ARRET N°
JC/KM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2015
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 02 juin 2015
N° de rôle : 13/02656
S/appel d'une décision
du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONS LE SAUNIER
en date du 04 décembre 2013
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Société ETABLISSEMENTS PLASTILAX
C/
[D] [H]
INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE
PARTIES EN CAUSE :
Société ETABLISSEMENTS PLASTILAX, dont le siège social est [Adresse 1]
APPELANTE
représentée par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON
ET :
Monsieur [D] [H], demeurant [Adresse 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/000340 du 29/01/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
INTIME
assisté par Me Karen DEVIN, avocat au barreau d'AUXERRE
INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE, Service Contentieux - [Adresse 2]
PARTIE INTERVENANTE
Représentée par Me Bernard VANHOUTTE, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 02 Juin 2015 :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER
CONSEILLERS : Monsieur Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN
GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN
Lors du délibéré :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER
CONSEILLERS : Monsieur Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 22 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S.A.R.L. Plasti-Lax, spécialisée dans la fabrication d'emballages en matière plastique, a embauché M. [D] [H] selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 mai 1987 comme opérateur conducteur.
M. [D] [H] a été victime d'un accident du travail le 17 juin 2010.
Il a fait l'objet d'un arrêt de travail du 18 juin 2010 au 2 mai 2012.
Suite à la visite de reprise du 3 mai 2012, le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à tous les postes de l'entreprise en raison d'un danger grave pour sa santé.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juin 2012, la S.A.R.L. Plasti-Lax a notifié à M. [D] [H] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de le reclasser.
M. [D] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier le 21 novembre 2012 afin de contester le montant des indemnités qui lui ont été octroyées suite à son inaptitude et d'obtenir en conséquence la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :
- Ã titre principal,
- 19'116 € à titre de solde d'indemnité de licenciement,
- 4 808,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 480,85 € au titre des congés payés afférents,
- 86'554 € à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de reclassement,
- Ã titre subsidiaire,
- 4 808,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 265,86 € à titre de solde d'indemnité de licenciement,
- 86'554 € à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de reclassement,
- en tout état de cause,
- 670,99 € à titre de solde d'indemnité de licenciement,
- 2 500 € au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Par jugement de départage rendu le 4 décembre 2013, le conseil de prud'hommes a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement et a condamné la S.A.R.L. Plasti-Lax à payer à M. [D] [H] les sommes suivantes :
- 670,99 €'à titre de solde d'indemnité de licenciement, avec les intérêts légaux à compter du 20 novembre 2012,
- 4 808,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec les intérêts légaux à compter du 20 novembre 2012,
- 14'425,62 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les intérêts légaux à compter du jugement,
- 2 000 € au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
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Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 26 décembre 2013, la S.A.R.L. Plasti-Lax a interjeté appel de cette décision.
Dans ses écrits déposés le 22 mai 2015, elle entend voir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré que l'inaptitude M. [D] [H] n'est pas d'origine professionnelle.
En revanche, elle sollicite l'infirmation de la décision en ce qu'elle a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle maintient en effet avoir respecté son obligation de reclassement, faisant valoir qu'aucun poste interne correspondant à la qualification de M. [D] [H] n'était compatible avec son état de santé et que la formation initiale de celui-ci ne lui permettait pas d'envisager un reclassement sur un poste administratif ou commercial, étant précisé que de toute manière, aucun poste de ce type n'était disponible. Elle ajoute avoir également interrogé les différents établissements du groupe, y compris ceux situés à l'étranger, notamment en Roumanie, en Turquie, en Pologne, en Belgique et en Allemagne.
Elle précise que sa filiale russe n'a plus d'activité depuis 2008 et que sa filiale algérienne a été liquidée en 2011.
Elle explique enfin n'avoir pas proposé de poste dans sa filiale canadienne en raison des difficultés administratives relatives aux lois sur l'immigration en vigueur tant au Québec que dans le reste du pays.
*****
Pour sa part, dans ses écrits déposés le 28 mai 2015, M. [D] [H] maintient que l'origine de son inaptitude est au moins partiellement professionnelle, ce qui lui donne droit de prétendre :
- au doublement de l'indemnité légale de licenciement, soit 33'752 €, indemnité sur laquelle lui reste due une somme de 18'445,01 €,
- à une indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 4 808,54 €, outre les congés payés afférents à hauteur de 480,85 €,
- à une indemnité de 86'554 € pour absence de consultation de l'ensemble des délégués du personnel et non respect de l'obligation de reclassement.
Il fait notamment valoir que son arrêt de travail, suite à l'accident du 17 juin 2010, s'est poursuivi sans interruption jusqu'à l'avis d'inaptitude, et pour les mêmes motifs médicaux, tous relatifs à des problèmes de dos.
Il affirme en conséquence que l'entreprise aurait dû respecter les dispositions protectrices du code du travail lorsque l'inaptitude est la conséquence d'un accident du travail en sollicitant notamment, avant le licenciement, l'avis de l'ensemble des délégués du personnel.
Il ajoute enfin, concernant le reclassement, que la S.A.R.L. Plasti-Lax aurait dû interroger les filiales étrangères en envisageant également une transformation de poste ou une formation adaptée pour lui permettre de prétendre à un poste administratif.
En tout état de cause, il estime que son employeur aurait dû interroger sa filiale canadienne sans pouvoir lui opposer la législation du travail locale, étant précisé qu'il aurait obtenu les autorisations nécessaires de la part des autorités canadiennes dans l'hypothèse d'un reclassement dans ce pays par la S.A.R.L. Plasti-Lax.
