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07/02/2017 | FRANCE | N°12/00256

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 07 février 2017, 12/00256


ARRET N° 17/

CP/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 FEVRIER 2017



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 13 Décembre 2016

N° de rôle : 12/00256



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE VESOUL

en date du 27 janvier 2012

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[U] [J]

C

/

SAS SUP INTERIM 39,

SAS SUP INTERIM FRANCHE COMTE





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [U] [J], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



assisté par Me Pierre-Etienne MAILLARD, avocat au bar...

ARRET N° 17/

CP/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 FEVRIER 2017

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 13 Décembre 2016

N° de rôle : 12/00256

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE VESOUL

en date du 27 janvier 2012

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[U] [J]

C/

SAS SUP INTERIM 39,

SAS SUP INTERIM FRANCHE COMTE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [U] [J], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

assisté par Me Pierre-Etienne MAILLARD, avocat au barreau de BELFORT

ET :

SAS SUP INTERIM 39, [Adresse 2]

SAS SUP INTERIM FRANCHE COMTE, demeurant [Adresse 3]

INTIMEES

représentées par Me Franck KLEIN, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 13 Décembre 2016 :

Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN

lors du délibéré :

Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Jérôme COTTERET, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 07 Février 2017 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée indéterminée du 5 avril 1999, la société Sup Interim a engagé M. [U] [J] en qualité de responsable de poste d'agence, niveau V, coefficient 300.

Il était prévu qu'il exerce ses fonctions à l'agence de [Localité 1] et qu'il perçoive une rémunération fixe de 12 000 francs pour un horaire de 169 h , une rémunération variable sous forme d'intéressement de 8% de «la marge brute réalisée», une rémunération variable sous forme d'intéressement soit «4% du montant des allégements des charges patronales (pendant la période du maintien de la loi Juppé sur les allégements de charges sur les bas salaires)».

A partir d'octobre 2001, M. [J] est devenu responsable de secteur puis directeur régional à compter du mois d'août 2004 sans aucun avenant écrit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2009, M. [J] a été licencié pour faute grave pour absences injustifiées depuis le 13 octobre 2009 et abandon de poste.

M. [J] contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rémunéré de l'intégralité de la part variable prévue dans son contrat de travail a saisi le Conseil de Prud'hommes de Vesoul le 2 septembre 2011 qui par jugement du 21 janvier 2012 a rejeté l'ensemble de ses demandes.

M. [J] a interjeté appel de la décision.

Par arrêt mixte du 17 décembre 2013 devenu définitif après rejet le 26 mai 2015 du pourvoi intenté par M. [J] devant la cour de Cassation, et auquel il convient de se référer pour un ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour d'appel a confirmé le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a retenu la faute grave, rejeté les demandes relatives aux indemnités de rupture, infirmé le jugement sur la régularité de la procédure de licenciement, considéré celle-ci comme irrégulière et condamné la société Sup Interim 39 à verser à M. [J] une somme de 500€ net au titre de l'article L1235-2 du code du travail.

La cour a, avant dire droit, ordonné une expertise comptable, désigné pour y procéder M. [O] expert-comptable avec pour mission:

-'- de déterminer suivant quels critères et sur quelles bases chiffrées a été fixée puis a évolué la part variable de rémunération de M. [J] depuis son contrat de travail jusqu'à son licenciement et de donner tous éléments d'appréciation sur le point de savoir s'il existe une cohérence entre cette évolution et celle des attributions de l'intéressé ;

'- de rechercher notamment à cette fin :

'. si les commissions versées à M. [J] l'ont toujours été la base d'une marge brute calculée de la même façon,

'. si des commissions sur la base de 8% de la marge brute réalisée personnellement par M. [J] ont coexisté avec des commissions de 4% sur la marge brute réalisée par les agences dépendant du secteur qui lui était dévolu, particulièrement lorsqu'il est devenu responsable de secteur puis directeur régional,

