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04/09/2012 | FRANCE | N°11/02239

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 04 septembre 2012, 11/02239


ARRET N°

HB/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2012



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 09 mai 2012

N° de rôle : 11/02239



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONS-LE-SAUNIER

en date du 29 juillet 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[G] [K]

C/

S.A.R.L. BATI-CALADE







PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 1]



APPELANT



COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Arnaud LEMAITRE, avocat au barreau de LONS-...

ARRET N°

HB/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2012

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 09 mai 2012

N° de rôle : 11/02239

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONS-LE-SAUNIER

en date du 29 juillet 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[G] [K]

C/

S.A.R.L. BATI-CALADE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Arnaud LEMAITRE, avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER

ET :

S.A.R.L. BATI-CALADE, ayant son siège social [Adresse 2] (en présence de Monsieur [Y], gérant)

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Michel CONVERSET, avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 09 Mai 2012 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 19 juin 2012 et prorogé au 4 septembre 2012 par mise à disposition au greffe.

**************

Monsieur [G] [K] a été engagé le 1er août 2006 par la SARL Bati-Calade en qualité de directeur du magasin 'Mr. Bricolage' de [Localité 5] (39), statut cadre, coefficient 400, moyennant un salaire mensuel de 4 130 €.

Le 8 juillet 2009, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement .

Le 18 juillet 2009 il a été licencié pour faute grave pour carences professionnelles ayant entraîné une insuffisance de résultats, comportement agressif et menaçant et tentative d'extorsion de sommes d'argent.

Le 18 février 2010, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier aux fins d'obtenir paiement de rappels de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 29 juillet 2011, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil a :

- dit que le licenciement de Monsieur [G] [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,

- condamné la SARL Bati-Calade à lui payer les sommes suivantes :

* 3 755,92 € à titre d'indemnité compensatrice de licenciement,

* 12 519,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 251,97 € au titre des congés payés afférents,

* 1 731,94 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SARL Bati-Calade aux dépens.

Monsieur [G] [K] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 29 août 2011.

Il demande à la cour d'infirmer celui-ci en ce qu'il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, de condamner la SARL Bati-Calade à lui verser à ce titre une indemnité de 75 000 €, de confirmer le jugement déféré pour le surplus et, y ajoutant, de condamner la société intimée à lui verser une somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient à l'appui de son recours :

- que son licenciement pour faute grave est consécutif à la dégradation de ses relations avec son beau-père, Monsieur [Y], gérant de la société, dans le courant de l'année 2008, imputable à des divergences en matière de stratégie commerciale et de management du personnel, et à son refus de la proposition de rupture transactionnelle de son contrat de travail eu égard au montant dérisoire de l'indemnité proposée (6 000 €) ;

- que la lettre de licenciement est particulièrement imprécise sur les motifs de la rupture, et contient essentiellement un rappel chronologique des relations des parties et de l'échec des pourparlers transactionnels ;

- qu'il est mentionné faussement qu'il aurait émis le souhait de quitter l'entreprise alors que c'est Monsieur [Y] qui l'a informé de son intention de le licencier pour motif économique, puis pour motif personnel avant de lui proposer une rupture amiable ;

- que son refus motivé par le caractère dérisoire de l'indemnité proposée ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- que l'insuffisance de résultats évoquée dans la lettre de licenciement ne peut constituer une faute grave et n'est nullement établie, la non atteinte des objectifs fixés unilatéralement par l'employeur ne pouvant caractériser celle-ci, les deux autres magasins exploités par la société ayant connu la même évolution du chiffre d'affaires à la baisse ; que ce grief a été écarté à juste titre par les premiers juges ;

- que le conseil ne pouvait à l'inverse retenir à l'appui de sa décision l'existence de propos déplacés de sa part à l'égard de Monsieur [Y] depuis plusieurs mois alors que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état uniquement de propos tenus le lundi 6 juillet et n'évoque aucun comportement antérieur fautif ; que l'entretien du 6 juillet s'est déroulé sans témoins, que le témoignage de Monsieur [I] est de pure complaisance, preuve en est les contradictions flagrantes entre l'attestation établie par lui le 11 novembre 2010 et son audition par le conseil, qu'il indique d'ailleurs que les propos déplacés dont il fait état lui ont été rapportés par des salariés de l'entreprise ; qu'il en est de même de Monsieur [O] qui évoque des faits et des propos non visés dans la lettre de licenciement ;

- que le seul fait que l'employeur propose une rupture amiable exclut qu'il ait été victime de violences verbales et de menaces depuis plusieurs mois ;

- qu'enfin l'employeur ne peut lui reprocher des propos un peu vifs tenus lors d'un entretien de négociation d'une transaction qui a eu lieu dans des conditions irrégulières, et alors que son contrat de travail était suspendu jusqu'au 8 juillet, date prévue pour la visite de

reprise après maladie ;

- que son licenciement ne repose donc ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

La SARL Bati-Calade relève appel incident.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, de débouter Monsieur [G] [K] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que Monsieur [G] [K] a fait preuve d'incuries professionnelles qui sont à l'origine d'une insuffisance de résultats et de la non atteinte des objectifs qu'il avait lui-même définis, qu'il avait parfaitement conscience de la dégradation du chiffre d'affaires et des marges, consécutive à son manque d'implication et d'intérêt puisqu'il a pris l'initiative de solliciter la rupture de son contrat de travail à partir d'avril 2009.

