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08/06/2010 | FRANCE | N°09/01723

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 08 juin 2010, 09/01723


ARRET N°

HB/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 08 JUIN 2010



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 20 Avril 2010

N° de rôle : 09/01723



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BESANCON

en date du 14 mai 2009

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





SAS SODICA

C/

[Z] [P]

I.N.P

INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE





PARTIES EN CAUSE :



S.A.S. SODICA, ayant son siège social [Adresse 2]



APPELANTE



REPRESENTEE par Me Nicolas LEGER, avocat au barreau de ...

ARRET N°

HB/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 08 JUIN 2010

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 20 Avril 2010

N° de rôle : 09/01723

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BESANCON

en date du 14 mai 2009

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

SAS SODICA

C/

[Z] [P]

I.N.P INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. SODICA, ayant son siège social [Adresse 2]

APPELANTE

REPRESENTEE par Me Nicolas LEGER, avocat au barreau de BESANCON

ET :

Monsieur [Z] [P], demeurant [Adresse 1]

INTIME

REPRESENTE par Me Philippe CADROT, avocat au barreau de BESANCON

I.N.P INSTITUTION NATIONALE PUBLIQUE POLE EMPLOI FRANCHE COMTE, ayant son siège social [Adresse 3]

PARTIE INTERVENANTE

NON COMPARANTE - NON REPRESENTEE

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 20 Avril 2010 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Madame H. BOUCON, Conseiller, en présence de Madame V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

lors du délibéré :

Madame H. BOUCON et Madame V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame M.F. BOUTRUCHE, Conseiller

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 25 mai 2010 et prorogé au 8 juin 2010 par mise à disposition au greffe.

**************

Monsieur [Z] [P], employé par la société Sodica depuis le 1er février 1977 en qualité de carrossier-tôlier, a été licencié pour faute grave le 5 juillet 2007, après une mise à pied conservatoire notifiée le 21 juin 2007.

Le 13 août 2007, il a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement en date du 14 mai 2009 auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil, statuant en formation de départage, a :

- dit que le licenciement de Monsieur [Z] [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Sodica à payer à celui-ci les sommes de :

* 874,30 € à titre de salaire de la mise à pied,

* 3 788 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 378,80 € au titre des congés payés afférents,

* 13 920 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 17 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 300 € à titre de prime qualité 2007,

* 174,82 € à titre de congés payés (prime 2007).

- donné acte à la société Sodica de ce qu'elle s'est engagée à verser à Monsieur [Z] [P] la prime de participation 2007 ;

- condamné la société Sodica à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] [P] du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de deux mois ;

- condamné la société Sodica à verser à Monsieur [Z] [P] la somme de 700 € ainsi qu'aux dépens de l'instance.

La société Sodica a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 juillet 2009.

Elle demande à la cour d'infirmer celui-ci, de débouter Monsieur [Z] [P] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner aux dépens et à verser une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] [P] était parfaitement justifié, que les faits de tentatives de soustraction d'outillage qui lui sont reprochés ont été constatés par Messieurs [N] et [M], responsables hiérarchiques, que les déclaration de ceux-ci et des autres témoins entendus à l'enquête sont exemptes de contradictions et ne laissent aucune place au doute ; que Monsieur [Z] [P] a persévéré dans ses agissements malhonnêtes en dépit de deux rappels à l'ordre en décembre 2006 et avril 2007, de sorte que son maintien dans l'entreprise était impossible.

Elle conteste par ailleurs le bien-fondé de la décision quant au versement d'une prime qualité, en l'absence de preuve par le salarié d'un usage réunissant les caractères de constance, généralité et fixité de la prime.

Elle réitère en revanche son engagement de verser à Monsieur [Z] [P] le montant qui lui est dû au titre de la participation aux bénéfice 2007.

Monsieur [Z] [P] conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués qu'il demande à la cour de fixer à 50 000 €.

