La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2017 | FRANCE | N°15/01353

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 07 février 2017, 15/01353


ARRET N° 17/62

PB/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 FEVRIER 2017



CHAMBRE SOCIALE





Réputé Contradictoire

Audience publique

du 13 Décembre 2016

N° de rôle : 15/01353



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 15 juin 2015

code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires





[V] [I]

C/

Mr [N] [A],

Me [P] [B], es qualité de mand

ataire judiciaire de Mr [A]

CGEA [Localité 1]



PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [V] [I], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



assistépar Me Emmanuelle-Marie PERNET, avocat au barreau de BESANCON



ET :...

ARRET N° 17/62

PB/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 FEVRIER 2017

CHAMBRE SOCIALE

Réputé Contradictoire

Audience publique

du 13 Décembre 2016

N° de rôle : 15/01353

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 15 juin 2015

code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires

[V] [I]

C/

Mr [N] [A],

Me [P] [B], es qualité de mandataire judiciaire de Mr [A]

CGEA [Localité 1]

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [V] [I], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

assistépar Me Emmanuelle-Marie PERNET, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Monsieur [N] [A], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Daniel MASSROUF, avocat au barreau de BESANCON

Maître [P] [B], es qualité de mandataire judiciaire de Mr [N] [A], [Adresse 3]

Non comparant - non représenté

INTIMES

CGEA [Localité 1], [Adresse 4]

PARTIE INTERVENANTE

représenté par Me Brigitte TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 13 Décembre 2016 :

Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

Mme Karine MAUCHAIN, Greffier

lors du délibéré :

Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 07 Février 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [I] a été embauché par M. [N] [A], exerçant sous l'enseigne Entreprise JC, à compter du 11 avril 2011 par contrat à durée déterminée. A l'issue d'un renouvellement, la relation de travail s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2011.

Le 6 février 2014, M. [N] [A] a notifié un premier avertissement à M. [V] [I] en lui demandant de justifier son absence du même jour et lui refusant des congés du 6 au 21 février.

Cet avertissement a été contesté par M. [V] [I] qui indiquait qu'un accord préalable avait été donné par l'employeur pour la prise de ses congés.

Le 7 février, M. [N] [A] a adressé à M. [V] [I] un second avertissement, lui demandant de justifier ses absences des 6 et 7 février.

Le 8 février, M. [V] [I] a contesté ce second avertissement.

Le 17 février, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, puis licencié le 4 mars pour abandon de poste, constitutif d'une faute grave.

Contestant son licenciement, M. [V] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon aux fins d'obtenir l'annulation des avertissements, de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir le paiement de primes de trajet, et d' indemnités de repas.

Par décision du tribunal de commerce de Besançon en date du 30 septembre 2014, M. [N] [A] a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 15 juin 2015, M. [V] [I] a été débouté de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2015, il a interjeté appel de la décision.

M. [N] [A] a obtenu un plan de continuation qui a été adopté par jugement du 16 septembre 2015.

Selon conclusions notifiées le 19 février 2016, M. [V] [I] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande de:

- à titre principal dire que la lettre adressée le 7 février 2014, complétée par celle du 8 février s'analyse en une lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement abusif,

- à titre subsidiaire, dire que le licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner M. [N] [A] à lui payer les sommes suivantes:

*25.038,48€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*4.173,08€ à titre d'indemnité de préavis, outre les congés afférents, soit la somme de 417,31€,

*1.286,71€ à titre d'indemnité de licenciement,

*250,00€ à titre de versement de prime d'apprentissage pour les années 2012 et 2013, outre les congés payés afférents à hauteur de 25,00€,

*184,74€ à titre d'indemnité de repas payée en dessous du minimum conventionnel, outre les congés payés à hauteur de 18,47€,

*1.874,22€ à titre d'indemnité de trajet, outre 187,42€ au titre des congés payés afférents,

*3.727,74€ à titre de rémunération des durées de trajet, constitutives d'heures supplémentaires, outre les congés payés à hauteur de 372,77€,

*3.378,60€ à titre de rémunération des heures supplémentaires, outre les congés payés à hauteur de 337,86€,

*3.361,72€ à titre de rappel de salaire au titre de sa qualification réelle, outre les congés payés à hauteur de 336,17€,

*568,26€ à titre de dommages et intérêts pour non paiement des congés payés par la caisse des congés payés du bâtiment résultant d'une carence de l'employeur,

* 2.106,00€ à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité,

*4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées le 31 mai 2016, M. [N] [A] conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. [V] [I] à lui payer la somme de 3000€ pour procédure abusive et celle de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées le 9 septembre 2016, le Centre d'études et de gestion de l'Ags (CGEA) conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement demande de :

