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28/02/2017 | FRANCE | N°15/02470

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 28 février 2017, 15/02470


ARRET N° 17/

JC/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 28 FEVRIER 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 13 Janvier 2017

N° de rôle : 15/02470



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 04 décembre 2015

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[N] [U]

C/

SAS REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS VISTEON SYSTEMES INTERIEURS







PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [N] [U], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



représenté par ...

ARRET N° 17/

JC/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 28 FEVRIER 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 13 Janvier 2017

N° de rôle : 15/02470

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 04 décembre 2015

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[N] [U]

C/

SAS REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS VISTEON SYSTEMES INTERIEURS

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [N] [U], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

représenté par Me Felipe LLAMAS, avocat au barreau de DIJON

ET :

SAS REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS VISTEON SYSTEMES INTERIEURS, [Adresse 2]

INTIMEE

représentée par Me Jean-louis LANFUMEZ, avocat au barreau de BELFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 13 Janvier 2017 :

CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT

GREFFIER STAGIAIRE : Mme [P] [R]

lors du délibéré :

Monsieur Jérôme COTTERET, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Février 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [N] [U] a été embauché par la S.A.S. VISTEON, devenue la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE, à compter du 6 septembre 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée comme directeur de l'usine de [Localité 1].

Il a présenté le 8 octobre 2013 sa démission qui a pris effet le 8 janvier 2014.

Par lettre du 12 décembre 2013, il a demandé à la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE le paiement du solde du bonus de rétention ainsi que du bonus annuel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 janvier 2014, la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE lui a fait savoir que ces primes n'étaient pas dues en cas de démission, l'octroi du bonus annuel étant au surplus laissé à la discrétion de l'employeur.

C'est dans ces conditions que M. [N] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort par requête enregistrée au greffe le 30 avril 2014 afin de solliciter en l'état de ses derniers écrits la condamnation de la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

- 16'250 € brut au titre du bonus de rétention,

- 90'610 € brut au titre du bonus annuel intitulé 'Annual Incentive',

- 30'000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 4 décembre 2015, le conseil de prud'hommes a débouté M. [N] [U] de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamné aux dépens.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 11 décembre 2015, M. [N] [U] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 14 décembre 2015, il maintient ses prétentions de première instance, faisant valoir que les modalités et les conditions de versement du bonus de rétention étant rédigées en anglais, elles lui sont inopposables.

Il prétend en conséquence que le solde de ce bonus lui est dû dès lors qu'il faisait toujours partie des effectifs de l'entreprise au 31 décembre 2013.

À titre subsidiaire, il fait valoir que conditionner le versement de ce bonus à sa présence dans l'entreprise porte atteinte à la liberté de démissionner.

Concernant le bonus annuel, dès lors qu'aucun objectif ne lui a été fixé au titre de l'année 2013 et que ce même bonus a été versé à un autre salarié ayant également démissionné, il en conclut que celui-ci doit lui être payé.

En toute hypothèse, il maintient sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30'000 € pour exécution déloyale du contrat de travail.

*

Pour sa part, dans ses écrits déposés le 27 juin 2016, la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que le solde du bonus de rétention n'est pas dû en cas de démission en application des conditions et des modalités de versement signées par le salarié, lesquelles ne figurent pas dans les documents dont le législateur exige qu'ils soient rédigés en français.

La S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE maintient que le versement du bonus annuel est facultatif et qu'il relève de sa totale et libre discrétion. Elle ajoute que ce bonus n'est en tout état de cause pas dû lorsque la démission et au surplus la fin du contrat de travail interviennent avant la date de versement. Elle conclut subsidiairement à la réduction du montant réclamé.

*

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 13 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur le bonus de rétention :

Il n'est pas contesté par la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE que M. [N] [U] était éligible à une prime de fidélisation d'un montant total de 32'500 €, devant lui être versée en deux fois.

Pour refuser à M. [N] [U] le paiement du solde de ce bonus suite à sa démission, la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE se prévaut d'une annexe contractuelle rédigée en anglais intitulée 'Personal and confidential' et stipulant notamment : 'A voluntary separation or failure to remain an employee in good standing will nullify elibility for this bonus' et qu'elle traduit dans ses écrits devant la Cour de la manière suivante 'une séparation volontaire ou non rester un employé en règle annulera l'admissibilité à ce bonus' (sic).

Or, il résulte de l'article L. 1321-6 du code du travail que tout document comportant des obligations pour le salarié ou les dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail, doit être rédigé en français. (Cass. soc. 29 juin 2011, n° pourvoi : 09-67492).

Ainsi, le document fixant les conditions nécessaires pour la perception du bonus de rétention, à défaut d'être rédigé en français, est inopposable à M. [N] [U].

C'est dès lors à juste titre que celui-ci sollicite le paiement du solde du bonus litigieux.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE condamnée à payer à M. [N] [U] la somme de 16'150 € brut.

2° ) Sur le versement du bonus intitulé 'Annual Incentive' :

a - sur le principe :

Aux termes de l'article 2 du contrat de travail du 2 septembre 2011, il est stipulé que M. [N] [U] sera éligible au programme de compensation du 'Level Senior Manager' en vigueur dans le groupe et qui se compose d'un 'Annual Incentive'.