Il sollicite en outre une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste formellement les faits qui lui sont reprochés et soutient qu'il est victime d'une machination orchestrée par Messieurs [N] et [I] pour l'écarter de l'entreprise, dans la mesure où il avait été témoin de faits délictueux commis par ceux-ci.

Il fait valoir notamment qu'il existe une discordance entre les déclarations des témoins, que personne ne l'a vu mettre l'outil d'équerrage dans la poubelle en vue de sa soustraction ultérieure, qu'aucune plainte pénale n'a été déposée par l'employeur, que celui-ci est défaillant dans la charge de la preuve.

S'agissant de l'évaluation de son préjudice, il fait valoir que du fait de son licenciement, il n'a pu prendre sa retraite avant 60 ans, et se trouvera en fin de droit aux indemnités de chômage en juillet 2010, qu'en outre il a perdu le bénéfice de la prime de fin de carrière de 30 000 €.

L'institution nationale publique Pôle Emploi, appelée en cause, demande à la cour de condamner la société Sodica, le cas échéant, à lui verser la somme de 6 470,10 €, avec intérêts de droit, correspondant aux indemnités de chômage versées à son salarié entre le 22 août 2007 et le 19 février 2008 ainsi que celle de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement notifiée à Monsieur [Z] [P] le 5 juillet 2007, qui fixe les limites du litige, fait grief à celui-ci d'avoir le 15 juin 2007, tenté de sortir de l'établissement, après l'avoir dissimulé dans une poubelle, un outil d'équerrage, et ce alors qu'il avait déjà fait l'objet le mois précédent, par Monsieur [N], gestionnaire d'atelier, d'une mise en garde pour un comportement de même nature concernant une ventouse, dissimulée dans sa veste avant son départ de l'atelier.

S'agissant des faits du 15 juin 2007, précisément décrits dans la lettre de licenciement, la société Sodica a produit en preuve trois attestations émanant de Monsieur [M] et de Monsieur [U], témoins directs, et de Monsieur [A] [V], responsable après-vente, auquel les faits ont été rapportés immédiatement par Monsieur [M], après qu'il ait demandé à Monsieur [P] de l'accompagner dans le bureau de celui-ci pour s'en expliquer.

Ces trois témoins ont été entendus lors de l'enquête ordonnée par les premiers juges le 29 janvier 2009, en présence de l'intéressé.

Il résulte des procès-verbaux d'audition de ceux-ci figurant au dossier, des présomptions graves, précises et concordantes de la dissimulation par Monsieur [P] d'un outil d'équerrage dans la poubelle dont il se servait cet après-midi là, près de la cabine de peinture, nonobstant le fait qu'aucun des témoins ne l'ait vu effectivement mettre celui-ci dans la poubelle, et ce compte tenu des manoeuvres utilisées par lui pour soustraire ladite poubelle à la tournée de ramassage effectuée sur ordre de Monsieur [M], manoeuvres ayant provoqué les soupçons de ce dernier et son initiative d'aller lui-même vider la poubelle en cause.

Les contradictions relevées par les premiers juges quant à la description faite respectivement par Monsieur [M] et par Monsieur [U] de la découverte de l'outil d'équerrage avant ou au moment du vidage de la poubelle par Monsieur [M] dans le conteneur, ne sont pas de nature à mettre en doute la sincérité de leurs déclarations et la conviction partagée tant par Monsieur [M] que par Monsieur [V] quant à l'imputabilité à Monsieur [P] de cette dissimulation, étant donné les suspicions qui pesaient sur celui-ci du fait de l'incident antérieur évoqué par la lettre de licenciement, rapporté par d'autres témoins.

La matérialité et l'imputabilité de ce deuxième grief à Monsieur [P] est en effet parfaitement établie par les déclarations concordantes de Messieurs [N], [J] et [G], qui ont tous trois constaté le 21 décembre 2006, peu avant la fermeture de l'atelier, que Monsieur [P] avait dissimulé, enroulée dans sa veste de travail posée sur un établi, une ventouse à pare-brise alors qu'il était allé se laver les mains avant de partir.

