ARRET N°
VLC/IH
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 12 AVRIL 2011
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 15 février 2011
N° de rôle : 10/01018
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONS-LE-SAUNIER
en date du 26 mars 2010
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
[D] [P]
C/
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU JURA
PARTIES EN CAUSE :
Madame [D] [P], demeurant [Adresse 2]
APPELANTE
COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Dominique PEYRONEL, avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER
ET :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU JURA, ayant son siège social [Adresse 1]
INTIMEE
REPRESENTEE par Me Brigitte TOURNIER, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 15 Février 2011 :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY
GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES
Lors du délibéré :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 29 mars 2011 et prorogé au 12 avril 2011 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [D] [P] été employée à compter du 1er septembre 1974 par la caisse d'allocations familiales du Jura et a été affectée au service vérification dépendant de l'agence comptable, où elle a occupé un emploi d'agent technique supérieur à partir du mois de mars 1982. Elle est actuellement classée technicien vérification au niveau 3 de la nouvelle classification'; ses dernières promotions sont, en application du protocole d'accord du 30 novembre 2004 à effet au 1er février 2005, l'octroi le 1er juillet 2005 de 7 points de compétence, puis l'octroi le 1er juillet 2009 de 7 points de compétence.
Le 18 février 2009 Madame [D] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier de demandes au titre de rappels de salaire de janvier 2004 à février 2009 à hauteur de 6 875,67 € brut outre les congés payés afférents, de 5 000 € de dommages et intérêts pour discrimination salariale, et de 1 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 26 mars 2010 le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier a débouté Madame [D] [P] de ses prétentions au titre des salaires et de la discrimination. Le conseil a retenu que l'absence d'entretien personnalisé conformément à l'article 7 du protocole d'accord du 30 octobre 2004 constitue une perte de chance et d'évolution de carrière et a accordé à Mme [P] une somme de 1 000 € de dommages et intérêts outre 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par courrier du 20 avril 2010 Madame [D] [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées le 29 septembre 2010 et le 22 décembre 2010 auxquelles son conseil s'est rapporté lors des débats, Madame [D] [P] conclut à l'infirmation partielle du jugement.
Madame [D] [P] sollicite que soit constatée l'existence d'une discrimination et de faits de harcèlement moral subis par elle, et réclame la condamnation de la caisse d'allocations familiales du Jura à lui payer la somme de 8 954,45 € brut à titre de rappel de salaire de juillet 2004 à novembre 2010 (somme à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir), outre 895,44 € brut au titre des congés payés afférents, 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de carrière, 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et enfin une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande en outre à la cour le rétablissement de ses droits à carrière.
Au soutien de ses prétentions Madame [D] [P] développe les points suivants':
Sa carrière s'est déroulée normalement jusqu'en 2004. C'est à compter du départ de l'agent comptable M. [I] en 2003 et surtout de l'arrivée de M. [V] [X] en qualité de nouvel agent comptable que son travail a changé en termes de moyens techniques et matériels.
Un protocole d'accord du 30 novembre 2004 applicable à compter du 1er février 2005 relatif au dispositif de rémunération et de classification des emplois a prévu une évolution de deux points d'expérience par an.
Mme [P] s'est vue attribuer le minimum de 7 points de compétence à compter de 2005, puis elle n'a plus évolué contrairement à ses collègues, ni au quatrième degré ni au niveau 4.
En février 2006 une cellule qualité a été créée suite au travail de Mme [P] sur plusieurs dossiers et c'est sa collègue Mme [B] qui a été désignée sans appel à candidature.
Mme [P] affirme qu'elle a été sanctionnée pour avoir poursuivi une dynamique de lutte contre la fraude, alors qu'elle est le seul agent en 2007 à avoir décelé des dossiers de fraude. Elle a ainsi été destinataire en janvier 2007 d'un avertissement totalement infondé.
