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06/09/2011 | FRANCE | N°10/01809

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 06 septembre 2011, 10/01809


ARRET N°

HB/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2011



CHAMBRE SOCIALE



Contradictoire

Audience publique

du 03 mai 2011

N° de rôle : 10/01809



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MONTBELIARD

en date du 29 juin 2010

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires





ASSOCIATION ADAPEI

C/

[CK] [O], [IU] [A], [XF] [G], [V] [M], [KB] [Z], [L] [S], [D

] [R], [T] [W], [WC] [FV], [E] [SK], [J] [DZ], [UP] [UG](décédée) [TX] [XO], [N] [Y], [ZB] [DS], [U] [KK], [H] [XY], [ZB] [EG], [C] [ZU], [K] [BO], [P] [OC], [EN] [PY], [HW] [SB], [I] [CC], [...

ARRET N°

HB/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2011

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 03 mai 2011

N° de rôle : 10/01809

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MONTBELIARD

en date du 29 juin 2010

Code affaire : 80C

Demande d'indemnités ou de salaires

ASSOCIATION ADAPEI

C/

[CK] [O], [IU] [A], [XF] [G], [V] [M], [KB] [Z], [L] [S], [D] [R], [T] [W], [WC] [FV], [E] [SK], [J] [DZ], [UP] [UG](décédée) [TX] [XO], [N] [Y], [ZB] [DS], [U] [KK], [H] [XY], [ZB] [EG], [C] [ZU], [K] [BO], [P] [OC], [EN] [PY], [HW] [SB], [I] [CC], [F] [IY], [LX] [WL], [GJ] [IA], [MG] [NJ], [L] [YH], [PF] [LN], [SU] [MP], [L] [KU], [LX] [TN], [FG] [RS], [P] [JS], [B] [ZK], [PO] [VT], [NT] [X]

C.G.T ADAPEI DU PAYS DE [Localité 41]

PARTIES EN CAUSE :

ASSOCIATION ADAPEI, ayant son siège social, [Adresse 11]

APPELANTE

REPRESENTEE par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG et Me Jean-Jacques TISSERAND, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

Madame [CK] [O], demeurant [Adresse 19]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [IU] [A], demeurant [Adresse 23]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [XF] [G], demeurant [Adresse 9]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [V] [M], demeurant [Adresse 37]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [KB] [Z], demeurant [Adresse 6]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [L] [S], demeurant [Adresse 25]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [D] [R], demeurant [Adresse 31]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [T] [W], demeurant [Adresse 28]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [WC] [FV], demeurant [Adresse 3]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [E] [SK], demeurant [Adresse 21]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [J] [DZ], demeurant [Adresse 5]

SELONCOURT

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [CW] [UG], ès-qualités d'ayant droit de Mme [UP] [UG], décédée le [Date décès 4] 2010 , demeurant [Adresse 30]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [TX] [XO], demeurant [Adresse 1]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [N] [Y], demeurant [Adresse 27]

SEMONDANS

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [ZB] [DS], demeurant [Adresse 18]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [U] [KK], demeurant [Adresse 42]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [H] [XY], demeurant [Adresse 38]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [ZB] [EG], demeurant [Adresse 26]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [C] [ZU], demeurant [Adresse 17]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [K] [BO], demeurant [Adresse 12]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [P] [OC], demeurant [Adresse 39]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [EN] [PY], demeurant [Adresse 7]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [HW] [SB], demeurant [Adresse 16]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [I] [CC], demeurant [Adresse 35]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [F] [IY], demeurant [Adresse 33]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [LX] [WL], demeurant [Adresse 20]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [GJ] [IA], demeurant [Adresse 14]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [MG] [NJ], demeurant [Adresse 10]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [L] [YH], demeurant [Adresse 8]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [PF] [LN], demeurant [Adresse 24]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [SU] [MP], demeurant [Adresse 13]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [L] [KU], demeurant [Adresse 22]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [LX] [TN], demeurant [Adresse 15]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [FG] [RS], demeurant [Adresse 2]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [P] [JS], demeurant [Adresse 36]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Monsieur [B] [ZK], demeurant [Adresse 40]