-dire qu'il ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19, L 3253-20, L3253-21, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- dire qu'il ne devra s'exécuter, toutes créances confondues, qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et sur présentation d'un relevé présenté par le mandataire judiciaire,

- dire que la garantie de l'Ags est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du code du travail,

- dire que le Cgea n'a pas à garantir les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Régulièrement convoqué Me [P] [B], ès qualité de mandataire judiciaire de M. [A], n'a pas comparu. Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 13 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le demande visant à faire reconnaître l'existence d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, M. [V] [I] soutient que les deux courriers qu'il a adressé successivement à l'employeur les 7 et 8 février 2014 constituent une prise d'acte de la rupture du contrat.

Ces courriers doivent donc constituer l'expression de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail étant rappelé que la prise d'acte a pour effet la cessation immédiate du contrat de travail.

Par le premier courrier le salarié indique que ' toutes les négociations concernant mes remarques semblant ne pas porter leur fruit, je vous demanderai de procéder à un licenciement conventionnel avec accord à l'amiable de nos deux parties'.

Dès lors qu'il demande à son employeur un accord pour un licenciement conventionnel, il doit nécessairement en être déduit que le salarié entend ne pas mettre fin immédiatement, et de lui-même, au contrat de travail.

Le surplus de la lettre par lequel le salarié indique qu'il va dénoncer certains faits à l'un des apprentis, saisir l'inspection du travail, engager une procédure devant le conseil de prud'hommes et se réserve le droit de saisir la presse, ne traduit pas plus la volonté de rompre unilatéralement et immédiatement le contrat de travail.

Par le second courrier du 8 février 2014, le salarié indique que son absence se justifie par son ' droit de retrait du travail', l'exercice de ce droit, à le supposer justifié, n'entraînant toutefois pas la rupture du contrat de travail.

Il précise par ailleurs qu'il a 'décidé d'imposer ses congés', ce qui est manifestement incompatible avec une rupture du contrat de travail et réitère par ailleurs sa volonté ' d'examiner la possibilité d'un licenciement conventionnel avec accord à l'amiable'.

Il en résulte clairement qu' à compter du 6 février , M. [V] [I] considère qu'il est en congé, ou en exercice de son droit de retrait, et tente de trouver un accord avec son employeur pour qu'il le licencie.

Même si le salarié invoque un certain nombre de griefs à l'encontre de son employeur, il n'existe donc pas de la part du salarié, une volonté de rompre, dans l'immédiat, le contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'absence de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

2- Sur les avertissements et le licenciement

M. [V] [I] a fait l'objet de deux avertissements successifs et d'un licenciement pour faute grave.

Il appartient donc à l'employeur d'établir l'existence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

Curieusement, le courrier de licenciement produit par le salarié (pièce 11) n'est pas identique à celui qui figure au dossier de l'employeur (pièce 9) et il y aura donc lieu de prendre en compte le courrier figurant au dossier du salarié, par lequel il a été informé des motifs qui lui étaient reprochés.

Ce courrier est ainsi rédigé ' Vous avez abandonné votre poste de travail le 6 février 2014 et vous êtes en absence injustifiée depuis cette date, malgré mon refus express de vous autoriser à prendre des congés payés du 6 février au 21 février 2014.

En effet le 6 février 2014, vous m'informez par écrit que vous êtes en congés le jour même et ce jusqu'au 21 février 2014 inclus en précisant que nous l'avions convenu verbalement.

Le prise de congés fait toujours l'objet d'une demande écrite et préalable , que je signe pour confirmer mon accord. Or vous n'avez établi aucune demande écrite, et vous avez quitté votre poste le 6 février 2014 à 7h30 sans mon autorisation.

Aussi, je vous ai immédiatement précisé les points suivants, par courriers recommandés du 6 février et du 7 février 2014 :

-vos congés restant seront pris avant le 30 avril 2014,

- je ne peux pas vous accorder de congés selon votre souhait à ce moment-là, compte tenu de la forte activité liée à mon carnet de commande très rempli,

-il n'y a eu aucun accord préalable de ma part pour des congés du 6 au 21 février 2014;

-vous n'avez pas à prendre une telle décision de façon unilatérale,

-je vous demande de justifier votre absence.

Malgré ces courriers vous confirmant mon interdiction formelle de prise de congés, vous êtes donc en absence injustifiée depuis cette date et n'avez toujours pas repris votre emploi ce jour.

