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05/03/2013 | FRANCE | N°11/00446

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 05 mars 2013, 11/00446


ARRET N°

JD/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 05 MARS 2013



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 04 décembre 2012

N° de rôle : 11/00446



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONS-LE-SAUNIER

en date du 24 janvier 2011

Code affaire : REPRESENTE

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[E]

[X]

C/

SAS JPV AUX DROITS DE LAQUELLE VIENT LA SOCIETE CL JURA,

Me [F] [B], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS JPV, CGEA D'AMIENS







PARTIES EN CAUS...

ARRET N°

JD/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 05 MARS 2013

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 04 décembre 2012

N° de rôle : 11/00446

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONS-LE-SAUNIER

en date du 24 janvier 2011

Code affaire : REPRESENTE

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[E] [X]

C/

SAS JPV AUX DROITS DE LAQUELLE VIENT LA SOCIETE CL JURA,

Me [F] [B], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS JPV, CGEA D'AMIENS

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [E] [X], demeurant Chez Mr [D] [P] à [Adresse 3]

APPELANT

REPRESENTE par Me François DUCHARME, avocat au barreau de DIJON

ET :

SAS JPV AUX DROITS DE LAQUELLE VIENT LA SOCIETE CL JURA, ayant son siège social, [Adresse 9]

Maître [F] [B], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SAS JPV, demeurant [Adresse 1]

REPRESENTES par Me Philippe BODEREAU, avocat au barreau d'ARRAS

Le CENTRE de GESTION et D'ETUDES de l'A.G.S. -' C.G.E.A.' -dont le siège est situé [Adresse 2], Unité déconcentrée de l'U.N.E.D.I.C., agissant en qualité de gestionnaire de l'A.G.S., en application de l'article L. 143-11-4 du Code du Travail, représentée par son Président actuellement en exercice, demeurant en cette qualité audit siège

REPRESENTE par Me Stéphane BILLAUDEL, avocat au barreau de

[Localité 5]

INTIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 04 Décembre 2012 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 29 janvier 2013 et prorogé au 05 Mars 2013 par mise à disposition au greffe.

**************

Par précédent arrêt en date du 15 mai 2012, la cour d'appel, chambre sociale, de ce siège, statuant sur l'appel formé par M. [E] [X] du jugement de départage rendu le 24 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier dans le litige l'opposant à son ancien employeur, la société JPV, aux droits de laquelle vient la société CL Jura, a déclaré recevable le dit appel et a renvoyé l'affaire pour être jugée au fond à l'audience du 4 décembre 2012 avec un calendrier de procédure notifié aux parties et dispense de comparaître du CGEA d'Amiens, trois autres procédures concernant la même société étant également renvoyées à la même audience.

Il sera rappelé, pour une bonne compréhension du litige, que :

- M. [E] [X], embauché selon contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er mars 2002 en qualité de conducteur grand routier au coefficient 128 M prévu par la convention collective des transports routiers par la société JPV, dont le siège social était alors situé à [Localité 6] (39), a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 15 mai 2003 après mise à pied à titre conservatoire notifiée le 29 avril 2003;

- par requête du 19 décembre 2006, M. [E] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier en paiement de diverses sommes tant au titre de l'exécution de son contrat de travail qu'au titre de son licenciement qualifié d 'abusif par le salarié;

-après radiation ordonnée le 21 février 2008 faute de diligences de l'appelant qui avait fait le choix d'un nouveau conseil, à savoir un délégué syndical M. [L], et après remise au rôle le 13 juillet 2009, l'affaire a finalement été évoquée à l'audience de départage du 15 octobre 2010, M. [E] [X] sollicitant le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , d'une indemnité de requalification concernant ses précédents contrats à compter du 1er septembre 2000, d' heures supplémentaires,de repos compensateurs, d'heures de travail de nuit, d'indemnités de déplacement et d'une prime d'ancienneté, de dommages et intérêts pour le travail dissimulé et pour non-respect de la convention collective nationale des transports routiers;

-la société JPV ayant été placée en plan de continuation par jugement du tribunal de commerce en date du 20 février 2004, Me [F] [B] est intervenu aux débats en qualité de commissaire à l'exécution du plan par l'intermédiaire de Me [T] , avocat de la société ;

