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28/02/2017 | FRANCE | N°15/02489

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 février 2017, 15/02489


ARRET N° 17/

CP/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 28 FEVRIER 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 17 janvier 2017

N° de rôle : 15/02489



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LONS LE SAUNIER

en date du 24 novembre 2015

Code affaire : 89Z

Autres demandes en matière de risques professionnels





CPAM DU JURA

C/

SAS BOST GARNACHE INDUSTRIES >






PARTIES EN CAUSE :



CPAM DU JURA, [Adresse 1]





APPELANTE



dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 [rédaction du décret 2010 - 1165 du 1er octobre 2...

ARRET N° 17/

CP/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 28 FEVRIER 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 17 janvier 2017

N° de rôle : 15/02489

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LONS LE SAUNIER

en date du 24 novembre 2015

Code affaire : 89Z

Autres demandes en matière de risques professionnels

CPAM DU JURA

C/

SAS BOST GARNACHE INDUSTRIES

PARTIES EN CAUSE :

CPAM DU JURA, [Adresse 1]

APPELANTE

dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 [rédaction du décret 2010 - 1165 du 1er octobre 2010] du code de procédure civile.

ET :

SAS BOST GARNACHE INDUSTRIES, [Adresse 2]

INTIMEE

représenté par Me Vincent DUVAL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 17 Janvier 2017 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Février 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Le 6 février 2014, la société Bost Garnache Industrie (BGI) a établi une déclaration d'accident du travail pour M.[E] [Q], opérateur de production, qu'elle a adressée à la Caisse primaire du Jura accompagnée de réserves.

Il y est fait mention de la pendaison de M. [Q] le [Date décès 1] 2014 à 6h15 au palan du quai d'acier, étant observé que les médecins n'ont pas pu réanimer l'intéressé retrouvé en état de mort cérébrale.

L'employeur indique que l'état de mort cérébrale est sans lien avec le travail mais que le geste s'explique par des motifs d'ordre privé totalement étrangers à la vie professionnelle.

La caisse a après enquête, décidé de prendre en charge la tentative de suicide comme accident du travail et le décès au titre de la législation professionnelle par décision du 15 avril 2014.

L'employeur contestant les prises en charge a saisi la Commission de Recours Amiable qui a confirmé les décisions de la caisse et rejeté les recours dans sa séance du 17 septembre 2014.

Par jugement en date du 24 novembre 2015, le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale du Jura a infirmé les décisions de la Commission de Recours Amiable après les avoir jointes et a dit que l'accident et le décès ne pouvaient pas être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La Caisse primaire du Jura a interjeté appel de la décision.

*

Dans ses conclusions déposées le 15 novembre 2016, la caisse demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que la tentative de suicide et le décès doivent être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse soutient que la présomption d'imputabilité doit s'appliquer, l'accident mortel s'étant déroulé sur le lieu et au temps du travail. Elle prétend que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère, le lien existant avec le travail étant établi par l'enquête qui met en évidence des relations difficiles au travail avec d'autres collègues. Sur le respect du contradictoire, elle estime avoir satisfait à son obligation ayant communiqué les pièces du dossier .

Dans ses conclusions déposées le 17 janvier 2017, la société Bost Garnache Industrie demande à titre principal, la confirmation du jugement, et à titre subsidiaire, de dire inopposables à la société les deux décisions de prise en charge du 15 avril 2014 par la Caisse primaire du Jura pour non respect de l' obligation d'information de la caisse.

En tout état de cause, elle demande l'allocation d'une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère pour l'exposé des moyens de l'intimée, à ses conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience du 17 janvier 2016, la Caisse primaire de Belfort ayant été dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile .

MOTIFS DE LA DECISION:

Il ressort du dossier que la société BGI a adressé le 6 février 2014 à la Caisse primaire du Jura une déclaration d'accident de travail pour son salarié M. [Q] trouvé pendu vers 6h du matin sur son lieu de travail en l'accompagnant de réserves sur l'origine professionnelle du geste.

Il convient de rappeler qu'au regard des dispositions de l'article L411-1 du code de la Sécurité sociale, «Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.»

L'employeur conteste le caractère professionnel de l' accident du travail et du décès qui s'en est suivi et soutient que l'accident est dû à une cause étrangère.

Or, il résulte du dossier que M. [Q] travaillait dans l'entreprise depuis le 13 mai 2008 et qu'outre son emploi d'opérateur, il occupait depuis le 7 juillet 2011, celui de gardien d'usine qu'il avait spontanément demandé.

L'enquête faite par le Chsct indique que M. [Q] était un salarié très impliqué, très consciencieux et qu'il donnait pleine et entière satisfaction à sa hiérarchie qui l'appréciait.

Il en résulte également que M. [Q] avait bénéficié régulièrement d'augmentations de salaire et que ses évaluations soulignaient sa motivation et ses excellentes qualités professionnelles.