Cette absence désorganise gravement mon entreprise d'autant plus en cette période de forte activité ; cette absence a généré des retards dans le démarrage des chantiers, le planning de réalisé des travaux devant être réorganisé...'.

M. [V] [I] fait valoir qu'il a exercé son droit de retrait, dont la légitimité doit être examinée en premier lieu dès lors qu'en application de l'article L 4131-3 du code du travail aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Même s'il fait mention de plusieurs violations de l'obligation de sécurité qui s'impose à l'employeur, M. [V] [I] justifie uniquement de ce qu'il n'a pas passé de visite d'embauche et produit en outre une attestation de M. [B] [R] précisant qu'à une date indéterminée, il travaillait dans des conditions dangereuses sur un chantier de rénovation sans plus de précision et une autre de Mme [C] [C], voisine d'un chantier, indiquant qu'en 2012-2013, M. [V] [I] a 'manipulé la grosse grue située sur le parking à environ 20 mètres de chez mois pour déplacer les matériaux'.

Ces pièces ne sont pas de nature à justifier l'existence d'un danger grave et imminent pour la santé du salarié et l'exercice du droit de retrait invoqué par M. [V] [I] n'était donc pas justifié.

M. [V] [I] fait ensuite valoir que les griefs retenus pour le licenciement ont fait l'objet de deux avertissements, épuisant ainsi le pouvoir disciplinaire de l'employeur et qu'il a adopté un comportement tout à fait normal puisqu'il a pris les congés précédemment autorisés.

M. [N] [A] a effectivement notifié deux avertissements au salarié pour ses absences les 6 et 7 février.

Il lui était donc possible de prononcer une nouvelle sanction disciplinaire pour son absence prolongée à compter du 8 février.

Sur la prise des congés, le salarié fait valoir qu'il existait un usage dans l'entreprise de demander oralement les congés quinze jours à l'avance, l'autorisation étant donnée de la même manière, et non dans les formes prévues par la convention collective.

Or il n'apporte nullement la preuve d'un usage de ce type, pas plus qu'il n'apporte le moindre élément de preuve permettant d'établir qu'il aurait oralement obtenu une autorisation pour la période du 6 au 21 février 2014.

Son courrier du 8 février 2014 démontre d'ailleurs le contraire puisqu'il indique que 'j'ai décidé d'imposer mes congés'.

Il se trouvait donc effectivement en absence injustifiée du 6 février jusqu'à la date du licenciement.

Par ailleurs, il a été précisé par le salarié à l'audience que les effectifs de l'entreprise étaient constitués par M. [N] [A] lui-même, M. [V] [I], un maçon et un apprenti, de sorte qu'eu égard à la taille de l'entreprise la désorganisation alléguée est établie.

L'abandon de poste justifiait donc les deux avertissements et était un motif de licenciement, constitutif d'une faute grave, eu égard à la taille de l'entreprise, d'autant que M. [V] [I] n'avait manifestement pas l'intention de revenir sur son lieu de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des avertissements et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3- Sur la demande de rémunération des heures supplémentaires réalisées au

titre des trajets non rémunérés

Aux termes de l'article L 3174-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [V] [I] fait valoir qu'il était contraint de passer obligatoirement matin et soir au siège de l'entreprise pour prendre et ramener les deux apprentis, et qu'ainsi le temps de trajet doit donc être considéré comme un temps de travail, ce qui est exact. L'employeur indique d'ailleurs lui-même que M. [V] [I] prenait tous les matins les salariés au dépôt pour les ramener le soir.

Le salarié produit mois par mois la liste des trajets réalisés, en précisant leur nombre, le lieu de destination ainsi que leur durée, puis un récapitulatif complet.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire ses propres éléments quant à la durée du travail et notamment d'indiquer si elle prenait où non en compte la durée de trajet.

Or l'employeur se borne à préciser que le salarié ' exécutait son contrat de travail en prenant les salariés au siège de l'entreprise le matin à 7h30 ' et reprend la motivation du conseil de prud'hommes aux termes de laquelle durant sa période d'activité chez M.[N] [A], M. [V] [I] n'a jamais réclamé le paiement des heures supplémentaires et ne produit aucun calcul précis et vérifiable, ce qui est inexact.

L'employeur ne fournissant aucun élément quant à la durée du travail et notamment s'abstenant de toute indication quant à la prise en compte ou non des durées de trajet réalisées depuis le dépôt, il y aura lieu de faire droit à la demande du salarié.

Il lui sera en conséquence alloué la somme de 3.727,74€, outre les congés payés à hauteur de 372,77€, le jugement étant infirmé sur ce point.

4- Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Cette demande porte sur les heures de travail réalisées au-delà de l'horaire contractuel, à l'exclusion des heures de trajet et est soumise aux règles de preuve précédemment rappelées.

Le salarié produit l'inventaire des heures supplémentaires réalisé semaine par semaine sur la durée de la relation contractuelle (pièce 34 à 37), ainsi que le tableau récapitulatif.

Le salarié a donc apporté des éléments suffisamment précis et il appartient à l'employeur de fournir ses propres éléments ce qu'il ne fait pas dès lors qu'il se borne à soutenir que le salarié ' fait un compte rond' et à reprendre la motivation du conseil de prud'hommes relative à l'absence préalable de réclamation et de calcul précis et vérifiable, ce qui est inexact.

Il sera en conséquence fait droit aux demandes du salarié à hauteur de 3.378,60€ au titre des heures supplémentaires outre 337,86€ au titre des congés payés afférents, le jugement étant infirmé sur ce point.

5- Sur la demande au titre des indemnités de repas payées en deçà du minimum conventionnel

Le salarié produit un décompte des indemnités de repas versées par l'employeur sur l'ensemble de la durée de la relation contractuelle, invariablement payées au taux de 8,90€, comparé au taux conventionnel prévu par la convention collective du bâtiment du 8 octobre 1990, pour aboutir à une somme de 184,74€, outre 18,47€ au titre des congés payés.

L'employeur n'a pas conclu sur ce point, sauf à indiquer que 'les primes de panier étaient régulièrement payées' et il conviendra en conséquence de faire droit à la chef de demande, le jugement étant infirmé sur ce point.

6 - Sur le versement de la prime d'apprentissage

Pour solliciter une prime d'apprentissage, M. [V] [I] se fonde sur un accord du 14 décembre 2006 relatif à la prime de maître d'apprentissage spécifique à la région Aquitaine (pièce 42).

Or il n'apparaît pas qu'un accord paritaire régional ait prévu l'institution d'une prime de ce type pour la région Franche-Comté.

En l'absence de fondement légal ou conventionnel, il ne pourra donc être fait droit à la demande.

7- Sur les indemnités de trajet

Aux termes de l'article 8-12 de la convention collective du bâtiment pour les entreprises employant moins de 10 salariés, le régime des petits déplacements indemnise forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.

Par ailleurs , cette indemnité est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet, qui a fait l'objet d'un chef de condamnation précédent et du moyen de transport utilisé.

Or, l'employeur, qui ne conclut pas plus précisément sur ce chef de demande que sur le précédents, ne peut contester l'existence de déplacements sur les chantiers puisqu'il verse une prime de repas et met en oeuvre l'abattement pour frais professionnels réservés aux salariés non sédentaires.

Au vu des pièces produites par le salarié, il lui sera alloué la somme sollicitée soit 1.874,22€, outre la somme de 187,42€ au titre des congés payés dès lors qu'il s'agit d'un élément de salaire, le jugement étant infirmé sur ce point.

8 -Sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification

M. [V] [I] a été recruté en qualité d'ouvrier de chantier au niveau I position I, coefficient 150, le 11 avril 2011. Il est passé au coefficient 185 à compter de novembre 2013.

Selon l' article 12-41 de la convention collective les ouvriers titulaires d'un diplôme de niveau V de l'éducation nationale, ce qui est le cas du diplôme de maçon obtenu par M. [V] [I], sont classés au niveau II coefficient 185 et il sera donc fait droit à la demande visant à calculer sa rémunération sur cette base dès l'origine.

Par ailleurs selon les mêmes dispositions, à l'issue d'une période maximale de 9 mois après leur classement, les intéressés seront reconnus dans leur position ou classés à un niveau supérieur en fonction de leurs aptitudes et capacités professionnelles.

Or, M. [V] [I] produit de multiples pièces, qui démontrent clairement que ses tâches allaient largement au delà de celles d'une simple connaissance technique des bases du métier.

Il apparaît que M. [V] [I] figure sur les comptes rendus de chantier Socotec en qualité de représentant de l'entreprise et que certains organismes correspondent avec lui manifestement sur sa boîte mail personnelle. Il produit par ailleurs de multiples pièces de suivi de chantier qui atteste qu'il intervenait très régulièrement à ce stade. Son activité consiste donc au moins dans la 'réalisation de travaux à partir de directives pouvant impliquer la lecture de plans et la tenue de documents d'exécution s'y rapportant et par ailleurs il peut transmettre également ponctuellement son expérience, puisque l'employeur indique lui même dans certains de ses courriers qu'il travaille avec les apprentis, ce qui justifie sa classification au niveau supérieur.

