La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2008 | FRANCE | N°332

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre civile 2, 11 juin 2008, 332


ARRET No

RV/CB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU ONZE JUIN 2008

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

contradictoire

Audience publique

du 29 Avril 2008

No de rôle : 06/01816

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTBELIARD

en date du 27 JUIN 2006 RG No 05/1404

Code affaire : 38E

Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit

SA LA BANQUE POSTALE C/ Ahmed X...

PARTIES EN CAUSE :

SA LA BANQUE POSTALE, ayant son s

iège, 34 rue de la Fédération - 75115 PARIS CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,

APPELANTE
...

ARRET No

RV/CB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU ONZE JUIN 2008

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

contradictoire

Audience publique

du 29 Avril 2008

No de rôle : 06/01816

S/appel d'une décision

du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTBELIARD

en date du 27 JUIN 2006 RG No 05/1404

Code affaire : 38E

Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit

SA LA BANQUE POSTALE C/ Ahmed X...

PARTIES EN CAUSE :

SA LA BANQUE POSTALE, ayant son siège, 34 rue de la Fédération - 75115 PARIS CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,

APPELANTE

Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoué

et Me Fanny MICHEL, avocat au barreau de MONTBELIARD

ET :

Monsieur Ahmed X..., demeurant ...

AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE no 2006/004578 du 22/12/2006

INTIME et APPELANT INCIDENT

Ayant la SCP LEROUX pour avoué

et Me Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties :

MAGISTRATS RAPPORTEURS : M. POLANCHET, Conseiller et R. VIGNES, Conseiller,

GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,

Lors du délibéré

M. SANVIDO, Président de Chambre,

M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,

qui en ont délibéré sur rapport des Magistrats Rapporteurs.

L'affaire plaidée à l'audience du 29 Avril 2008, a été mise en délibéré au 11 Juin 2008. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 15 février 2000, Ahmed X... a souscrit auprès de La Poste, devenue la SA BANQUE POSTALE, des parts de fonds commun de placement " BENEFIC mars 2000 " pour un montant total de 116 000 F. Ce placement était assorti d'une promesse de rendement de l'épargne investie de 23 % en trois ans en cas de stabilité ou de hausse de l'indice boursier Euro 50.

En raison de la baisse des marchés boursiers enregistrée entre mars 2000 et mars 2003, le titre a perdu de sa valeur et le capital placé subi une moins-value de 4.366,84 €, soit 24,7 %.

Invoquant un manquement fautif de la BANQUE POSTALE à son devoir d'information et de conseil, M. X... l'a faite assigner, par acte du 14 novembre 2005, à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Montbéliard afin d'entendre :

- prononcer la nullité de l'ordre d'achat de titres,

- condamner la BANQUE POSTALE à lui payer la somme de 4.366,84 €,

- la condamner à lui payer les intérêts au taux de 7 % l'an sur la somme de 17 684,09 € à compter du 15 février 2000 jusqu'à la date du jugement, puis au taux légal jusqu'à complet règlement.

La BANQUE POSTALE a opposé la prescription de l'action de M. X... et, subsidiairement, conclu à son débouté.

Par jugement du 27 juin 2006, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et rejeté la demande d'annulation de l'ordre d'achat pour erreur, a retenu le manquement de la BANQUE POSTALE à son devoir d'information et de conseil et condamné celle-ci à payer à M. X... la somme de 4.500 € à titre de dommages-intérêts et débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 28 août 2006, la BANQUE POSTALE a interjeté appel de cette décision.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées le 29 janvier 2008 par la BANQUE POSTALE aux termes desquelles elle demande à la cour, après avoir infirmé le jugement, à titre principal de déclarer irrecevable comme prescrite l'action de M. X..., à titre subsidiaire, de le débouter de l'ensemble de ses demandes et, en toute hypothèse, de le condamner à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées par M. X..., intimé, tendant à la confirmation du jugement en ce qui concerne la recevabilité de son action et la reconnaissance de la responsabilité de la BANQUE POSTALE et, sur son appel incident, à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 4.366,84 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel, outre la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir une rémunération du capital investi conforme à ce qui avait été annoncé contractuellement, ainsi qu'une indemnité de 1.000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

