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30/03/2012 | FRANCE | N°11/01461

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 mars 2012, 11/01461


ARRET N°

VLC/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 30 MARS 2012



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 10 Février 2012

N° de rôle : 11/01461



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 29 avril 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[F] [V]

C/
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PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [F] [V], demeurant [Adresse 1]



APPELANT



COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON

...

ARRET N°

VLC/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 30 MARS 2012

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 10 Février 2012

N° de rôle : 11/01461

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 29 avril 2011

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[F] [V]

C/

S.A.S. [M] [V]

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [F] [V], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON

ET :

S.A.S. [M] [V], ayant son siège social [Adresse 2]

INTIMEE

COMPARANTE EN LA PERSONNE de Monsieur [M] [V], assistée par Me Christine PETAMENT, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 10 Février 2012 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre, en présence de Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

lors du délibéré :

Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre, et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Hélène BOUCON, Conseiller.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 16 mars 2012 et prorogé au 30 mars 2012 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [F] [V] a été embauché d'abord au cours d'une première période de 1981 à 1988, puis à compter du 2 janvier 1995 en qualité de directeur technique, en exécution d'un contrat de travail à durée indéterminée, avec application de la convention collective de la métallurgie, par la société SAS [M] [V] ayant pour activité le découpage et l'emboutissage industriel, créée en 1960 et dirigée par son père M. [M] [V].

Par lettre en date du 24 septembre 2008 M. [F] [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 octobre 2008, puis a été licencié pour faute lourde par lettre en date du 22 octobre 2008 pour avoir notamment été à l'origine de dysfonctionnements dans le but d'entraver le bon fonctionnement de l'entreprise et à l'origine de manquements administratifs.

M. [V] percevait au moment de la rupture un salaire mensuel brut de 4 687,81 €.

Par requête en date du 23 février 2009, M. [F] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon en contestant le bien fondé de son licenciement.

Selon jugement en date du 29 avril 2011 le conseil a dit que son licenciement ne repose pas sur une faute lourde mais sur une cause réelle et sérieuse, et a alloué au salarié les sommes de':

- 2 559,98 € brut à titre d'indemnité de congés payés,

- 1 207,45 € brut à titre de maintien de salaire pour maladie,

- 2 941,47 € brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- 14 063,43 € brut à titre d'indemnité de préavis, outre 1 406,34 € au titre des congés payés afférents,

- 15 626,03 € à titre d'indemnité de licenciement.

M. [F] [V] a régulièrement interjeté appel, par courrier de son avocate déposé au greffe de la cour le 6 juin 2011, de cette décision notifiée le 6 mai 2011.

Dans ses conclusions déposées le 9 décembre 2011 et reprises par son avocate lors des débats, M. [F] [V] sollicite la confirmation partielle du jugement déféré quant aux montants alloués au titre des indemnités de rupture, de congés payés et de rappels de salaire.

Il sollicite la réformation du jugement en ce qui concerne son licenciement, demande à la cour de retenir qu'il est sans cause réelle et sérieuse, et réclame la somme de 84 380 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la somme de 10 000 € pour préjudice moral, outre une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [V] soutient qu'il a été licencié':

- pour des faits étrangers à la relation de travail, soit pour des problèmes familiaux, au regard de ses relations difficiles avec son père depuis de nombreuses années,

- pour des faits prescrits ou apparus après la rupture, la lettre de licenciement citant des faits et attitudes remontant à plusieurs années,

- pour des faits non constitutifs d'une faute, où il lui est reproché d'avoir utilisé de manière calculée des absences toutes parfaitement justifiées (congés payés ' hospitalisation ' convalescence ' congé individuel de formation) pour nuire aux intérêts de la société et mettre en péril sa pérennité.

M. [V] fait au surplus valoir qu'il a prévenu son employeur suffisamment tôt, soit dès le 25 mai 2007, de son intention de suivre un congé individuel de formation au poste d'installateur thermique et sanitaire.

