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16/06/2015 | FRANCE | N°13/00460

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 16 juin 2015, 13/00460


ARRET N°

PB/KM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 16 JUIN 2015



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 14 avril 2015

N° de rôle : 13/00460



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 11 janvier 2013

Code affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[Z] [J]

C/

Soci

été ARCELORMITTAL SOLUSTIL VENANT AUX DROITS DE LA ST S21 DEVILLERS, SA GROUPE ALLIANCE METAL



PARTIES EN CAUSE :







Monsieur [Z] [J], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



représenté par Me ...

ARRET N°

PB/KM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 16 JUIN 2015

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 14 avril 2015

N° de rôle : 13/00460

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VESOUL

en date du 11 janvier 2013

Code affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[Z] [J]

C/

Société ARCELORMITTAL SOLUSTIL VENANT AUX DROITS DE LA ST S21 DEVILLERS, SA GROUPE ALLIANCE METAL

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [Z] [J], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

représenté par Me Florence ROBERT, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Société ARCELORMITTAL SOLUSTIL VENANT AUX DROITS DE LA ST S21 DEVILLERS, ayant son siège social [Adresse 2]

SA GROUPE ALLIANCE METAL, ayant son siège social [Adresse 2]

INTIMEES

représentées par Me Thierry PELLETIER, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 14 Avril 2015 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : Monsieur Patrice BOURQUIN et M. Jérôme COTTERET

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : Monsieur Patrice BOURQUIN et M. Jérôme COTTERET

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 16 Juin 2015 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [Z] [J] a été embauché par la société Devillers Oxycoupage par contrat à durée indéterminée en date du 22 mai 2000, en qualité de directeur industriel, statut cadre, position III B coefficient 180 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie moyennant une rémunération annuelle de 400'000 Fr soient 60 979, 61€, dans le cadre d'une convention de forfait sans référence horaire.

Courant 2006, la société Devillers Oxycoupage s'est rapprochée du groupe Arcelormittal et M. [Z] [J] a été nommé directeur industriel de la branche tôlerie lourde.

Le 1er octobre 2008, sa rémunération est passée à 71'665,20€ brut annuelle avec une durée de travail sur un forfait de 218 jours.

Le 1er janvier 2009, il a intégré le comité exécutif du groupe Arcelormittal Top et est devenu responsable de l'ensemble de la division tôlerie lourde, sa rémunération étant portée le 18 mai 2010 à 86'075€.

Au début 2011, une réorganisation du groupe a été envisagée, au cours de laquelle est intervenu le comité exécutif du groupe dont il était membre.

Le 9 mai 2011, il a adressé un courrier au président de la la société S2I Devillers faisant état de ce que la réorganisation en cours, se traduisait par une modification en profondeur des termes de son contrat de travail et en refusant le montant de l'augmentation de salaire qui était envisagée. Il indiquait en conséquence ne pouvoir accepter la proposition de mutation professionnelle tant que la situation ne serait pas reconsidérée.

À la suite d'une réunion du 13 mai 2011 avec le président de la société, il a été placé en arrêt de travail le 14 mai renouvelé jusqu'au 17 octobre 2011.

A cette date, lors de son retour à l'entreprise, il a fait constater par huissier que son bureau était occupé. Le même jour, lui a été remis un courrier lui demandant de rester à son domicile dans l'attente de la visite médicale de reprise prévue le 20 octobre 2011.

Ayant été déclaré apte à son poste il est revenu à l'entreprise, le 21 octobre, et a été invité à rentrer à son domicile.

Une lettre de mise à pied à titre conservatoire assortie d'une convocation à un entretien préalable lui a alors été remise pour le 4 novembre 2011.

Le 21 octobre 2011, M. [Z] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Vesoul d'une demande de résiliation judiciaire, l'instance ayant été radiée le 1er juin 2012 puis remise au rôle le 6 août 2012.

Il a été licencié pour faute grave par courrier du 17 novembre 2011, au motif que sa conduite, le 17 octobre 2011 avait créé un trouble grave au sein de l'organisation en contestant de manière véhémente l'organisation provisoire qui avait été mise en place durant son absence et que par ailleurs, il avait utilisé des moyens professionnels mis à sa disposition durant son arrêt de travail.