-le CGEA d'Amiens, également mis en cause en qualité de gestionnaire de l'AGS, est intervenu aux débats par son avocat Me [V];

-par jugement en date du 24 janvier 2011, le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier a débouté M. [E] [X] de l'ensemble de ses demandes , a déclaré sans objet la mise en cause du CGEA d'Amiens et a condamné le demandeur aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le3 avril 2012 et reprises oralement à l'audience par son nouveau conseil, Me François Ducharme, avocat au barreau de Dijon, M. [E] [X] demande à la cour de dire que le licenciement dont il a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse et de procéder à la requalification de son contrat de travail au coefficient 150 M en application de la convention collective nationale des transports routiers.

Il sollicite la condamnation de la société JPV à lui payer les sommes suivantes:

-3112,82 € au titre de l'indemnité de requalification

-25'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

-736,77 € brut au titre de la mise à pied conservatoire du 29 avril au 15 mai 2003

-73,68 € brut au titre des congés payés afférents

- 6225,64 € brut au titre du préavis

-622,56 brut au titre des congés payés afférents sur préavis

-723,52 € brut au titre de la requalification du 128 M au 150 M de mars 2002 à mai 2003

-72,35 € brut au titre des congés payés afférents sur le rappel de la requalification

-14'071,80 € brut au titre des heures supplémentaires à 25 % et 50 % de juin 2001 à mai 2003

-1407,18 € brut au titre des congés payés afférents sur le rappel des heures supplémentaires

-8'569,51 € brut au titre des repos compensateurs

-856,95 € brut au titre des congés payés afférents aux repos compensateurs

-6174 ,86 € au titre des rappels des indemnités de déplacement depuis juin 2001

- 2700,99 € brut au titre du travail de nuit

-270,10 € brut au titre des congés payés afférents au travail de nuit

- 18'676,92 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

-5'000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective nationale des transports routiers et des accords nationaux

-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite en outre les intérêts au taux légal conformément aux textes en vigueur et à la demande , la condamnation de la société intimée aux dépens et la remise par celle-ci des documents suivants: bulletins de salaire rectifiés, attestation Assedic rectifiée avec les sommes accordées, certificat de travail qui devra porter la date d'embauche depuis le 1er septembre 2000 jusqu'au 15 juillet 2003 et ce sous astreinte de 30 € par jour et par document à dater du huitième jour suivant la notification de l'arrêt.

Par conclusions reçues au greffe le 23 novembre 2012 et reprises oralement à l'audience par son avocat, Me [I] [T], la société CL Jura, anciennement dénommée JPV, demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner M. [E] [X] à lui payer la somme de 2000 € pour procédure abusive ainsi que la même somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CGEA d'Amiens, en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, était représenté lors de la précédente audience du 3 avril 2012 par Me Stéphane Billaudel, avocat au barreau de Lons-le-Saunier. Il sollicitait sa mise hors de cause et a été dispensé de comparaître à l'audience de renvoi.

SUR CE, LA COUR

Sur la date d'embauche et la demande d'indemnité de requalification

Attendu que M. [E] [X], de nationalité polonaise, soutient avoir été embauché le 1er septembre 2000 par la société [Y] [W] [H] [A], établissement secondaire de la SA transports [W] [H] [Y] et ce en qualité de conducteur routier, qu'il fait partie des conducteurs repris par la société JPV suite à l'offre de cession du 4 mai 2001 et dont la date d'effet est le 30 août 2001, que celle-ci lui a imposé la signature d'un contrat de travail le 1er décembre 2001 par son établissement secondaire JPV logistiK [A] , que deux bulletins d'absence indiquent qu'il était en congés payés au titre de 2001 décomptés pour la période de travail du 1er septembre 2000 au 31 mai 2001 , qu'il a dû signer un contrat à durée indéterminée avec date d'embauche le 18 février 2002 alors qu'il était déjà employé , que ce contrat à été remis à l'Office des migrations internationales le 24 juin 2002, qu'il a enfin signé un contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er mars 2002 le liant à la société JPV, représentée par M. [K] [N] agissant en qualité de président directeur général , que cette dernière date ne peut être prise en compte alors qu'il était déjà au travail pour cette entreprise, et que cette succession de contrats est contraire aux articles L 1224-1 et L 1242-1 du code du travail, son embauche devant être prise en compte à compter du 1er septembre 2000, et une indemnité de requalification devant lui être versée ;