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT Madame [PO] [VT], demeurant [Adresse 32]

COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

Madame [NT] [X], demeurant [Adresse 34]

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

INTIMES

C.G.T ADAPEI DU PAYS DE [Localité 41], dont le siège social, est [Adresse 29]

PARTIE INTERVENANTE

REPRESENTEE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 03 Mai 2011 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 28 juin 2011 et prorogé au 06 Septembre 2011 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

L'association ADAPEI du pays de [Localité 41] a régulièrement interjeté appel le 7 juillet 2010 d'un jugement rendu le 29 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard qui l'a condamnée à payer à trente huit de ses salariés, les consorts [O], [A] et autres, exerçant les fonctions d'aide médico-pédagogique au sein de ses établissements pour adultes handicapés, diverses sommes à titre de rappels de salaires, congés payés et indemnités de sujétions spéciales en rémunération des permanences de nuit effectuées par eux en chambre de veille de juillet 2001 à juillet 2006.

Le conseil avait été saisi les 10 et 11 juillet 2006 à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat le 28 avril 2006, pour non-conformité à la directive européenne n° 93/104 du 23 novembre 1993 du décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 pris en application des dispositions de l'article L 212-4 alinéa 4 du code du travail (actuellement L 3121-9), instituant un régime d'équivalence pour les heures de nuit effectuées en chambre de veille dans les établissements sociaux et médico-sociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif, sur la base des dispositions de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (annexe 3 article 10 et annexe 10 article 13), prévoyant que chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà de 9 heures dans la limite de douze heures.

Considérant d'une part que depuis les lois Aubry I et II en date des 13 janvier 1998 et 19 janvier 2000 ayant modifié l'article L 212-4 devenu L 3121-1 et L 3121-9 du code du travail, la validité d'un régime d'équivalence était subordonnée à l'intervention d'un décret, à compter du 1er février 2000 et que l'annulation du décret du 31 décembre 2001 était de portée générale et rétroactive, de sorte que l'application d'un tel régime aux salariés en cause pour la période de juillet 2001 et 2006 ne reposait sur aucun fondement juridique, d'autre part que les dispositions de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 dites de 'sécurisation juridique' validant les versements effectués au titre de permanences nocturnes effectuées en chambre de veille en application des conventions collectives agréées dans le secteur social et médico-social ne peuvent s'appliquer qu'à la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, enfin que les périodes de surveillance nocturne effectuées en chambre de veille par les demandeurs répondaient à la définition légale du travail effectif, le conseil a fait droit à leurs demandes de rémunération de celles-ci 'heure pour heure', augmentée des majorations pour heures supplémentaires, et des indemnités de congés payés et de sujétions spéciales afférentes.

Il a rejeté en revanche les demandes en paiement de repos compensateur et majorations heures de nuit, insuffisamment étayées dans leur principe et dans leur montant, ainsi que la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat C.G.T du pays de [Localité 41].

L'ADAPEI demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé condamnation à son encontre, de débouter les consorts [O], [A] et autres salariés de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner à lui payer chacun la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir en substance à l'appui de son recours :

- que la demande des salariés se heurte à l'application des dispositions de l'article 29 de la loi Aubry II. du 19 janvier 2000, qui concerne directement l'objet du litige et n'a pas été abrogé par le législateur et dont la Cour de Cassation admet qu'il n'est pas incompatible avec les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives notamment à l'exigence du procès équitable dès lors que l'action des salariés a été engagée postérieurement à la loi et qu'il peut s'appliquer à des situations de travail postérieures à sa date d'entrée en vigueur

