ARRET N°
JC/GM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 15 MAI 2015
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 13 mars 2015
N° de rôle : 14/00695
S/appel d'une décision
du Conseil de prud'hommes de BELFORT
en sa formation paritaire
en date du 14 mars 2014
code affaire : 84F
Demande d'indemnités ou de salaires liée ou non à la rupture du contrat de travail, présentée après l'ouverture d'une procédure collective
[E] [V]
C/
Me [J] [R] mandataire judiciaire ès qualités de mandataire liquidateur à la liquication judiciaire de la S.A.R.L. ECO ISOL
C.G.E.A. [Localité 1]
PARTIES EN CAUSE :
Madame [E] [V], demeurant [Adresse 1]
APPELANTE
REPRESENTEE par Maître Sylvie TISSERAND-MICHEL, Avocat au barreau de BELFORT
ET :
Maître [J] [R] mandataire judiciaire ès qualités de mandataire liquidateur à la liquication judiciaire de la S.A.R.L. ECO ISOL , demeurant [Adresse 2]
INTIME
REPRESENTE par Maître René SAIAH, Avocat au barreau de BELFORT
Le CENTRE de GESTION et D'ETUDES de l'A.G.S. -' C.G.E.A.' -dont le siège est sis [Adresse 3], Délégation Régionale A.G.S. du NORD-EST, Unité déconcentrée de l'U.N.E.D.I.C., agissant en qualité de gestionnaire de l'A.G.S., en application de l'article L. 143-11-4 du Code du Travail, représentée par son Président actuellement en exercice, demeurant en cette qualité audit siège
PARTIE MISE EN CAUSE
REPRESENTE par Maître René SAIAH, Avocat au barreau de BELFORT
------------------
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 13 mars 2015 :
CONSEILLER RAPPORTEUR : M. Jérôme COTTERET, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Madame Karine BLONDEAU
lors du délibéré :
M. Jérôme COTTERET, Conseiller a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Chantal PALPACUER, et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 15 mai 2015 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S.A.R.L. ECO ISOL, qui faisait partie du groupe FIL-ECOLITH dont l'activité est la fabrication et le commerce de produits et de matériels d'isolation extérieure et intérieure, a été placée en liquidation judiciaire le 4 octobre 2011.
Prétendant avoir été embauchée par la S.A.R.L. ECO ISOL selon contrat à durée indéterminée du 28 février 2007 à compter du 1er mars 1997 comme responsable administratif, Mme [E] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort le 3 août 2012 afin d'obtenir la fixation de créances à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. ECO ISOL de la manière suivante :
- 40'421,48 € brut au titre d'un solde de salaires,
- 10'401,93 € brut au titre des congés payés,
- 9 936,43 € brut au titre du préavis,
- 12'479,99 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 mars 2014, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [E] [V] de l'intégralité de ses demandes au motif qu'elle ne justifie pas de l'existence d'un contrat de travail avec la S.A.R.L. ECO ISOL.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2014, Mme [E] [V] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses écrits déposés le 25 août 2014, elle maintient ses prétentions de première instance, faisant valoir qu'elle travaillait pour la S.A.R.L. ECO ISOL dans le cadre d'un contrat de travail puisqu'il existe un réel lien de subordination défini par le lieu travail, les horaires, la fourniture de matériel professionnel, des directives données par l'employeur avec contrôle par celui-ci de leur bonne exécution.
*
Pour sa part, dans ses conclusions enregistrées le 2 mars 2015, M. [J] [R], liquidateur de la S.A.R.L. ECO ISOL, entend voir confirmé le jugement déféré, y ajoutant une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le liquidateur indique avoir constaté dans l'exécution de sa mission que Mme [E] [V] est apparue comme le gérant de fait de la S.A.R.L. ECO ISOL dans la mesure où elle était seule en capacité de répondre à ses questions, où elle disposait de la signature bancaire et où sa rémunération était fixée par l'assemblée générale.
Il fait remarquer l'existence de liens contractuels et commerciaux entre la S.A.R.L. ECO ISOL et la société FIL-ECO LITH qui en était le principal client et dont Mme [E] [V] était la gérante de droit jusqu'à sa liquidation judiciaire le 4 octobre 2011.
*
Enfin, pour sa part, le Centre de gestion et d'étude de l'AGS [Localité 2] conclut dans ses écrits déposés le 2 mars 2015 à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il relève également la communauté d'intérêts entre Mme [E] [V] et le gérant de droit de la S.A.R.L. ECO ISOL, M. [M] [X], au travers des S.A.R.L. ECO ISOL et société FIL-ECO LITH .
Il ajoute que l'attestation rédigée par le gérant de droit et l'implication de Mme [E] [V] dans la gestion de la S.A.R.L. ECO ISOL démontrent l'absence de lien de subordination de l'appelante et le caractère fictif de son contrat de travail du 21 janvier 1997.