Par jugement du 11 janvier 2013, le conseil de prud'hommes a :

-déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la Sas S2I Devillers à lui payer les sommes suivantes :

*32 942, 92 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*24 282, 25 € bruts au titre de l'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis,

*2428, 23 € bruts titres de l'indemnité de congés payés sur préavis,

*8094,08 € bruts au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,*809,40 € bruts au titre des congés payés afférents,

*97129€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [Z] [J] du surplus de ses demandes,

-condamné la Sas S2I Devillers à verser à Pôle emploi le remboursement des indemnités par elle versée à M. [Z] [J] dans la limite de trois jours.

Par déclaration du 26 février 2013, M. [Z] [J] a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions notifiées en dernier lieu le 16 mars 2015, il demande de :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

- à défaut, confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

-en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sas S2I Devillers à lui payer un rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, une indemnité conventionnelle compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-le réformer sur le surplus et condamner la Sa Arcelor Mittal Solustil venant aux droits de la Sas S2I Devillers à lui payer les sommes suivantes :

*327'260 € bruts au titre des heures supplémentaires,

*186'732,22€ bruts au titre du repos compensateur et de la contrepartie obligatoire en repos,

*51'399,22€ bruts au titre des congés payés sur heures supplémentaires et repos compensateur,

*48'564 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice physique et moral distinct,

*48'564 € nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*au titre des rappels de salaire :

-254,43€ nets au titre du complément des indemnités journalières sur la période d'arrêt maladie du 14 mai au 16 octobre 2011,

-6853 € brut au titre du 13e mois,

-24'447,96€ nets au titre du complément d'indemnité journalière du 21 octobre 2011 au 22 avril 2012,

*6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le tout avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête.

Selon conclusions visées le 24 octobre 2014, la Sa Arcelor Mittal Solustil venant aux droits de la Sas S2I Devillers conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande d'heures supplémentaires, pour le surplus à la réformation du jugement et demande de :

-le débouter de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-dire qu'en cas de condamnation, il n'a droit qu'à six mois de salaire soit 41'118€,

-le débouter de ses demandes de rappel de salaire, à l'exception de la somme de 506,39€ bruts,

-le condamner au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 14 avril 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

La demande de M. [Z] [J] visant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail a été formée devant le Conseil de prud'hommes le 21 octobre 2011 et le licenciement a été prononcé le 17 novembre 2011.

Il doit donc être statué préalablement sur cette demande de résiliation et il n'y aura lieu d'apprécier le bien-fondé du licenciement ultérieur que si celle-ci est jugée rejetée.

M. [J] [Z] invoque pour justifier sa demande de résiliation judiciaire, d'une part, la suppression de son poste de responsable tôlerie lourde décidée unilatéralement par l'employeur et en second lieu le non-respect de sa convention de forfait.

A) Sur la suppression du poste de responsable tôlerie lourde

M. [Z] [J] a été embauché en qualité de directeur industriel par la société Devillers Decoupage. A la suite du rapprochement de la société avec le groupe Arcelor Mittal, il a été nommé directeur industriel au sein de la branche tôlerie lourde du nouveau groupe en 2006, pour se voir confiée à compter du 1er janvier 2009 la responsabilité de l'ensemble de l'activité tôlerie lourde en qualité de Chief operating officer (COO).

M. [Z] [J] fait valoir que la réorganisation a conduit à la création d'un secteur d'activité 'ArcelorMittal Top France' regroupant les activités françaises des anciennes branches tôlerie lourde et tôlerie fine, supprimant ainsi son poste, alors qu'aucun avenant à son contrat de travail n'avait été établi.

L'employeur fait valoir qu'à la date du courrier du 9 mai 2011, par lequel le salarié a fait valoir ces arguments, il existait certes un projet de réorganisation industrielle, mais que le poste de M. [Z] [J] n'avait pas encore été défini, si bien qu'effectivement, à ce stade, aucune proposition d'avenant ne pouvait être formalisée, ce dont le salarié était parfaitement informé pour participer au processus de réorganisation.

Il n'est en premier lieu pas contesté que M. [Z] [J] faisait partie du comité exécutif, au sein duquel étaient traitées les orientations de la nouvelle organisation et que M. [Z] [J] y participait pleinement puisque le 19 avril 2011, en particulier, il adressait un mail aux membres du comité exécutif du groupe, pour leur adresser 'le projet d'organisation de la direction industrielle AM TOP' qui devait être présenté lors de la réunion suivante.