Il conclut enfin à la confirmation du jugement en ses autres dispositions, y ajoutant une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 2 juin 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° ) Sur l'application des dispositions protectrices de l'article L. 1226-10 du code du travail :
Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
Cette obligation de reclassement doit être mise en oeuvre dès que l'inaptitude d'un salarié à ses dernières fonctions a pour cause un accident du travail ou à une maladie professionnelle survenus précédemment et il appartient aux juges du fond, dans leur pouvoir souverain d'appréciation, de rechercher eux-mêmes l'existence du lien de causalité entre l'inaptitude et la maladie professionnelle.
Seule la preuve par l'employeur qu'il ignorait que l'inaptitude pouvait être en relation avec la maladie professionnelle le dispense d'appliquer les dispositions protectrices de l'article L. 1226-10 du code du travail (Cass. soc., 3'avr. 1990': Cah. soc. barreau Paris 1990, A'30).
Or, s'il est constant que le médecin du travail, lors des visites de reprise des 15 mars et 3 mai 2012, n'a certes pas mentionné de lien entre l'inaptitude et l'accident du travail survenu le 17 juin 2010, il m'en demeure pas moins que l'arrêt de travail initial de M. [D] [H] suite à l'accident du travail a toujours été reconduit, jusqu'aux deux visites de reprise, et également toujours pour une pathologie dorsale.
De plus, il est à noter que le médecin du travail, lors d'une visite médicale ayant eu lieu le 26 août 2011 à la demande du médecin conseil, indiquait déjà que suite à l'accident du travail du 17 juin 2010, les séquelles réduisant la capacité de M. [D] [H] ne lui permettraient pas d'envisager de reprendre son poste à l'issue de l'arrêt de travail en cours.
C'est donc à tort que le premier juge a constaté l'absence de lien professionnel entre l'accident du travail et l'inaptitude de M. [D] [H] et il y a lieu de dire qu'au regard des éléments ci-dessus, l'employeur ne pouvait ignorer ce lien.
Il appartenait ainsi à la S.A.R.L. Plasti-Lax de respecter l'ensemble des dispositions protectrices prévues par le code du travail lorsque l'inaptitude d'un salarié a une origine professionnelle.
2° ) Sur les conséquences engendrées par l'application des dispositions protectrices relatives à l'inaptitude d'origine professionnelle :
a - sur le doublement de l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l'article L. 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
C'est ainsi à juste titre que M. [D] [H] sollicite le doublement de l'indemnité légale de licenciement elle-même calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire qui est de 2 404,27 € par mois et sur une ancienneté de 25 ans et 21 jours, soit au total la somme de 33'752 €.
Eu égard aux sommes déjà versées, M. [D] [H] a donc droit au solde de cette indemnité, soit la somme de 18'445,01 €.
Il reste également dû à M. [D] [H], en application de ce texte, la somme de 4 808,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 480,85€ au titre des congés payés afférents, toutefois omise par le premier jugement.
b - sur l'indemnité due pour absence de consultation des délégués du personnel:
L'article L. 1226-15 du même code énonce qu'en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14.
Or, il n'est pas sérieusement contestable que la S.A.R.L. Plasti-Lax n'a pas sollicité préalablement au licenciement l'avis de l'ensemble des délégués du personnel mais seulement celui des délégués du personnel faisant partie du comité d'entreprise.
C'est donc à juste titre que M. [D] [H] prétend à l'indemnité susvisée, soit en l'espèce la somme de 86'554 €, étant toutefois rappelé que cette indemnité ne peut se cumuler avec celle octroyée par le premier jugement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il convient alors de ne retenir que l'indemnité la plus importante, en l'occurrence, celle pour non respect des dispositions protectrices de l'article L. 1226-10.
3° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:
La S.A.R.L. Plasti-Lax ayant succombé à hauteur d'appel, elle devra supporter les entiers dépens sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
En revanche, l'équité commande d'allouer à M. [D] [H] une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel principal de la S.A.R.L. Plasti-Lax mal fondée ;
DÉCLARE l'appel incident de M. [D] [H] bien fondé ;
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. Plasti-Lax à payer à M. [D] [H] la somme de 14'425,62 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a limité à la somme de 670,99 €'le solde de l'indemnité de licenciement et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour violation des dispositions protectrices relatives à l'inaptitude professionnelle ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la S.A.R.L. Plasti-Lax à verser à M. [D] [H] les sommes suivantes :
- quatre vingt six mille cinq cent cinquante quatre euros (86'554 €) à titre d'indemnité pour violation des dispositions protectrices relatives à l'inaptitude professionnelle,
- dix huit mille quatre cent quarante cinq euros zéro un (18'445,01 €), avec les intérêts légaux à compter du 20 novembre 2012, au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.R.L. Plasti-Lax à payer à M. [D] [H] la somme de quatre cent quatre vingt euros quatre vingt cinq (480,85 €) brut, avec les intérêts légaux à compter du 20 novembre 2012, au titre des congés payés sur l'indemnité de préavis;
DÉBOUTE la S.A.R.L. Plasti-Lax de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la S.A.R.L. Plasti-Lax aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à M. [D] [H] une indemnité de mille cinq cents euros (1 500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt-deux septembre deux mille quinze et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et par Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.
LE GREFFIER,LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,