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19/04/2016 | FRANCE | N°15/00067

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 19 avril 2016, 15/00067


ARRET N° 16/

PB/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 19 AVRIL 2016



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 15 mars 2016

N° de rôle : 15/00067



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BESANCON

en date du 12 décembre 2014

Code affaire : 88C

Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités





URSSAF [Localité 1]

C/

SAS MANPOWER F

RANCE





PARTIES EN CAUSE :



URSSAF [Localité 1], [Adresse 2]





APPELANTE



représentée par Madame [Y] [U], munie d'un pouvoir émanant de Madame [V] [S], Directrice de l'Union de Recouvrement ...

ARRET N° 16/

PB/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 19 AVRIL 2016

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 15 mars 2016

N° de rôle : 15/00067

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BESANCON

en date du 12 décembre 2014

Code affaire : 88C

Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités

URSSAF [Localité 1]

C/

SAS MANPOWER FRANCE

PARTIES EN CAUSE :

URSSAF [Localité 1], [Adresse 2]

APPELANTE

représentée par Madame [Y] [U], munie d'un pouvoir émanant de Madame [V] [S], Directrice de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales daté du 11 mars 2016.

ET :

SAS MANPOWER FRANCE, ayant son siège social [Adresse 1]

INTIMEE

représenté par Me Fabien BLONDELOT, avocat au barreau d'AUBE substitué par Me Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 15 Mars 2016 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 19 Avril 2016 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 a créé un dispositif de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er juillet 2003.

Selon l'article L 241-13 du code de la sécurité sociale, la réduction calculée pour chaque salarié était égale au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisation multiplié par un coefficient déterminé par application d'une formule spécifique.

Une lettre ministérielle 10 septembre 2004, reprise par une circulaire de l'Acoss du 8 octobre 2004, a précisé que seules les heures constituant du temps de travail effectif ou assimilé devaient être intégrées dans le calcul de la réduction.

La loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 a modifié l'article L 241-15 en précisant que l'assiette de calcul s'entendait de l'ensemble des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature, cette disposition n'étant toutefois applicable qu'aux cotisations dues au titre des gains et rémunération versées à compter du 1er janvier 2006.

Par lettres ministérielle des 18 avril 2006 le Ministre du travail a demandé au directeur de l'Acoss de mettre fin à toutes les procédures de redressement et aux contentieux en cours ou envisagées, à l'encontre des employeurs qui avaient déterminé le montant de la réduction sur la base de la totalité des heures rémunérées, pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006, et ce pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de la loi du 19 décembre 2005.

Cette instruction a été reprise par un courrier du 7 juillet 2006 de l'Acoss aux directeurs des Urssaf et un second courrier ministériel a été adressé à l'Acoss le 13 mars 2008.

Les lettres ministérielles ainsi que le courrier du directeur de l'Acoss n'ont fait l'objet d'aucune publication.

La Sas Manpower France a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon d'une action en responsabilité à l'encontre de l'Urssaf [Localité 2] faisant valoir qu'en l'absence de publication des instructions elle n'avait pu solliciter le remboursement des cotisations versées avant le 1er janvier 2006.

Par jugement du 12 décembre 2014 le tribunal a :

-déclaré l'Urssaf responsable du préjudice subi par la Sas Manpower France,

- condamné l'Urssaf à verser à la Sas Manpower France la somme de 118.306,96€ à titre de dommages et intérêts,

-ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

-condamné l'Urssaf à payer la Sas Manpower France la somme de 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 9 janvier 2015, l'Urssaf [Localité 2] a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions visées le 15 mars 2016, elle conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté de l'intégralité des demandes de la Sas Manpower France et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées le 20 janvier 2016, la Sas Manpower France conclut à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu'à la condamnation de l'Urssaf [Localité 2] à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 15 mars 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

En tant qu'organisme de droit privé, l'Urssaf est soumise aux dispositions de l'article 1382 du code civil et il appartient au cotisant qui se prétend lésé de faire la preuve, conformément au droit commun, de la faute commise par l'organisme, du préjudice subi et du lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

La Sas Manpower France fait valoir que l'Urssaf a commis une faute en ne publiant pas la lettre du ministre délégué à la sécurité sociale à destination du directeur de l'Acoss en date du 18 avril 2006, la lettre du directeur de l'Acoss aux directeurs des Urssaf du 7 juillet 2006 et enfin la lettre ministérielle du 13 mars 2008.

Elle s'appuie en premier lieu sur l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 aux termes duquel 'font l'objet d'une publication, les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les administrations peuvent en outre rendre publics les autres documents administratifs qu'elles produisent ou reçoivent'.

Le premier texte visé est la lettre ministérielle du 18 avril 2006 adressée au directeur de l'Acoss, précisant qu'à la suite du vote de la loi du 19 décembre 2005 il est demandé 'pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur a l'occasion du vote de cette loi et afin de sécuriser toute les situations existantes... de prendre toutes les dispositions nécessaires afin qu'il soit mis fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2005 et de transmettre les instructions nécessaires afin que les organismes de recouvrement impliqués dans un contentieux engagé sur ce motif se désistent'.