Monsieur [N], ancien responsable de l'atelier, en retraite lors de son audition, a confirmé qu'il avait mis en garde le jour même et le lendemain de cet incident Monsieur [Z] [P] d'arrêter les détournements, sans toutefois en référer à la direction, s'agissant d'un employé qu'il appréciait.

Le fait que la lettre de licenciement situe par erreur cet incident dans le mois précédent celui du 15 juin 2007 n'est pas de nature à faire écarter ce grief dûment établi.

Monsieur [Z] [P] ne peut sérieusement mettre en doute la réalité des faits reprochés en invoquant l'existence d'une machination orchestrée par Messieurs [N] et [M] pour l'écarter de l'entreprise alors d'une part qu'il n'a déposé aucune plainte pour dénonciation calomnieuse ou pour faux témoignage à l'issue de l'enquête, que ses réactions lors de la procédure de licenciement (refus des lettres recommandées de convocation à entretien préalable et de licenciement) sont pour le moins paradoxales de la part d'un salarié qui s'estime victime d'une erreur ou d'une machination ; qu'enfin les comportements délictueux qu'il impute aux auteurs de la machination dont il se prétend victime sont totalement démentis par les pièces produites aux débats par la société Sodica.

On voit mal d'ailleurs quel aurait pu être l'intérêt de ses supérieurs hiérarchiques à l'écarter de l'entreprise, comme témoin gênant de prétendues malversations commises par eux, alors qu'une telle initiative ne pouvait qu'entraîner la dénonciation de celles-ci à l'employeur par leur victime.

La qualification des fautes établie à l'encontre du salarié ne peut non plus être sérieusement contestée.

La réitération par celui-ci d'une tentative de soustraction d'outillage, après une première mise en garde de son supérieur hiérarchique, et alors qu'avait été mise en place au cours du mois précédent une nouvelle procédure de sortie des produits de peinture destinée à mettre fin à une consommation anormale de ceux-ci et à des suspicions récurrentes de détournements par le personnel, caractérise indiscutablement une faute grave, qui ne permettait pas son maintien dans l'entreprise même pendant la durée du préavis, nonobstant son ancienneté de service, à peine de discréditer toute initiative des responsables d'atelier en vue d'une gestion rigoureuse des moyens de l'entreprise et de laisser se développer un sentiment d'impunité concernant des détournements de produits et de matériel préjudiciables au fonctionnement de celle-ci.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré, de dire que le licenciement pour faute grave de Monsieur [Z] [P] était justifié et de rejeter l'ensemble des demandes de celui-ci découlant de la rupture de son contrat de travail.

La demande de versement d'une prime qualité de 300 € n'apparaît pas davantage fondée.

Ni les bulletins de salaire produits aux débats, ni les déclarations recueillies à l'enquête ne permettent de conclure à l'existence d'un usage dans l'entreprise caractérisé par l'existence de versements réguliers d'une telle prime à l'ensemble du personnel, en fonction de critères objectifs ou pour un montant fixe défini à l'avance pour chaque catégorie de personnel.

Le jugement sera donc également réformé sur ce point.

Enfin le licenciement étant fondé sur une faute grave, la demande de remboursement des indemnités chômage ne peut être accueillie.

Monsieur [Z] [P] qui succombe sur l'appel, supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'employeur.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l'appel de la société Sodica recevable et fondé ;

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Besançon entre la société Sodica et Monsieur [Z] [P], à l'exception de celles relatives à l'indemnité de congés payés décomptée en juin 2007 et au paiement de la participation ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [Z] [P] est fondé sur une faute grave ;

Dit non fondées et rejette l'ensemble de ses demandes en paiement de salaire de la mise à pied, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts ainsi que celle relative à la prime qualité ;

Dit non fondée et rejette la demande de Pôle Emploi aux fins de remboursement des indemnités de chômage ;

Condamne Monsieur [Z] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le huit juin deux mille dix et signé par Madame H. BOUCON, Conseiller, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER,LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01723
Date de la décision : 08/06/2010

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°09/01723 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-08;09.01723 ?
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