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27/11/2015 | FRANCE | N°14/01412

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 27 novembre 2015, 14/01412


ARRET N° 15/

PB/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2015



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 30 Octobre 2015

N° de rôle : 14/01412



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BESANCON

en date du 16 mai 2014

code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires





SA FRANCHE COMTE NETTOYAGE

C/

[K] [Y], assistée par l'UDAF, son curateur

UDAF DE [Localit

é 1],

Société ATN







PARTIES EN CAUSE :





SA FRANCHE COMTE NETTOYAGE, [Adresse 1]





APPELANTE



représentée par Me Pascale CANTENOT, avocat au barreau de BESANCON



ET :



Madame [K] [Y], ...

ARRET N° 15/

PB/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2015

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 30 Octobre 2015

N° de rôle : 14/01412

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BESANCON

en date du 16 mai 2014

code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires

SA FRANCHE COMTE NETTOYAGE

C/

[K] [Y], assistée par l'UDAF, son curateur

UDAF DE [Localité 1],

Société ATN

PARTIES EN CAUSE :

SA FRANCHE COMTE NETTOYAGE, [Adresse 1]

APPELANTE

représentée par Me Pascale CANTENOT, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Madame [K] [Y], demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/003529 du 17/09/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)

assistée par son curateur l'UDAF DE [Localité 1], [Adresse 3]

représentées par Me Valérie TRONCHET, avocat au barreau de BESANCON

Société ATN, ayant son siège social [Adresse 4]

BESANCON

représentée par Me Nathalie ROTA, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEES

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 30 Octobre 2015 :

CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mademoiselle Elyse CHAUVET

lors du délibéré :

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre et à Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 27 Novembre 2015 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [K] [Y] a été engagée par la Sa Franche-Comté Nettoyage en qualité d'agent de service à compter du 22 juillet 1991.

Elle était affectée à l'entretien de deux copropriétés situées à Besançon, pour un horaire mensuel de travail de 92h43, dont 45h89 sur le chantier du '[Adresse 2].

Le 28 août 2012, la Sa Franche-Comté Nettoyage a été destinataire d'un courrier de la société Application Technique de Nettoyage (ATN), lui faisant part de ce qu'elle avait été retenue pour assurer l'entretien ménager de divers bâtiments, et par lequel elle sollicitait, conformément à l'accord collectif national applicable aux entreprises de propreté, la liste des personnels entrant dans le cadre du changement de prestataires de services ainsi que les documents relatifs aux salariés concernés.

La Sa Franche-Comté Nettoyage a adressé divers documents à la Sa ATN, dont cette dernière a indiqué qu'ils étaient incomplets, notamment en ce qui concerne Mme [K] [Y].

À la suite d'un échange de correspondance entre les deux sociétés, la Sa ATN a maintenu sa position et n'a pas repris Mme [K] [Y] dans ses effectifs.

Mme [K] [Y] assistée de l'UDAF, son curateur a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon d'une demande à l'encontre de la Sa ATN visant à l'établissement d'un avenant à son contrat de travail à la suite du changement de prestataire, ainsi qu'au paiement de salaires.

À la demande de la Sa ATN, la Sa Franche-Comté Nettoyage a été également convoquée devant le conseil de prud'hommes.

Par jugement du 16 mai 2014, le conseil de prud'hommes a condamné la Sa Franche-Comté Nettoyage à payer à Mme [K] [Y] les sommes suivantes:

-7341,00€ bruts au titre des salaires du 1er octobre 2012 au 28 février 2014,

-367,05€ bruts au titre de la prime d'expérience du 1er octobre 2012 au 28 février 2014,

-1079,55 € bruts à titre de salaire du 1er mars 2014 au 16 mai 2014,

-53,98€ bruts au titre de la prime d'expérience du 1er mars 2014 au 16 mai 2014.

Il a en outre ordonné à la Sa Franche-Comté Nettoyage d'opérer la poursuite du paiement des salaires et des primes d'expérience à compter du 17 mai 2014.

Le 23 juin 2014, la Sa Franche-Comté Nettoyage a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions visées le 29 septembre 2015, elle demande de :

-condamner la Sa ATN au versement des sommes sollicitées par Mme [K] [Y] au motif que la Sa ATN ne rapporte pas la preuve d'avoir été mise dans l'impossibilité d'organiser la reprise du chantier, et du caractère incomplet des dossiers qui lui ont été transmis.

