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17/09/2013 | FRANCE | N°12/00897

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 17 septembre 2013, 12/00897


ARRET N°

HB/I.HIL/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2013



CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 26 mars 2013

N° de rôle : 12/00897



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MONTBELIARD

en date du 04 avril 2012

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



[O] [L]

C/

ERDF - G

RDF

SYNDICAT C.G.T. DU PERSONNEL DES INDUSTRIES DE L'ENERGIE DU CENTRE E.G.S. FRANCHE COMTE SUD





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [O] [L], demeurant [Adresse 1]



APPELANT



COM...

ARRET N°

HB/I.HIL/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2013

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 26 mars 2013

N° de rôle : 12/00897

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MONTBELIARD

en date du 04 avril 2012

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[O] [L]

C/

ERDF - GRDF

SYNDICAT C.G.T. DU PERSONNEL DES INDUSTRIES DE L'ENERGIE DU CENTRE E.G.S. FRANCHE COMTE SUD

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [O] [L], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté de Me Xavier GOSSELIN, avocat au barreau de PARIS

ET :

ERDF - GRDF, ayant son siège social, [Adresse 3]

INTIMEE

REPRESENTE par Me Annie SCHAF-CODOGNET, avocat au barreau de NANCY

SYNDICAT C.G.T. DU PERSONNEL DE SINDUSTRIES DE L'ENERGIE DU CENTRE E.G.S. FRANCHE COMTE SUD, ayant son siège social, [Adresse 2]

REPRESENTE par Me Xavier GOSSELIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 26 Mars 2013 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 14 mai 2013 et prorogé au 17 septembre 2013 par mise à disposition au greffe.

**************

Monsieur [O] [L], titulaire d'un DUT génie électrique, électrotechnique, a été engagé le 1er janvier 1985 en qualité de technicien supérieur au sein du centre EDF-GDF Services de Besançon, et classé au niveau GF 8 (groupe fonctionnel agents de maîtrise) NR9 (niveau de rémunération).

Il a occupé depuis lors différents postes, au fil des restructurations successives d'EDF et GDF et de leurs filiales de distribution ERDF et GRDF, et des services communs de celles-ci, et il exerce actuellement depuis 2007 les fonctions de 'chargé d'études senior' niveau GF 10 NR 145 au sein de l'URE Alsace Franche-Comté.

Militant syndical au sein de la CGT depuis 1991, il a été élu en novembre 1997, membre titulaire du comité mixte à la production du centre de Franche-Comté Sud et n'a cessé depuis lors d'exercer des responsabilités syndicales et électives en qualité de membre CHSCT de l'entité clientèle (2006-2007) et de délégué du personnel du collège maîtrise et cadres élu en décembre 2007.

Le 27 novembre 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon d'une demande en paiement de primes d'adaptation et de prime d'incitation à la mobilité fonctionnelle orientée, qu'il a complétées en cours d'instance le 3 décembre 2009 par des demandes de dommages et intérêts pour préjudice de carrière, préjudice moral et perte de chance en lien avec son appartenance syndicale.

A la suite de son élection en décembre 2008 en qualité de conseiller prud'homal au sein dudit conseil, l'examen de l'affaire a fait l'objet d'un renvoi en application de l'article 47 du code de procédure civile devant le conseil des prud'hommes de Montbéliard, lequel, par jugement en date du 4 avril 2012, rendu en formation de départage, auquel il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire du Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS de Franche-Comté Sud à l'instance,

- constaté que Monsieur [O] [L] se désistait de sa demande tendant au paiement de la prime de mobilité fonctionnelle orientée,

- déclaré l'instance éteinte sur ce point tout en constatant son dessaisissement,

- condamné les sociétés ERDF-GRDF à payer à Monsieur [O] [L] la somme de 5004,52 €, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 11 décembre 2008,

- débouté Monsieur [O] [L] du surplus de ses demandes,

- débouté le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS de Franche-Comté Sud de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné les défenderesses à verser à Monsieur [O] [L] une indemnité de 1500 € (1500 €) pour frais irrépétibles,

- débouté le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS de Franche-Comté Sud de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles,

- condamné les sociétés ERDF-GRDF aux dépens.

Monsieur [O] [L] et le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2012.

