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21/04/2015 | FRANCE | N°14/00133

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 21 avril 2015, 14/00133


ARRET N°

JC/GM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 21 AVRIL 2015



CHAMBRE SOCIALE





contradictoire

Audience publique

du 10 mars 2015

N° de rôle : 14/00133



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes de BESANCON

en sa formation paritaire

en date du 20 décembre 2013

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires





[B] [N]

C/

S.A.R.L. SARA





PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [B] [N], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



REPRESENTEE par Maître Franck BOUVERESSE, Avocat au barreau de BESANCON



ET :





S.A.R.L. SARA, dont le siège social est sis [Adresse 2]





INTIMEE



R...

ARRET N°

JC/GM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 21 AVRIL 2015

CHAMBRE SOCIALE

contradictoire

Audience publique

du 10 mars 2015

N° de rôle : 14/00133

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes de BESANCON

en sa formation paritaire

en date du 20 décembre 2013

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires

[B] [N]

C/

S.A.R.L. SARA

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [B] [N], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

REPRESENTEE par Maître Franck BOUVERESSE, Avocat au barreau de BESANCON

ET :

S.A.R.L. SARA, dont le siège social est sis [Adresse 2]

INTIMEE

REPRESENTEE par Maître Christine MAYER BLONDEAU, Avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 10 mars 2015

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller, en présence de Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Madame Karine BLONDEAU

lors du délibéré :

Monsieur Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseillers, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Monsieur Gilles RAGUIN, Président de chambre -désigné par ordonnance rendue le 10 mars 2015 par Monsieur le Premier Président, en remplacement de Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, Magistrat régulièrement empêché-

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 avril 2015 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête du 21 janvier 2013, M. [B] [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Besançon.

Il prétend que la S.A.R.L. SARA, qui exploite un supermarché sous l'enseigne 'Eco Market' à [Localité 1], l'a embauché comme boucher diplômé selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 17 mai 2011 et qu'il a été amené à rompre son contrat de travail du fait de l'employeur à compter du 2 juillet 2012.

Il a ainsi sollicité la condamnation de la S.A.R.L. SARA à lui verser les sommes suivantes :

- rappels de salaires et d'heures supplémentaires : 46'130,40 €

- congés payés afférents : 4 613,04 €

- indemnité compensatrice de préavis : 2 800 € brut

- congés payés sur préavis : 280 €

- dommages et intérêts pour rupture abusive : 5 000 €

- frais irrépétibles : 2 000 €

Par jugement rendu le 20 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Besançon a estimé que le salarié ne rapportait pas la preuve d'être lié avec la S.A.R.L. SARA par un contrat de travail à temps complet et l'a débouté de l'intégralité de ses prétentions.

*

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 20 janvier 2014, M. [B] [N] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 1er septembre 2014, il maintient ses prétentions de première instance, y ajoutant les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour travail dissimulé : 16'800 €

- dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail : 10'000 €

Au soutien de ses prétentions, M. [B] [N] affirme avoir été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et non selon le contrat unique d'insertion à temps partiel produit par la S.A.R.L. SARA dont il dit que la signature y figurant n'est pas la sienne.

Il prétend avoir commencé son activité dès le 17 mai 2011 et n'avoir pas été rémunéré intégralement du travail effectué, ni des heures supplémentaires.

Il considère ainsi que la prise d'acte de rupture doit se faire aux torts de l'employeur et que les faits de travail dissimulé et de non respect de la durée légale maximale de travail sont constitués.

*

Pour sa part, dans ses écrits déposés le 25 février 2015, la S.A.R.L. SARA conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique que postérieurement au contrat de travail à durée indéterminée souscrit par M. [B] [N], celui-ci a souhaité régulariser un contrat unique d'insertion le 18 juillet 2011 puis qu'il a démissionné le 17 novembre 2011 pour créer sa propre boucherie avec son fils.

Elle prétend enfin avoir rémunéré M. [B] [N] en espèces, mais conformément au nombre d'heures effectuées et fixé par le contrat unique d'insertion à hauteur de 20 heures par semaine.

*

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 10 mars 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1° ) Sur les relations contractuelles entre M. [B] [N] et la S.A.R.L. SARA :

M. [B] [N] produit un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet signé régulièrement par les parties le 17 mai 2011.