Qu'à l'appui de sa demande, il rappelle que par jugement du 12 novembre 2003, le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier a constaté que la Sarl [A] qui embauchait des conducteurs polonais, était un établissement secondaire de la société transports [W] [H] [Y], que les conducteurs transportaient des marchandises uniquement pour cette dernière société et que l'entreprise polonaise faisait seulement office de bureau de recrutement pour ladite société, que dans ce jugement, il n'était pas contesté que les salariés étaient d'abord envoyés en Italie pour 15 jours en formation prodiguée par la société italienne [Y] Spedizioni, établissement secondaire de la société transports [W] [H] [Y], que M. [Y] était reconnu comme le dirigeant de toutes ces sociétés, que les conducteurs polonais ont travaillé uniquement pour la société transports [W] [H] [Y], société anonyme, puis pour la société JPV, société par actions simplifiée, sise à Puisieux (62) en son établissement secondaire sis à [Localité 6] (39), que la société transports [W] [H] [Y] avait été déclarée en redressement judiciaire le 2 février 2001 et qu'un plan de cession de cette société et de la société italienne Spedizioni avait été retenu le 4 mai par le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier, que ce plan a été proposé par la société CL SA pour le compte d'une société par actions simplifiée qui serait créée et présidée par M. [N], que la société JPV dont le siège social est sis à Puisieux (62) a été immatriculée le 19 septembre 2001 au RCS tenu par le greffe du tribunal de commerce d'Arras et que la société de [Localité 6] a été immatriculée comme établissement secondaire au RCS tenu par le greffe de commerce de Lons-le-Saunier le 28 septembre 2001 avec un début d'activité fixé rétroactivement au 30 août 2001, le plan de cession étant adopté et signé le 22 novembre 2001 puis enregistré le 12 décembre 2001 ; que la société offrante s'était engagée à ce que la société créée JPV reprenne tous les salariés à savoir 111 contrats de travail sur le site de [Localité 6] et 42 contrats de travail sur le site en Italie, que la société JPV a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 27 décembre 2002, qu'elle a été autorisée à poursuivre son activité et qu'un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté par jugement du 20 février 2004 ;

Attendu que la société CL Jura, anciennement dénommée JPV, rappelle que lors de la reprise de la société [R] [Y], elle a dû accomplir de nombreuses démarches pour régulariser un certain nombre de situations frauduleuses, qu'en effet des conducteurs de nationalité polonaise étaient employés préalablement à la reprise de la société transports JP [Y] par une société polonaise dénommée [Y] [W] [H] [A] et étaient détachés auprès d'une société italienne (transports [W] [H] [Y] logistik SPA), que si l'établissement italien a été repris au titre des actifs par la société CL (à laquelle s'est substituée la société JPV), tel ne fut pas le cas de la société polonaise qui a continué à facturer ses prestations à l'établissement secondaire italien (donc au repreneur la société JPV ) après le jugement de cession du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier ; que la nouvelle direction, qui entendait recentrer l'activité de la société JPV sur le territoire métropolitain et l'axe Grande Bretagne- Italie ,a été très rapidement confrontée à l'inopposabilité aux autorités françaises de contrôle du montage juridique liant la société polonaise et la société en Italie ( location avec conducteur, affrètement et détachement de salariés de nationalité polonaise), les véhicules ne pouvant circuler légalement sur le territoire français ; qu'afin de maintenir une exploitation de l'établissement italien, la nouvelle direction a pris l'initiative de développer la location transfrontalière entre ,d'une part, la société JPV France, d'autre part, la société italienne, et une nouvelle société polonaise dénommée JPV logistik [A], que la société JPV France a dû prendre l'initiative de procéder au recrutement massif de conducteurs français et italiens, que toutefois ces recherches d'emploi sont demeurées vaines et que la direction a proposé aux salariés de nationalité polonaise qui effectuaient déjà leurs prestations de travail pour le compte de la société [Y] [W] [H] [A] en Italie auprès de la société JPV [Y] logistik SPA d'effectuer leurs prestations de travail pour le compte de la société JPV à [Localité 6] ; que toutes les démarches ont été effectuées auprès des services compétents et que cette procédure a été rendue possible par la délivrance d'autorisations provisoires de séjour par le préfet du Jura, et que les dossiers de régularisation, remis par le directeur du travail du Jura lors d'un entretien du 22 janvier 2002 entre M. [N] et le préfet, ont été retournés à la direction départementale du travail laquelle a favorablement instruit les différents dossiers ; que c'est dans ces conditions que M. [E] [X] a accepté les conditions d'emploi proposées par la direction de la société JPV dans le contrat de travail signé le 1er mars 2002, l'intéressé n'ayant au demeurant pu effectuer sa mission qu'à compter du 1er avril 2002, le salarié n'ayant en effet quitté la société polonaise que le 31 mars 2002 ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. [E] [X], le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, après avoir constaté que l'intéressé avait été embauché à compter du 1er septembre 2000 par la société [Y] [W] [H] [A], a toutefois considéré que si la société JPV était bien le repreneur de la société transports [W] [H] [Y], elle n'avait en revanche jamais repris la société [Y] [W] [H] [A] de telle sorte qu'aucun lien de droit n'était intervenu entre la société JPV et M. [X] avant le 1er mars 2002, date de formation du contrat à durée indéterminée liant les parties ;