M. [F] [V] souligne le caractère contradictoire des griefs qui lui sont imputés, l'employeur lui reprochant d'un côté d'être un élément perturbateur qui ne respecte pas les consignes, et d'un autre côté de vouloir quitter l'entreprise en la privant de ses compétences indispensables.

L'appelant souligne également que dans les derniers temps de sa présence à son poste, sa fonction de directeur technique avait perdu toute consistance, puisqu'il était le seul salarié en production à l'atelier mécanique depuis le départ en juin 2006 du dernier mécanicien, et qu'il devait réaliser les travaux seul sans plus effectuer de démarches commerciales, n'ayant plus de contacts ni avec les clients ni avec les fournisseurs.

S'agissant de son préjudice, M. [V] indique qu'il se trouvait en congé maladie lors de son licenciement et qu'il avait 49 ans': il a été licencié alors qu'il s'apprêtait à débuter son congé de formation.

Dans ses conclusions déposées le 5 janvier 2012, la société SAS [M] [V] demande à la cour de débouter M. [F] [V] de l'ensemble de ses demandes, de constater les man'uvres dolosives commises par M. [F] [V] à son préjudice, et sollicite reconventionnellement l'octroi d'une somme de 85 000 € de dommages-intérêts, outre une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la rupture du contrat de travail est fondée non seulement sur des manquements anciens, mais surtout sur des manquements récents constitutifs d'une faute lourde, soit':

- à compter du mois de septembre 2008 il est clairement apparu que M. [F] [V] entendait délaisser l'entreprise sans la mettre à même de suppléer à son absence'; il était le seul salarié préposé à l'exploitation des machines à fil et fraiseuses à commandes numériques, et il était attendu à son retour de congés qu'il prenne toutes dispositions utiles pour palier les effets de son absence et qu'elle ne perturbe pas l'entreprise ;

Or à la fin du mois d'août il n'a pris aucune disposition en ce sens, continuant à se maintenir à l'écart des autres salariés.

- début septembre 2008 M. [F] [V] a dû subir une intervention chirurgicale sans que son employeur en soit averti, et ce n'est que le 23 septembre 2008 que les informations lui ont été livrées. Or M. [V] avait l'obligation d'informer son employeur de l'opération chirurgicale qu'il savait devoir subir, ce qu'il n'a pas fait volontairement ;

- avant même le départ du directeur technique, celui-ci avait réuni les blocs-poinçons d'un client pour les lui renvoyer, considérant qu'à compter de son départ l'entreprise ne pourrait répondre aux commandes de ce client, l'intention dolosive étant manifeste ;

- suite au départ de M. [F] [V] l'entreprise a été contrainte d'organiser des formations du personnel par des intervenants extérieurs en février et mars 2009, ce qui aurait dû être fait par M. [V] [F]. Elle a alors pu constater que le matériel n'avait pas bénéficié du moindre entretien ;

- le qualiticien de l'entreprise, M. [X], a donné sa démission immédiatement après le départ de M. [F] [V], alors que sa mission était de vérifier le bon fonctionnement et l'entretien du matériel en étroite collaboration avec le directeur technique. La concomitance de cette démission avec le licenciement (à 20 jours d'écart) ne doit rien au hasard.

La société fait valoir que les éléments dont elle se prévaut sont concordants pour démontrer que si M. [F] [V] aspirait à quitter l'entreprise, ce qui était son droit le plus strict, il entendait la laisser dans un grave état de désorganisation, ce qui est inadmissible.

Le grave préjudice occasionné tient à la chute du résultat de la société de plus de 100 000 €, et la société [V] a été contrainte de subir une liquidation amiable au regard notamment des sommes versées à M. [F] [V] dans le cadre de l'exécution provisoire de la décision contestée, soit 33591,32 €. En outre les effets des négligences volontaires de M. [F] [V] ont justifié le retrait de la certification Iso de l'entreprise au cours du premier semestre 2009.

La société SAS [V] s'en rapporte en ce qui concerne le rappel de salaire au titre de la période d'arrêt maladie, et sollicite le rejet de toutes les autres demandes de M. [V] au regard du bien fondé de la faute lourde.

