La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2015 | FRANCE | N°13/01743

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 03 mars 2015, 13/01743


ARRET N°

JC/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 03 MARS 2015



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 20 janvier 2015

N° de rôle : 13/01743



S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MONTBELIARD

en date du 12 juillet 2013

Code affaire : 89B

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour

faute inexcusable





S.A.S. SUP INTERIM 90

C/

[C] [U]

S.A.R.L. CUTTING BELFOR

C.P.A.M. du DOUBS -site de [Localité 1]-



PARTIES EN CAUSE :



S.A.S. SUP INTERI...

ARRET N°

JC/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 03 MARS 2015

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 20 janvier 2015

N° de rôle : 13/01743

S/appel d'une décision

du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MONTBELIARD

en date du 12 juillet 2013

Code affaire : 89B

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

S.A.S. SUP INTERIM 90

C/

[C] [U]

S.A.R.L. CUTTING BELFOR

C.P.A.M. du DOUBS -site de [Localité 1]-

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. SUP INTERIM 90, dont le siège social est sis [Adresse 2]

APPELANTE

REPRESENTEE par Me Brigitte BEAUMONT substituée par Me Fabienne MICHELET, Avocats au barreau de PARIS

ET :

Monsieur [C] [U], demeurant [Adresse 3]

INTIME

COMPARANT EN PERSONNE, assisté de Me Florence ROBERT, Avocat au barreau de BESANCON

S.A.R.L. CUTTING BELFORT, dont le siège social est sis [Adresse 4]

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Yves BOUVERESSE, Avocat au barreau de [Localité 1]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE - C.P.A.M. DU DOUBS SITE DE [Localité 1], dont le siège social du service contentieux est sis [Adresse 1]

INTIMEE

REPRESENTEE par Madame [T] [B], responsable adjointe du service contentieux selon pouvoir général, permanent pour l'année 2015 daté et signé par Monsieur [F] [W], directeur de la C.P.A.M. du DOUBS

----------------------------------

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 20 janvier 2015

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

GREFFIER : Madame Karine BLONDEAU

lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame Chantal PALPACUER

CONSEILLERS : M. Jérôme COTTERET et Monsieur Patrice BOURQUIN

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 03 mars 2015 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [C] [U] a été victime d'un accident du travail le 15 juillet 2010 alors qu'il était mis à disposition de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT dans le cadre d'un contrat d'intérim comme mécano-soudeur de la S.A.S SUP INTERIM 90.

La Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle et a fixé une incapacité permanente partielle de 10 %.

Suite à un procès-verbal de non-conciliation du 23 août 2012, M. [C] [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 1] par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 26 décembre 2012 afin de faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable.

La S.A.S SUP INTERIM 90 a sollicité par lettre datée du 8 mars 2013 l'appel en intervention forcée de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT.

Par jugement rendu le 12 juillet 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard a dit que l'accident du travail dont a été victime M. [C] [U] est dû à la faute inexcusable de la S.A.S SUP INTERIM 90, en sa qualité d'employeur juridique, du fait de la faute de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT. Le tribunal a ordonné la majoration de la rente à son maximum en disant qu'elle suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle et a ordonné une expertise médicale aux frais avancés de la Caisse afin de déterminer le préjudice de la victime.

Le tribunal a sursis à statuer sur le recours de la Caisse contre la S.A.S SUP INTERIM 90 ainsi que sur le recours de l'employeur juridique contre l'entreprise utilisatrice.

Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 2013, la S.A.S SUP INTERIM 90 a interjeté appel de cette décision.

Dans ses écrits déposés le 14 janvier 2015, elle soutient que les conditions de présomption de la faute inexcusable de l'article L. 4154 du code du travail ne sont pas réunies dans la mesure où M. [C] [U] n'était pas affecté à un poste présentant un risque particulier pour sa santé ou sa sécurité et où aucune formation renforcée à la sécurité n'était donc nécessaire.

Elle ajoute que les circonstances exactes de l'accident demeurent indéterminées et que M. [C] [U] ne rapporte pas la preuve, pour faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable, que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il l'exposait, ni qu'il n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Elle considère pour sa part n'avoir commis aucune faute, rappelant que, s'agissant de l'appréciation d'une faute inexcusable, l'entreprise utilisatrice la substitue dans la direction..

À titre subsidiaire, elle entend voir :

- condamnée la S.A.R.L. CUTTING BELFORT à la garantir de l'intégralité des condamnations financières qui seraient susceptibles d'être prononcées à son encontre,

- limitée la mission d'expertise aux seuls postes de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Pour sa part, dans ses conclusions déposées le 16 décembre 2014, la S.A.R.L. CUTTING BELFORT fait valoir qu'à défaut d'enquêtes de gendarmerie et administrative de la part de la Caisse, les circonstances de l'accident restent indéterminées si bien que les conditions de présomption de la faute inexcusable ne sont pas réunies.

Elle ajoute que le salarié n'était pas affecté à une tâche dangereuse, qu'il disposait des éléments de sécurité et de la formation préalable nécessaires.