-à titre subsidiaire dire que les condamnations prononcées à son encontre se compenseront avec les salaires par elle versés à Mme [K] [Y],

- condamner la Sa ATN à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées le 29 septembre 2015, Mme [K] [Y] demande de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a 'condamné à payer à Mme [Y], les sommes brutes de 7341€ à titre de salaires du 1er octobre 2012 au 28 février 20145, de 367,05€ au titre de la prime d'expérience du 1er octobre 2012 au 28 février 2014, de 1079,55€ à titre de salaire du 1er mars au 16 mai 2014 et de 53,98€ au titre de la prime d'expérience du 1er mars au 16 mai 2014 et en ce qu'il a ordonné la poursuite du paiement des salaires et des primes d'expérience à compter du 16 mai 2014",

-si la société ATN n'était pas considérée comme dans l'impossibilité d'organiser la reprise du chantier, lui ordonner d'établir un avenant au contrat de travail à durée indéterminé, suite au changement de prestataire,

-débouter la société Franche-Comté Nettoyage de sa demande formée à titre subsidiaire.

Selon conclusions visées le 30 octobre 2015, la Sa ATN conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la Sa Franche-Comté Nettoyage à lui payer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 30 octobre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur le transfert du contrat de travail

En application de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire dans les entreprises exerçant une activité relevant des activité classées sous le numéro de code

APE 87-08 le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel, relevant notamment de la filière 'ouvriers' passant sur le marché concerné au moins 30% de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante à condition de justifier par ailleurs d'une affectation sur le marché d'au moins six mois à la date d'expiration du contrat commercial et par ailleurs de ne pas être absent depuis quatre mois ou plus.

L'article 3 prévoit par ailleurs que l'entreprise sortante établit une liste de tout le personnel affecté au marché repris en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions précitées, avec le détail de leur situation individuelle.

Doivent en outre être fournis les six derniers bulletins de paie, la dernière fiche d'aptitude médicale, la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants.

L'entreprise sortante doit adresser ces renseignements au plus tard dans les huit jours ouvrables après que l'entreprise entrante s'est fait connaître.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante les documents prévus par l'accord ne peut empêcher un changement d'employeur qu'à la condition qu'il mette l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, et lorsque la société sortante a communiqué les éléments requis à l'entreprise entrante, il appartient au juge d'apprécier si l'éventuelle insuffisance des éléments fournis rendait impossible l'organisation de la reprise effective du marché.

En l'espèce, la société ATN a le 28 août 2012 fait connaître à la société Franche-Comté Nettoyage qu'elle avait été retenue pour assurer l'entretien ménager des bâtiments Habitat 25 de [Localité 2] et son agglomération d'[Localité 3], [Localité 4], [Localité 5] à compter du 1er octobre 2012 et sollicitait en conséquence la communication de la liste du personnel entrant dans le cadre du changement de prestataire ainsi que les documents prévus par l'accord national.

Par courrier du 11 septembre 2012, la société ATN a rappelé que le délai d'envoi des documents était de huit jours et a sollicité à nouveau leur communication en précisant que la carence dans la transmission des pièces empêchait d'organiser la reprise effective du marché.

Selon courrier daté du 3 septembre 2012, dont la date d'envoi n'est pas justifiée et qui a été reçu par la société ATN le 17 septembre, la société Franche-Comté Nettoyage a précisé la liste des salariés concernés, en indiquant qu'étaient joints, les contrats de travail, les six derniers bulletins de salaire, les fiches médicales d'aptitude et les fiches de renseignements.

Selon courrier du 12 septembre, reçu par la société ATN le 14, la société Franche-Comté Nettoyage a sollicité en outre des précisions sur les numéros de lots effectivement repris.

Par un courrier du 18 septembre 2012, la société ATN a informé la société Franche-Comté Nettoyage que les dossiers de quatre salariés, dont celui de Mme [K] [Y] étaient incomplets et qu'elle ne pouvait donc les reprendre.

La société Franche-Comté Nettoyage a répondu selon courrier daté du 19 septembre, déposé à la poste le 21 septembre, mais reçu par la société ATN le 3 octobre qu'elle avait bien transmis précédemment les documents.

Un nouveau courrier de la société ATN en date du 1er octobre 2012 précise que n'ayant pas reçu les documents nécessaires, il a été nécessaire de recruter en urgence du personnel pour honorer les travaux et que c'est seulement le même jour qu'a été reçu un courrier déposé à la poste le 28 septembre mais à nouveau incomplet.

La société Franche-Comté Nettoyage produit ensuite un courrier reçu le 1er octobre par la société ATN identique à celui qui a été envoyé le 19 septembre.