'. si M. [J] a perçu un intéressement sur les allégements de charge patronales (loi Juppé puis Fillon) et en cas de réponse positive, de préciser jusqu'à quelle date ;

'. si les marges brutes indiquées sur les tableaux annexés aux bulletins de salaire remis à M. [J], quel que soit leur mode de calcul, reposent sur des chiffres corroborés par des documents comptables ;

'- de donner son avis, en l'absence de définition précise donnée par le contrat de travail, sur la notion de marge brute la plus pertinente à prendre en compte pour le calcul de l'intéressement des commerciaux, compte tenu notamment de la spécificité de l'entreprise et éventuellement des usages en la matière ;

'- de vérifier la cohérence, notamment à l'égard des éléments comptables recueillis, des calculs de commissionnement proposés par M. [J] à titre principal et subsidiaire ;

'- de faire d'une façon générale toutes observations utiles à la solution du litige.

Par ordonnance en date du 3 août 2015, M. [O] a été remplacé par M. [Q] [Z] et par ordonnance du 26 mai 2016, il a été accordé un délai supplémentaire à l'expert pour exécuter sa mission.

M. [Z] a déposé son rapport au greffe le 4 octobre 2016.

*

Dans ses conclusions déposées le 12 décembre 2016, M. [U] [J] demande à la cour :

a) de condamner solidairement les sociétés Sup Interim 39 et Sup Interim Franche Comté à lui verser:

- à titre principal, les sommes de:

* 916 050,20€ à titre de rappel de commissionnement sur marge brute et sur allégement de charges sociales sur la période de janvier 2005 à août 2007,

* 91 605,02€ au titre des congés payés y afférents ,

- à titre subsidiaire,les sommes de:

* 170 377,74€ brut à titre de rappel de commissionnement sur marge brute et sur allégement de charges sociales sur la période de janvier 2005 à août 2007,

* 17 033,77€ brut au titre des congés payés y afférents,

b) de condamner la Sas Sup Interim Franche Comté à lui verser:

- à titre principal, les sommes de:

* 697 225,€ brut à titre de rappel de commissionnement sur marge brute et sur allégement de charges sociales sur la période de septembre 2007 à novembre 2009,

* 69 722,59€ brut au titre des congés payés y afférents,

- à titre subsidiaire, les sommes de:

* 136 413,59€ à titre de rappel de commissionnement sur marge brute et sur allégement de charges sociales sur la période de septembre 2007 à novembre 2009,

* 13641,36€ au titre des congés payés y afférents.

En tout état de cause, il sollicite la condamnation des sociétés Sup Interim 39 et Sup Interim Franche Comté aux dépens et à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] fait valoir qu'à compter du 1er février 2002 son contrat a été transféré à la société Sup Interim 39 puis à compter du 1er septembre 2007 à la société Sup Interim Franche Comté.

Il soutient que :

- le contrat de travail fait une double référence à la notion de marge présentée comme objectif et base de calcul de la rémunération,

- il a perçu un intéressement intitulé «intéressement sur chiffre d'affaires » ou «sur agence» ou «intéressement secteur»,

- les fiches de paye étaient accompagnées d'un tableau qui détaillait la marge brute réalisée par chacune des agences et le commissionnement de 4% de la marge brute indiquée pour chacune des agences,

- son attention a été attirée par une baisse sensible de son intéressement alors que le chiffre d'affaires augmentait comme la marge brute réalisée sur son secteur.

Il ajoute que:

- s'il avait donné son accord à l'expert en raison de la prescription de limiter ses recherches sur la période postérieure à 2005, il lui reproche de ne pas avoir rempli ses missions qui consistaient à déterminer les critères et bases de la part variable de la rémunération depuis l'origine du contrat et à vérifier si la marge brute avait toujours été calculée de la même façon.