Attendu cependant que s'il est vrai que la société JPV aux droits de laquelle vient la société CL Jura a été confrontée à de sérieuses difficultés inhérentes au montage juridique mis en place précédemment par M. [R] [Y], principal dirigeant de sociétés ayant employé à un titre ou à un autre de nombreux salariés de nationalité polonaise, ce montage ayant au demeurant été sanctionné pénalement et ne pouvant être toléré sur le territoire français, et s'il est également acquis que la société JPV a multiplié les démarches pour régulariser la situation de nombreux salariés ayant travaillé pour le compte des sociétés dirigées par M. [Y], il ressort toutefois des pièces de la procédure que M. [E] [X] a toujours travaillé dans les mêmes conditions depuis le 1er septembre 2000 , et que s'il avait été recruté en Pologne par un employé de la société [A] avant d'être envoyé en formation en Italie auprès de la société Spedizioni, cette dernière n'était en réalité que l'établissement secondaire de la société transports [W] [H] [Y] laquelle a été reprise ultérieurement par la société CL qui a créé la société JPV à [Localité 6] ;

Qu'ainsi que cela a été rappelé par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 octobre 2011 cassant partiellement un précédent arrêt rendu par la cour d'appel, chambre sociale, de Besançon concernant un chauffeur grand routier employé dans des conditions comparables, l'existence d'une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de travailleur ;

Que le montage juridique mis en place par M. [R] [Y] ne peut priver M. [E] [X] des droits qu'il tient de son contrat de travail depuis le 1er septembre 2000, date à partir de laquelle il a toujours travaillé effectivement et en réalité pour le compte de la société transports [W] [H] [Y] à [Localité 6], ladite société ayant été reprise par la société JPV ;

Que cette dernière, aux droits de laquelle vient la société CL Jura , doit donc répondre des engagements de la précédente société tant en ce qui concerne l'ancienneté du salarié en application de l'article L. 1224-1 du code du travail invoqué à bon droit par l'appelant, qu'en ce qui concerne l'irrégularité des contrats de travail à durée déterminée au regard des dispositions de l'article L. 1242-1 du code du travail, les contrats de travail à durée déterminée ne pouvant avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ainsi que le soutient à bon droit, M. [E] [X], dont les premiers contrats de travail étaient comme ceux des trois autres salariés embauchés dans les mêmes conditions en Pologne, des contrats à durée déterminée irréguliers, étant rappelé que quatre procédures sont soumises à la cour;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de ces deux chefs de demande , le montant des sommes allouées étant examiné ci-dessous après l'examen des autres chefs de demande relatifs à l'exécution du contrat de travail ;