La S.A.R.L. SARA prétend de son côté qu'un contrat unique d'insertion signé postérieurement et validé par Pôle Emploi le 13 août 2011 a emporté novation et que M. [B] [N] a donc été rémunéré conformément à ce contrat unique d'insertion à hauteur de 20 heures par semaine.

Toutefois, un salarié ne pouvant renoncer par avance aux règles du licenciement d'un contrat de travail à durée indéterminée, l'employeur ne peut prétendre que les parties aient entendu substituer un contrat d'insertion professionnelle au contrat de travail à durée indéterminée initial. En effet, un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être résilié que selon les modes de rupture prévus par la loi. (Cass. soc., 18 décembre 2013, pourvoi n° 12-17.925)

C'est donc à juste titre que M. [B] [N] se prévaut de l'application du contrat de travail à durée indéterminée à temps complet signé le 17 mai 2011.

2° ) Sur les rappels de salaire et d'heures supplémentaires :

M. [B] [N] prétend non seulement que son employeur ne lui aurait pas payé intégralement les heures figurant sur ses bulletins de paye mais également qu'il travaillait 7 jours sur 7 et 10 heures par jour.

C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli (Cass. soc., 12'févr. 1985, pourvoi n°'84-44.210'; Cass. soc., 24'avr. 1985, pourvoi n°'84-42.842). La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu en cas de contestation de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables (Cass. soc., 2'févr. 1999, pourvoi n°'96-44.798, Bull. civ.'V, n°'48, p.'36).

La S.A.R.L. SARA prétend, sur la base d'attestations, avoir payé l'intégralité des salaires, pour l'essentiel en espèces.

Force est pourtant de constater que les attestations rédigées par Mme [I] [A], M. [G] [L] et M. [Y] [K] sont particulièrement vagues, les intéressés n'ayant pas assisté aux remises alléguées d'argent, et ne précisant ni le montant des sommes concernées ni les périodes de travail en cause.

De plus, la S.A.R.L. SARA ne produit aucune pièce comptable, ni quittance signée de la main du salarié si bien qu'il convient de considérer que ce dernier n'a effectivement perçu comme il le prétend que la somme de 1 222,06 €.

Concernant les heures supplémentaires, il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

À défaut d'élément fourni par l'employeur, le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires au motif que les pièces fournies par celui-ci sont insuffisamment probantes. (Cass. soc, 11 juin 2014, pourvoi n° 12-28.308, Inédit).

M. [B] [N] soutient avoir travaillé du 17 mai au 16 novembre 2011 pendant l'intégralité des heures d'ouverture du magasin, soit 70 heures par semaine.

Plusieurs clients de la S.A.R.L. SARA témoignent avoir vu M. [B] [N] travailler au rayon boucherie quels que soient les jours ou les heures auxquels ils s'y rendaient faire leurs courses. (Attestations de M. [E] [P], M. [F] [C], M. [D] [M], M. [S] [R], M. [O] [Q]).

Or, pour sa part, l'employeur ne produit aucun élément de preuve pertinent contraire, se contentant d'affirmer que M. [B] [N] ne pouvait pas travailler 70 heures par semaine notamment au motif qu'il ressort des relevés bancaires produits par le salarié que celui-ci a effectué des retraits d'argent à des heures où il prétend avoir travaillé et que l'un des bouchers du rayon, M. [G] [L], atteste que M. [N] ne venait au magasin que certains matins, devant s'occuper de ses deux femmes.

Toutefois, l'attestation de M. [L] reste isolée et sujette à caution notamment dans la mesure où elle fait référence à des éléments de la vie privée de M. [B] [N] et où il existe un lien de subordination entre l'employeur et le témoin.

De même, à défaut de production des fichiers vidéo des distributeurs automatiques de billets, rien n'indique que la carte bancaire de M. [B] [N] ait été réellement utilisée par celui-ci et non par un tiers aux heures où il se trouvait au magasin.

En revanche, la S.A.R.L. SARA ne précise pas quels étaient les moyens mis en place pour contrôler les horaires de travail et les éventuelles heures supplémentaires de ses salariés (badges, plannings, pointeuses, cahiers de déclarations d'heures).

