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07/06/2011 | FRANCE | N°10/02055

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 07 juin 2011, 10/02055


ARRET N°

JD/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 JUIN 2011



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 03 mai 2011

N° de rôle : 10/02055



S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes de MONTBELIARD

en sa formation de départage

en date du 08 juillet 2010

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[R] [D]r>
C/

SOCIETE FAURECIA BLOC AVANT







PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [R] [D], demeurant [Adresse 1]





APPELANT



REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT



ET :



S...

ARRET N°

JD/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 07 JUIN 2011

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 03 mai 2011

N° de rôle : 10/02055

S/appel d'une décision

du Conseil de prud'hommes de MONTBELIARD

en sa formation de départage

en date du 08 juillet 2010

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[R] [D]

C/

SOCIETE FAURECIA BLOC AVANT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [R] [D], demeurant [Adresse 1]

APPELANT

REPRESENTE par Me Amélie BAUMONT, avocat au barreau de BELFORT

ET :

SOCIETE FAURECIA BLOC AVANT, ayant son siège social [Adresse 2]

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Jean-Jacques TISSERAND, avocat au barreau de MONTBELIARD

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 03 mai 2011 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 7 juin 2011 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [R] [D] a régulièrement interjeté appel du jugement de départage rendu le 8 juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard qui a constaté que le licenciement de M. [D] reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté ce dernier de sa demande.

M. [R] [D], né le [Date naissance 3] 1959, embauché en qualité d'agent de fabrication par la société Faurecia Bloc Avant depuis le 13 septembre 1976 et occupant depuis près de 12 ans un emploi de magasinier cariste, a été licencié pour motif réel et sérieux par lettre recommandée du 7 janvier 2008, après mise à pied à titre conservatoire du 14 décembre 2007, et ce au motif que le 14 décembre 2007, il avait consommé du vin rouge avec un de ses collègues de travail, M. [B] [M], sur le site dans la cafétéria, alors que la consommation d'alcool a été interdite y compris au restaurant d'entreprise ainsi que cela résulte du règlement intérieur, l'intéressé ayant admis qu'il amenait habituellement à tour de rôle avec son collègue une bouteille de vin en vue de consommer ensemble du vin au casse-croûte.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [D] avait saisi le 24 juillet 2008 le conseil de prud'hommes de Montbéliard en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 87'883,39 €, compte tenu notamment de son ancienneté et le conseil de prud'hommes, sous la présidence du juge départiteur, a considéré que les faits étaient établis et qu'exerçant les fonctions de cariste, et quel que soit son degré d'imprégnation alcoolique, il avait exposé ses collègues et intervenants extérieurs éventuels de l'entreprise à un risque d'accident accru.

Par conclusions du 9 mars 2011 reprises oralement à l'audience par son avocat, M. [R] [D] demande à la cour de dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et de condamner la société Faurecia Bloc Avant à lui payer la somme de 87'883,39 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi que la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la clause du règlement intérieur prévoyant l'interdiction d'introduire et de consommer de l'alcool sur les lieux de travail excède, de par sa généralité, l'étendue des suggestions que l'employeur peut légalement imposer à ses salariés et qu'en tout état de cause le seul fait d'avoir bu de l'alcool et au sein du réfectoire de l'entreprise ne justifie en aucun cas en licenciement pour cause réelle et sérieuse, étant relevé qu'il n'avait jamais fait l'objet du moindre avertissement, qu'il n'était pas en état d'ébriété, que sa hiérarchie était parfaitement au courant de ses habitudes alimentaires et ne lui avait jamais fait la moindre remarque, que le seul règlement intérieur qu'il avait signé était celui en vigueur en 1976 et qui prévoyait la possibilité de boire durant les repas un quart de vin.

