La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2008 | FRANCE | N°06/01761

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre civile 1, 04 juin 2008, 06/01761


ARRÊT No

BP / AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2008

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire
Audience publique
du 04 juin 2008
No de rôle : 06 / 01761

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de BELFORT
en date du 04 juillet 2006 RG No 05 / 805
Code affaire : 60 A
Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur

Damien X... C / AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D

E BELFORT, Marie-Josée Y..., épouse Z...

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Damien X...
né le 05 janvier 1983 à BELFORT (90000), deme...

ARRÊT No

BP / AR

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2008

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Réputé contradictoire
Audience publique
du 04 juin 2008
No de rôle : 06 / 01761

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de BELFORT
en date du 04 juillet 2006 RG No 05 / 805
Code affaire : 60 A
Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur

Damien X... C / AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BELFORT, Marie-Josée Y..., épouse Z...

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur Damien X...
né le 05 janvier 1983 à BELFORT (90000), demeurant ...-...

APPELANT

Ayant la SCP LEROUX pour Avoué
et Me LORACH pour Avocat

ET :

AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, représentant légal et judiciaire de l'Etat au titre du Ministère de l'Equipement
résidant 207, rue de Bercy-75012 PARIS

INTIMÉ

Ayant Me Benjamin LEVY pour Avoué
et la SCP GAROT-GEHANT-SAIAH-GAROT pour Avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BELFORT
ayant son siège 12, rue Strolz-90021 BELFORT CEDEX

Madame Marie-Josée Y..., épouse Z...
demeurant...

INTIMÉES

n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

GREFFIER : Madame A. ROSSI, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 5 février 1990, Damien X..., alors âgé de sept ans, a été blessé dans un accident de la circulation dont Marie-Josée Y..., épouse Z..., fonctionnaire de l'Equipement, a été déclarée entièrement responsable par jugement du tribunal correctionnel de BELFORT en date du 28 novembre 1990, et dont l'Etat, représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor, ne conteste pas devoir assumer les conséquences dommageables.

Statuant au vu d'un rapport d'expertise médicale du Docteur C... en date du 15 mars 2004, le tribunal de grande instance de BELFORT, par jugement en date du 4 juillet 2006, a, notamment,

- dit hors de cause Marie-Josée Y..., épouse Z...,

- fixé le préjudice corporel de Damien X... à la somme de 839 788, 66 €, dont 754 788, 66 € pour le préjudice soumis aux recours des tiers-payeurs,

- constaté que la créance de la CPAM de BELFORT s'établit à la somme de 203 603, 36 €,

- condamné l'Agent Judiciaire du Trésor à payer

* à la CPAM de BELFORT, la somme de 15 087, 79 €,

* à Damien X..., la somme de 636 185, 30 €, sauf à déduire les provisions réglées pour un montant de 81 947, 76 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la somme de 636 185, 30 € portera intérêts au double du taux légal entre le 1er septembre 2004 et le 13 décembre 2005,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux-tiers des sommes allouées.

*

Ayant régulièrement interjeté appel de cette décision, Damien X... sollicite la condamnation de l'Agent Judiciaire du Trésor à payer, au titre de l'indemnisation de son préjudice, la somme de 1 148 884, 35 € se décomposant comme suit :

I-Préjudices patrimoniaux

A-Préjudices patrimoniaux temporaires
Frais divers111 104, 80 €

B-Préjudices patrimoniaux définitifs
Dépenses de santé futures1 593, 47 €
Assistance par tierce personne105 012, 00 €
Perte de gains futurs560 064, 00 €

II-Préjudices extra-patrimoniaux

A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires
Déficit fonctionnel temporaire
Troubles dans les conditions d'existence91 320, 00 €
Préjudice d'agrément temporaire45 000, 00 €
Souffrances endurées35 000, 00 €
B-Préjudices extra-patrimoniaux permanents
Déficit fonctionnel permanent156 000, 00 €
Préjudice d'agrément45 000, 00 €
Préjudice esthétique40 000, 00 €
Préjudice d'établissement45 000, 00 €

Total : 1 236 094, 27 €
Provisions à déduire (74 014 € et 12 195, 92 €)-86 209, 92 €

Solde : 1 148 884, 35 €

L'appelant demande en outre, sur le fondement de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article L. 211-13 du code des assurances, les intérêts de retard au double du taux légal à compter du 1er septembre 2004 sur la somme de 1 438 697, 63 €.