Au regard de ces éléments, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaires et d'heures supplémentaires de M. [B] [N] de la manière suivante :

- 35 heures par semaine x 18,461 € x 30 semaines =

19 384,05 €

- 8 heures supplémentaires à 25 % x 1,25 x 30 semaines =

5 538,30 €

- 27 heures supplémentaires à 50 % x 1,5 x 30 semaines =

22 430,12 €

- sous total :47 352,47 €

- à déduire acomptes versés :- 1 222,06 €

---------

- total :46 130,41 €

- congés payés afférents : 4 613,04 €

3° ) Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8221-5 2° du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur (...) de mentionner sur le bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

En application d'une jurisprudence constante, la Cour de Cassation rappelle que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires, sauf si la dissimulation, dont l'appréciation se fait de manière souveraine par les juges du fond, est ancienne et importante (Cass. Soc., 20 juin 2013, pourvoi n° 10-20.507).

Or, il résulte des éléments ci-dessus que les heures supplémentaires réalisées par M. [B] [N] représentent la moitié de son temps de travail total.

Ainsi, il ne saurait être prétendu, étant au surplus rappelé que l'employeur n'avait mis en place aucun système de contrôle et de calcul des heures réellement effectuées, que l'omission sur les bulletins de paye des heures supplémentaires ne relève pas d'un caractère intentionnel.

Il convient donc de faire application des dispositions de l'article L. 8221-3 du code du travail en condamnant la S.A.R.L. SARA à payer à M. [B] [N] l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire, soit la somme de 16 800 €.

3° ) Sur l'imputabilité de la rupture et ses conséquences indemnitaires :

a - Sur la cause de la rupture :

Il résulte de l'article L. 1237-1 du code du travail que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement lorsque l'employeur, par son fait, a rendu impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail et l'a contraint à démissionner.

En l'espèce, il a été jugé que la S.A.R.L. SARA n'a jamais payé à M. [B] [N] ses heures supplémentaires et qu'il les a dissimulées volontairement sur les bulletins de paye.

Les salaires n'ont de même pratiquement pas été payés.

C'est dès lors de manière erronée que les premiers juges n'ont pas déclaré équivoque la démission du salarié.

Il convient d'infirmer le jugement sur ce point en requalifiant la démission en rupture aux torts de l'employeur.

b - sur les demandes indemnitaires :

En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, l'indemnité à laquelle peut prétendre le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté doit correspondre au préjudice subi.

Au regard des circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié à hauteur de 5 000 €.

De même, le non respect de la durée maximale de travail cause nécessairement à M. [B] [N] un préjudice distinct qui devra être réparé par l'octroi de dommages et intérêts que la Cour fixe à la somme de 2 000 €.

La rupture aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [B] [N] est enfin bien fondé à réclamer l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, soit :

- indemnité compensatrice de préavis : 2 800 € brut

- congés payés sur préavis : 280 € brut

4° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Dans la mesure où la S.A.R.L. SARA a succombé intégralement à hauteur d'appel, elle devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel sans pouvoir prétendre elle-même à l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche d'allouer à M. [B] [N] une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE l'appel de M. [B] [N] bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Besançon le 20 décembre 2013 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ;

En conséquence :

CONDAMNE la S.A.R.L. SARA à payer à M. [B] [N] les sommes suivantes :

- quarante six mille cent trente euros quarante centimes (46'130,40 €) brut rappels de salaires et d'heures supplémentaires ;

- quatre mille six cent treize euros quatre centimes (4 613,04 €) brut au titre des congés payés afférents ;

- deux mille huit cents euros (2 800 €) brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- deux cent quatre vingt euros (280 €) brut au titre des congés payés sur préavis ;

- cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- seize mille huit cents euros (16 800 €) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- deux mille euros (2 000 €) à titre de dommages et intérêts pour non-

respect de la durée légale maximale de travail ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. SARA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A.R.L. SARA aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [B] [N] une indemnité de mille euros

(1 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un avril deux mille quinze et signé par Mr Gilles RAGUIN, Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré et par Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/00133
Date de la décision : 21/04/2015

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°14/00133 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-21;14.00133 ?
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