En ce qui concerne la discrimination salariale, Mme [P] invoque le principe ''à travail égal, salaire égal''. Elle soutient être victime de discrimination concernant l'attribution de degrés et de points de compétence entre 2004 et 2008, et également dans le cadre de la mise en place de la politique de rémunération de la CNAF. Elle se prévaut notamment d'une comparaison, par le biais de tableaux concernant des salariées qui font le même travail qu'elle-même au service vérification, soit Mmes [P] [S], [E] [M], [B] [T] et [H] [O]. Elle souligne que seuls six autres agents de la CAF avec 50 % d'ancienneté n'ont pas le niveau 4. Ainsi elle est la seule du service vérification à ne pas avoir bénéficié du passage du niveau 3 au niveau 4, ni de l'attribution de points de compétence. Or les entretiens d'évaluation et d'accompagnement des années 2006 à 2008 de Mme [P] et de ses collègues sont identiques. Aucun incident ne justifie la non attribution de points. En 2010 Mme [F], fondée de pouvoir par intérim et le chef du service vérification ont de nouveau sollicité le passage au niveau 4 de Mme [P], en vain.
La CAF ne présente aucun élément objectif de nature à justifier la différence de traitement salarial de Mme [D] [P] avec ses collègues exerçant le même travail qu'elle.
S'agissant du harcèlement moral, l'appelante fait notamment état d'un avertissement injustifié du 9 janvier 2007, de faits et propos de l'agent comptable M. [X] depuis son arrivée en décembre 2006, et qui notamment lors d'une soirée entre collègues lui avait indiqué qu'elle aurait dû avoir des relations plus privilégiées avec la direction de l'époque. Elle soutient en outre que M. [X] a affirmé en cours de procédure qu'il ne donnerait plus aucun avancement à Mme [P], ce qui lui a été confirmé lors d'un entretien du 13 avril 2010 avec M. [Y], directeur.
Elle soutient enfin avoir été mise à l'écart, se retrouvant un jour seule dans le service sans savoir où étaient ses autres collègues, se voyant également refuser une formation TIERSI et devant insister pour bénéficier de la formation RSA.
Elle relate que Mme [G], fondée de pouvoir, a également été victime de harcèlement moral au point qu'elle est en congé maladie depuis août 2009.
Dans ses conclusions datées du 28 janvier 2011 développées par son avocat lors de l'audience, la caisse d'allocations familiales du Jura forme appel incident et conclut au débouté de Madame [D] [P] de toutes ses prétentions et à l'octroi d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir les éléments suivants :
S'agissant des rappels de salaire, l'évolution de carrière par l'attribution de points de compétence a changé avec le protocole de 2004 qui prévoit qu'il n'y a plus de garantie d'attribution de points de compétence à l'issue d'un délai de cinq ans, comme le prévoyait le protocole de 1992. La CAF a uniquement l'obligation d'attribuer des points de compétence à 20 % minimum du personnel par an.
Aussi Mme [P] a eu 7 points de compétence le 1er février 2005 dès l'entrée en vigueur du nouveau protocole, puis 7 points de compétence le 1er juillet 2005.
S'agissant des dommages et intérêts pour perte de carrière, la caisse fait valoir que l'examen personnalisé a eu lieu et a été notifié le 6 octobre 2008, que le texte du protocole n'exige pas qu'il soit fait sous forme d'un entretien avec le directeur, qu'au surplus un entretien avait été proposé à Mme [P] pour le 29 septembre et que la notification précise à la salariée qu'elle peut être reçue par le directeur, modalité qu'elle n'a pas sollicitée.
