 / mois en 2013, 600 pour l'année en 2014,

- réf. FH : 600 à 700 par mois en rognage en 2013, en 2014 aucune,

- cube 12'510 : 80'000 cubes en 2013,40 000 au maximum en 2014.

- Une baisse des marchés 'petits clients' d'une manière générale, entraînant une sous-occupation voire une non-occupation du parc 'petites machines'. Ainsi, les 'petites machines' suivantes : COLLY, S 16 et S 18, presse hydraulique, machine à glissière, sont actuellement inoccupées. Les autres machines sont occupées à moins de 50 % pour les commandes de nos clients suivants : PIOLET, LEBED et comptoir SABE ponctuellement. Ces clients ne passent pas de marchés programmés, nous travaillons à la commande.

Les références qui tournent encore actuellement alimentent en 2 x 8 depuis 2013 (alors que nous tournions en 3 x 8 en 2012 et depuis des années), uniquement les machines à commandes numériques et les robots de soudage et ces pièces ne peuvent pas être réalisées sur les 'petites machines'.

Nous constatons ce fait depuis plusieurs années mais, comme nous l'avons démontré, il s'est accentué à partir de début 2014. Et nous ne savons pas à ce jour ce qu'il en sera dans les mois à venir.

Ces diminutions et pertes de marchés constatées notamment sur les 'petites machines' ont un impact direct en ce qui vous concerne. En effet, le parc des 'petites machines'étant moins souvent utilisé, puisqu'elles ne travaillent qu'à la commande ponctuelle, les réglages pour lancer les séries de fabrication de pièces interviennent avec beaucoup moins de fréquence que les années précédentes.

Nous avons utilisé le dispositif d'activité partielle depuis mi-mars pour l'atelier 'petites machines'.

Toutefois, il est nécessaire que nous organisions notre entreprise pour pallier les pertes de marché sur l'ensemble du parc de production et prévenir les difficultés économiques qui s'ensuivront'.

Il ressort des pièces versées par la S.A. PARROT qu'il est exact que la société FAGOR-BRANDT a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 novembre 2013 alors qu'elle constituait l'un de ses clients principaux en générant un chiffre d'affaires en 2013 de 659'513,98 €. Or, il appert des tableaux d'analyse d'activité par client que la société FAGOR-BRANDT a cessé quasiment toute commande à partir du 16 octobre 2013 en ne générant plus au bénéfice de la S.A. PARROT qu'un chiffre d'affaires en 2014 de 27'287,59 €.

Dès lors que le chiffre annuel total de la S.A. PARROT s'élevait en 2013 à 5'683'995 €, la perte liée à la cessation de commandes de la part de la S.A. PARROT a entraîné une diminution du chiffre d'affaires de plus de 12 %.

De même, la lecture des tableaux d'analyse fait apparaître une diminution des volumes commandés par le client VOLVO dont le chiffre d'affaires généré a été réduit de 25 %.

L'analyse des liasses fiscales et des extraits de bilan en 2013 et en 2014 confirme que le chiffre d'affaires de l'exercice clôturé au 31 décembre 2013, qui s'élevait à 5'683'995 € a baissé de 20 %, soit de 1'126'663 €, pour atteindre, lors de la clôture de l'exercice 2014 le 31 décembre 2014, la somme de 4'557'332 €.

C'est ainsi que le résultat net a été fortement impacté, dans la mesure où celui-ci, qui était de 158'213 € au 31 décembre 2013, n'était plus que de 39'902 € au 31 décembre 2014, ce qui représente une baisse de 75 %.

Il ne saurait ainsi être sérieusement contesté que la S.A. PARROT devait prendre des mesures pour pallier ses pertes de marché.

Dès lors que les difficultés économiques sont avérées, la Cour ne peut se substituer au choix de gestion fait par la S.A. PARROT d'entreprendre une réorganisation de service nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Au surplus, il convient de noter que par décision du 18 novembre 2013, le préfet du Jura, faisant suite à une demande en ce sens de la S.A. PARROT, a ouvert au bénéfice d'un nombre maximum de 35 salariés une indemnisation de chômage partiel pour la période comprise entre le 1er décembre 2013 et le 31 mars 2014 pour un volume de 6 440 heures.

Enfin, il n'est pas sérieusement contestable que M. [W] [C] était le seul régleur des petites machines dont le parc a été affecté par la sous-utilisation liée à la perte des marchés ci-dessus énoncés, ce qui justifiait la suppression de son poste.

En conséquence, le licenciement a bien une cause économique.

b - sur le respect de l'obligation de reclassement :

En application de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises.

La S.A. PARROT verse aux débats son organigramme. Elle comptait, au moment du licenciement de M. [W] [C], 32 salariés.

L'employeur justifie avoir demandé à sa directrice d'usine par courrier électronique du 25 mars 2014 d'effectuer une recherche de reclassement pour M. [W] [C].

Suite à cette recherche, a été établie une étude des possibilités de solution de reclassement, récapitulée dans un tableau versé aux débats.

Il en ressort que seul le poste de responsable des ventes se trouvait disponible.

Toutefois, celui-ci nécessitait d'être titulaire d'un Master en stratégie commerciale ou au minimum d'un BTS Force de vente, et en toute hypothèse, de maîtriser la langue anglaise.

Or, d'une part M. [W] [C] ne soutient pas qu'il disposait des compétences professionnelles et qualification pour exercer un emploi de commercial et d'autre part, l'employeur n'a pas à assurer au salarié dans le cadre de son obligation de reclassement, une formation qualifiante.

Il convient donc de juger que la S.A. PARROT a satisfait à son obligation de reclassement.

Au regard de ces observations, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [W] [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu en conséquence de débouter M. [W] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

2° ) Sur le respect de l'ordre des licenciements :

La S.A. PARROT explique qu'elle n'avait pas à respecter un ordre dans les licenciements dans la mesure où M. [W] [C] occupait le seul emploi de régleur.

Pour sa part, le salarié affirme avoir été embauché comme ouvrier de production, qu'il était polyvalent et qu'il appartenait donc à la S.A. PARROT de justifier des critères de choix dans l'ordre des licenciements par rapport aux autres ouvriers de production.

Toutefois, il ressort des tableaux de polyvalence de l'année 2013 que M. [W] [C] ne disposait d'aucune des qualifications nécessaires pour être polyvalent sur un autre poste que celui qu'il occupait.

Dès lors que le salarié occupait ainsi uniquement un poste de régleur sur le parc 'petites machines' et que seul ce poste, pour les motifs rappelés ci-dessus, était concerné par la réorganisation de la S.A. PARROT, c'est à juste titre que celle-ci a considéré ne pas pouvoir respecter un ordre dans les licenciements.

3° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard des circonstances de l'espèce, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel de la S.A. PARROT bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu le 21 mars 2016 par le conseil de prud'hommes de Dole en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE le licenciement de M. [W] [C] fondé sur un motif économique ;

DÉBOUTE M. [W] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens de première instance et d'appel.

LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt-six mai deux mille dix-sept et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et par Mme Gaëlle BIOT, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/00826
Date de la décision : 26/05/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°16/00826 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-26;16.00826 ?
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