SUR CE, LA COUR

Attendu que l'article L. 1333-1 dispose qu''«'En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.»';

Que l'article L. 1333-2 du même code indique que «'Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'»';

Attendu que M. [F] [V] a été convoqué par lettre recommandée en date du 24 septembre 2008, alors qu'il était en arrêt maladie, à un entretien préalable à licenciement (auquel il n'a pas assisté) dans les termes suivants':

«'Absent de votre poste de travail depuis le 9 septembre, ce n'est que le 23 septembre que vous m'informez que vous serez absent jusqu'au 14 octobre ('!!!), situation parfaitement inadmissible compte-tenu des responsabilités qui sont les vôtres au sein de l'entreprise [V].

Pendant deux semaines complètes, vous n'avez pas jugé utile de nous tenir informés de la durée prévisible de votre absence pour nous permettre de prendre des dispositions afin de pourvoir à votre remplacement.

Votre comportement irresponsable est de nature à mettre en cause la pérennité de notre entreprise. A plusieurs reprises, au cours des derniers mois, vous avez ostensiblement montré votre total désintérêt pour votre travail.

C'est pourquoi nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement pour faute.''»';

Que selon lettre datée du 22 octobre 2008 comportant quatre feuillets M. [F] [V] a été licencié pour faute lourde';

Que ce courrier de rupture rédigé au nom du PDG de la société, M. [M] [V], est singulier dans la mesure où il est écrit à la première personne du singulier et s'adresse à M. [F] [V] en utilisant le tutoiement, rédaction qui marque le lien de filiation existant entre les deux hommes, avant le lien de subordination coexistant avec ces liens familiaux ';

Que le contenu de ce courrier de rupture révèle une dégradation ancienne des relations personnelles entre les deux hommes, puisqu'il évoque le comportement du salarié à l'égard des membres de sa famille au cours des dernières années, notamment à l'égard de sa s'ur, secrétaire de l'entreprise, et à l'égard de sa mère qui a quitté l'entreprise depuis quelques années mais pour laquelle M. [M] [V] reproche à M. [F] [V] de ne plus adresser la parole';

Qu'après avoir fait état d'une tolérance et d'une clémence face à des comportements fautifs, face à des carences professionnelles et face à une «'attitude destructrice'» expliquée par le ressentiment d'un fils à l'égard d'une réussite paternelle («'tu ne pardonnes pas à ton père d'avoir créé une entreprise qui soit parvenue à survivre dans l'environnement économique difficile d'aujourd'hui alors que l'entreprise que tu as essayé de fonder au début des années 1990 n'a pas pu exister plus de deux ans'»), ce courrier reproche à M. [F] [V] d'avoir décidé à 48 ans de donner une autre orientation à sa carrière au regard de sa décision de suivre une formation d'installateur thermique alors que M. [M] [V] avait «'pris toutes les dispositions pour te transmettre l'entreprise que j'ai créée'»'et que «'compte-tenu de la petite taille de l'entreprise, une telle initiative risquait fort d'entrainer la fermeture des établissements [V]'»';

Que ce courrier évoque enfin les griefs motivant le licenciement dans les termes suivants :

«''en tant que directeur technique, plutôt que d'essayer de limiter les conséquences négatives de ton départ que tu savais probable, tu t'es ingénié à priver l'entreprise le plus longtemps possible de la compétence quasiment indispensable que tu représentais.

Tu savais depuis longtemps que tu devrais subir une opération chirurgicale qui entrainerait une absence de quelques semaines. Tu savais également que si ta demande de stage était acceptée, ton absence de 9 mois débuterait au mois d'octobre.

Au lieu de minimiser les conséquences de ton hospitalisation en te faisant opérer avant ou pendant les congés payés, tu t'es organisé de telle manière que toutes ces absences s'ajoutent.