Un dernier courrier de la société ATN du 3 octobre 2012 précise que le courrier adressé par la société Franche-Comté Nettoyage le 21 septembre 2012 n'a été reçu que le 3 octobre, ce que confirme une attestation des services postaux.

Cet échange de courriers fait ressortir que la société Franche-Comté Nettoyage n'a pas respecté le délai prévu par l'accord du 29 mars 1990 puisque les pièces ont été reçues par la société ATN le 17 septembre.

La société ATN a fait valoir que cet envoi était incomplet sans toutefois jamais préciser en quoi les éléments d'information relatifs à Mme [K] [Y] étaient insuffisants.

C'est durant la procédure que la société ATN a fait valoir qu'il n'était pas démontré que la salariée était affectée au chantier litigieux depuis plus de six mois.

Il convient en premier lieu d'observer que le document prévu par l'accord collectif relatif au détail de situation individuelle de chaque salarié bénéficiant de la garantie d'emploi, qui reprend la date d'affectation sur le marché n'est produit par aucune des parties, de sorte qu'il est impossible de savoir les mentions portées sur ce point.

La société ATN fait en outre valoir qu'un planning produit aux débats est daté du 10 mai 2012 de sorte qu'il n'est pas démontré qu'au 1er octobre 2012 la salariée était affectée depuis plus de six mois sur le chantier '[Adresse 2]'.

Or cette pièce ne fait pas partie de celles qui doivent être obligatoirement transmises par l'entreprise sortante au titre de l'accord du 29 mars 1990.

Par ailleurs, il y a lieu de constater que le lieu de travail était contractualisé par un avenant au contrat de travail en date du 15 décembre 2008 prévoyant que Mme [K] [Y] assurerait l'entretien de l'immeuble du [Adresse 2], pièce dont il n'est pas contesté qu'elle avait été communiquée au nouvel employeur.

Dans ces conditions, en l'absence de modification, les pièces produites par la société Franche-Comté Nettoyage permettaient de justifier de l'affectation sur le chantier depuis plus de six mois.

Par ailleurs, même si les documents ont été réceptionnés par la société ATN le 17 septembre 2012, après l'expiration du délai de huit jours prévu par l'accord, ce retard n'était pas de nature à empêcher le transfert puisque dans son courrier du 1er octobre 2012 la société ATN fait état d'un recrutement urgent de personnel à cette date, ce qui permet d'établir qu'à la date du 17 septembre, elle n'avait pris aucune disposition à ce sujet.

Il en résulte donc que l'envoi avec retard de documents dont il n'est pas établi qu'ils étaient incomplets ne rendait pas impossible l'organisation de la reprise effective du salarié.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que le contrat de travail n'avait pas été transféré et a condamné la société Franche-Comté Nettoyage au paiement de diverses sommes.

II) Sur les demandes de Mme [K] [Y]

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme [K] [Y] visant à la confirmation du jugement entrepris, qui a condamné la société Franche-Comté Nettoyage au paiement des salaires, aucune demande de ce type n'étant formulée à l'égard de la société ATN.

Il sera ordonné à la société ATN d'établir un avenant au contrat de travail à durée indéterminée au profit de Mme [K] [Y], conforme aux dispositions de l'accord du 29 mars 1990, à la suite du changement de prestataire le 1er octobre 2012 et tenu au paiement des salaires depuis cette date.

III) Sur les demandes de la société Franche-Comté Nettoyage

La demande de la société Franche-Comté Nettoyage visant au paiement des salaires réclamés par Mme [K] [Y] par la société ATN n'a pas lieu d'être examinée puisque la salariée conclut à la confirmation du jugement qui a condamné la société Franche-Comté Nettoyage et ne forme aucune demande même subsidiaire de condamnation de la société ATN au paiement de ces sommes.

Par ailleurs, dès lors qu'il a été fait droit à l'appel de la société Franche-Comté Nettoyage, il n'y pas lieu d'examiner la demande de compensation formée à titre subsidiaire par cette dernière.

La société ATN, qui succombe sera condamnée à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

III) Sur la demande de la société ATN

La demande formée par la société ATN au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée dès lors qu'elle succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société ATN à établir un avenant au contrat de travail à durée indéterminée au profit de Mme [K] [Y] à compter du 1er octobre 2012 ;

CONDAMNE la société ATN à payer à la société Franche-Comté Nettoyage la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société ATN du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE la société Franche-Comté Nettoyage de ses demandes ;

CONDAMNE la société ATN aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt sept novembre deux mille quinze et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, et Madame Karine MAUCHAIN, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01412
Date de la décision : 27/11/2015

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°14/01412 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-27;14.01412 ?
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