- la marge brute calculée par Sup Interim pour asseoir ses commissionnements ne peut pas correspondre à la notion définie par l'expert,

- le commissionnement prévu par le contrat de travail est la contrepartie de l'accomplissement des fonctions de M. [J] et il n'y a pas lieu de faire une distinction entre l'activité personnelle et celle de son secteur,

- qu'il est assis sur la marge brute réalisée sur le secteur supervisé et qu'il dirigeait ,

- l'expert tout en soutenant que le versement d'un intéressement sur la marge brute réalisée constitue une pratique habituelle dans la profession n'a toutefois pas mené des recherches auprès d'autres entreprises,

- il n'a jamais été informé que la notion de marge brute utilisée dans son contrat de travail correspondait à une formule mathématique précise alors qu'il pensait qu'elle était la différence entre le chiffre d'affaires et certaines charges et que l'expert retient qu'il n'existe aucune définition normalisée de la notion de marge brute,

- la société Sup Interim ne rapporte pas la preuve de la commune intention des parties, ni qu'ils soient convenus de cette définition,

-la société n'a présenté aucun document pour prouver que depuis 1999, la marge brute aurait été calculée selon cette formule mathématique et l'expert a simplement validé la cohérence des calculs avec la méthode appliquée par la société,

- la société en 1999 et 2000 a bien calculé l'intéressement sur une marge brute égale à la vente des prestations moins le coût des prestations hors taxes.

- la société ne démontre pas que les autres commerciaux se voyaient appliquer la même règle pour la période antérieure à 2005,

- la société a modifié unilatéralement en 2000, le mode de calcul de l'intéressement des salariés de sorte qu'il ne reflète pas la commune intention des parties,

Il se réfère aux éléments retenus par l'expert pour définir la marge brute estimant qu'elle ne peut évidemment pas être inférieure au résultat net alors qu'au vu des tableaux fournis, la marge brute que la société a retenu aboutit à des valeurs très inférieures aux résultats d'exploitation dégagés agence par agence et qu'elle ne correspond donc pas à celle prévue au contrat ni donc à la commune intention des parties.

******

Dans ses conclusions déposées le 7 décembre 2016, les sociétés Sup Interim 39 et Sup Interim Franche Comté demandent la confirmation du jugement du Conseil de Prud'hommes du 27 janvier 2012, et de constater que M. [J] a été rempli de ses droits et de le condamner à verser une somme de 3000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés expliquent que M. [J] bénéficiait initialement d'une rémunération au vu de son contrat de travail comme responsable de l'agence de [Localité 1] ainsi définie:

- une rémunération fixe de 12 000 francs,

- une rémunération variable sous forme d'intéressement de 8% de «la marge brute réalisée»,

- une rémunération variable sous forme d'intéressement soit «4% du montant des allégements des charges patronales (pendant la période du maintien de la loi Juppé sur les allégements de charges sur les bas salaires)».

Elle soutiennent donc qu'il était rémunéré pour son activité sur l'agence de [Localité 1].

En octobre 2001, il est nommé responsable de secteur et sans avenant écrit, elles lui attribuent «une rémunération supplémentaire» sur la marge des commerciaux du secteur qui lui est confié soit 4% de la formule suivante: chiffre d'affaires encaissé ' (montant des salaires intérimaires hors congés payés et indemnités de fin de mission x1,90 + indemnités non assujetties versées).

Elles affirment donc que depuis le 1er octobre 2001, elles lui versent une commission de 8% sur la marge brute réalisée personnellement et une commission de 4% sur la marge brute réalisée par les commerciaux de chaque agence confiée et que ces commissions apparaissent distinctement sur les feuilles de paye et sur les fiches annexées.

Elles précisent avoir versé ces commissions dès août 2002 mais que la commission de 8% représentant son activité personnelle a diminué au profit de la seconde de 4% qui progressait du fait de ses responsabilités de chef de secteur puis de directeur régional.

