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22/06/2010 | FRANCE | N°09/01670

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 22 juin 2010, 09/01670


ARRET N°

VLC/CM



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 JUIN 2010



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 27 avril 2010

N° de rôle : 09/01670



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes de LURE

en date du 07 juillet 2009

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[T] [C]

C/

[W] [E]







PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/004158 du 23/10/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)



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ARRET N°

VLC/CM

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 22 JUIN 2010

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 27 avril 2010

N° de rôle : 09/01670

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes de LURE

en date du 07 juillet 2009

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[T] [C]

C/

[W] [E]

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [T] [C], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/004158 du 23/10/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)

APPELANT

REPRESENTE par Me Laura ANGELINI-ROLLIN, avocat au barreau de BELFORT

ET :

Monsieur [W] [E], demeurant [Adresse 4]

INTIME

REPRESENTE par Me Yves NINNOLI, avocat au barreau de LURE

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 27 Avril 2010 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 1er juin 2010 et prorogé au 22 juin 2010 par mise à disposition au greffe.

**************

M. [T] [C] a été embauché le 14 mars 2007 par M. [W] [E] en qualité de maçon niveau 1 position 1 coefficient 150, et ce dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité (CI-RMA) à durée déterminée pour une durée de six mois à compter du 19 mars 2007 jusqu'au 19 septembre 2007, avec une durée de travail hebdomadaire de 35 heures pour une rémunération mensuelle brute de 1 440,87 €.

Par lettre recommandée en date du 3 mai 2007 Monsieur [W] [E] a notifié à Monsieur [T] [C] la rupture de son contrat de travail pour faute grave, sans convocation à entretien préalable, au motif qu'il n'avait aucune des compétences alléguées lors de son embauche, d'un manque de rapidité et de production, de son refus à s'adapter aux méthodes de travail et de son refus de l'autorité par rapport à son âge, et enfin au motif d'avoir dit « ce n'est pas à mon âge que je vais me faire commander, je ne veux plus m'embêter ».

Monsieur [T] [C] a, le 29 août 2007 saisi le conseil de prud'hommes de Lure qui, dans son jugement rendu le 7 juillet 2009, a déclaré que la rupture du contrat pour faute grave du salarié est fondée, a débouté Monsieur [T] [C] de toutes ses prétentions, tant au titre de la rupture qu'au titre d'heures supplémentaires sauf en ce qui concerne la procédure irrégulière : le conseil a condamné Monsieur [W] [E] à payer à M. [T] [C] la somme de 300 € pour non respect de la procédure.

Par courrier adressé le 16 juillet 2009 au greffe de la cour, le conseil de Monsieur [T] [C] a régulièrement interjeté appel de la décision qui lui a été notifiée le 9 juillet 2009.

M. [T] [C] a déposé des conclusions le 15 mars 2010 reprises oralement à l'audience par son conseil, et réclame l'infirmation du jugement prononcé, en sollicitant les sommes de :

- 6 414,16 euros brut à titre de dommages-intérêts correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat,

- 327,80 euros au titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 1 500 euros de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive,

- 864,52 euros à titre de prime de précarité,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Monsieur [T] [C] fait valoir :

- Que la procédure de licenciement n'a pas été respectée : il demande confirmation des dispositions du jugement déféré qui lui a alloué à ce titre 300 € de dommages-intérêts.

- Que les griefs visés dans la lettre de licenciement sont faux.

S'agissant de ses qualités professionnelles, M. [C] a lui-même été entrepreneur en maçonnerie par le passé, et l'employeur a disposé de 15 jours d'essai pour mesurer ses compétences. Monsieur [T] [C] se prévaut du témoignage de plusieurs clients qui décrivent son travail d'une façon élogieuse.

Il n'a jamais refusé de s'adapter ni rejeté l'autorité, mais il effectuait des tâches de man'uvre et de chauffeur ainsi que de nombreuses heures supplémentaires. Ses remarques ont été faites en ce sens.

M. [W] [E] a, dans ses conclusions déposées le 23 avril 2010 reprises oralement à l'audience, interjeté appel incident partiel en ce qui concerne les conséquences du non respect de la procédure de rupture du contrat, demandé à la cour de constater que M. [C] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre, demandé confirmation du jugement rendu pour le surplus et le débouté de l'intégralité de ses prétentions, en sollicitant une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E] fait valoir d'une part que M. [E] n'apporte aucun élément de preuve permettant d'évaluer un quelconque préjudice au titre du non respect de la procédure de licenciement.