Par ailleurs, les témoignages recueillis démontrent que les collègues n'avaient pas constaté d'état dépressif, de tristesse ou de difficultés par rapport à son travail ni de plainte relative aux deux emplois exercés en même temps dont il était très fier, étant observé que du fait de ses fonctions de gardien, il habitait sur le site dans un logement de fonction avec son épouse et ses deux enfants.

Le rapport ne démontre pas plus de difficultés particulières dans sa vie privée, et note que M. [Q] évoquait tant ses activités de loisirs comme le bricolage ou ses projets comme l'achat d'un second véhicule et à terme de construction.

L'enquête met cependant en évidence des tensions dues à des «taquineries, remarques désagréables» dont M. [Q] faisait l'objet de la part de quelques collègues de l'entreprise et plus particulièrement d'une personne de son équipe, qui étaient liées à de la jalousie personnelle.

Le rapport note que selon les témoins, cette situation lui pesait et l'affectait. Il avait pourtant repoussé l'aide du délégué syndical minimisant les faits et souhaitant régler lui-même ses problèmes.

De plus, il résulte des témoignages recueillis que M. [Q] n'était pas parfaitement intégré ( M. [U]) , que sa nomination au poste de gardien avait attisé la jalousie de certains collègues ( M. [U], M. [T]), qu'il n'était pas bien vu de tous ses collègues (M. [T]) , qu'il était bien intégré mais pas à toute l'équipe ( M. [L], M. [J]) ni respecté de tous ses collègues (M.[T]). M. [J] précise que fin 2013, certains collègues le jalousaient encore sur le poste de concierge racontant qu'une personne lui faisait des «doigts d'honneur». M. [T] ajoute avoir été témoin de 2 ou 3 altercations avec un collègue avec lequel il se disputait , celui-ci lui ayant fait «un doigt d'honneur». M. [I] précise l'avoir entendu dire «quand tu travailles bien on te dérègle ta machine» .

Ainsi si à l'évidence, M. [Q] était apprécié de son employeur et si ses qualités professionnelles ne sont pas discutables, ni son engagement et implication, il résulte toutefois du dossier qu'il existait des difficultés relationnelles liées à de la jalousie de ou du moins d'un collègue en lien avec son poste de gardien et aux avantages qu'il procurait. L'enquête du Chsct indique que cette situation lui pesait et qu'elle a manifestement perduré tout au long de l'année 2013, puisqu'elle existait encore fin 2013 selon M. [J] étant observé que les faits étaient à la limite de la violence selon certains témoins.

Si l'enquête de la Caisse primaire mentionne que Mme [Q] a précisé aux Pompiers que son mari avait fait avant le mariage une première tentative de suicide et avait bénéficié d'un suivi médical, ce fait est ancien datant d'avant 2001 sans qu'il puisse constituer la preuve d'une cause étrangère dès lors qu'il n'est pas établi qu'il était suivi depuis lors et plus précisément antérieurement à l'accident, pour un état dépressif , mais dont il peut être retenu la preuve d' une certaine fragilité de l'intéressé.

Au regard de ces éléments, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale, aucune cause étrangère n'a été démontrée susceptible d'établir que l'accident comme le décès ne sont pas imputables au travail.

Il convient donc d'infirmer le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité sociale sur ce point.

2°)Sur l'inopposabilité de la décision de prise en charge:

La société BGI soulève l'absence de communication par la caisse du rapport d'autopsie, précisant s'être rendue sur place pour consulter le dossier et s'être vue opposée un refus par la caisse de lui communiquer cette pièce , ce dont elle ne justifie pas, alors qu'elle était importante puisqu'elle confirmait la tentative de suicide faite dans les années précédentes par arme à feu dont l'intéressé aurait conservé des marques et lésions.

La caisse verse la liste des pièces qu'elle a communiquées le 28 mars 2014 à l'employeur, le rapport d'autopsie n'y figure pas, ce qu'elle ne conteste pas.

Or, en ne communiquant pas à l'employeur les conclusions voire l'entier rapport d'autopsie, la caisse qui a l'obligation de communiquer préalablement à sa décision, tous les éléments qui sont susceptibles de faire grief à l'employeur, ce dont faisait partie le rapport d'autopsie, a manqué à son obligation d'information résultant de l'article R441-11du code de la Sécurité sociale de sorte que le contradictoire n'ayant pas été respecté, les décisions de prise en charge doivent lui être déclarées inopposables.

L'équité ne commande pas d'allouer à la société Bost Ganarche Industrie une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité sociale du Jura du 24 novembre 2015 en ce qu'il a dit que l'accident mortel comme le décès de M. [E] [Q] ne doivent pas être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

statuant à nouveau,

DIT que l'accident mortel comme le décès de M. [Q] doivent être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

CONFIRME en conséquence les décisions de la Commission de Recours Amiable du 17 septembre 2014 sur ce point,

DECLARE toutefois les décisions de prise en charge du 15 avril 2014 inopposables à la société Bost Ganarche Industrie,

DÉBOUTE la société Bost Garnache Industrie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

RAPPELLE que la procédure est sans frais,

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition le vingt-huit février deux mille dix-sept.et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, Magistrat et par Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/02489
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°15/02489 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;15.02489 ?
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