- que l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 avril 2006 prenant en compte l'avis donné par la cour de justice des communautés européennes n'a annulé que partiellement le décret du 31 décembre 2001 instituant le régime d'équivalence pour les heures de surveillance nocturne en chambre de veille et que cette annulation partielle n'a aucune incidence sur les conditions de rémunération des heures d'équivalence qui étaient et demeurent applicables.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait fondée dans son principe la demande en paiement de l'intégralité des heures de nuit effectuées en chambre de veille, elle conclut à la réduction du montant des rappels de salaires alloués à la somme globale de 529 646,04 € brut estimant que le calcul de ceux-ci doit s'effectuer non pas sur la base du salaire conventionnel qui n'a lieu de s'appliquer que dans les limites définies par les partenaires sociaux en concevant un mode de rémunération différent en fonction de l'intensité du travail fourni selon les périodes d'activité, mais sur la base d'une comparaison du salaire conventionnel effectivement perçu avec le salaire légal minimal dû en rémunération de l'intégralité des heures effectuées, et ce en maintenant le seuil de déclenchement des majorations pour heures supplémentaires en fonction de la durée considérée comme équivalente, conformément aux dispositions de l'article L 212-5 du code du travail.

Elle conclut d'autre part au rejet des demandes en paiement de repos compensateur au titre du dépassement de l'amplitude du travail de nuit au delà de 8 heures prévue par l'accord d'entreprise du 11 mai 2004, applicable rétroactivement au 1er août 2003, faisant valoir que l'accord ne prévoit pas de rémunération pour ces heures mais la prolongation d'autant du repos quotidien légal de 11 heures ou du repos hebdomadaire de 35 heures, et que les salariés ont bénéficié desdites heures de repos.

Les salariés intimés ont relevé appel incident.

Ils demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à leurs demandes en paiement de rappels de salaires et d'indemnités de congés payés et de sujétion spéciale afférentes, de le réformer en revanche en ce qu'il a rejeté leurs demandes en paiement de repos compensateur, de majoration des heures de nuit et d'indemnité de 10 % des sommes dues à titre de rappel des salaires pour préjudice subi du fait de l'impossibilité où ils se trouvent de comptabiliser les heures supplémentaires majorées de 50%.

Ils estiment que les premiers juges ont parfaitement analysé les dispositions de l'article 29 de la loi du 29 janvier 2000 et considéré à juste titre que celles-ci ne pouvaient valider que les versements effectués avant son entrée en vigueur et donc qu'elles n'étaient pas susceptibles de faire échec à leur demande de rappel de salaires au titre de la période postérieure de 2001 à 2006.

Ils maintiennent que les régimes d'équivalence ne sont pas conformes au droit communautaire, qu'il ne peut être soutenu que l'annulation du décret du 31 décembre 2001 par l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 avril 2006, n'avait qu'une portée limitée et laissait perdurer un régime d'équivalence attentatoire par définition aux droits des salariés ; que cette annulation a un effet général et rétroactif et prive de toute légitimité la mise en oeuvre d'un tel régime, de sorte que leur demande en paiement de l'intégralité de leurs heures de présence en chambre de veille est justifiée ; que s'agissant de périodes répondant à la définition légale du travail effectif, l'employeur n'est pas fondé à se référer à des notions 'd'intensité' ou de 'productivité' de celui-ci pour s'opposer au paiement de celles-ci sur la base du taux conventionnel.