S'agissant de la discrimination, la caisse fait valoir que':
- Mme [P] a toujours bénéficié de l'attribution d'un degré avant l'expiration de la période de cinq ans, soit en 1995, 1997 et 2000,
- seuls deux agents sur cinq du service ont obtenu des points au cours de l'année 2005, dont Mme [P] [D],
- douze autres agents classés N3 n'ont eu en 2008 ni promotion ni point de compétence, et de nombreux agents n'ont pas eu de points de compétence pendant trois ans,
- Mme [P] a obtenu 7 points de compétence le 1er juillet 2009,
- le passage au niveau 4 n'est pas automatique et n'est pas généralisé car l'on retrouve dans d'autres services des agents restés au niveau 3,
- l'affirmation de l'appelante relative à la demande par Mme [F] en 2010 de son passage au niveau 4 est erronée,
- la situation de Mme [P] est à comparer avec celles de Mmes [E], [B] et [P] [S]. Ses collègues Mmes [H] et [P] [A] ne travaillent pas au service vérification mais au service qualité créé en 2006. Les trois collègues Mmes [E], [B] et [P] [S] n'ont pas eu d'évolution en mai 2006, Mmes [E] et [B] ont eu 7 points de compétence en 2007, alors que des tensions existaient entre l'appelante et le service prestation en raison de son refus d'appliquer les consignes (d'où un avertissement verbal en janvier 2007)'; Mmes [E] et [B] sont ensuite passées au niveau 4 en 2008 avec une autre prestation de travail que Mme [P] [D], puisqu'elles sont gestionnaires maîtrise des risques chargées outre de la vérification de dossiers, de l'analyse de la pratique des autres services et de la reliquidation';
- Mme [P] s'est adaptée lentement à la politique de maîtrise des risques décidée par la direction après 2005, et a préféré agir de façon autonome quitte à aller à l'encontre des règles de la hiérarchie.
S'agissant enfin du harcèlement, la caisse soutient que l'avertissement verbal adressé à Mme [P] en janvier 2007 est justifié car il concernait un refus d'appliquer une décision du conseil général'; la direction souhaite en effet que les contrôles se fassent sur la base d'une analyse des risques plutôt que sur une logique d'acharnement sur un dossier, en application du principe de l'égalité des allocataires.
La CAF conteste les allégations de Mme [P] relatives à l'attitude et aux propos attribués à M. [X], et précise que la décision d'attribution de points supplémentaires revient au comité de direction.
La CAF conteste enfin une mise à l'écart de l'appelante au cours de la procédure prud'homale, et conteste les propos attribués au directeur M. [Y] lors d'un entretien du 13 avril 2010.
SUR CE, LA COUR,
Attendu que Madame [D] [P] prétend subir, depuis l'année 2005, des agissements constitutifs de discrimination salariale et, à hauteur d'appel de harcèlement moral'; qu'elle se prévaut des dispositions de l'article L 3221-2 du code du travail qui dispose que ''Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes''';
Attendu que les dispositions de l'article L 1144-1 du code du travail prévoient qu'en cas de litige le salarié doit présenter des éléments de fait qui permettent de présumer l'existence de faits de harcèlement et laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et qu'au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et de discrimination, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et à toute discrimination';
Que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles';
Attendu que Madame [D] [P] se prévaut, à l'appui de la discrimination salariale dont elle est victime depuis l'application du nouveau protocole du 30 novembre 2004 applicable à compter du 1er février 2005, de la comparaison de sa situation avec celle de ses collègues appartenant à l'unité vérification et exerçant les mêmes fonctions de technicien vérificateur PF/AFI ; que Mme [D] [P] retient ainsi la situation de quatre collègues, soit [S] [P] entrée le 29 janvier 1970, [O] [H] entrée le 1er avril 1970, [M] [E] entrée le 1er mars 1972 et [T] [B] entrée le 15 juin 1979, qui au regard de leur ancienneté avaient atteint comme elle le maximum de points d'avancement liés à celle-ci';
Qu'il ressort de ces éléments que':
- Mme [S] [P] également de niveau 3 a bénéficié de l'octroi de points de compétence février en 2005 puis en juillet 2008 à hauteur de 7 points';