Ils demandent à la cour d'infirmer celui-ci en ce qu'il a écarté l'existence d'une discrimination syndicale au préjudice de Monsieur [O] [L] et débouté celui-ci de ses demandes de reconstitution de carrière et de dommages et intérêts, ainsi que celle du Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession qu'il représente et en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la prime d'adaptation réclamée par le salarié, et statuant à nouveau, sur ces chefs de demandes, de :

- dire et juger que Monsieur [O] [L] fait l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales et de l'exercice de ses mandats de représentant du personnel, discrimination prohibée notamment par les articles L 1132-1 et L 2141-5 du code du travail,

- dire et juger que Monsieur [O] [L] est bien fondé à solliciter l'attribution de la prime d'adaptation pour la période du 1er janvier 2006 au 1er juillet 2007,

En conséquence,

- ordonner à l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF d'attribuer à Monsieur [O] [L] le classement groupe fonctionnel (GF) 11 à effet du 1er janvier 2002, et ce dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 250 € par jour de retard passé ce délai,

- ordonner à l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF d'attribuer à Monsieur [O] [L] le niveau de rémunération (NR) 200 à effet du 1er janvier 2012, et ce dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 250 € par jour de retard passé ce délai,

- se réserver le droit de liquider lesdites astreintes,

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser à Monsieur [O] [L] la somme de 132,677 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi du fait de la discrimination syndicale dont il a pu faire l'objet,

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser à Monsieur [O] [L] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la discrimination syndicale dont il a pu faire l'objet,

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser au Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser à Monsieur [O] [L] la somme de 4930,30 € au titre de la prime d'adaptation pour la période du 1er janvier 2006 au 1er juillet 2007,

- assortir l'ensemble de ces condamnations des intérêts au taux légal, avec capitalisation, conformément aux articles 1153 et 1154 du code civil, à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Besançon par la partie intimée (16 décembre 2008),

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser au Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de' l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

Et y ajoutant :

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF à verser à Monsieur [O] [L] la somme de 2500 € et au Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud la somme de 300 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel,

- condamner l'URE Alsace Franche-Comté ERDF-GRDF aux entiers dépens d'appel.

Les sociétés ERDF et GRDF qui relèvent appel incident en ce qui concerne leur condamnation au paiement d'une prime d'adaptation, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [L] de sa demande d'indemnisation et de reconstitution de carrière au titre de la discrimination syndicale et le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud de sa demande de' dommages et intérêts après avoir constaté que le salarié n'énonce pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, que sa situation est conforme à la moyenne des situations de salariés de même ancienneté embauchés selon les mêmes conditions que lui et qu'il est versé aux débats un ensemble d'éléments objectifs excluant toute notion de discrimination syndicale, qu'enfin et en tout état de cause il n'établit pas qu'il pourrait bénéficier du classement au GF 11 NR 195,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur [O] [L] en paiement d'une prime d'adaptation de 5004,32 €, pour sa mutation du 1er juillet 2007, en violation des conditions statutaires et alloué à celui-ci une indemnité de 1500 € au titre des frais irrépétibles,

- rejeter en conséquence l'ensemble des prétentions des appelants et les condamner aux dépens.

SUR CE, LA COUR

Vu les dernières conclusions écrites des parties visées au greffe le 26 mars 2013, reprises oralement à l'audience par leurs conseils,

Vu les dispositions des articles L 1132-1, L 1134-1 et suivants du code du travail,

Vu les pièces produites,

Sur la discrimination syndicale et le préjudice de carrière

Monsieur [O] [L] soutient qu'il est victime depuis 1991, et surtout depuis 1997, d'un traitement discriminatoire lié à l'exercice de ses responsabilités syndicales et de ses mandats de représentant du personnel, caractérisé par :

1° - une mise 'au placard' sur le plan fonctionnel, suite à une décision unilatérale de la direction de le placer en 1997 en position de 'surnombre' sans affectation à un poste précis, le mettant ainsi à l'écart de l'organisation du travail et ce pendant près de neuf ans de 1997 à 2006,

2° - une atteinte à sers droits en matière de rémunération et de retraite tels que : le non-paiement de la prime de mobilité fonctionnelle orientée, (finalement obtenue après six ans de réclamations) et des primes d'adaptation prévues en cas de mobilité fonctionnelle impliquant un changement de métier, alors qu'il a été affecté successivement en 2006 et 2007 au service clientèle - ATCF (accueil clients fournisseurs) puis à un poste de chargé d'études senior AMOA, enfin le retrait injustifié de la qualification de 'services actifs' concernant les emplois occupés par lui de 2006 à 2010, décision préjudiciable à ses droits à la retraite, qui a finalement été régularisée en cours de procédure,

3° - un retard de près de 10 ans dans sa progression de carrière au sein du groupe fonctionnel des agents de maîtrise (GF 7 à 11) par rapport aux agents embauchés au même niveau et au même classement que lui et d'ancienneté similaire, caractérisé par un temps moyen d'acquisition de NR ou de GF supplémentaire deux fois supérieur à celui de ses collègues, et par un classement au 1er janvier 2013 au niveau GF 10 NR 145 alors que le classement médian pour une ancienneté similaire se situe au niveau GF 13 NR 200.