Elles indiquent que ce mode de rémunération n'a pas posé problème pendant les 10 ans de relation contractuelle , M. [J] ne prouvant pas avoir informé l'employeur de difficultés ni verbalement, ni par mail ou courrier.

Enfin, elles font observer qu'après 4 ans de procédure, M. [J] conteste pour la première fois l'assiette du calcul du commissionnement de 8% alléguant qu'il n'est pas lié à sa seule activité personnelle mais à celle de l'agence de [Localité 1] ce qui est en contradiction avec le contrat de travail.

Elles affirment que la rémunération variable de M. [J] a toujours été versée selon des bases chiffrées précises et vérifiées à l'appui de documents comptables, qu'elle a évolué en cohérence avec les attributions confiées à M. [J], a toujours été versée sur la base d'une marge brute calculée de la même façon.

Sur la définition de la marge brute, les parties sont en désaccord, les sociétés soutenant que c'est une notion comptable large et non uniforme et qu'il n'en existe pas de définition normalisée.

Elles rappellent la calculer selon la formule suivante: chiffre d'affaires encaissé ' (montant des salaires intérimaires hors congés payés et indemnités de fin de mission X 1,90 + indemnités non assujetties versées) reconnaissant que le terme de marge brute employée est inapproprié car elles l'utilisent aussi bien dans leurs tableaux indicateurs commerciaux établis par agence que sur les fiches de calcul des commissions par commerciaux soit pour deux finalités différentes.

Or, elles précisent que la marge a été définie avec pour objectif de déterminer la rémunération et non pour refléter la situation de l'entreprise.

Enfin, elles font valoir qu'il est d'usage pour tout commercial de percevoir une prime à l'activité dont le taux et calcul varient selon les entreprises.

Les sociétés font aussi référence à la commune intention des parties, soulignant que M. [J] recevait chaque mois les éléments de calcul et décomptes sans jamais les avoir contestés et que les commissions ont toujours été calculées de la même façon tant pour M. [J] que pour tous les commerciaux.

Enfin, elles ajoutent que M. [J] ne saurait exiger qu'elles prennent pour référence la notion de marge commerciale qui n'est qu'un indicateur de performance économique.

Elles soulignent l'incohérence des calculs effectués par M. [J] ainsi que sa mauvaise foi.

En dernier lieu, sur les allégements de charges Juppé remplacés depuis 2003 par l'allègement Fillion, elles font observer les avoir maintenus après la disparition du premier. Ils ont pris fin en même temps que M. [J] n'avait plus d'activité personnelle. Ils étaient donc liés à son activité de responsable d'agence et non de responsable de secteur ou de directeur régional. En outre, elles font observer que la rémunération de M. [J] a été en évolution constante.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience du 13 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION:

M. [J] formule à titre principal, deux demandes, la première portant sur la période de janvier 2005 à août 2007 et la seconde de septembre 2007 à août 2009 du fait du changement de rattachement à compter de septembre 2007 à la société Sup Interim Franche Comté, alors qu'il était auparavant rattaché à Sup Interim 39.

Il présente ses demandes sous forme d'un tableau repris par l'expert dans son rapport duquel il ressort qu'il calcule la rémunération variable sur la base d'un intéressement de 8% sur la marge brute et de 4% sur les allégements de charge.

Ainsi, il chiffre sa demande à 916 605,02 € pour la première période et à 697 225,95€ pour la seconde période soit un total de 1 613 276€.

A titre subsidiaire, il présente une autre demande sous la forme d'un second tableau repris par l'expert, calculant la rémunération selon la formule utilisée par la société mais en retenant non pas un taux de 4% mais de 8% . Il aboutit alors à une réclamation totale de 306 791,33 euros.

Il ressort du contrat de travail du 5 avril 1999 conclu entre les parties que M. [J] engagé comme responsable d'agence chargé de celle de [Localité 1] doit percevoir la rémunération suivante détaillée dans l'article 4:

«-une rémunération fixe de 12 000 francs pour un horaire de 169 h ,

-une rémunération variable sous forme d'intéressement de 8% de «la marge brute réalisée»,

-une rémunération variable sous forme d'intéressement soit «4% du montant des allégements des charges patronales (pendant la période du maintien de la loi Juppé sur les allégements de charges sur les bas salaires)».