Par ailleurs, au cours de l'année 2013, il apparaît à de multiples plusieurs reprises en tant que représentant de l'employeur aux réunions de chantier de la mairie [Localité 2]. Le plan de sécurité le désigne d'ailleurs en qualité de chef d'équipe et il indique qu'il l'a lui-même établi ce document ce que l'employeur ne conteste pas. Il est d'ailleurs reconnu comme chef de chantier par les intervenants (mail du 19 décembre 2014 du coordonateur de sécurité) et le maire atteste qu'il avait pour seul interlocuteur M. [V] [I] qui 'prenait toutes les initiatives nécessaires et s'occupait de la bonne marche du chantier'.

Sur le chantier APFA il est également représentant de l'entreprise lors de la visite Socotec et il produit des correspondances que la cabinet d'ingénierie lui adresse directement.

Enfin pour un chantier ultérieur, un architecte lui adresse des plans sur sa boîte mail personnelle, par un courriel du 4 février 2014.

M. [V] [I] produit en dernier lieu une attestation de M. [B] [R] aux termes de laquelle il a géré seul durant six mois un chantier à Arc sous Cicon et précisant qu'il n'a jamais vu M. [A].

Ce dernier ne peut donc soutenir que c'était 'lui qui gérait tous les chantiers, du début à la fin, M. [I] était limité à un rôle d'exécutant compte-tenu de sa faible expérience', sans expliquer d'ailleurs pourquoi, s'il avait géré l'ensemble des chantiers, M. [V] [I] serait en possession de multiples documents, de nature administrative relatifs à ces derniers.

Les demandes de requalification par échelon successifs de M. [V] [I] apparaissent donc justifiées et il sera fait droit à la demande à hauteur de 3.361,72€ outre 336,17€ au titre des congés payés afférents.

9 - Sur la demande de dommages et intérêts pour non paiement des congés payés

M. [N] [A] s'est désisté de ce chef de demande à l'audience.

10- Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

Cette demande est fondée sur l'absence de visite médicale d'embauche, qui fait l'objet d'un courriel de la médecine du travail confirmant la carence de l'employeur sur ce point.

M. [V] [I] soutient qu'il utilisait une grue sans avoir obtenu le Caces., en se fondant sur l'attestation précédemment évoquée au titre du droit de retrait, par laquelle un témoin indique que le salarié manipulait une 'grande grue'. Il est exact que ce type d'engin nécessite pour son utilisation la détention d'un certificat Caces, l'employeur, qui ne se prononce pas sur ce point, ne démontrant pas que le modèle qu'il utilise pourrait éventuellement en être exempté.

Au titre de la violation de l'obligation de sécurité ainsi constituée, il sera alloué au salarié la somme de 500€ en réparation du préjudice subi.

11- Sur les demandes de M. [N] [A]

Dès lors que le demande du salarié a été partiellement accueillie, la demande de l'employeur pour procédure abusive sera rejetée.

12- Sur l'intervention du CGEA

Le jugement sera uniquement déclaré opposable au CGEA dès lors qu'il n'a plus à assurer le paiement, M. [N] [A] étant à nouveau in bonis.

13- Sur les frais irrépétibles

La somme de 3000€ sera allouée à l'appelant au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel, la demande formée au même titre par M. [N] [A] étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté :

- la demande au titre de l'existence d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail,

- la demande visant à faire reconnaître l'existence d'un licenciement abusif,

-la demande au titre de la prime d'apprentissage,

-la demande de dommages et intérêt pour procédure abusive de l'employeur,

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [N] [A] à payer à M. [V] [I] les sommes suivantes:

*184,74€ à titre de solde d'indemnité de repas,

*18,47€ au titre des congés payés afférents,

*3.727,74€ à titre de rémunération des durées de trajet constitutives d'heures supplémentaires,

* 372,77€ au titre des congés afférents,

*1.874,22€ à titre d'indemnité de trajet,

* 187,42€ au titre des congés payés afférents,

*3.378,60€ à titre de rémunération des heures supplémentaires,

* 337,86€ au titre des congés payés afférents,

*3.361,72€ à titre de rappel de salaire consécutive à la requalification,

* 336,17€ au titre des congés payés afférents,

*500€ à titre de dommages et intérêts pour violation de l' obligation de sécurité,

*3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONSTATE le désistement de M. [V] [I] concernant la demande relative aux congés payés ;

DECLARE le présente jugement opposable au CGEA ;

CONDAMNE M. [N] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le sept février deux mille dix sept et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Madame Karine MAUCHAIN, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/01353
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°15/01353 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;15.01353 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award