S'agissant du premier grief, les sociétés intimées font valoir que l'affectation en 'surnombre' de Monsieur [O] [L] en 1997 était la conséquence du refus du classement de son emploi issu de la nouvelle méthode d'évaluation des emplois (circulaire PERS 946 du 25 avril 1994 dite M3E).

Elle ne signifie nullement que l'agent est laissé sans activité, mais seulement qu'il n'est pas affecté dans un emploi de l'organigramme pour une période qui peut varier dans le temps.

Il résulte des pièces produites que Monsieur [O] [L] qui était alors classé au niveau GF 09 NR 12 a effectivement contesté le classement de l'emploi qu'il occupait alors à la position 'G' correspondant aux emplois classés dans la plage GF 07-08-09, ce qui était son droit le plus strict en vertu de la circulaire PERS 946, et était apparemment légitime dans la mesure où ce classement lui interdisait d'évoluer sur son poste d'assistant technique principal aux niveaux supérieurs de la catégorie agents de maîtrise (GF 10 et 11), alors qu'il avait déjà 12 ans d'ancienneté et avait atteint le niveau GF 9 NR 12 au 1er janvier 1996.

Il n'est nullement établi en revanche par la direction en quoi cette contestation empêchait qu'il soit reconduit sur son poste d'assistant technique principal au même niveau dans la nouvelle unité issue de la séparation - restructuration des services commerciaux d'EDF et GDF qui a été créée en janvier 1998 et pour quel motif il s'est vu refuser son intégration au sein de l'unité (cf attestations [M] et [Q] pièce 26-27 de l'appelant) tout en continuant à prêter un appui occasionnel à ses anciens collègues du service commercial.

Il produit d'ailleurs divers documents (pièces numéros 91 A à H) établissant que de nombreux salariés ont formé comme lui un recours après l'évaluation de leur poste, et ont été maintenus sur celui-ci et non pas placés en surnombre.

Force est de constater de plus qu'en dépit d'une démarche de son organisation syndicale en 2002, il a été maintenu en surnombre pendant près de 9 ans jusqu'au 3 avril 2006, date à laquelle il a reçu notification de sa mutation d'office à effet du 1er janvier 2006 à un emploi d'agent technique au service ATCF domaine technique clientèle, emploi classé au groupe G (comme le précédent !) alors même qu'il avait bénéficié d'un reclassement au niveau GF 10 NR 14 à compter du 1er juin 2005, qu'il conservait naturellement dans ce nouvel emploi.

Celui-ci correspondait en réalité à un poste de 'conseiller clientèle distributeur' qu'il n'occupera finalement que pendant un an avant de se voir proposer d'exercer un nouveau métier de 'chargé d'études senior' début 2007.

Il apparaît donc bien en définitive que le refus par Monsieur [O] [L] du classement de son poste d'assistant technique principal dans le groupe G ne pouvait constituer une raison objective de son placement en 'surnombre' et de son maintien dans cette position pendant près de 9 ans, et qu'à défaut d'autre explication valable, la cour est en droit de présumer que cette décision procède d'une volonté de la direction de mise à l'écart du reste du personnel d'un militant syndical trop impliqué dans la défense des intérêts collectifs, son affectation pouvant être modifiée à tout moment au gré des besoins ou des intérêts de celle-ci.

Il est établi en second lieu par le salarié qu'il n'a pu obtenir à l'amiable, malgré plusieurs réclamations, les primes d'adaptation et d'incitation à la mobilité fonctionnelle orientée auxquelles il pouvait prétendre à la suite du changement de métier qu'il a accepté en 2006 puis 2007 et que le versement de la prime de mobilité fonctionnelle n'est intervenu qu'après l'introduction de la procédure prud'homale en mai 2011.

En l'absence d'explications crédibles des intimées, la résistance opposée à cette demande caractérise indiscutablement une discrimination liée à l'activité syndicale du salarié.