Le contrat de travail ne comporte aucune méthode de calcul de la marge brute ni ne précise le périmètre de la marge «réalisée».

Si le contrat fait référence à un taux unique de 8%, il est constant que celui-ci a évolué en fonction des responsabilités de M. [J] qui devient responsable de secteur à compter du 1er octobre 2001, puis directeur régional à compter du 1er août 2004, sans aucun avenant écrit, pas plus que lorsqu'il passe de l'agence de Sup Interim à Sup Interim 39 puis à Sup Interim Franche Comté .

Il est constant que la marge brute sur laquelle les commissions tant de 8% que de 4%, va être calculée par l'employeur selon la méthode mathématique suivante: «chiffre d'affaires encaissé ' (montant des salaires intérimaires hors congés payés et indemnités de fin de mission X 1,90 + indemnités non assujetties versées).»

L'expert précise que cette formule mathématique n'appelle pas d'observations particulières étant parfaitement cohérente, le fait de retenir un coefficient de pondération de 1,90 étant classique précisant qu'il s'agit de prendre en considération un taux moyen de charges liées à l'activité.

Toutefois, il est constant que M. [J] a bénéficié du taux de 8% d'avril 1999 à février 2005 inclus, sur l'activité qu'il conduisait à titre personnel puis avec un taux de 4% complémentaire à celui de 8% à compter d'août 2002 correspondant à un intéressement secteur.

A compter de mars 2005, il a perçu uniquement un taux de 4% sur la marge brute réalisée par les commerciaux relevant de sa direction en l'absence de toute activité commerciale personnelle.

L'expert note qu'il est cohérent et d'usage qu'un responsable de secteur puisse percevoir un intéressement sur l'activité réalisée par ses commerciaux relevant de son périmètre comme il est compréhensible que l'accroissement de responsabilités de l'intéressé ne lui ait plus permis de conserver une activité personnelle et donc les 8% prévus .

L'expert relève que les commissions ont toujours été calculées et versées selon la même méthode de calcul retenue par la société sur les périodes vérifiées de 2005 à 2009, sans substitution d'une formule par une autre. Seul le taux a varié en fonction de l'évolution de l'activité de M. [J].

L'expert certifie que M. [J] a bien perçu un intéressement sur les allégements de charges patronales loi Juppé puis loi Fillon en lien avec celui de 8% . Il a cessé dès que l'intéressement secteur de 4% soit sur la période de 2005 à 2009, n'a plus été versé.

Enfin, l'expert a certifié qu'après examen des journaux de paie et de vente que les montants versés correspondaient bien aux montants dus en fonction du chiffre d'affaires à retenir «dans un souci de pleine corroboration des chiffres par ces documents comptables». L'expert ajoute que l'examen des documents globaux comme les bilans ou comptes de résultat ne présentent aucun intérêt.

Il certifie que M. [J] a perçu les commissions qui étaient dues en application de la formule retenue par la société et du taux lié aux fonctions.

Sur la notion de marge brute, l'expert note que la société Sup Interim emploie le même terme pour deux finalités différentes, l'une salariale afin de déterminer l'intéressement dû aux commerciaux et responsables selon la formule mathématique rappelée et, l'autre de gestion comme outil de pilotage avec une formule différente dont la différence réside dans la prise en compte des charges sociales provisionnées dans la marge dite commerciale et non pour la marge dite salariale.

L'expert conclut qu'il n'existe pas de définition habituelle normalisée ou commune de la notion de marge brute retenant qu'il peut y avoir plusieurs marges brutes pour une même entreprise selon ce qu'elle souhaite analyser.