Pour mémoire, depuis le vendredi 25 juillet, ton contrat de travail s'est trouvé suspendu':

- du 28 juillet au 22 août pour congés payés

- puis du 10 septembre au 18 septembre pour hospitalisation

- et puis du 19 septembre au 14 octobre pour convalescence

- et enfin du 27 octobre au 31 juillet 2009 pour stage suivi dans le cadre du CIF

Comme ce calendrier t'obligeait à reprendre ton poste du 15 au 26 octobre, tu viens de me faire parvenir une prolongation d'arrêt de travail qui (oh hasard'!) se termine la veille de ton début de stage.

A chaque fois que tu as eu un choix à faire, tu as pris l'option la plus pénalisante pour l'entreprise.

Si j'ai donc pris la décision de te licencier pour faute lourde, ce n'est bien sûr pas comme le laissait entendre de manière simpliste ton conseil dans son courrier du 25 septembre 2008 parce que tu pars en formation ou parce que tu t'absentes pour subir une opération chirurgicale, c'est parce que tu as utilisé de manière calculée des absences toutes parfaitement justifiées (congés payés, hospitalisations, convalescences, congé individuel de formation) pour nuire aux intérêts de l'entreprise et mettre en péril sa pérennité, c'est parce que tu as toujours volontairement tardé à me fournir les informations qui auraient pu me permettre de prendre des dispositions pour essayer de palier les conséquences de tes absences.

Pour exemple, alors que tu étais absent depuis le 9 septembre sans aucune explication, ce n'est que le 23 septembre que tu m'informes du motif médical de ton absence et de la prolongation de celle-ci jusqu'au 14 octobre ('!!!).

Inconscience ou volonté de nuire'' Compte-tenu de ce qui précède, on ne peut que retenir la 2ème explication.'»';

Que le courrier de rupture évoque ensuite des griefs anciens de plusieurs mois relatifs à l'utilisation du véhicule mis à disposition de M. [F] [V], en illustrant une carence dans la transmission des informations par une facture d'avril 2007 et par une réparation consécutive à un déplacement personnel';

Que ce courrier s'achève par les considérations suivantes';

«'Ainsi':

- parce que sans qu'il en résulte pour toi un quelconque bénéfice, tu t'es efforcé de provoquer et de multiplier les dysfonctionnements pénalisant l'entreprise.

- parce que jouant sur l'ambiguïté des liens familiaux, tu as constamment essayé de remettre en cause mon autorité de chef d'entreprise en me traitant à plusieurs reprises de «'pauvre homme'» le tout s'accompagnant de bousculades,

Je te notifie ton licenciement pour faute lourde.'»';

Attendu que la charge de la preuve de la faute lourde, qui se caractérise par l'intention de nuire du salarié vis-à-vis de l'employeur ou de l'entreprise, pèse sur l'employeur, et que la lettre de licenciement fixe les limites du litige'; qu'en l'espèce au-delà des liens filiaux existant entre employeur et salarié et malheureusement altérés depuis plusieurs années, les griefs sont à apprécier au regard des obligations de M. [F] [V] non pas en tant que fils du PDG mais en tant que salarié occupant des fonctions de directeur technique, qui était soumis au pouvoir de direction et au pouvoir disciplinaire de son père';

Que le fait que M. [F] [V] ait décidé de réorienter sa carrière en bénéficiant d'une formation professionnelle de plusieurs mois ne peut être retenu comme fautif, étant observé que cette volonté a été connue de l'employeur dès le mois de mai 2007, la société [V] ayant ensuite fait connaître à son salarié qu'elle repoussait ce projet à plusieurs mois au regard des difficultés de fonctionnement engendrées par l'absence de M. [F] [V]'; qu'au surplus cette décision de M. [F] [V] est intervenue dans un contexte économique difficile, l'effectif de entreprise ne comprenant alors plus que six salariés et étant composé notamment outre de l'appelant et du PDG, d'une secrétaire qui est également la s'ur de M. [F] [V], et d'un ouvrier qualifié qui est le compagnon de cette soeur';