- Mme [O] [H] a bénéficié de l'octroi de 7 points de compétence en juillet 2007, et en septembre 2008 d'un passage du niveau 3 au niveau 4 à effet au 1er janvier 2008';
- Mme [M] [E] a bénéficié de l'octroi de 7 points de compétence en février 2005, 7 points de compétence en juillet 2007, et en septembre 2008 d'un passage du niveau 3 au niveau 4 à effet au 1er janvier 2008';
- Mme [T] [B] a bénéficié de l'octroi de 7 points de compétence en février 2005, 7 points de compétence en juillet 2007, et en septembre 2008 d'un passage du niveau 3 au niveau 4 à effet au 1er janvier 2008';
Que Mme [D] [P] évoque en outre la situation de Mme [A] [P] qui a bénéficié d'un passage au niveau 4 également à effet au 1er janvier 2008';
Que Mesdames [S] [P] et [O] [H] sont à présent en retraite';
Qu'il ressort de ces éléments qu'à ancienneté égale, et compte tenu de ce que Mme [S] [P] a fait valoir ses droits à retraite, il est incontestable que Mme [D] [P] est la seule vérificatrice à être restée au niveau 3 et à ne pas avoir bénéficié d'un passage au niveau 4 comme ses collègues Mmes [E] et [B], étant observé que cette dernière a pourtant une ancienneté moindre'que l'appelante ;
Que pour justifier cette différence de progression salariale de Mme [D] [P], la caisse d'allocations familiales du Jura évoque un avertissement verbal donné le 10 janvier 2007 à Mme [D] [P] suite à une note rédigée au nom du directeur adjoint M. [N] à l'attention du directeur et faisant état du non respect par Mme [P] d'une décision d'octroi d'allocation par le conseil général'; qu'elle soutient également que les difficultés d'adaptation de l'appelante transparaissent dans les observations développées lors de ses entretiens d'évaluation annuels qui sont versés aux débats à partir de l'année 2006 (de même que ceux de ses collègues)';
Que l'entretien effectué le 25 juillet 2007 par Madame [W] [R], animateur d'équipe vérification, rappelle, dans la continuité de l'avertissement du mois de janvier 2007 «'nous avons des contraintes et des limites définies par la hiérarchie et nous devons intervenir dans le cadre de ces limites. Une évolution est toujours possible mais elle n'est pour l'instant pas d'actualité.'»'; qu'il est en outre mentionné dans la rubrique relative à l'organisation du travail en fonction des priorités, urgences et imprévus, «'des efforts sont faits mais peut mieux faire. Il faut essayer de s'améliorer encore.»';
Que l'entretien effectué le 19 juin 2008 également par Madame [W] [R] pendant 1 heure indique des objectifs préalablement fixés atteints par Mme [P], et ne fait état d'aucune réserve quant au travail de Mme [P] qui évoque la limite de deux communications téléphoniques par dossier ciblé et supposé frauduleux et qui rappelle': «'des sanctions qui ont été prises suite à la détection d'un nombre conséquent de dossiers fraudes. De plus, je n'ai plus la liberté d'utiliser toutes les procédures que j'ai établies par mon travail personnel et mes recherches. J'ai dû transmettre à la cellule qualité, à sa demande, le résultat de mes recherches. (relations avec l'URSSAF, la Suisse, etc..)'»'; que Mme [D] [P] a émis comme souhait d'évolution professionnelle l'attribution du niveau 4, comme sa collègue Mme [B], Mme [E] ayant quant à elle souhaité «'poursuivre une évolution normale de sa carrière'»';
Que l'entretien effectué le 7 octobre 2009 pendant 2h40 toujours par Madame [W] [R], évoque un retard de travail que Mme [P] ressent en regrettant «'que le seul fait que j'aie eu du retard, résorbé en 2 jours, ait été un motif récurrent de l'entretien'»; qu'à la rubrique ''souhaits d'évolution professionnelle exprimés par le collaborateur'' Mme [P] mentionne «'ne se prononce plus. Avait demandé un niveau 4 l'année dernière'», et que le commentaire de sa responsable Mme [R] est «'avis favorable pour cette année'»';
Que l'entretien effectué le 17 juin 2010 par Mme [T] [B] ne mentionne plus de souhaits d'évolution professionnelle'; qu'il indique en outre des objectifs non réalisés expliqués par le fait que Mme [P] se soit retrouvée seule à certains moments dans le service qui s'est de plus trouvé amputé suite au départ de deux agents';