Vu l'ordonnance de clôture du 20 mars 2008,

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action :

Attendu que par des motifs que la cour adopte, les premiers juges, après avoir rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1304 du Code civil le délai de prescription de l'action en nullité pour erreur ne court que du jour où celle-ci a été découverte et que si les ordres d'achat ont été donné le 15 février 2000, la chute du titre n'a pu être véritablement constatée qu'après les événements du 11 septembre 2001, de sorte que M. X... n'a pu se rendre compte de l'erreur qu'il allègue qu'à partir de cette date, ont, à bon droit, retenu que l'action engagée le 15 novembre 2005 n'était pas prescrite ;

Sur la demande de réparation :

Attendu, selon les documents produits, que BENEFIC est un fonds commun de placement qui a fait l'objet d'un agrément de la COB en application des dispositions de l'article L. 214 – 3 du code monétaire et financier et du règlement de la COB ;

Que la notice d'information approuvée par cet organisme mentionne que BENEFIC mars 2000 est classé " diversifié " et que le portefeuille du fonds pourra comprendre entre 5 % et 50 % de parts d'OPCVM français ou coordonnés ;

Que le dépositaire de ce fonds commun de placement (la Société Générale), commercialisé par LA POSTE, a pris l'engagement que la valeur liquidative à l'échéance (21 mars 2003) sera égale à la valeur liquidative de référence majorée de 23 %, soit un taux actuariel de 7,144 % ;

Qu'il est ainsi précisé dans la notice d'information :

" La valeur liquidative à l'échéance, le 21 mars 2003, sera égale à la valeur liquidative de référence (la plus haute valeur liquidative constatée durant la période du 24 janvier 2000 inclus au 21 mars 2000 inclus, hors droits d'entrée) majorée de 23 % et diminuée du pourcentage de la baisse éventuelle de l'Euro 50.

- si l'Euro 50 à l'échéance est supérieur ou égal à l'Euro 50 initial, la valeur liquidative à l'échéance sera égale à la valeur liquidative de référence (hors droits d'entrée) majorée de 23 %, soit un taux actuariel annuel de 7,144 %.

- si l'Euro 50 à l'échéance est inférieur, dans une limite de 23 % à l'Euro 50 initial, la valeur liquidative à l'échéance sera au minimum égale à la valeur liquidative de référence (hors droits d'entrée) majorée de 23 % et minorée du pourcentage de la baisse de l'Euro 50 appliqué à la valeur liquidative de référence.

- si l'Euro 50 à l'échéance est inférieur de plus de 23 % à l'Euro 50 initial, la valeur liquidative à l'échéance sera au minimum égale à la valeur liquidative de référence (hors droit entrée) minoré du pourcentage de la baisse de l'Euro 50 au-delà de 23 % " ;

Que la durée minimale de placement recommandée était de trois ans au terme de laquelle un nouvel engagement pouvait être proposé ;

Attendu que M. X... fait valoir qu'arrivé en France en 1971, il était ouvrier dans le secteur de la sous-traitance automobile, qu'il ne sait ni lire le français ni l'écrire couramment et n'a pu comprendre les tenants et les aboutissants du contrat qui lui a été proposé et faisait partie des clients de La Poste dont les intentions n'étaient aucunement spéculatives mais qui espéraient un rendement correct de leurs placements ;

Que cependant, compte tenu de sa présence en France depuis 29 ans à la date de souscription, où il a travaillé de nombreuses années au sein d'une société automobile et occupé diverses fonctions d'exécution, l'allégation d'incompréhension des documents remis ne peut être retenue ;