De même le contentieux né entre les parties à propos de la qualification des services effectués par Monsieur [O] [L] en services 'actifs', 'sédentaires' ou 'mixtes', déterminant l'étendue de ses droits à pension de retraite, traduit une propension récurrente de la direction à restreindre les droits statutaires de celui-ci et à le placer en situation de devoir en permanence en réclamer le bénéfice.

Sur ce point également il n'a été rétabli dans ses droits au titre de la période 2006 à 2010 que le 13 novembre 2012 soit en cours d'instance.

Enfin l'examen des différents panels de comparaison communiqués de part et d'autre aux débats met en évidence une évolution de carrière de Monsieur [O] [L] anormalement lente comparée à celle de la plupart des agents de maîtrise recrutés au même niveau que lui (GF 8 NR 9) avec des diplômes équivalents, présents au sein de l'URE Alsace Franche-Comté.

Le déroulement de carrière de Monsieur [O] [L] est le suivant :

DATE

EMPLOI

CLASSEMENT

1er janvier 1985

embauche

jeune technicien supérieur

GF 8 NR 90 puis NR 100

1er janvier 1990

Agent technique principal

des applications (groupe G)

GF 9 NR 110

1er janvier 1996

Agent technique principal

des applications (groupe G)

NR 120

1er janvier 2003

Agent technique principal des applications (groupe G)

NR 130

septembre 1997 - décembre 2005

en surnombre

1er juin 2005

en surnombre

GF 10 NR 140

1er janvier 2006

Agent technique ATCF

conseiller clientèle (groupe G)

GF 10 NR 140

1er juillet 2007

Chargé d'études senior (groupe F)

GF 10 NR 140

1er janvier 2013

Chargé d'études sénior (groupe F)

GF 10 NR 145

Il apparaît ainsi qu'au cours de ses 28 ans de services au sein du centre de Franche-Comté Sud puis de L'URE Alsace Franche -Comté du 1er janvier 1985 au 1er janvier 2013 il n'a bénéficié que de deux reclassements au groupe fonctionnel supérieur GF 9 puis GF 10, le premier après 5 ans de fonctions en 1990, le second après plus de 20 ans, tandis que son niveau de rémunération n'a évolué entre 1990 à 2005, soit en 15 ans de 110 à 140, (3 niveaux) et de juin 2005 à janvier 2013 soit 7,5 ans de 140 à 145, étant observé au surplus qu'il n'a bénéficié d'aucun entretien d'évaluation annuel avant 2003, alors que le principe en avait été adopté au sein de l'entreprise depuis 1994.

Il fait observer que parmi la totalité des agents classés au GF 10 comme lui il accuse à la date du 31 décembre 2009 le plus important temps passé sans avancement (passage au NR supérieur) soit 4,58 ans depuis l'attribution du niveau GF 10 NR 140 au 1er juin 2005.

Il a été en fait bloqué à ce niveau pendant 7,5 ans jusqu'au 1er janvier 2013, date à laquelle lui a été attribué le NR 145, ce qui est une situation anormale en soi, au regard des taux d'avancement fixés par une note ERDF relative aux avancements de NR au choix pour 2010 (pièce 31) de 41 % pour le collège maîtrise, qui doit être justifiée par des éléments objectifs.

L'article 2-5 de ladite note intitulé 'butées d'ancienneté' prévoit en effet que 'la situation des agents dont le temps d'activité dans leur niveau de rémunération est égal ou supérieur à 4 ans est examinée en priorité au moment des avancements afin de leur accorder, sauf choix négatif qui doit être clairement motivé et exprimé dans le cadre de la commission secondaire du personnel, un avancement de niveau dans le cadre du contingent annuel. La situation des agents qui se trouveraient dans ce cas sera examinée dans le cadre d'un entretien hiérarchique.

Or aucune trace de la mise en oeuvre de cette procédure ne figure au dossier.

Plus globalement le panel de comparaison communiqué par l'appelant en pièce n° relatif à la carrière de 17 salariés recrutés au même niveau de diplôme et de classement que Monsieur [O] [L] fait apparaître que le rythme moyen de leur progression de carrière se situe à 68 mois pour le passage au GF supérieur et à 13,5 mois pour le passage au NR supérieur alors que son rythme moyen personnel est respectivement de 150 mois (GF) et de 27,27 mois (NR) entre janvier 1985 et janvier 2010 (2 GF et 11 NR en 300 mois).