Enfin ils font valoir à l'appui de leur appel incident :

- qu'ils sont en droit de prétendre au paiement de repos compensateurs pour la période de 2001 à 2004 sur le fondement des dispositions de l'article L 212-5-1 du code du travail relatives aux repos compensateurs au taux de 100 % dus pour les heures supplémentaires effectuées hors contingent dans les entreprises de plus de 20 salariés, et à compter du 11 mai 2004, sur le fondement de l'accord d'entreprise conclu à cette date prévoyant l'octroi d'un repos compensateur, heure pour heure, dans le cas où l'amplitude du travail de nuit excède 8 heures

- que de même cet accord prévoit une majoration de 7 % pour les heures de nuit

- qu'une compensation du préjudice subi par eux du fait de l'impossibilité où ils se trouvent de comptabiliser les heures supplémentaires effectuées au taux de 50 %, justifie leur demande de dommages et intérêts à ce titre

Il y a lieu de se référer pour l'exposé chiffré des prétentions de chaque salarié intimé à leurs conclusions écrites visées au greffe le 22 avril 2001.

Le syndicat CGT ADAPEI du pays de [Localité 41] est intervenu volontairement à l'instance aux fins de voir :

- dire et juger que le régime des heures d'équivalences est non-conforme au droit communautaire

- condamner l'association ADAPEI à lui verser la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le moyen tiré de l'application de l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000

Ce texte qui était destiné à mettre fin au contentieux né dans le secteur social et médico-social relatif à la validité de la mise en oeuvre de régimes d'équivalence sur la base de conventions et accords collectifs qui avaient fait l'objet d'un agrément de l'autorité de tutelle et non pas d'un arrêté d'extension comme prévu par l'article L 212-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi Aubry II du 19 janvier 2000 est libellé comme suit:

- 'Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne comportant des temps d'inaction effectuée sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collective nationales et accords collectifs nationaux agrées en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité des dites clauses'.

Les salariés intimés soutiennent vainement que l'application de ces dispositions doit être écartée en ce qu'elle est contraire aux exigences de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il résulte des arrêts rendus le 9 janvier 2007 par la cour européenne des droits de l'homme et le 13 juin 2007 par la Cour de Cassation, que cette incompatibilité ne peut être invoquée lorsque la procédure a été engagée postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, ce qui est le cas en l'espèce.

S'agissant de l'application dans le temps de ce texte de validation, la rédaction même de celui-ci permet d'en déduire qu'il ne peut normalement concerner que les versements déjà effectués à sa date d'entrée en vigueur, dès lors que l'alinéa 4 de l'article L 212-4 du code du travail issu de la même loi subordonnait désormais la validité des régimes d'équivalence dérogatoires à la durée légale du travail à l'intervention soit d'un décret simple pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit d'un décret en Conseil d'Etat.

Du fait toutefois de la parution tardive du décret du 31 décembre 2001, pris après avis du Conseil d'Etat, consécutive à l'échec des négociations entreprises par les partenaires sociaux, la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur la portée de l'article 29 susvisé concernant la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi pendant laquelle le régime d'équivalence avait été maintenu dans certains établissements en application des dispositions de l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Elle a jugé que l'article 29 avait vocation à s'appliquer également à la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000 et celle de l'entrée en vigueur du décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001.

Cette interprétation ne contredit ni la lettre ni l'esprit du texte et ne peut être remise en cause, dès lors qu'en l'absence de parution d'un décret, les versements continuaient d'être effectués en application de clauses conventionnelles dont la validité était contestée et que l'objectif du législateur était de laisser le temps aux partenaires sociaux de renégocier les régimes d'équivalence en cours à la date de la loi.

Il s'ensuit que les demandes des salariés portant sur la période de juillet à décembre 2001 ne peuvent être accueillies.

En revanche, les dispositions de l'article 29 susvisé ne peuvent faire échec aux contestations salariales postérieures à l'entrée en vigueur du décret du 31 décembre 2001, lesquelles ne sont plus fondées sur l'absence de validité des clauses conventionnelles, mais sur l'invalidation dudit décret pour non-conformité de celui-ci aux directives communautaires, de sorte qu'il y a lieu d'examiner le deuxième moyen de l'appelant fondé sur la portée limitée de cette invalidation.