Il est encore précisé : 'ce bonus annuel représentant au maximum 20 % de sa rémunération annuelle brute selon les règles internes régissant le programme de compensation dont il reconnaît avoir été informé et lesquelles prévoient notamment qu'en cas de rupture du contrat de travail, l'intéressé n'aura droit à aucun bonus au titre de l'année en cours de laquelle la rupture du contrat de travail est intervenue de même qu'il n'aura droit à aucune prime au titre de l'année précédente sauf s'il est employé par la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE à la date de versement des bonus.

Il est expressément entendu que le paiement d'un éventuel bonus sera exclusivement établi sur une base annuelle et qu'il ne peut constituer un droit acquis. Ainsi, les règles internes sur le programme 'Annual Incentive' pourront être modifiées ou abandonnées à tout moment, sans que M. [N] [U] ne puisse se prévaloir d'un quelconque préjudice à ce titre'.

Pour prétendre au versement de cette prime, M. [N] [U] fait valoir que la clause ci-dessus reproduite lui est inopposable aux motifs qu'elle porte atteinte à la liberté contractuelle de démissionner et qu'elle lui a été appliquée de manière discriminatoire, un autre salarié également démissionnaire ayant pu quant à lui bénéficier de la prime litigieuse.

En l'espèce, s'il est exact que le versement de la prime ne constitue pas un droit acquis, force est de constater que la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE n'a pas informé ses salariés de l'abandon ou de la modification des règles internes du programme 'Annual Incentive'.

Enfin, il ressort d'une jurisprudence constante que si l'employeur peut assortir une prime de conditions, encore faut-il que celles-ci ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié. (Cass. soc. 18 avril 2000, n° pourvoi : 97-44235).

En conséquence, la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE ne pouvait, sans porter atteinte à la liberté de travail de M. [N] [U], subordonner le maintien du droit à sa prime de fin d'année 2013 à la condition de sa présence dans l'entreprise à la date de versement fixée au mois de mars 2014, sauf à pratiquer ainsi une sanction pécuniaire illicite.

b - sur le montant :

La S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE fait valoir à titre subsidiaire que le montant dû à M. [N] [U] ne saurait être supérieur à la somme de 26'650 € brut au motif que la prime ne dépend pas de la réalisation d'objectifs et que le salarié ne peut donc prétendre, en faisant valoir l'absence d'objectifs fixés, au pourcentage maximum.

Or, il résulte des éléments versés au dossier par le salarié que celui-ci a perçu au mois de mars 2013 la prime litigieuse pour avoir respecté largement tous les principaux objectifs qui lui avaient été fixés pour l'année 2012.

De même, les règles internes de 'l'Annual Incentive' figurant dans la brochure explicative produite aux débats en pièce n° 8, conditionne bien le versement de cette prime à la réalisation d'objectifs fixés.

Dans la mesure où aucun objectif n'a été fixé à M. [N] [U] pour l'année 2013, c'est donc à juste titre que celui-ci sollicite, en application d'une jurisprudence constante, le pourcentage maximum de la prime litigieuse.

Concernant ce pourcentage, celui-ci est fixé par le contrat de travail à 20 % de la rémunération annuelle si les objectifs sont réalisés à 100 %. Il est porté, selon les règles internes figurant dans la brochure explicative 'Annual Incentive' à 40 % du salaire annuel lorsque l'objectif est réalisé à 200 %.

Les mêmes règles internes précisent ensuite que ce pourcentage est affecté d'un coefficient d'ajustement en fonction des performances de groupe dont il n'est pas contesté qu'il a été fixé pour 2013 à 1,7.

Enfin, il est constant que la rémunération de M. [N] [U] au titre de l'année 2013 s'est élevée à la somme de 133'250 € brut.

En conséquence, celui-ci sollicite à juste titre le paiement de 'L'Annual Incentive' à hauteur de :

133 250 € x 40 % x 1,7 = 90'610 € brut.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement déféré et de condamner la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE à verser à M. [N] [U] cette somme.

3° ) Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:

La mauvaise interprétation juridique par la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE des textes applicables aux primes litigieuses ne peut à elle seule, en l'absence d'autres éléments, caractériser une faute dans l'exécution du contrat de travail, étant au surplus observé que M. [N] [U] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] [U] de ce chef de prétention.

4° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE ayant succombé dans l'essentiel à hauteur de Cour, elle devra supporter les dépens de première instance et d'appel, sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à M. [N] [U] une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel de M. [N] [U] partiellement fondé ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Belfort le 4 décembre 2015 en ce qu'il a débouté M. [N] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE à verser à M. [N] [U] les sommes suivantes :

- seize mille cent cinquante euros (16'150 €) brut au titre du solde du bonus de rétention,

- quatre vingt dix mille six cent dix euros (90'610 €) brut au titre de 'l'Annual Incentive' pour l'année 2013 ;

DÉBOUTE la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE de sa demande des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la S.A.S. REYDEL AUTOMOTIVE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. [N] [U] une indemnité de deux mille euros (2 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt huit février deux mille dix sept et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Mme Gaëlle BIOT, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/02470
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°15/02470 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;15.02470 ?
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