La volonté du législateur évoquée par le courrier résultait du vote d'un amendement contenu dans l'article 22 du projet de loi du 9 mars 2006 sur l'égalité des chances, prévoyant que l'assiette de calcul de la réduction, telle que prévue par la loi du 19 décembre 2005, serait applicable pour les cotisations versées depuis le 1er janvier 2003, cette disposition ayant été toutefois censurée par le Conseil constitutionnel.

Le contenu de la lettre ministérielle ne pouvait donc être analysé comme une description du droit positif mais ne pouvait constituer qu'une tolérance, qui n'avait pas à faire l'objet d'une publication en application des dispositions susvisées.

Le courrier du directeur de l'Acoss aux Urssaf du 7 juillet 2006 reprend les termes de la lettre ministérielle, tout en abordant dans son annexe le cas, non expressément visé par la lettre ministérielle du 18 avril 2006, des demandes de remboursement.

Il est dans ce cas demandé aux Urssaf de procéder à la notification du refus de la demande en indiquant les voies de recours puis, si le cotisant saisit la commission de recours amiable, de procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à faire droit à la requête.

Cet ajout, qui vise à donner une solution aux litiges avant que soit formalisé un contentieux judiciaire, ne constitue pas plus une interprétation du droit positif, qui n'a pas été modifié pour les cotisations relatives à la période 2003 à 2005, ni la description d'une procédure administrative, mais unifie la gestion interne des situations pré-contentieuses afin de mettre en oeuvre la tolérance prévue par la lettre ministérielle du 18 avril 2006.

La lettre ministérielle du 13 mars 2008 ne fait quant à elle que reprendre la solution retenue par la lettre du 18 avril 2006 et le courrier du directeur de l'Acoss du 7 juillet 2006 et n'apporte donc pas d'élément nouveau.

Il en résulte qu'aucun des textes litigieux ne devait être publié par l'Urssaf en application de l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

Par ailleurs, la simple faculté, visée par les mêmes dispositions, de publication des documents administratifs reçus ne peut constituer le fondement de la mise en cause de la responsabilité de l'Urssaf.

La société intimée soutient également que l'Urssaf devait procéder à la diffusion des documents litigieux sur le fondement de l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés et cotisants en application de l'article R 112-2 du code de la sécurité sociale.

L'Urssaf est toutefois tenue de répondre aux demandes qui lui sont soumises, mais non de prendre l'initiative de renseigner les cotisants à titre individuel ou de façon générale sur leurs droits éventuels, étant au surplus rappelé que les textes litigieux ne créaient pas un droit mais instituaient une simple tolérance.

La Sas Manpower France soutient enfin que l'absence de publication constituait une violation par l'Urssaf du devoir de loyauté dont elle serait tenue à l'égard des cotisants.

Toutefois il appartenait à l'Urssaf de traiter, conformément aux instructions ministérielles, tant les contentieux en cours que les demandes ultérieures de remboursement ou de crédit, qui n'étaient pas spécifiquement visées par la lettre ministérielle du 18 avril 2006, et de définir un mode de gestion des situations pré-contentieuses et contentieuses permettant d'y mettre fin, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir suscité des demandes des cotisants en portant à leur connaissance les modalités de traitement qu'elle avait choisi de retenir, de sorte qu'il ne peut être soutenu qu'elle a fait preuve d'un manque de transparence constitutif d'une déloyauté.

La Sas Manpower France ne peut donc soutenir que l'Urssaf a fait preuve d'une légèreté blâmable ou d'une intention de nuire à l'égard des cotisants.

L'intimée fait enfin valoir que le bénéfice de la tolérance administrative, ouverte aux seuls cotisants en situation de contrôle Urssaf ou en contentieux, créerait un rupture d'égalité illégitime des cotisants vis-à-vis des charges publiques.

Toutefois ceux-ci sont placés dans des situations objectivement distinctes selon qu'ils ont sollicité un remboursement ou un crédit ou se trouvent en cours de contentieux et ce par rapport aux autres cotisants, qui n'ont formé aucune réclamation et étaient par ailleurs à l'époque à même de pouvoir engager une telle action s'ils l'estimaient utiles.

Les textes litigieux ne créent donc pas une différence de traitement constitutive d'une rupture d'égalité des cotisants vis-à-vis des charges publiques dès lors que tout cotisant placé dans chacun de ces deux catégories se voit appliquer un traitement identique.

Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement qui a retenu la responsabilité de l'Urssaf et l'a condamnée, au titre du préjudice subi, à payer à la Sas Manpower France le montant des cotisations réglées par cette dernière.

La Sas Manpower France, qui succombe, sera condamnée à payer à l'Urssaf la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Vu l'avis d'audience adressé à la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale.

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la Sas Manpower France de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la Sas Manpower France à payer à l'Urssaf [Localité 2] la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code du procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix-neuf avril deux mille seize et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Madame Gaëlle BIOT, Greffière.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00067
Date de la décision : 19/04/2016

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°15/00067 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-19;15.00067 ?
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