Il est par ailleurs exact qu'à cette date la réorganisation n'était qu'un projet, qui avait fait en dernier lieu l'objet d'une consultation du comité d'entreprise le 16 mai 2011.

M. [Z] [J] fait toutefois valoir que les nouvelles nominations au sein d'AMTOP Francee ont été confirmées en juillet et août 2011, sans qu'il y soit mentionné, et que le groupe a fonctionné sur les nouvelles bases à compter de juillet 2011.

Il produit une analyse de l'évolution de l'organisation du secteur d'activité tôle lourde, qualifiée de 'montage grossier' par l'employeur , qui indique que les organigrammes correspondent à des dates différentes. Or, les schémas sur lesquels s'appuient M. [Z] [J] sont précisément datés et l'employeur ne conteste pas leur teneur aux dates indiquées.

Or l'organigramme de la branche HGS (tôlerie lourde) , en date de mars 2011, fait apparaître que les responsables des six sites de production, tant en France qu'à l'étranger, étaient hiérarchiquement rattachés à M. [Z] [J] en sa qualité de chief operating officer.

La nouvelle organisation au 15 novembre 2011 fait apparaître que les sites français de l'ancienne organisation sont rattachés au directeur général, M.[O] [X].

Par ailleurs, M. [Z] [J] n'apparaît plus dans le nouvel organigramme, sans que l'employeur fournisse aucune pièce pertinente permettant de contredire les données issues de ces organigrammes ou permettant d'établir la position exacte de ce dernier au sein de la nouvelle organisation.

Ce dernier fait certes valoir que l'organigramme est postérieur au licenciement de M. [Z] [J], ce qui est manifestement inexact puisque ce dernier a été licencié le 17 novembre.

Par ailleurs rien ne laisse apparaître que l'organigramme en vigueur au 15 novembre retrace une organisation provisoire aux fins de suppléer l'absence de M. [Z] [J], la société ne fournissant aucun document permettant d'établir la place de ce dernier dans l'organisation définitive, ce qui devait, en cas d'organisation provisoire, nécessairement avoir été envisagé antérieurement.

Il importe donc peu que M. [Z] [J] ait pu participer à l'élaboration de la nouvelle organisation, alors qu'il a d'ailleurs protesté dès le mois de mai contre son éviction, dès lors que l'organigramme mis en place ultérieurement traduisait qu'il existait, au minimum, une modification substantielle de son contrat de travail.

En procédant de la sorte l'employeur a donc manqué à ses obligations.

B) Sur l'application du forfait jours

Le 1er octobre 2008, les parties ont signé un avenant au contrat de travail, par lequel il était prévu que 'M. [Z] [J] sera désormais soumis au forfait annuel en jours dans le respect des conditions conventionnelles prévues. En conséquence, la durée annuelle du travail de M. [Z] [J] sera égale à 218 jours travaillés par an, ce qu'il accepte expressément'.

Les parties argumentent sur la qualité cadre dirigeant à reconnaître ou non à l'appelant.

Il est exact qu'en application des dispositions de l'article L 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L 3121-43 relatives au forfait jour.

Toutefois aucune disposition n'interdit à l'employeur de faire bénéficier un cadre d'un forfait même s'il pouvait ne pas en bénéficier par application des dispositions du code du travail.

Dès lors que l'employeur est convenu de l'existence d'un forfait celui-ci est soumis aux dispositions de la convention collective nationale de la métallurgie et en particulier de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail.

En application de l'article 14.1 de l'accord, le salarié ayant conclu une convention en forfait jour bénéficie d'un contrôle du nombre de jours travaillés, l'employeur étant tenu d'établir un document de contrôle et d'assurer le suivi de la charge de travail de l'intéressé. Par ailleurs, il bénéficie chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l'organisation et la charge de travail du salarié ainsi que l'amplitude des journées d'activité.

Or l'employeur n'établit pas que le contrôle des jours travaillés effectué par le salarié, tel que prescrit par les dispositions précitées, ait été effectué et la convention est donc sans effet à l'égard du salarié, le temps de travail devant être évalué conformément aux règles du droit commun.