Que par ailleurs le fait que M. [F] [V] ait été absent, d'abord en congés puis pour cause de maladie, ne peut également être considéré comme fautif, étant observé qu'un employeur ne peut attendre de son salarié qu'il organise, à supposer cette hypothèse médicalement possible, une intervention chirurgicale pendant ses congés'; qu'il y a lieu de souligner que l'employeur lui-même reconnaît le caractère justifié des absences, se permettant toutefois d'ironiser sur une prolongation d'arrêt maladie opportune permettant une absence jusqu'à la date du stage de formation'; que la seule information tardive d'une hospitalisation de huit jours, à supposer qu'elle soit fautive de la part du salarié (qui s'est vu remettre un bulletin d'hospitalisation à l'issue de celle-ci) et à supposer que l'employeur n'ait pas été préalablement informé de celle-ci (ce qui parait peu probable puisqu'aucune démarche n'a été faite pendant ce laps de temps de la part de l'employeur auprès de son salarié pour faire état de l'absence injustifiée de son directeur technique, pourtant présentée comme étant perturbatrice pour le bon fonctionnement de la société), n'est pas en soi un grief sérieux justifiant un licenciement, et encore moins de nature à établir une intention de nuire de la part de M. [F] [V]';

Que contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, ce n'était pas à M. [F] [V] qu'il appartenait d'organiser et de pourvoir à son propre remplacement pendant ses absences pour maladie puis pendant son congé de formation, notamment en formant un autre salarié, étant d'ailleurs observé que l'employeur ne donne même pas d'indication précise quant au salarié qui aurait été susceptible d'être formé'par son fils ; qu'il convient encore une fois de relever que l'employeur était informé depuis mai 2007 de l'intention de M. [F] [V] de suivre une formation technique dans un autre domaine d'activité, et qu'il lui appartenait dès lors d'anticiper et de pourvoir à son remplacement';

Qu'au surplus l'employeur a, au cours de la procédure, évoqué des griefs non visés dans le courrier de rupture, tenant notamment à des négligences d'entretien des machines, alors que M. [F] [V] était directeur technique et alors que l'entreprise comptait un responsable qualité, M. [X], qui a démissionné dans les jours suivant le licenciement de l'appelant'; que la société [V] n'hésite d'ailleurs pas à reprocher à M. [F] [V] cette démission «'hâtive'» de M. [X], en soutenant que la démarche de M. [X] a été motivée par «'la perspective de devoir assumer seul l'état dans lequel le matériel était laissé'»';

Qu'il résulte de cette lettre de rupture qu'elle ne retient aucun fait précis démontrant le caractère fautif du comportement de son directeur technique, M. [F] [V], et traduisant une intention de nuire';

Qu'en conséquence le jugement déféré sera infirmé partiellement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [F] [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

Qu'il sera fait droit à la demande de dommages-intérêts de M. [F] [V] pour rupture abusive'; qu'au regard de sa rémunération et de son ancienneté, il lui sera alloué une somme de 30000 € de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, et ce toutes causes de préjudices confondues';

Que la société SAS [V] sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts';

Attendu que le jugement déféré sera confirmé dans ses autres dispositions';

Attendu qu'il est contraire à l'équité de laisser à la charge de M. [F] [V] ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel'; qu'il lui sera alloué une somme de 1500 € à ce titre';

Attendu que la société SAS [M] [V] assumera ses frais irrépétibles'et les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'appel principal partiel de M. [F] [V] et l'appel incident de la société SAS [V] recevables ;

Confirme le jugement rendu le 29 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Besançon sauf en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [F] [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

Statuant à nouveau sur ce point, et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute lourde de M. [F] [V] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SAS [M] [V] à payer à M. [F] [V] les sommes de :

- trente mille euros (30 000 €) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- mille cinq cent seuros (1500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Laisse à la charge de la société SAS [M] [V] ses frais irrépétibles et les entiers dépens de l'instance.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente mars deux mille douze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01461
Date de la décision : 30/03/2012

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°11/01461 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-30;11.01461 ?
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