Il précise enfin que le liquidateur a relevé le rôle de gérant de fait de Mme [E] [V], que celle-ci bénéficiait de la signature bancaire, qu'elle engageait la société au quotidien auprès des fournisseurs et des clients, qu'elle a garanti un prêt contracté par la S.A.R.L. ECO ISOL, qu'elle a renoncé sans protester à toute rémunération entre le 1er janvier et le 31 octobre 2010, qu'elle ne cotisait pas au fonds national de garantie des salaires et que sa rémunération était fixée par l'assemblée générale.
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 13 mars 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1° ) Sur l'existence d'un contrat de travail entre Mme [E] [V] et la S.A.R.L. ECO ISOL :
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que la preuve du contrat de travail, lequel suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération, appartient au salarié qui s'en prévaut.
Or, force est de constater que :
- l'assemblée générale ordinaire annuelle du 27 juin 2011 de la S.A.R.L. ECO ISOL a pris acte, en troisième résolution, de la décision de Mme [E] [V] de minorer temporairement sa rémunération. Il est indiqué au procès-verbal: ' suite au constat du résultat négatif, la gérante accepte une diminution temporaire de sa rémunération. La rémunération brute actée est de 4 554,43 €. Provisoirement, et à compter du mois de mars 2011, la rémunération brute est de 3 315,11 €. Dès lors que la situation retrouvera un équilibre positif, l'assemblée décide de repositionner le salaire de la gérante du montant initial, soit un salaire brut de 4 554,43 €. Cette résolution est adoptée à la majorité des voix'.
- le liquidateur atteste, dans un courrier adressé le 28 mars 2012 au Centre de gestion et d'étude de l'AGS de [Localité 3], avoir constaté que le gérant de droit, M. [M] [X], n'était pas en capacité de répondre à ses questions concernant la gestion de l'entreprise et qu'il était toujours accompagné de Mme [E] [V] qui seule était en mesure d'apporter les éléments demandés,
- Mme [E] [V] a souscrit à l'assurance décès invalidité relative au prêt professionnel de 120'000 € souscrit par la S.A.R.L. ECO ISOL le 7 janvier 2010 auprès du crédit agricole de Franche-Comté,
- selon attestation du 6 mai 2011, Mme [U] [M], qui occupait la fonction d'employé administratif, témoigne que le directeur commercial de la S.A.R.L. ECO ISOL devait systématiquement s'adresser à Mme [E] [V] pour obtenir un prix d'achat, interdiction lui étant faite de s'adresser directement aux fournisseurs,
- Mme [E] [V] passait directement les commandes auprès des fournisseurs comme le démontre notamment un contrat de location avec la société GRENKE LOCATION du 6 mai 2009,
- Mme [E] [V] ne verse aucune fiche de paye antérieure au mois d'août 2010 alors qu'elle dit être embauchée par la S.A.R.L. ECO ISOL depuis 1997,
- Mme [E] [V] n'a jamais sollicité le paiement de salaires non versés avant l'ouverture de la procédure collective.
Il ressort de ces éléments que les fonctions de gérance étaient en réalité exercées par Mme [E] [V] dont le comportement traduit les préoccupations d'un dirigeant de société et non d'une simple salariée. L'intéressée ne justifie au surplus pas de la preuve d'un lien de subordination, les éléments qu'elle produit se limitant :
- à une attestation du gérant de droit, M. [M] [X] avec lequel elle se trouve dans une communauté d'intérêts comme le montrent la souscription commune d'une assurance décès relative au prêt professionnel de la société et l'organigramme du groupe,
- à divers documents contractuels ou notes de service signés par le gérant de droit mais manifestement établis pour les besoins de la cause, aucun élément ne permettant d'en vérifier la pertinence,
- des attestations de plusieurs fournisseurs indiquant certes que leur contact commercial était le gérant de droit mais n'apportant aucun élément précis concernant le fonctionnement interne de la S.A.R.L. ECO ISOL.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement rendu le 14 mars 2014 par le Conseil de prud'hommes de Belfort en ce qu'il a dit qu'il n'existe aucun contrat de travail entre la S.A.R.L. ECO ISOL et Mme [E] [V] et en ce qu'il a débouté cette dernière de l'intégralité de ses demandes.
2° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement déféré ayant été intégralement confirmé, Mme [E] [V] devra supporter les entiers dépens d'appel sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.
L'équité commande en revanche d'allouer au Centre de gestion et d'études de l'AGS [Localité 2] et à M. [J] [R], en sa qualité de liquidateur de la S.A.R.L. ECO ISOL, qui ont dû engager des frais de représentation suite à l'appel interjeté par Mme [E] [V], la somme chacun de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel de Mme [E] [V] mal fondé ;
CONFIRME le jugement rendu le 14 mars 2014 par le Conseil des prud'hommes de Belfort en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [E] [V] ;
CONDAMNE Mme [E] [V] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser au Centre de gestion et d'études de l'AGS [Localité 2] et à M. [J] [R], en sa qualité de liquidateur de la S.A.R.L. ECO ISOL, la somme de cinq cents euros (500 €) chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le quinze mai deux mille quinze et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré et par Mlle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,