La société Faurecia Bloc Avant, par conclusions du 3 mai 2011 reprises oralement à l'audience par son avocat, demande à la cour de confirmer le jugement de première instance et de condamner l'appelant à lui payer une indemnité de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que les faits fautifs découverts sont contraires au règlement intérieur qui souligne que l'interdiction de consommation d'alcool est stricte et générale et qu'il y a bien faute pour avoir introduit pour consommer sur le site de l'alcool et pendant les heures de travail alors même que , par les fonctions particulières exercées, la personne est susceptible d'intervenir seule en autonomie pour des opérations en soi dangereuses, étant rappelé que l'employeur est tenu de l'obligation générale de sécurité à l'égard de l'ensemble des membres du personnel sur l'ensemble du site et doit répondre des actes et comportements de chacun.

Concernant le règlement intérieur entré en vigueur le 1er juin 2004, il soutient que celui-ci a été largement diffusé après consultation du comité d'établissement et du CHSCT et contrôle par l'inspecteur du travail et que le personnel a été informé et sensibilisé sur les questions aussi importantes que celles-ci.

SUR CE, LA COUR

Attendu que M. [R] [D], salarié de la société Faurecia Bloc Avant depuis le 13 septembre 1976 et occupant depuis près de 12 ans l'emploi de magasinier cariste, ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement notifiée le 7 janvier 2008 visant des faits commis le 14 décembre 2007 suivis d'une mise à pied à titre conservatoire, mais conteste principalement la nature de la sanction prise ainsi que la licéité de l'article du règlement intérieur sur lequel repose la sanction, à savoir l'article 4-1 dudit règlement entré en vigueur le 1er juin 2004,lequel est ainsi rédigé:

'Il est interdit de pénétrer ou de séjourner dans l'établissement en état d'ivresse. L'introduction de boissons alcoolisées est strictement interdite. Tout membre du personnel dont le comportement laisse supposer une consommation excessive d'alcool est reconduit à ses frais et sans délai jusqu'à son domicile. Tout salarié qui contesterait son état d'imprégnation alcoolique pourra proposer d'en faire la preuve en usant d'un éthylometre mis à sa disposition par le service du personnel.

Lorsque l'état d'un salarié constitue, du fait de ses fonctions, un risque grave ou une situation dangereuse pour sa sécurité ou celle des tiers, la direction pourra imposer un moyen de contrôle du taux d'alcoolémie dans les limites fixées par la loi en vigueur (tels que l'alcootest, éthylomètre...) dans le but de prévenir ou de faire cesser immédiatement cette situation dangereuse ou ce risque grave.

Ce contrôle est effectué à la demande des représentants de la direction ayant la responsabilité de l'application des règles de sécurité et d'hygiène sur les lieux de travail et il est réalisé par un représentant des services des ressources humaines ou hygiène sécurité. Un membre du CHSCT ou, à défaut un délégué du personnel ou, à défaut, un autre membre du personnel pourra sur la demande de l'intéressé être présent lors de ce test.

Le salarié peut contester le résultat en apportant la preuve contraire et peut demander une contre-expertise' ;

Attendu que ce texte est plus restrictif que l'article R. 4228-20 du code du travail qui dispose qu'aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail, mais a néanmoins vocation à être appliqué dès lors qu'il a été adopté régulièrement et qu'il vise à améliorer la sécurité du personnel dans l'entreprise en limitant autant que possible les risques liés à l'alcool ;

Que toutefois une telle interdiction de toute boisson alcoolisée depuis le 1er juin 2004 doit nécessairement être accompagnée d'une information exhaustive et régulière, notamment en ce qui concerne l'introduction sur le site de l'entreprise de boissons comme le vin ou la bière ,lesquelles étaient autorisées avant l'entrée en vigueur de ce règlement , étant relevé que l'article 4-1 du règlement intérieur porte essentiellement sur les moyens de contrôler la consommation excessive d'alcool et ses conséquences, et que l'interdiction de l'introduction de boissons alcoolisées sur le site n'est que l'un des moyens de prévention de l'alcoolisme ;