Elle entend également voir déboutée la S.A.S SUP INTERIM 90 de son action récursoire et limitée la mission d'expertise aux seuls postes de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Elle conclut enfin à la condamnation de M. [C] [U] à lui payer une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qui le concerne, M. [C] [U], dans ses écrits enregistrés le 13 novembre 2014, conclut à la confirmation du jugement, y ajoutant une indemnité de 2 000 € qu'il entend voir la S.A.S SUP INTERIM 90 condamnée à lui verser en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés mis à disposition des entreprises utilisatrices par une entreprise de travail temporaire dès lors que ceux-ci, affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers, n'ont pas bénéficié de la formation de sécurité renforcée prévue par le code du travail.

Or, il prétend que son poste de mécano-soudeur figurait sur la liste des postes à risque particulier de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT mais que ce risque n'étant pas mentionné sur son contrat de mission, il n'a pas bénéficié de la formation nécessaire.

Il souligne enfin que l'entreprise de travail temporaire étant son employeur, elle demeure seule responsable des conséquences financières de l'accident du travail.

Dans ses écrits déposés le 15 décembre 2014, la Caisse primaire d'assurance maladie du Doubs s'en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne l'appréciation de la faute inexcusable de l'employeur, soulignant dans l'affirmative qu'il conviendra de condamner la S.A.S SUP INTERIM 90 à lui rembourser le montant de la majoration de la rente qu'elle sera amenée à verser à l'assuré.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 20 janvier 2015.

SUR CE, LA COUR

1° ) Sur la reconnaissance de la faute inexcusable :

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 454-2 et L. 454-3 du code du travail que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptée dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

En l'espèce, M. [C] [U] a été victime d'un accident du travail le 15 juillet 2010 alors qu'il était mis à disposition de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT dans le cadre d'un contrat d'intérim comme mécano-soudeur de la S.A.S SUP INTERIM 90, une poutre métallique lui ayant écrasé le pied gauche avec section du 3ème orteil lors d'une manoeuvre de manutention avec le pont roulant.

Il ressort en effet du rapport de l'inspection du travail du 17 septembre 2010 que le contrat de mise à disposition de la victime n'a pas mentionné que le poste occupé figurait sur la liste des postes à risque particulier de l'entreprise utilisatrice.

Toutefois, il résulte du curriculum vitae de M. [C] [U] et des attestations délivrées par le Centre interprofessionnel de promotion économique et sociale Nord Franche-Comté que le salarié avait bénéficié des formations et subi les tests relatifs au Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité d'engins de chantier (spécialisation cariste et PEMP catégories 1 B et 3B dans lesquelles entre le pont roulant impliqué dans l'accident).

En conséquence, dans la mesure où M. [C] [U] bénéficiait déjà de la formation nécessaire au poste à risque sur lequel il a été affecté, il ne peut invoquer la présomption de la faute inexcusable et doit donc rapporter la preuve, en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, que l'employeur a manqué à l'obligation contractuelle de sécurité de résultat dont il est débiteur au motif que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n'a pas pris les mesures de prévention et de protection nécessaires pour en préserver son personnel.

Or, il résulte de l'attestation rédigée par M. [S] [I], directeur du site où s'est produit l'accident, que l'entreprise utilisatrice, qui ignorait que M. [C] [U] était titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité d'engins de chantier, lui avait formellement interdit d'effectuer toute manoeuvre avec le pont roulant en raison d'un incident qu'il avait provoqué quelques jours auparavant suite au non-respect de règles de manutention.

En conséquence, la S.A.R.L. CUTTING BELFORT, en prenant cette mesure d'interdiction à l'encontre d'un salarié intérimaire dont elle pensait qu'il n'avait pas les compétences requises pour manoeuvrer un pont roulant, a pris les mesures de prévention et de protection nécessaires pour préserver celui-ci d'un accident.

C'est donc à tort que le jugement déféré a dit que l'accident du travail dont a été victime M. [C] [U] le 15 juillet 2010 est dû à la faute inexcusable de la S.A.S SUP INTERIM 90, en sa qualité d'employeur juridique, du fait de la faute de la S.A.R.L. CUTTING BELFORT, qui l'a substituée.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter M. [C] [U] de l'intégralité de ses prétentions.

2° ) Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens, la présente procédure étant gratuite et sans frais.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel de la S.A.S SUP INTERIM 90 bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Montbéliard le 12 juillet 2013 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que l'accident du travail dont a été victime M. [C] [U] le 15 juillet 2010 n'est pas due à une faute inexcusable de l'employeur ou de la société utilisatrice;

En conséquence :

DÉBOUTE M. [C] [U] de l'intégralité de ses prétentions ;

DIT n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile

RAPPELLE que la présente procédure est sans frais.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le trois mars deux mille quinze et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, et par Mlle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01743
Date de la décision : 03/03/2015

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°13/01743 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-03;13.01743 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award