Sur la demande d'application du coefficient 150 M

Attendu que M. [E] [X] revendique le bénéfice du coefficient 150 M depuis le 1er septembre 2000 , ce coefficient correspondant, selon lui , aux tâches qu'il était apte à remplir et que l'employeur exigeait , alors qu'il a été embauché sur la base de coefficient 128 M et que ses collègues français bénéficiaient du coefficient 150 M ;

Attendu cependant que pour pouvoir utilement se prévaloir de la qualification de

« conducteur hautement qualifié de véhicules poids-lourds » du groupe 7 de la CNCTR et bénéficier du coefficient correspondant 150 M, le salarié doit non seulement cumuler les 55 points exigés en application du barème conventionnel, ce dont il justifie, mais qu'il doit également répondre aux conditions de compétences définies par la convention collective et en particulier qu'il peut prendre des initiatives notamment s'il est en contact avec le client et qu'il est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d'accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ;

Que c'est par une juste appréciation de la situation de M. [E] [X] que le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier a retenu que celui-ci ne remplissait pas les conditions d'aptitude à prendre des initiatives notamment s'il était en contact avec le client ni à rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d'accident ou à rendre compte des incidents de routes et des réparations à effectuer , ainsi que cela résulte des pièces communiquées aux débats par l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande ;

Sur les demandes concernant les heures supplémentaires et le repos compensateur

Attendu que M. [E] [X] reprend son argumentation développée en première instance concernant ces chefs de demandes et produit les mêmes décomptes qui ont été examinés par le conseil de prud'hommes sous la présidence du juge départiteur, lequel a répondu de manière exhaustive à cette argumentation et a rejeté ces demandes par une motivation que la cour adopte;

Sur le rappel de salaire pour travail de nuit

Attendu que M. [E] [X] maintient qu'il a effectué un travail de nuit durant toute sa présence dans l'entreprise sans avoir été rémunéré par son employeur sous le prétexte qu'il n'aurait pas donné son aval ;

Attendu cependant que selon l'accord du 14 novembre 2001 auquel les parties se réfèrent, sont seules considérées comme heures de travail de nuit, celles effectuées conformément aux instructions de l'employeur ; que le conseil de prud'hommes, au vu de cet accord ainsi qu'au vu d'une note de service n° 7 faisant obligation à chaque conducteur de comptabiliser quotidiennement au moyen de l'appareil Euteltracs les heures de nuit effectuées, a rejeté les demandes du salarié qui soutenait et soutient encore que les heures de nuit ne pouvaient qu'être accomplies conformément aux instructions de l'employeur, ce que les premiers juges n'ont pas retenu en relevant que le salarié ne pouvait sérieusement prétendre que les heures de nuit effectuées impliquaient automatiquement une demande de son employeur alors qu'il pouvait librement choisir ses horaires de conduite ;

Que si l'appelant relève que la note de service n°7 n'est pas datée mais prouve que la société faisait exécuter des heures de nuit, il n'en conteste toutefois pas la teneur, cette note signée de M. [N] ayant été faxée à l'entreprise de [Localité 6] le 16 octobre 2003 et ne faisant que rappeler les dispositions conventionnelles relatives au travail de nuit en demandant à chaque conducteur de mentionner correctement au moyen de l'appareil Euteltracs les heures de nuit effectuées quotidiennement dans la tranche horaire 21 h /06 h pour permettre à la direction un contrôle strict et une comptabilisation sûre des heures de nuit effectuées éventuellement par chaque conducteur; que M. [E] [X] admet lui-même que les camions étaient équipés de systèmes GPS Euteltracs, et qu'il est dès lors surprenant qu'il n'ait pas réagi à la réception mensuelle , avec la fiche de paye, de l'analyse des disques contrôlographes effectuée sous forme scannérisée et appelée 'décompte de temps de travail', cette analyse permettant de déterminer le volume des heures correspondant à la conduite, au travail autre que la conduite et au temps de mise à disposition ;

Que le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que le salarié n'avait pas respecté les consignes données et n'avait ainsi pas permis à son employeur d'exercer son contrôle ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [X] de ce chef de demande ;