Qu'en l'espèce, s'il est constant que M. [D] et son collègue M. [M] ont introduit sur le site de l'entreprise une bouteille de vin le 14 décembre 2007 et ont consommé du vin vers 18 heures lors d'un casse-croûte pris au réfectoire, et si ces derniers ont reconnu qu'ils agissaient habituellement ainsi, il est également établi qu'aucune sanction ni avertissement ne leur avait jamais été notifié pour de tels faits ni même pour d'autres faits, alors qu'ils ne se cachaient pas, Mr [M] , qui avait également interjeté appel du jugement le déboutant de ses demandes, ayant même précisé à l'audience ,où les deux affaires ont été appelées, que les verres étaient sur la table ;

Que dès lors se pose nécessairement la question de l'information donnée aux salariés quant à l'interdiction d'introduire notamment du vin dans la cafétéria, alors qu'une telle consommation était ,selon les salariés eux-mêmes, habituelle et faite au vu et au su de tous, et qu'en tout cas se pose la question de la proportionnalité de la sanction, étant acquis qu'aucun reproche n'est fait au salarié quant à un quelconque état d'ivresse ou d'ébriété, seule la violation du règlement étant en cause ;

Que les documents produits aux débats permettent de relever des carences dans le domaine de l'information et de la prévention, ainsi que cela résulte notamment du procès-verbal de la réunion du CHSCT tenue quelque peu tardivement en janvier 2008 à la demande des membres de ce comité en date du 23 octobre 2007, l'un des membres, M. [S], s'étant exprimé ainsi :

« Il n'y a pas eu d'information de faite concernant la consommation du quart de litre de vin rouge lors des repas. Nous sommes intimement convaincus que 90 % du personnel pensent qu'il est toujours possible de consommer ce quart de litre de vin rouge. Cela pose problème et la dernière information concernant l'interdiction de consommer de l'alcool date du 27 juillet 2000. S'il n'y a pas d'informations de faites de façon régulière, les choses sont oubliées. Nous tenons donc à faire prendre en compte deux points :

- il y a un gros travail d'information à faire auprès du personnel,

- il n'y a plus du tout de politique de prévention de faite, un travail de prévention est donc à faire... La direction ne voit plus que la répression au détriment de la prévention » ;

Qu'aucun document probant ne permet de vérifier qu'une telle information a été donnée régulièrement aux salariés, étant relevé que l'inspecteur du travail, dans une lettre adressée à l'employeur le 29 février 2008 ,a demandé à ce dernier de porter à sa connaissance le contenu de l'information faite à l'attention du personnel sur cette question de l'alcool et de sa consommation dans l'établissement, la suite donnée n'étant pas connue de la cour ;

Qu'au vu de ces éléments, si le fait reproché à M. [D] est bien réel, il ne peut être qualifié de sérieux faute de preuve d'une information et d'une prévention suffisantes, étant à nouveau relevé qu'il n'est justifié d'aucune sanction ou avertissement préalable à l'encontre de ce salarié qui a oeuvré au service de l'entreprise depuis 1976 ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. [D] de sa demande et l'a condamné aux dépens ;

Que ce dernier, né en 1957, comptait près de 32 ans d'ancienneté ; qu'il a incontestablement subi un préjudice du fait de son licenciement, étant relevé que sa situation après le licenciement n'est pas connue ; qu'une indemnité de 28'000 € lui sera allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'il sera d'autre part fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail concernant le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois ;

Qu'il sera en outre alloué une indemnité de 800 € à M. [D] au titre de l'ensemble de ses frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 8 juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de Montbéliard entre les parties ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [R] [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Faurecia Bloc Avant à payer à M. [R] [D] les sommes suivantes :

- vingt huit mille euros (28'000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- huit cents euros (800 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par la société Faurecia Bloc Avant aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du licenciement ;

Déboute la société Faurecia Bloc Avant de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Faurecia Bloc Avant aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le sept juin deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02055
Date de la décision : 07/06/2011

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°10/02055 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-07;10.02055 ?
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