Sur la portée de l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 28 avril 2006

Contrairement à l'interprétation des premiers juges, il s'agit d'une décision d'annulation partielle qui n'a pas eu pour objet et pour effet de faire disparaître le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001, codifié sous les dispositions des articles R 314-201, R 314-202 et R 314-203 du code de l'action sociale et des familles, de l'ordre juridique interne.

Le dispositif de l'arrêt est en effet rédigé comme suit :

article 1er : Le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 est annulé en tant qu'il ne fixe pas les limites dans lesquelles doit être mis en oeuvre le régime d'équivalence qu'il définit pour garantir le respect des seuils et plafonds communautaires prévus par la directive du 23 novembre 1993

article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, le décret en Conseil d'Etat nécessaire au regard des motifs de cette décision.

La référence dans l'article 1er à l'omission affectant ledit décret quant à la fixation des limites dans lesquelles doit être mis en oeuvre le régime d'équivalence pour assurer le respect de la directive CE du 23 novembre 1993 n'a nullement un caractère superfétatoire, l'arrêt étant longuement motivé, mais a bien pour objet de délimiter la portée de l'annulation prononcée, sans quoi le Conseil d'Etat aurait purement et simplement énoncé que le décret du 31 décembre 2001 était annulé.

Et le sens de l'injonction faite à l'autorité réglementaire à l'article 2 du dispositif est précisément d'éviter que ne subsiste dans l'ordre juridique interne, au-delà d'un délai raisonnable, des normes pour partie incompatibles avec les directives communautaires.

Une telle injonction n'avait pas lieu d'être prononcée en cas d'annulation totale d'un décret instituant un régime d'équivalence, étant donné qu'il s'agit d'un régime dérogatoire à la durée légale du travail qui n'a aucun caractère obligatoire et qu'il relève de la seule appréciation de l'autorité réglementaire d'autoriser la mise en oeuvre.

De fait le nouveau décret n° 2007-106 du 29 janvier 2007 ne réinstitue pas le régime d'équivalence prétendument annulé mais se limite à compléter les dispositions des articles R 314-201 et suivants du code de l'action sociale et des familles par deux nouveaux articles R 314-203-1 et R 314-203-2 relatives aux seuils et limites évoqués par l'arrêt destinés à réparer l'omission sanctionnée pour incompatibilité avec la directive du 23 novembre 1993.

L'ADAPEI est donc fondée à soutenir que l'annulation partielle prononcée par l'arrêt du 28 avril 2006 n'avait aucune incidence sur les conditions de rémunération des heures d'équivalence qui demeuraient applicables.

Il importe en effet de rappeler que cet arrêt a été rendu au visa d'un arrêt en date du 1er décembre 2005 de la Cour de Justice des communautés européennes prononcé entre les mêmes parties sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, dont il résulte que la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 ayant pour objet de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs, ce dont le Conseil d'Etat a tiré les conséquences, en exposant dans la motivation de sa décision que le décret 'pouvait légalement définir un rapport d'équivalence pour l'appréciation des règles relatives aux rémunérations et aux heures supplémentaires ainsi que celles concernant les durées maximales de travail fixées par le droit national, qu'en revanche il était entaché d'illégalité en tant qu'il ne fixait pas les limites dans lesquelles devait être mis en oeuvre le régime d'équivalence ainsi créé pour garantir le respect des soins et plafonds communautaires'.

Il s'ensuit que l'annulation partielle du décret ne peut servir de fondement à une demande en paiement de rappels de salaire 'heure pour heure' augmentée des majorations pour heures supplémentaires et heures de nuit et des indemnités de congés payés et de sujétion spéciale afférentes, ainsi qu'à la demande de dommages et intérêts en compensation de l'impossibilité de calculer d'éventuelles majorations à 50 %.