L'employeur n'a donc pas respecté les dispositions de la convention de forfait jours.

Il en résulte que les deux manquements invoqués par M. [Z] [J] à l'égard de son employeur sont établis.

Pour justifier la résiliation du contrat de travail, ils doivent en outre rendre impossible pour le salarié la poursuite de la relation contractuelle.

La modification du contrat de travail imposée au salarié, qui a disparu de l'organigramme de l'entreprise et dont les fonctions demeurent indéterminées à son retour d'arrêt de travail est à elle seule suffisante pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle, l'absence de respect de la convention de forfait signée par les parties, n'étant quant à elle pas de nature à rendre impossible la poursuite de cette relation puisqu'elle n'avait pas été évoquée par les parties avant la procédure introduite devant le conseil de prud'hommes.

La résiliation judiciaire devra donc être prononcée aux torts de l'employeur.

Compte-tenu du licenciement ultérieurement prononcé la rupture prendra effet à la date d'envoi de la lettre de licenciement soit le 17 novembre 2011.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] [J] de sa demande de résiliation judiciaire et a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

II) Sur les demandes de M. [Z] [J]

A) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Les parties s'opposent sur la qualité de cadre dirigeant à reconnaître ou non au bénéfice de M. [Z] [J].

Cette discussion n'a toutefois une incidence que sur la période courant entre le mois d'octobre 2006, date à compter de laquelle le salarié forme sa demande et le 1er octobre 2008, date de signature de la convention de forfait.

Aux termes de l'article L 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Le contrat de travail signé le 22 mai 2000 retenait la qualité de cadre dirigeant en ce qui concerne M. [Z] [J].

Il fait apparaître que ce dernier était nommé en qualité de directeur industriel, dépendant directement du président du conseil d'administration. Il avait pour mission de proposer une organisation industrielle et la mettre en place, gérer le personnel de la direction industrie, gérer les moyens et garantir les coûts et délais, développer le système qualité, garantir le respect de la sécurité et participer à la politique générale de l'entreprise.

Par ailleurs, pour la période postérieure au mois d'octobre 2006, qui doit être prise en compte, M. [Z] [J] était responsable de six sites de production répartis sur le territoire national.

M. [Z] [J] fait toutefois valoir que sa rémunération conventionnelle ne correspond pas à celle d'un cadre dirigeant, dès lors qu'il bénéficie d'une position IIIB coefficient 180 alors qu'il existe une position IIIC coefficient 240, mais il n'est toutefois pas nécessaire, pour reconnaître la qualité de cadre dirigeant que l'emploi se trouve au sommet de la hiérarchie des rémunérations.

Il conteste par ailleurs avoir bénéficié de l'autonomie d'un cadre dirigeant, sur la base des attestations de plusieurs anciens responsables de la société S2I Devillers décrivant l'évolution de ses responsabilités après le rapprochement avec le groupe Arcelor Mittal, pour en conclure qu'une large partie de son pouvoir de décision a été transférée au niveau du groupe.

Or ces attestations, si elles insistent sur le transfert décisionnel au niveau du groupe font nécessairement apparaître, qu'antérieurement à ce transfert M. [Z] [J] participait à la direction de l'entreprise.

Par ailleurs, l'attestation de M. [K] précise la date de cette évolution qui remonte au cours de l'année 2008.

Or la convention de forfait, dont il a été établi qu'elle devait être appliquée, remonte précisément à cette année, de sorte qu'il n'y pas lieu de s'interroger sur les conséquences, en termes de rémunération, d'une éventuelle perte de la qualité de cadre dirigeant à compter de cette époque, la convention de forfait ayant été signée.

Il en résulte donc qu'avant 2008, M. [Z] [J] bénéficiait de la qualité de cadre dirigeant et ne peut donc prétendre au paiement des heures supplémentaires effectuées qui doivent uniquement être calculées à compter du 1er octobre 2008, au titre de la convention de forfait, dénuée d'effet.

Sur cette période, il a été établi que le temps de travail devait être évalué conformément aux règles du droit commun et M. [Z] [J] est donc en droit d'obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au delà de l'horaire légal.

Aux termes de l'article L 3174-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Par ailleurs, il est sans incidence que le salarié n'ait présenté aucune réclamation durant l'exécution du contrat de travail.