Qu'il ressort de ces éléments que Mme [P] a manifestement mal vécu tant les reproches de son employeur relatifs à son investissement dans les dossiers de fraude, que l'organisation d'une cellule qualité dans laquelle elle n'a pas été intégrée'; qu'il ressort toutefois de l'un des témoignages établi le 28 avril 2009 par sa collègue Mme [O] [H] (sa pièce 12) que Mme [P] a respecté cette organisation puisque le témoin indique': «'je travaille à la cellule qualité depuis le 1er avril 2007. Depuis cette date et jusqu'à ce jour, Mme [P] [D] a toujours travaillé en bonne intelligence avec moi. Je n'ai pas de grief à lui imputer dans nos relations de travail. Elle a toujours su apporter les informations utiles ou nécessaires pour la régularisation des dossiers souvent complexes qui nous sont soumis.'»';
Que si l'entretien d'évaluation de l'année 2007 peut expliquer l'absence de toute promotion de la salariée, notamment en termes de points de compétence, les entretiens des années ultérieures ne révèlent nullement les difficultés d'adaptation de l'appelante évoquées par l'employeur';
Qu'au contraire Mme [R] à l'occasion de l'évaluation effectuée en 2009 avec la salariée, a émis un avis favorable à un passage au niveau 4'; que dans un témoignage produit par l'employeur Mme [R] (sa pièce 21) écrit toutefois «'je tiens à préciser que je ne me suis jamais impliquée dans le conflit qui oppose Madame [P] [D] et la CAF du Jura et que j'ai toujours évité de prendre partie.'» (sic)';
Qu'il convient de rappeler que Mesdames [E] et [B] ont quant à elles bénéficié d'un passage du niveau 3 au niveau 4 dès 2008'; que pour expliquer cette différence d'évolution, la caisse soutient que ces deux collègues ne font pas le même travail car elles sont ''gestionnaires maîtrise des risques'''; que ces allégations ne sont pas pertinentes puisque ces deux personnes occupaient au moment de leur promotion au niveau 4 selon les indications figurant sur leur entretien d'évaluation et d'accompagnement également mené par Mme [W] [R], un emploi identique à celui de Mme [P] soit technicien vérificateur PF/AFI';
Qu'il apparaît donc que Mme [D] [P] est, en comparaison avec ses collègues d'ancienneté similaire du service vérification, la seule à ne pas avoir bénéficié d'une promotion au niveau 4, et que l'employeur ne donne aucune justification objective à cette situation';
Que s'il ressort des explications fournies par le représentant de l'employeur à l'audience que la promotion est décidée après un arbitrage financier tenant compte de la taille des services et de leurs performances, il n'en demeure pas moins qu'elle est proposée par le responsable de service au comité de direction ; que Mme [P] se prévaut d'une attestation de Mme [H], collègue de travail, qui mentionne (sa pièce 37) des propos attribués à Mme [R] au moment des propositions d'avancement en juillet 2009, et qui aurait rapporté qu'elle avait dû batailler ferme avec M. [X] qui'«'ne voulait rien donner à [D]'»'; que le témoignage de Mme [R] produit par l'employeur (sa pièce 21), s'il dément ces propos, est pour le moins confus puisque Mme [R] indique «'je ne citais pas les dires de Monsieur [X], mais rapportais ce que Madame [P] [D] avait dit dans le service à plusieurs reprises.'»'; que dans un autre témoignage écrit établi ultérieurement (pièce 44) Mme [H] relate «'le 13 avril 2010, j'ai assisté en tant que déléguée syndicale CFDT et déléguée du personnel, Madame [P] [D], lors de l'entretien qu'elle avait demandé à Monsieur [Y], Directeur de la CAF du Jura. Monsieur [Y] a précisé qu'il reprenait à son compte la position prise par ses prédécesseurs, pour ne pas les désavouer, de ne pas faire évoluer la carrière professionnelle de Madame [P] F. Il a même précisé dans le cadre de cet entretien que si Madame [P] [D] faisait appel de la décision rendue le 26 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier, cela bloquerait de nouveau tout déroulement de carrière.'»'; que le démenti écrit du directeur M. [Y] quant à la véracité de ses propos n'enlève rien au contenu de ce témoignage';
Qu'en conséquence les éléments dont se prévaut Madame [D] [P] permettent de retenir l'existence de faits de discrimination salariale'; qu'il sera fait droit aux prétentions de l'appelante, et qu'il y a lieu de retenir l'application en faveur de Mme [P] du niveau 4 à compter du 18 février 2009 date de saisine du conseil de prud'hommes'; que l'appelante peut donc prétendre à compter de cette date à une rémunération conforme à ce niveau 4';