En ce qui concerne la réalité des griefs, M. [E] se prévaut des arguments suivants :

- l'incompétence de M. [C] résulte des attestations produites, notamment celle émanant d'un collègue de travail. Si le salarié prétend avoir une expérience solide, les travaux mentionnés datent d'il y a plus de 20 ans et M. [C] n'a manifestement plus exercé la profession depuis très longtemps.

- le refus du lien de subordination a été constant, et M. [C] a également tenté de saper l'autorité de son employeur vis-à-vis des autres salariés de l'entreprise.

S'agissant des montants sollicités par l'appelant, M. [E] indique qu'il ne peut être sollicité un cumul des salaires à percevoir jusqu'au terme du contrat, qui constitue le minimum d'indemnisation, avec des dommages-intérêts. L'indemnité de précarité n'est pas due en cas de contrat CI-RMA, sauf disposition contractuelle contraire.

Enfin les prétentions au titre des heures supplémentaires ne sont étayées par aucun argument, le salarié ayant signé le solde de tout compte sans le contester dans les délais.

SUR CE, LA COUR,

Sur la procédure et sur la rupture pour faute grave du contrat de travail

Attendu que la lettre de rupture notifiée à Monsieur [T] [C] le 26 juillet 2007, et qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants:

«je vous informe que j'ai décidé de mettre un terme au contrat de travail à durée déterminée CI-RMA qui avait débuté le 19 mars 2007 et devait se terminer le 19 septembre 2007 à compter du 4 mai 2007.

En effet vous n'avez aucune des compétences que vous avez prétendu avoir lors de votre entretien d'embauche.

Votre manque de rapidité et de productivité est évident.

Vous refusez de vous adapter aux méthodes de travail de l'entreprise.

Vous refusez l'autorité par rapport à votre âge : je cite vos paroles : ce n'est pas à mon âge que je vais me faire commander et que je ne veux plus m'embêter. ».

Attendu que l'irrégularité de la procédure de licenciement n'est pas contestée par M. [W] [E] qui n'a pas convoqué le salarié à un entretien préalable avant de procéder à la rupture de son contrat de travail à durée déterminée ;

Que si l'employeur conteste la réalité d'un préjudice dont a souffert M. [C] et le chiffrage des dommages-intérêts par le conseil de prud'hommes de Lure, il est incontestable que M. [C] n'a pu bénéficier de l'application des règles lui permettant notamment d'émettre des observations sur les griefs retenus par l'employeur ; que s'il n'en n'est pas résulté un préjudice matériel, il en est résulté un préjudice moral dont l'indemnisation à hauteur de 300 € ne paraît nullement excessive ;

Qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé à ce titre ;

Attendu que l'article L1243-1 du code travail stipule que sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure  ; que la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur ;

Qu'en ce sens, M. [W] [E] produit aux débats les attestations de :

- M. [Z] [S], client (sa pièce cotée 8) de l'entreprise, qui indique que M. [C] a été chargé de protéger les fenêtres de son immeuble en vue d'un sablage des pierres de taille, qu'à la fin des travaux il s'est avéré que ce travail de calfeutrage n'avait pas été réalisé avec le sérieux que l'on était en droit d'attendre puisque le vitrage des fenêtres avait été endommagé et a dû être remplacé ;

- M. [O] [P], artisan et client de l'entreprise de M. [E], qui met en cause M. [C] comme ayant une part de responsabilité dans des malfaçons affectant les travaux effectués par l'entreprise [E] dans sa maison ;

- M. [V] [Y], ouvrier maçon (sa pièce cotée 6), qui déclare « avoir travaillé sur plusieurs chantiers avec M. [C] [T], notamment sur celui de M. [S] à [Localité 3] et sur celui de M. [P] [O] à [Localité 2]. Je peux donc certifier que M. [C] n'avait aucune compétence en tant qu'ouvrier qualifié mais juste en tant que simple man'uvre. Il n'avait aucune cadence en maçonnerie et aucune technique de travail ce qui me posait problème pour le travail. Lors de travaux de crépissage celui-ci n'effectuait que le montage et démontage d'échafaudage et de nettoyage, ne sachant pas crépir ! Trouvant même moyen de saccager le travail en donnant des coups dans les façades qui venaient d'être faites, au démontage. De plus il était très difficile de s'accorder avec M. [C] qui avait tout vu, tout fait et qui n'acceptait pas d'être commandé. Car comme il avait été à son compte dans le passé et qu'il était plus âgé que moi, il ne voulait plus s'emmerder à 56 ballets ! (Ce sont ces propos).