Sur la demande d'indemnités de déplacement

Attendu que M. [E] [X] soutient qu'il n'a pas été indemnisé totalement de ses indemnités sur la base des articles 3/1/12 de la CCNTR ainsi que cela ressort de la comparaison entre les disques et les indemnités de déplacement qui lui ont été versées ; qu'il déclare justifier sa demande par la production d'un récapitulatif qu'il a construit, comme pour les heures supplémentaires, par rapport à la moyenne de ses déplacements, et qu'il critique le jugement ayant rejeté sa demande au motif que les tableaux établis mois par mois à partir du pays où il se trouvait ne mentionnaient pas les lieux alors que ceux-ci sont indiqués en couleurs au bas de chaque tableau ;

Attendu que la société JPV conteste la valeur de ces documents récapitulatifs construits ultérieurement par rapport à la moyenne des déplacements, lesdits tableaux comportant de nombreuses erreurs ainsi que relevé dans les conclusions d'appel ;

Attendu que la cour ne peut que constater, comme l'a fait le juge départiteur que M. [E] [X] a commis de nombreuses erreurs dans l'évaluation des indemnités de déplacement faite en cours de procédure ce qui met en cause la fiabilité des tableaux établis pour les besoins de la cause alors que l'employeur avait régulièrement, mois par mois, décompté les indemnités de déplacement au vu de l'analyse des disques transmis et des décomptes des temps de travail, les frais de déplacement étant ainsi mentionnés régulièrement sur les bulletins de paye avec les décomptes retenus par l'employeur, lesquels n'ont pas été contestés lors de leur réception, étant relevé que les bulletins de paye sont communiqués aux débats par l'appelant ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande;

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour non-respect de la convention collective

Attendu que l'appelant ayant été débouté de sa demande relative au paiement d'heures supplémentaires ainsi que de ses demandes en lien avec le respect de la convention collective, il sera également débouté de ses demandes de dommages et intérêts sur ces fondements, le jugement étant ainsi confirmé ;

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Attendu que M. [E] [X] conteste le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier l'ayant débouté de ses demandes relatives à son licenciement qu'il considère comme abusif alors que la société CL Jura sollicite la confirmation du jugement qui a retenu que le licenciement reposait sur une faute grave ;

Qu'il sera rappelé que par lettre recommandée du 15 mai 2003, après mise à pied conservatoire notifiée le 29 avril 2003, M. [E] [X] a été licencié pour faute grave pour une violation manifeste de ses obligations contractuelles, selon l'employeur, qui a énoncé les motifs suivants:

'A de nombreuses reprises, votre direction vous a rappelé les règles élémentaires de sécurité qu'en qualité de conducteur routier vous devriez pourtant parfaitement maîtriser (obligation de vérifier personnellement régulièrement l'état de votre véhicule ; obligation d'exécuter personnellement les ordres de travail qui vous sont donnés par votre direction ; strict respect des durées de conduite , des temps de repos et des limitations de vitesse ; obligation de manipuler correctement le sélecteur d'activité ; interdiction formelle d'accomplir vos tâches de travail avec la présence à bord du véhicule d'une personne étrangère au service...).

À plusieurs reprises, votre direction a relevé la présence de passager (étranger à la société) dans votre tracteur.

À ce titre une mesure disciplinaire vous avait été adressée le 1er avril 2003.

Nous vous avions parfaitement informé des risques qu'un tel comportement de travail était susceptible de produire (au point de vue tant de la responsabilité civile que pénale).

Or, dans les jours qui ont précédé notre entretien, vos supérieurs ont de nouveau surpris votre propre fils dans le véhicule de la société lors de l'exécution normale de vos tâches de travail.

De surcroît, celui-ci a été vu au volant de votre ensemble routier, exécutant un ordre de travail qui vous avait été adressé.