Celle-ci ne pourrait servir de fondement qu'à des demandes indemnitaires pour violation des règles protectrices édictéees par la directive communautaire du fait de l'application du régime d'équivalence, telle que le non-respect du temps de pause après six heures de travail décompté 'heure pour heure', le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures en moyenne sur quatre mois consécutifs et pour les travailleurs de nuit, le dépassement de la durée maximale de travail quotidien de 8 heures en moyenne sur une certaine période..... (cf. en ce sens - Cass.soc. 29 juin 2011).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'ADAPEI à verser aux salariés en cause diverses sommes à titre de rappels de salaires, indemnité de congés payés et de sujétion spéciale.

Sur l'appel incident relatif aux repos compensateurs et dommages-intérêts

Les demandes ne peuvent être accueillies en ce qu'elles sont fondées sur la requalification en heures supplémentaires des heures de surveillance nocturne en chambre de veille non prises en compte par l'employeur du fait de l'application du régime d'équivalence, cette requalification ayant été rejetée pour les motifs exposés plus haut.

La demande en paiement de repos compensateurs formée en application de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004 sur la mise en place du travail de nuit n'apparaît pas davantage fondée.

Chacun des salariés intimés a calculé en effet sa demande de rappel de salaires sur la base de 5 heures par nuit effectuée de 2001 à 2006, voire moins de 5 heures, ce qui permet de supposer en tenant compte du régime d'équivalence applicable et en l'absence de toute communication des plannings de service, qu'ils ont effectué des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille d'une durée n'excédant pas 8 heures, car pour une durée de 9 heures ou plus, ils auraient normalement dû réclamer au minimum 6 heures par nuit. Dès lors, en l'absence de dépassement avéré de la durée de huit heures de travail de nuit, aucun droit à repos équivalent à la durée du dépassement ne peut être invoqué sur le fondement de l'article 3 de l'accord.

Il est prévu au surplus que ce temps de repos s'additionne soit au temps de repos quotidien de 11 heures, soit au repos hebdomadaire et il n'est pas indiqué qu'à défaut, il doit donner lieu à une compensation financière.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'intervention du syndicat CGT

Celle-ci est recevable en application des dispositions de l'article L 2132-3 du code du travail mais non fondée.

En l'absence de violation caractérisée des droits des salariés de l'ADAPEI, tant au regard du droit interne que du droit communautaire, ledit syndicat ne peut se prévaloir d'une atteinte aux intérêts collectifs de la profession qu'il représente.

Il convient donc de rejeter sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les salariés intimés et la partie intervenant supporteront les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'ADAPEI.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'association ADAPEI recevable et fondée en son appel principal,

Infime le jugement rendu le 29 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard en ce qu'il a condamné ladite association à payer aux consorts [O] [CK], [IU] [A], [XF] [G], [V] [M], [KB] [Z], [L] [S], [D] [R], [T] [W], [WC] [FV], [E] [SK], [J] [DZ], [CW] [UG] (ayant-droit de Mme [UP] [UG]), [TX] [XO], [N] [Y], [ZB] [DS], [U] [KK], [H] [XY], [ZB] [EG], [C] [ZU], [K] [BO], [P] [OC], [EN] [PY], [HW] [SB], [I] [CC], [F] [IY], [LX] [WL], [GJ] [IA], [MG] [NJ], [L] [YH], [PF] [LN], [SU] [MP], [L] [KU], [LX] [TN], [FG] [RS], [P] [JS], [B] [ZK], [PO] [VT] et [NT] [X] diverses sommes à titre de rappel de salaires pour indemnités de congés payés et indemnité de sujétion spéciale, outre indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Dit non fondées et rejette l'intégralité des demandes en paiement de rappels de salaires, indemnités de congés payés et de sujétion spéciale formées par les trente huit salariés intimés,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté ceux-ci de leurs demandes de repos compensateurs, majorations de nuit et dommages et intérêts, ainsi que le syndicat C.G.T. de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne les salariés intimés et le syndicat C.G.T. aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le six septembre deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01809
Date de la décision : 06/09/2011

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°10/01809 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-06;10.01809 ?
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