Elle ajoute que celui-ci a adopté à l'égard de son dirigeant, Monsieur [Y], un comportement injurieux et agressif, spécialement le 6 juillet 2009, lors d'un entretien où il a exigé une indemnité de rupture de 30 000 € en usant de menaces telles que la poursuite du contrat de travail était devenue impossible.

MOTIFS DE LA DECISION

L'appelant rappelle à juste titre que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge saisi d'une contestation relative au bien fondé du licenciement ne peut fonder sa conviction sur l'existence de faits fautifs qui n'ont pas été visés dans la lettre de licenciement et qui n'ont été invoqués par l'employeur qu'en cours de procédure.

En l'espèce la lettre de licenciement pour faute grave en date du 18 juillet 2009 énonce deux griefs :

- carences professionnelles à l'origine d'une insuffisance de résultats mettant en péril l'avenir de la société ;

- comportement inadmissible de la part d'un cadre, caractérisé par des propos fallacieux et menaçants à l'égard de l'entreprise et de son dirigeant, en vue d'extorquer des sommes d'argent, le lundi 6 juillet 2009.

S'agissant du premier grief, il est constant en droit que l'insuffisance de résultats ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle est imputable à une carence avérée du salarié et ne procède pas d'une situation de marché défavorable ou d'erreurs de gestion ou de stratégie de l'employeur.

Or en l'espèce force est de constater que si la lettre de licenciement fait état de données chiffrées non sérieusement contestées relatives à une baisse de chiffre d'affaires depuis 2008, qui s'est aggravée sur le premier quadrimestre 2009 au point de réduire à néant l'espérance d'un résultat bénéficiaire pour l'année, elle s'abstient en revanche de définir de manière circonstanciée les carences professionnelles imputées au salarié comme étant à l'origine de l'insuffisance des résultats.

Étant rappelé le contexte de crise économique qui a entraîné un ralentissement brutal d'activité dans de nombreux secteurs et des mesures de chômage partiel et de licenciement fin 2008 début 2009, les explications fournies par l'employeur dans ses écritures imputant à une liaison extra-conjugale du salarié un prétendu manque d'implication de celui-ci dans l'entreprise à l'origine de la baisse des résultats ne peuvent sérieusement emporter la conviction.

Ce grief a donc été légitimement écarté par les premiers juges.

S'agissant en revanche du second grief, il résulte clairement de la lettre de licenciement et du déroulement de la procédure que la décision de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail procède du comportement adopté par Monsieur [G] [K] à l'égard de son beau-père, dirigeant de la société, Monsieur [Y], le lundi 6 juillet 2009, à la suite du refus de ce dernier de céder à ses exigences concernant le versement d'une indemnité transactionnelle de rupture de 30 000 € en sus du préavis et des congés payés et de l'indemnité légale de licenciement.

Monsieur [G] [K] ne conteste pas formellement dans ses écritures les propos qui lui sont attribués dans la lettre de licenciement tels que les menaces de plaintes auprès de l'inspection du travail et du médecin du travail et il reconnaît que la discussion a été animée, niant toutefois avoir tenu des propos injurieux.

De fait la lettre de licenciement ne lui reproche pas des propos injurieux, tels que ceux rapportés par les témoins [O] et [I], mais seulement des propos menaçants, lesquels peuvent s'entendre comme des menaces de plaintes, de procédures judiciaires, ou encore de soustraire ses enfants à toutes relations avec leurs grands-parents, les époux [Y].

Les termes de cette lettre de licenciement ne font pas état explicitement de menaces de porter atteinte à l'intégrité physique de l'employeur, l'expression rapportée par Monsieur [I], dont il n'est pas réellement établi qu'elle ait été proférée en sa présence, mais dont il est très vraisemblable qu'elle l'ait été au cours de la discussion 'animée' du 6 juillet 'je vais t'éclater la tête au prud'hommes, tu vas cracher...' ne constitue pas bien évidemment une menace de violences physiques et doit être entendue au sens figuré.

Ces violences verbales avérées ne peuvent caractériser une faute grave, compte tenu du contexte familial, propice à la familiarité et aux excès de langage.

Elle n'en traduisent pas moins le caractère irréversible de la dégradation des relations entre les parties et la volonté du salarié de se placer en dehors du lien de subordination, en tentant d'imposer à l'employeur les conditions de la rupture, par des moyens contestables.

Un tel comportement, incompatible avec son maintien dans l'entreprise à un poste de responsabilité, constituait à l'évidence une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La circonstance que les faits reprochés se soient produits pendant une période de suspension du contrat de travail n'est pas de nature à conférer une quelconque immunité au salarié, lequel reste tenu de son obligation de loyauté à l'égard de l'employeur même en période de suspension du contrat de travail, et peut être sanctionné par ailleurs pour des faits relevant de sa vie privée qui sont de nature à avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement de l'entreprise.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré, par substitution de motifs.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'appel principal et l'appel incident recevables mais non fondés ;

Confirme, par substitution de motifs, dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier entre Monsieur [G] [K] et la SARL Bati-Calade ;

Condamne Monsieur [G] [K] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre septembre deux mille douze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02239
Date de la décision : 04/09/2012

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°11/02239 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-04;11.02239 ?
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