Sur ce point M. [Z] [J] produit :

- ses agendas sur la période de 2008 à 2011,

-des exemples de courriels envoyés tard le soir, soit durant la pause méridienne ou les fins de semaine, et des fichiers de travail enregistrés danse les mêmes conditions,

-un décompte de ses horaires réalisés sur la période de 2008 à 2011,

-cinq attestations sur la même période, de responsables et anciens responsables de la Sa S2I Devillers établissant qu'il réalisait des horaires substantiels, non seulement lorsqu'il se trouvait sur le site d'[Localité 1], mais également lors de ses déplacements en France et à l'étranger.

En particulier, l'attestation de M. [Y] [E] fait état d'amplitudes de travail de 10 à 12 heures, voire 14 à 15 heures. Celle de Mme [L] [M] fait état de la présence fréquente de M. [Z] [J] sur le site à 22heures, ainsi que de la multiplicité des déplacements en France et à l'étranger, entraînant de grandes amplitudes de travail et les atttestations de M [Q] [K] ainsi que celles de M.[B] [C] confirmant ces points.

Ces éléments, notamment le décompte apparaissent suffisamment précis pour permettre à l'employeur de les discuter, ce qu'il ne fait pas et en particulier ne produit pas les documents de contrôle prévus par la convention collective.

L'ensemble de ces pièces justifie des heures supplémentaires réalisées par M. [Z] [J] qu'il conviendra au vu des pièces produites de fixer, pour la période comprise entre le 1er octobre 2008 et la date du licenciement à la somme de 60.000€ , incluant le repos compensateurs et contreparties obligatoire en repos non pris.

Sur cette somme il y a lieu de calculer l'indemnité de congés payés soit 6.000€.

B) Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail :

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur conteste en premier lieu le montant du salaire brut pris en considération, pour le calcul des indemnités.

Or le salaire à prendre à compte est celui dont aurait dû bénéficier le salarié si l'employeur avait respecté ses obligations légales, notamment en procédant au paiement des heures supplémentaires.

Le salarié a calculé le montant des indemnités sur le fondement d'un salaire de 8.094€ brut, retenu par le conseil de prud'hommes, dont il n'explique toutefois pas le calcul, alors que l'employeur prend en compte un montant de 6.853€, correspondant à la dernière augmentation de salaire dont a bénéficié M. [Z] [J].

En additionnant à ce dernier salaire, le montant moyen mensuel des heures supplémentaires sur une période de trois ans, le résultat obtenu (environ 1900€) dépasse nettement les 8.094€ retenus par le salarié.

Il y lieu d'observer qu'un calcul plus précis n'est pas nécessaire puisque M. [Z] [J] conclut à la confirmation des sommes allouées par le conseil de prud'hommes et non à leur augmentation.

Il y aura donc lieu de confirmer le montant retenu par le premier juge au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis.

Il en sera de même pour le montant alloué au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire qui n'avait pas lieu d'être, compte-tenu de la rupture aux torts du contrat aux torts de l'employeur.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement injustifié , compte-tenu de l'ancienneté de M [Z] [J], de sa rémunération, de ce qu'il a nouveau perdu l'emploi qu'il avait retrouvé après une période de chômage c'est à juste titre que le conseil de prud'homme a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 97129€, en application de l'article L 1235-3 du code du travail.

C) Sur la demande de dommages et intérêt pour préjudice physique et moral distinct :

Pour solliciter des dommages et intérêts distincts de ceux qui ont été alloués au titre de l'article L 1234-5 du code du travail, M. [Z] [J] fait valoir que les circonstances qui ont entouré la rupture de son contrat de travail ont conduit à une dégradation de son état de santé.

Il justifie effectivement, durant son arrêt de maladie avoir mis en place une thérapie psychiatrique, consécutif selon le certificat d'un médecin spécialiste à un état de stress post-traumatique, avec ruminations incessantes, anxiété, trouble du sommeil consécutifs à des difficultés professionnelles. En outre l'arrêt de travail est prescrit pour un syndrome anxio-depressif.