Les sociétés intimées produisent pour leur part un panel de 42 salariés correspondant à l'ensemble des agents de maîtrise et cadres inscrits à l'effectif de L'URE Alsace Franche-Comté fin 2009 qui sont entrés dans l'entreprise entre 1973 et 2001 au même niveau (GF 8 NR 8-9-10) que Monsieur [O] [L], document qui mentionne leur âge, leur classement actuel et l'évolution de leur carrière au cours des années antérieures.

Force est de constater que ces indications viennent corroborer l'évolution anormalement lente de la carrière de Monsieur [O] [L] en ce que :

- les huit agents de maîtrise classés au même niveau que lui GF 10 NR 130 à 165, ont tous une ancienneté dans l'entreprise inférieure à la sienne de 3 à 15 ans, les plus anciens entrés entre 1988-1990 ayant de plus un niveau de rémunération supérieur au sien, soit 150 et 165,

- en sens inverse parmi les huit agents entrés dans l'entreprise entre 1980 et 1990, seuls deux d'entre eux sont classés à un niveau inférieur à Monsieur [O] [L], mais à un niveau de rémunération équivalent (Monsieur [C] entré en 1983 classé GF 8 NR 140 et Monsieur [W] entré en 1988 classé GF 9 NR 140), les six autres sont classés à un niveau supérieur GF 10 et GF 11, NR 150/165/180 à ancienneté égale (1) ou inférieure (3), les deux plus anciens que lui (1980-1981) ayant accédé au niveau cadre (GF 14 et 15).

Les pièces communiquées par les sociétés intimées ne permettent pas d'accréditer que le retard de carrière anormal de Monsieur [O] [L] repose sur des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Ses évaluations annuelles de 2003 à 2007 ne font pas état de carences particulières sur le plan technique et confirment qu'il s'acquitte de ses missions avec sérieux et diligence.

Elles ne peuvent invoquer son absence de mobilité sans établir ni même alléguer que des postes étaient disponibles dans le secteur géographique de son unité pendant sa période de placement en surnombre, qu'il aurait refusés.

Il a fait preuve par ailleurs de mobilité fonctionnelle en 2006 et 2007 en acceptant un poste de chargé de clientèle puis de chargé d'études senior.

Quant à son absence d'aptitude au management qui aurait été constatée lors de son affectation au service ATCF, elle n'est pas réellement étayée et ne saurait en tout état de cause lui interdire d'accéder au niveau GF 11, alors que d'une part l'emploi qu'il occupe relève du groupe F et lui donne vocation à un classement au niveau le plus élevé de la catégorie des agents de maîtrise, qu'il n'est pas établi d'autre part par des documents relatifs à la classification des emplois que le niveau supérieur est réservé aux fonctions d'encadrant.

Il convient d'observer à cet égard que le statut cadre lui-même n'implique pas obligatoirement l'exercice de fonctions d'encadrement et qu'il est attribué à des ingénieurs, juristes ou autres diplômes de l'enseignement supérieur en considération de leur seul niveau de compétences professionnelles et leur aptitude à traiter des dossiers plus ou moins complexes, ce qui apparaît être le cas de Monsieur [O] [L] dans ses nouvelles fonctions de chargé d'études senior.

Dès lors et en l'absence d'éléments objectifs, dûment étayés par des pièces communiquées par l'employeur, il y a lieu de considérer que la stagnation de la carrière de Monsieur [O] [L], pendant plusieurs années à la suite de son placement en surnombre, est pour une large part en lien avec ses activités syndicales.

Il y a lieu en conséquence de faire droit à sa demande de réparation à ce titre.

Sur l'évaluation du préjudice

La demande de reconstitution de carrière telle que présentée par l'appelant ne peut être entérinée, en ce qu'elle est établie sur la base de temps d'acquisition moyens d'un niveau supérieur de GF ou de NR, qui sont purement théoriques et ne peuvent donc refléter la diversité des situations de chaque agent telle que constatée dans la réalité, ces temps théoriques étant uniquement destinés en cas d'écart trop important entre ceux-ci et l'évolution de carrière d'un militant syndical à constituer une présomption de discrimination.

Il ne peut être exclu en effet que des facteurs personnels difficiles à quantifier entrent pour une part dans la progression plus ou moins rapide de la carrière d'un salarié, (contraintes familiales - difficultés de santé) ainsi que des facteurs liés à la disponibilité des postes souhaités par celui-ci, qui sont étrangers à toute discrimination, de sorte que l'étendue du préjudice effectivement subi ne peut être définie par rapport à une carrière théorique linéaire dépourvue d'aléas d'aucune sorte, au risque d'introduire une forme de discrimination positive au bénéfice des militants syndicaux représentants du personnel.