De plus étant sous le coup d'une suspension de permis de conduire à ce moment-là, c'est lui qui conduisait le camion pour nous rendre sur chantiers. Roulant en-dessous des vitesses autorisées et très largement en dessous (40 km/h !), Il n'était jamais pressé d'arriver. Pire, il faisait même du chantage sur cette situation menaçant de ne plus conduire si cela n'allait pas.

Je tiens aussi à préciser qu'en 13 ans d'ancienneté dans cette entreprise, nous avons très rarement fait des heures supplémentaires et surtout pas en cette saison où les conditions sont dures et la nuit arrivant tôt ! ! » ;

Que ce dernier témoignage qui émane d'un collègue ayant travaillé avec Monsieur [T] [C], est accablant pour ce dernier et démontre non seulement le refus d'autorité retenu par l'employeur mais aussi une réticence manifeste de M. [C] à travailler, et également la volonté de freiner et de gêner le travail de ses collègues ;

Que si le manque de compétence n'est pas en soi fautif, et a fortiori nullement constitutif d'une faute grave, et ce d'autant plus lorsque le salarié est embauché dans le cadre d'un contrat d'insertion, il le devient lorsque ce salarié manifeste une mauvaise volonté délibérée, au point d'altérer le travail de ses collègues ;

Que les attestations produites par Monsieur [T] [C], et relatives à ses compétences professionnelles d'autrefois lorsqu'il était à son compte au début des années 1980, n'altèrent en rien la force probante du témoignage de M. [Y] et la gravité des griefs retenus à l'encontre du salarié ;

Que le comportement fautif de Monsieur [T] [C] a justement été qualifié de faute grave, l'insubordination du salarié et son absence de motivation au travail ne permettant pas d'envisager le maintien de Monsieur [T] [C] dans l'entreprise ;

Que les dispositions du jugement rendu le 7 juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de Lure seront donc confirmées en ce qu'il a retenu que la rupture pour faute grave du contrat de travail à durée déterminée de M. [C] était justifiée ;

Sur les autres demandes, sur les frais irrépétibles et sur les dépens

Attendu que M. [C] sollicite le paiement d'une indemnité de précarité ;

Qu'aux termes de l'article L1243-10 du code du travail l'indemnité de fin de contrat n'est pas due :

1° Lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l'article L. 1242-2 ou de l'article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables ;

2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ;

3° Lorsque le salarié refuse d'accepter la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ;

4° En cas de rupture anticipée du contrat due à l'initiative du salarié, à sa faute grave ou à un cas de force majeure ;

Qu'au surplus l'article 12 du contrat de travail de M. [C] prévoit une telle indemnité, sauf hypothèses légales où l'indemnité suivant la nature du contrat ne serait pas due, et que le contrat CI-RMA étant conclu pour une période initiale minimum de six mois, et étant renouvelable deux fois sans pouvoir excéder 18 mois, n'ouvre pas droit sauf disposition contractuelle plus favorable à une indemnité de fin de contrat ;

Que les prétentions formées par M. [C] à ce titre seront donc également rejetées à hauteur d'appel ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 alinéa 1 et 2 du code du travail 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles' ;

Attendu qu'à l'appui de ses prétentions relatives à l'existence d'heures supplémentaires impayées, M. [C] fournit uniquement un relevé d'heures écrit par lui, sans aucune autre explication concrète, notamment relative à ses conditions de travail (temps de trajet ' chantiers concernés), étant observé que cette prétention ne concerne pourtant qu'une courte période de travail de moins de deux mois ;

Que l'employeur se prévaut quant à lui de l'attestation de M. [Y], collègue de travail de l'appelant, qui a relaté non seulement que la durée des temps de déplacement était délibérément allongée par M. [C] qui s'appliquait à rouler à 40 km/heure mais également que la saison n'était pas propice aux heures supplémentaires qu'il avait d'ailleurs rarement été amené à effectuer en 13 ans d'ancienneté ;

Que les prétentions de M. [C] seront donc également rejetées à hauteur d'appel au titre des heures supplémentaires ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties à hauteur d'appel ;

Attendu que Monsieur [C] qui succombe assumera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'appel de Monsieur [T] [C] recevable mais mal fondé,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de Lure en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des parties à hauteur d'appel,

Laisse à la charge de Monsieur [T] [C] les entiers dépens.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt deux juin deux mille dix et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01670
Date de la décision : 22/06/2010

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°09/01670 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-22;09.01670 ?
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