Attendu qu'il résulte de l'apposition de la signature de M X... au bas de l'ordre d'achat et de vente d'OPCVM que la notice d'information lui a été remise préalablement à la souscription ;

Attendu que par sa structure financière, ce fonds commun de placement ne correspond pas à un placement spéculatif comme ceux opérés sur des nouvelles technologies, sur des marchés émergents ou des produits dérivés, que la nature boursière du placement n'a pas été dissimulée dans la notice d'information et qu'il était compréhensible, même pour un profane, qu'au-delà d'une baisse de 23 % de l'indice Euro 50, une perte de capital était encourue ;

Qu'ainsi la notice faisait nettement apparaître que BENEFIC permettait au souscripteur de voir son capital investi progresser tant que l'Euro 50 n'avait pas baissé de 23 %, que le capital n'était garanti que jusqu'à 23 % de baisse de l'indice boursier de référence et qu'en cas de baisse de l'indice de plus de 23 %, le souscripteur, par un effet d'amortisseur, ne supportait la baisse de la valeur du titre que pour la part au-delà de 23 % ;

Que la BANQUE POSTALE justifie ainsi s'être acquittée de son devoir d'information par la remise à M. X... de la notice détaillant les caractéristiques du placement et le risque financier inhérent à celui-ci ;

Attendu qu'il est en outre constant que M. X... n'a pas été démarché par l'appelante mais a souhaité obtenir une rémunération de son capital supérieure au rendement du Livret A qu'il détenait déjà ;

Que d'ailleurs, postérieurement à la souscription de parts "BENEFIC mars 2000", l'intimé a souscrit d'autres produits financiers tels une assurance-vie (70 000 F) et un compte épargne logement (7.320 €), ce dont il résulte qu'il était attentif au développement de son patrimoine et entendait diversifier ses placements ;

Attendu qu'il y a lieu de retenir que la BANQUE POSTALE s'est également acquittée de son obligation générale de conseil envers son client lors de la souscription du placement litigieux, limitée à la vérification de l'adéquation du placement projeté aux capacités financières de l'intéressé et de l'équilibre entre le risque pris et le rendement escompté qui pour toute personne même profane, ne pouvait être obtenu avec un placement type Livret A, Codevi ou Livret d'épargne populaire, alors que ne s'agissant pas d'un investissement spéculatif, elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde ;

Que l'absence de prévision et d'information spécifique donnée à M. X... sur la chute historique de la bourse à l'automne 2001, consécutivement aux attentats du 11 septembre 2001, à des scandales financiers ou à l'explosion de la " bulle Internet ", au-delà de l'aléa inhérent à la nature boursière du placement, ne constitue pas un manquement fautif de la BANQUE POSTALE à ses obligations ;

Qu'il s'ensuit qu'en infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de retenir que la banque n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle et de débouter l'intimé de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que M. X... qui succombe supportera les dépens et ses frais irrépétibles ;

Que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu le 27 juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Montbéliard en ce qu'il a déclaré Ahmed X... recevable en son action,

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

DEBOUTE Ahmed X... de ses demandes indemnitaires,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA la BANQUE POSTALE,

CONDAMNE Ahmed X... aux entiers dépens, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 332
Date de la décision : 11/06/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Faute - Manquement à l'obligation de conseil ou de mise en garde - / JDF

De plus, ne s'agissant pas d'un investissement spéculatif, l'organisme bancaire n'est pas tenu d'un devoir de mise en garde. Dès lors, son obligation générale de conseil envers le client lors de la souscription du placement, est limitée à la vérification de l'adéquation du placement projeté aux capacités financières de l'intéressé, et de l'équilibre entre le risque pris et le rendement escompté qui, pour toute personne même profane, ne pouvait être obtenu avec un placement type Livret A, Codevi ou Livret d'épargne populaire


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montbéliard, 27 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2008-06-11;332 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award