Par ailleurs, il résulte de l'attestation de M. [Y] [E], directeur du site d'[Localité 1], qu'à l'issue d'un entretien avec sa direction au mois d'avril, M. [Z] [J] état 'physiquement marqué et moralement très marqué' et au mois d'octobre , 'choqué, totalement désorienté et littéralement miné et anéanti', au moment du licenciement.

Il existe donc un préjudice distinct du licenciement qu'il y a lieu d'indemniser par l'octroi de la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts.

D) Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail qu'est constitutif d'un travail dissimulé, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, cette indemnité étant due quelle que soit la cause de la rupture.

Toutefois, la dissimulation prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il résulte des développements précédents que M.[Z] [J] avait, au moins jusqu'à l'année 2008, un statut de cadre dirigeant et si effectivement une convention de forfait a été établie ultérieurement, il n'est pas établi que l'omission du décompte des heures supplémentaires, à compter de cette date, ait été intentionnelle, dès lors que c'est la pratique antérieure qui a perduré et que, sous réserve des contestations relatives à la perte d'une partie de son pouvoir décisionnel, les fonctions de M. [Z] [J] n'avaient pas évolué.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande formée à ce titre.

E) Sur les autres rappels de salaire

1) Sur le complément d'indemnités journalières sur la période du 14 mai au

16 octobre 2011

Il sera fait droit à cette demande, à hauteur de 254,43€, dès lors que l'employeur reconnaît devoir une somme supérieure.

2) Sur la demande relative au treizième mois

L'employeur indique que le treizième mois ne serait dû que si la faute grave n'était pas retenue ce qui est le cas.

Il y aura donc lieu de faire droit à la demande à hauteur de 6.853€.

3) Sur la demande au titre du complément d'indemnités journalières du 21 octobre 2011 au 22 avril 2012 à hauteur de 24.447,96€ nets.

M. [Z] [J] produit (pièces 74 et 75) l'ensemble des pièces justifiant du calcul de la somme dont il demande le paiement.

Il justifie par ailleurs avoir fait la même demande par courrier de son conseil en date du 3 février 2012, restée sans réponse.

L'employeur ne peut donc conclure au débouté pur et simple de la demande au motif que le salarié n'apporte aucun justificatif à l'appui de sa demande.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 24.447,96€ nets.

Les intérêts seront calculés sur les sommes ayant une nature de salaire à compter du 6 août 2012, date de la notification des demandes au défendeur devant le conseil de prud'hommes.

La somme de 3.000€ sera allouée à M. [Z] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Cette condamnation emporte rejet de la demande formée par la Sa Arcelor Mittal au même titre.

Le surplus non critiqué des dispositions du jugement sera enfin confirmé,

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

-déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-débouté M. [Z] [J] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau de ces chefs,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail au 17 novembre 2011, et ce aux torts de l'employeur, les sommes allouées par le conseil de prud'hommes, dont la Sa Arcelor Mittal Solustil est devenue débitrice, étant confirmées sur ce fondement ;

CONDAMNE la Sa Arcelormittal Solustil à payer à M. [Z] [J] les sommes suivantes :

- SOIXANTE MILLE EUROS (60.000€) brut au titre des heures

supplémentaires, incluant le repos compensateurs et contreparties obligatoires en repos non pris,

- SIX MILLE EUROS (6.000€) brut au titre des congés payés y afférents,

- CINQ MILLE EUROS (5.000€) à titre de dommages et intérêts,

-DEUX CENT CINQUANTE QUATRE EUROS ET QUARANTE TROIS CENTIMES (254,43€) net à titre de compléments d'indemnités journalières,

- SIX MILLE HUIT CENT CINQUANTE TROIS EUROS (6.853€) brut au titre du treizième mois,

- VINGT-QUATRE MILLE QUATRE CENT QUARANTE

SEPT EUROS ET QUATRE-VINGT SEIZE EUROS (24.447,96€) nets au titre du complément d'indemnités journalières du 21 octobre 2011 au 22 avril 2012,

- TROIS MILLE EUROS (3.000€) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les intérêts seront calculés sur les sommes ayant une nature de salaire à compter du 6 août 2012 ;

CONDAMNE la Sa Arcelor Mittal Solustil aux dépens.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize juin deux mille quinze et signé par Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre et Mme Karine MAUCHAIN, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00460
Date de la décision : 16/06/2015

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°13/00460 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-16;13.00460 ?
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