Il indique que seule l'entreprise est en capacité de retenir la définition qui lui semble pertinente au regard de son activité et de l'objectif recherché .

Il ajoute que l'indicateur salarial n'a pas vocation à déterminer un élément de rémunération et rappelle qu'il appartient à l'entreprise de déterminer en fonction de l'objectif poursuivi, le niveau de charges à prendre en considération .

L'expert précise sur les calculs opérés par M. [J] au soutien de ses demandes chiffrées, que la reconstitution réalisée avec neutralisation approximative des décalages faute de documents, n'est pas pertinente car le raisonnement suivi en exercice comptable de janvier à décembre ne peut qu'être erroné en la matière, du fait des décalages de paie et des différents formats de présentation des documents de la société.

Pour les allégements de charges, l'expert fait remarquer que le contrat prévoit un intéressement sur la durée d'application de la loi Juppé alors que lorsqu'il a été remplacé par la loi Fillon, l'intéressement a été maintenu jusqu'en 2005 et supprimé en même temps que l'intéressement de 8%, la société affirmant que les deux taux d'intéressements étaient liés.

Il souligne que le conseil de M. [J] pour chiffrer sa réclamation, a effectué un calcul de proportionnalité à partir d'un document unique produit par la société récapitulant pour l'année 2008, les salaires et cotisations versées à l'Urssaf, document figurant en pièce annexe 19 du rapport d'expertise.

L'expert note que l'exercice d'extrapolation auquel s'est livré M. [J] sur cette faible base en réduit la portée, le document étant inexploitable en l'état. L'expert note qu'il ne dispose pas d'élément plus probant.

L'expert souligne que le tableau des réclamations formées à titre principal, sur la marge économique comme base de calcul de l'intéressement secteur est faux dans le total mis en compte du fait des calculs approximatifs des allègements des charges comme celui établi pour la demande formée à titre subsidiaire.

M. [J] demande à bénéficier d'un calcul basé sur les règles posées par son contrat de travail alors qu'il résulte expressément de celui-ci qu'il est embauché comme responsable d'agence et de celle de [Localité 1] avec possibilité de mutation dans tout autre établissement.

La rémunération variable sous forme d'intéressement est de 8% de la marge brute réalisée .

De l'analyse de ce contrat, il apparaît que la marge brute à retenir est celle réalisée personnellement par M. [J] dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il avait à cette époque des commerciaux sous sa responsabilité. De plus, il avait à réaliser des objectifs en terme de chiffre d'affaires et de marge et devait rendre compte de ses démarches et résultats .

De plus, l'indication des termes « marge brute réalisée» ne saurait être correspondre à celle de l'agence mais vise son activité personnelle telle que décrite dans son contrat à savoir trouver des clients, entretenir la clientèle existante et s'assurer du paiement des prestations.

M. [J] n'a pas contesté avoir été à l'époque le seul commercial de l'agence.

Eu égard au changement de fonctions de M. [J] devenu d'abord responsable de secteur à compter du 1er octobre 2001, puis directeur régional à compter du 1er août 2004, la société a modifié la rémunération variable en maintenant la rémunération de 8% à laquelle elle ajoute une rémunération de 4% sur la mage brute réalisée par les commerciaux relevant de son secteur pour finalement supprimer celle de 8% au profit du taux de 4% .

Il en résulte que la société a adapté la rémunération à l'évolution des responsabilités de M. [J] qui l'ont conduit à réduire son activité personnelle puis à la supprimer.

Dès lors, il en résulte que les modalités de calcul de la rémunération variable telles que prévues dans le contrat de travail devenaient inapplicables de sorte qu'il appartient à la cour de rechercher la commune intention des parties pour déterminer les modalités de calcul de la partie variable de la rémunération.

Il apparaît des éléments que la société a effectivement fait progressivement évoluer les modalités de la rémunération pour qu'elles soient conformes aux responsabilités de M. [J].