C'est inadmissible et c'est faire preuve en l'espèce de peu de conscience...' ;

Attendu que de manière surprenante, l'appelant persiste à soutenir que la société JPV ne saurait prétendre sanctionner des faits qu'elle a acceptés en toute connaissance de cause concernant le transport de son fils alors qu'il avait reçu le 1er avril 2003 un dernier avertissement concernant précisément le fait que le fils de M.[X] accompagnait celui-ci dans son ensemble routier, l'employeur lui rappelant qu'il avait déjà formulé à de multiples reprises des observations quant à l'interdiction pour le salarié d'effectuer ses tâches de travail accompagné de toute personne étrangère au service ;

Que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que le conseil de prud'hommes, statuant sous la présidence juge départiteur, a considéré que ce seul fait caractérisait à lui seul une faute grave, et que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement ;

Sur les sommes dues à l'appelant

Attendu que la cour ayant retenu que M. [E] [X] avait une ancienneté remontant au 1er septembre 2000 et pouvait prétendre au versement d'une indemnité de requalification, dont le calcul avait été différé après l'examen des autres demandes de nature salariale , la société CL Jura devra verser à l'appelant une indemnité de 2700 € en application de l'article L. 1245-2 du code du travail disposant que l'indemnité ne pouvait être inférieure à un mois de salaire ;

Que concernant la prime d'ancienneté, la cour relève qu'une demande en paiement de la somme de 273, 92 € brut avait été sollicitée en première instance, outre les congés payés afférents, et que cette demande est dans le débat, même si elle a été omise dans les nombreuses demandes formées en cause d'appel par le conseil du salarié ;

Qu'au vu des bulletins de paye produit aux débats , la cour est en mesure de chiffrer le montant de la prime d'ancienneté que la société CL Jura devra verser à l'appelant à la somme suivante :

-190,15 € brut (9507, 71 € x 2 %) outre 19,01 € brut au titre des congés payés afférents, en application de l'article 13 de la convention collective nationale des transports stipulant que l'ancienneté est comptée à partir de la date de la formation du contrat et qu'elle donne lieu à une majoration de 2 % après deux années de présence dans l'entreprise ;

Que les intérêts au taux légal sont dus sur les créances de nature salariale à compter du 13 juillet 2009, cette date prenant en compte les effets de la radiation ;

Sur les autres demandes

Attendu que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné le demandeur aux entiers dépens ; qu'en effet, le salarié a dû saisir le conseil de prud'hommes pour faire valoir ses droits, même si ceux-ci n'ont été que très partiellement reconnus ; que les dépens de première instance seront dès lors mis à la charge de la société CL Jura ;

Qu'un certificat de travail rectifié sera remis à l'appelant tenant compte de la date d'embauche du 1er septembre 2000, sans qu'il soit nécessaire de prononcer d'astreinte ;

Que la société Cl Jura sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, la procédure n'étant pas abusive ;

Qu'une indemnité de 150 € sera allouée à l'appelant au titre de ses frais irrépétibles;

Que le CGEA d'Amiens sera mis hors de cause ;

Que les dépens appel seront supportés par la société CL jura qui sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt rendu le 15 mai 2012 ayant déclaré l'appel de M. [E] [X] recevable,

Confirme le jugement de départage rendu le 24 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier sauf en ce qu'il a débouté M. [E] [X] de ses demandes en paiement de l'indemnité de requalification et de la prime d'ancienneté et en ce qu'il a condamné l'intéressé aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Dit que l'ancienneté de M. [E] [X] est à prendre en compte à compter du 1er septembre 2000 ;

Condamne la société CL Jura à payer à M. [E] [X] les sommes suivantes :

- deux mille sept cents euros (2 700 €) à titre d'indemnité de requalification

- cent quatre vingt dix euros et quinze centimes (190,15 €) brut au titre de la prime d'ancienneté ;

- dix neuf euros et un centime (19,01 €) brut au titre des congés payés afférents ;

- cent cinquante euros (150 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur les créances de nature salariale à compter du 13 juillet 2009 ;

Dit que la société CL Jura devra remettre à M. [E] [X] un certificat de travail rectifié prenant en compte la date d'embauche du 1er septembre 2000 ;

Dit que les dépens de première instance seront supportés par la société CL Jura ;

Déboute la société CL Jura de ses demandes ;

Déboute M. [E] [X] de ses autres demandes;

Met hors de cause le CGEA d'Amiens en sa qualité de gestionnaire de l'AGS ;

Dit que les dépens d'appel seront supportés par la société CL Jura.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le cinq mars deux mille treize et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00446
Date de la décision : 05/03/2013

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°11/00446 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-05;11.00446 ?
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