Que la caisse d'allocations familiales du Jura sera condamnée à verser à Mme [P] un rappel de salaire tenant compte à compter du 18 février 2009 de l'application de ce niveau 4, augmenté des congés payés afférents'; qu'il sera en outre alloué à Mme [P] une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral découlant de la perte de carrière';
Attendu qu'aux termes de l'article L1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';
Que Mme [D] [P] formule à hauteur d'appel des prétentions pour une situation de harcèlement moral dont elle situe le commencement à partir de 2004'; que le premier fait constitutif évoqué par l'appelante est un avertissement infondé qui lui a été adressé par son employeur'en janvier 2007 ; qu'ainsi entre 2004 et 2007 Mme [P] ne fait état d'aucun élément de nature à concrétiser ses allégations';
Que l'employeur produit aux débats des éléments de fait à l'origine de la sanction prononcée en janvier 2007, éléments que Mme [P] ne conteste pas ou dont elle n'apporte pas contradiction sérieuse, soit le non respect par l'appelante d'une décision du conseil général'd'octroi d'allocation ; que cet exercice au demeurant tempéré du pouvoir disciplinaire par l'employeur ne paraît donc nullement abusif';
Que Mme [P] se prévaut par ailleurs de l'attitude de M. [V] [X] qui à trois reprises aurait manifesté son irrespect à son égard par des propos ou par un refus de sa participation à la mise en place d'une cellule départementale de lutte contre la fraude'; que ces éléments ponctuels ne permettent cependant nullement de donner crédit à une possible dégradation des conditions de travail de Mme [P]';
Qu'enfin Mme [P] évoque une mise à l'écart au sein du service vérification par sa supérieure hiérarchique directe sur instruction de la direction, dont elle illustre les effets délétères au regard de la situation d'une collègue en arrêt maladie, Mme [G]'; que si ces allégations confortent le bien fondé des prétentions de Mme [P] au titre de son déroulement de carrière, étant en outre considéré que la procédure en cours est de nature à altérer la sérénité des échanges entre Mme [P] et sa hiérarchie, elles ne permettent nullement de retenir que l'appelante est victime de faits de harcèlement moral';
Qu'en conséquence les prétentions de Mme [P] à ce titre seront rejetées';
Attendu que les dispositions du jugement déféré seront confirmées en ce qu'il a fait application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [D] [P]';
Attendu qu'il est contraire à l'équité de laisser à la charge de Mme [D] [P] ses frais irrépétibles'exposés à hauteur d'appel ; qu'il lui sera alloué une somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la caisse d'allocations familiales du Jura qui succombe assumera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel';
P A R C E S M O T I F S
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit l'appel formé par Madame [D] [P] recevable et fondé ;
Infirme le jugement rendu le 26 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Lons Le Saunier, sauf dans ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [D] [P] et aux dépens ;
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [D] [P] a été victime de discrimination salariale ;
Accorde à Mme [D] [P] le bénéfice du niveau 4 à compter du 18 février 2009, date de saisine du conseil de prud'hommes,
Condamne la caisse d'allocations familiales à verser à Mme [D] [P] à compter de cette date un rappel de salaire et de congés payés afférents conforme à cette promotion ;
Condamne la caisse d'allocations familiales à verser à Mme [D] [P] une somme de deux mille euros (2 000 €) de dommages et intérêts en réparation de la perte de carrière ;
Condamne la caisse d'allocations familiales à verser à Mme [D] [P] une somme de mille deux cents euros (1 200 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres prétentions de Mme [D] [P] ;
Rappelle que le juge de l'exécution est compétent en cas de difficultés d'exécution du présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la caisse d'allocations familiales du Jura qui assumera les dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le douze avril deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,