En l'espèce, en considération des éléments d'information figurant au dossier, il apparaît justifié d'allouer à Monsieur [O] [L] en réparation du préjudice financier et moral, directement lié à la discrimination syndicale dont il a été victime tant en ce qui concerne ses conditions de travail de 1997 à 2005 que le retard qu'il a subi du fait de son reclassement tardif au niveau GF 10 - 140, d'une part une indemnité de 30 000 €, d'autre part le bénéfice d'un reclassement au niveau GF 11 NR 180, avec effet rétroactif au 1er janvier 2013.

Le préjudice subi par le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud du fait de l'atteinte aux intérêts collectifs de la profession qu'il représente causée par la discrimination dont a fait l'objet l'un de ses membres sera suffisamment réparé par l'octroi d'une indemnité de 3000 €.

Sur les demandes de prime d'adaptation et d'incitation à la mobilité fonctionnelle orientée

L'examen des écritures des parties et des documents produits aux débats ne permet pas de remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont considéré par des motifs pertinents que la cour adopte que la prime d'adaptation n'était due que pour l'année 2007.

Il suffit d'ajouter que Monsieur [O] [L] est d'autant moins fondé à réclamer le versement de ladite prime au titre de sa mutation en 2006 au sein du service ATCF sur un emploi de conseiller clientèle que celle-ci a été un échec et qu'il a été réorienté l'année suivante sur un poste de chargé d'études senior plus conforme à ses aspirations et à ses compétences.

L'appel incident ne peut non plus être accueilli, compte tenu de l'investissement important et des responsabilités nouvelles qu'impliquait le poste de chargé d'études dans un service dédié à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, caractérisant un véritable changement de métier par rapport à celui exercé antérieurement.

Le jugement sera donc purement et simplement confirmé sur ces chefs de demande y compris en ce qui concerne la prime de mobilité fonctionnelle qui est à nouveau réclamée par erreur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés intimées qui succombent supporteront les dépens outre les frais irrépétibles exposés par les parties appelantes, dans la limite de 1500 € pour Monsieur [O] [L] et de 500 € pour Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit Monsieur [O] [L] et le Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud recevables et partiellement fondés en leur appel principal ;

Infirme le jugement rendu le 4 avril 2012 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [O] [L] tendant à voir constater qu'il a été victime d'une discrimination syndicale dans l'évolution de sa carrière et à obtenir réparation du préjudice financier et moral subi par lui, et celle du Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud en paiement de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande :

Dit que Monsieur [O] [L] a été victime de discriminations en lien avec ses activités syndicales et l'exercice de ses mandats de représentant du personnel au sein de l'URE Alsace-Franche-Comté ERDF-GRDF, caractérisée par un retard anormal de progression de carrière et un refus réitéré de l'employeur de lui accorder le bénéfice de certains avantages statutaires ;

En conséquence,

Ordonne aux sociétés ERDF-GRDF, URE Alsace Franche-Comté, de procéder au reclassement de Monsieur [O] [L] au niveau GF 11 NR 180 avec effet rétroactif au 1er janvier 2013 et de procéder à la régularisation de ses droits à rappel de salaires sur cette base, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, en principal et intérêts au taux légal ;

Dit n'y avoir lieu en l'état d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Condamne en outre les sociétés ERDF-GRDF à payer à Monsieur [O] [L] une indemnité de trente mille euros (30 000 €) en réparation du préjudice moral et financier résultant de la discrimination dont il a fait l'objet, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne également lesdites sociétés à payer au Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud une somme de trois mille euros (3000 €) à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L 2132-3 du code du travail ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la prime d'adaptation et à la prime de mobilité fonctionnelle orientée, et en ce qu'il a statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles exposés en première instance ;

Y ajoutant ,

Condamne les sociétés ERDF-GRDF aux dépens d'appel et à payer à Monsieur [O] [L] et au Syndicat CGT du Personnel des Industries de l'Energie du Centre EGS Franche-Comté Sud respectivement la somme de mille cinq cents euros (1500 €) et celle de cinq cents euros (500 €), en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix sept septembre deux mille treize et signé par Madame Hélène BOUCON, Conseiller, en remplacement du Président de chambre empêché, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00897
Date de la décision : 17/09/2013

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°12/00897 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-17;12.00897 ?
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