Il est par ailleurs démontré et non démenti par M. [J] qu'il a toujours disposé d'une fiche de calcul des commissions qui était annexée à son bulletin de paye et qu'il a toujours perçu le montant calculé par l'employeur sans la moindre réclamation, protestation ou demande d'explication sur ce point et ce durant toute l'exécution du contrat soit pendant dix ans.

Par ailleurs, si la formule mathématique ne figure pas dans le contrat de travail de M. [J], il résulte des contrats produits qu'elle a été introduite en 2000 pour les commerciaux embauchés à partir de cette date (M [N], Mme [E]) et qu'elle n'y figurait pas dans les contrats antérieurs comme ceux de Mme [C], Mme [U], M. [L]..., formule qui est qualifiée de classique et d'habituelle par l'expert .

De plus, il apparaît que la société utilise cette formule pour tous ses commerciaux de sorte qu'il doit être considéré qu'elle relevait d'un usage , usage au demeurant connu et accepté par M. [J] qui ne l'a jamais remis en cause.

Ces éléments démontrent que ces nouvelles modalités ont été convenues et appliquées en toute connaissance de cause par les deux parties comme le fait d'avoir lié la rémunération variable aux fonctions de M. [J] et ne sont que l'expression de leur commune intention, étant observé comme l'a précisé l'expert qu'il est cohérent et d'usage qu'un responsable de secteur puisse percevoir un intéressement sur l'activité réalisée par les commerciaux et compréhensible que l'augmentation des responsabilités ne lui permette plus de réaliser une activité personnelle.

Sur la notion de marge brute, M. [J] entend utiliser la définition commerciale de celle-ci alors que la société entend lui donner une définition «salariale».

Or, si l'expert indique qu'il n'existe pas de définition normalisée, la définition «salariale» a pour objectif de déterminer l'intéressement dû aux commerciaux.

La marge économique est un indicateur pour la société de sa situation économique et de sa rentabilité qui n'a pas vocation à s'appliquer pour le calcul de commissions dont l'objectif est de rémunérer le travail du commercial au vu des ventes réalisées et le directeur pour le travail de ses équipes, cette rémunération devant être source de motivation pour les commerciaux comme pour le directeur.

S'il ne peut être contesté que la loi Fillon a créé un dispositif plus avantageux que la loi Juppé dont a nécessairement profité l'entreprise puisqu'il réduisait les charges sociales et augmentait la marge commerciale, il ne saurait être un élément prouvant que la marge brute convenue était la marge commerciale alors que la rémunération était liée à la seule activité du salarié définie par ses fonctions et responsabilités.

L'absence de toute protestation du mode de rémunération connu et appliqué pour tous et d'une manière identique démontre que l'assiette du taux de commission procédait bien de la volonté commune des parties .

Enfin, la société détaille les rémunérations mensuelles brutes perçues par M. [J] qui prouvent qu'elle a été en constante progression passant de 42 550 euros en 2001 à 93 178 euros en 2008 et 82481 euros en 2009 mais sur 10 mois.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que M. [J] a été rempli de ses droits, ce qui conduit à rejeter ses demandes et à confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes du 21 janvier 2012.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [J] qui succombe dans la présente procédure, sera condamné au paiement des dépens de la procédure d'appel à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié par les parties, ce qui entraîne le rejet de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer aux société Sup Interim 39 et Sup Interim Franche Comté une somme de 2500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Vu l'arrêt mixte du 17 décembre 2013,

CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Vesoul du 21 janvier 2012 en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [J] en paiement des commissions ;

DÉBOUTE M. [J] de ses demandes;

Y ajoutant:

CONDAMNE M. [U] [J] aux dépens de la procédure d'appel à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié entre les parties;

LE CONDAMNE à payer aux sociétés Sup Interim 39 et Sup Interim Franche Comté une somme de 2500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition le sept février deux mille dix sept et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, Magistrat et par Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00256
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°12/00256 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;12.00256 ?
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