Damien X... sollicite enfin une somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

*

Formant appel incident, l'Agent Judiciaire du Trésor demande que le préjudice de l'appelant soit liquidé comme suit :

Préjudice soumis à recours

ITT : 2 625, 00 €
ITP à 80 % : 29 700, 00 €
ITP à 65 % : 10 471, 50 €
Frais médicaux pris en charge par la CPAM : 203 603, 36 €
IPP : 130 000, 00 €
Perte de chance : 100 000, 00 €
Tierce personne : 92 760, 06 €

Total : 569 159, 92 €
Créance de la CPAM à déduire :-203 603, 36 €

Solde revenant à la victime : 364 556, 56 €

Préjudice personnel

Pretium doloris30 000, 00 €
Préjudice esthétique25 000, 00 €
Préjudice d'agrément30 000, 00 €

Total : 85 000, 00 €

Total revenant à la victime : 364 556, 56 + 85 000 = 449 556, 56 €

Provisions à déduire :-92 307, 88 €

Solde restant dû à la victime : 357 248, 68 €

Affirmant avoir versé une somme de 554 237, 54 € en principal et une somme de 25 976 € en intérêts au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, l'intimé sollicite la restitution d'une somme de 196 988, 86 €.

*

Bien que régulièrement assignées à personne par acte d'huissier en date du 21 décembre 2006, Marie-Josée Y..., épouse Z... et la CPAM de BELFORT n'ont pas constitué avoué. En application des dispositions de l'article 474, alinéa premier, du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions de l'appelant déposées le 20 novembre 2007 et à celles de l'intimé déposées le 18 mai 2007.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 27 mai 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que le préjudice corporel sera évalué sur la base du rapport d'expertise définitif, non contesté, établi le 15 mars 2004 par le Docteur C..., et dont les conclusions sont les suivantes :

- ITT : du 5 février 1990 au 9 septembre 1990,

- ITP : 80 % du 10 septembre 1990 au 12 décembre 1998,
65 % du 13 décembre 1998 au 10 juillet 2002,

- date de consolidation : 10 juillet 2002,

- IPP : 52 %,

- quantum doloris : assez important fort,

- préjudice esthétique : assez important,

- préjudice d'agrément : existant,

- tout travail réclamant un quelconque effort physique est à présent interdit ; le déficit intellectuel consécutif aux lésions présentées lors de l'accident limite le choix des activités professionnelles,

- vivant seul, Damien X... aura besoin d'une tierce personne non spécialisée pour une aide au ménage et pour les démarches administratives, à raison de cinq heures par semaine ;

I-PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

A-Préjudice patrimoniaux temporaires

1- Dépenses de santé actuelles

Attendu que, selon l'état des prestations de la CPAM de BELFORT en date du 1er août 2007, l'organisme social a versé, avant la date de consolidation, des prestations pour un montant de 195 031, 41 € ;

Attendu que la victime ne réclame rien au titre de ce poste de préjudice ; que celui-ci sera donc fixé à la somme de 195 031, 41 €, revenant intégralement à la CPAM de BELFORT ;

2- Frais divers

Attendu qu'à ce titre, le tribunal a alloué à la victime la somme de 41 360, 25 € correspondant aux frais restés à charge, retenus pour un montant de 111 104, 80 €, sous déduction de provisions d'un montant de 69 751, 84 € ;

Attendu qu'en cause d'appel, la victime maintient sa réclamation portant sur la somme de 111 104, 80 € ;

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor conclut au rejet de cette réclamation, aux motifs qu'elle concerne des postes de préjudice, comme la tierce personne, indemnisés par ailleurs, et que le montant des provisions versées est de 92 307, 88 €, et non de 69 751, 84 € ;

Sur quoi,

Attendu que la somme réclamée correspond à des frais de transport et de soutien scolaire demeurés à charge, ainsi qu'à la perte de salaires de la mère de la victime, qui a dû prendre un emploi à mi-temps pour pouvoir s'occuper de son enfant ;

Attendu que, si ces sommes apparaissent justifiées, il n'en est pas de même :

- des frais de tierce personne (130 636, 50 F, soit 19 915, 41 €), qui font double emploi avec les pertes de salaires de la mère de la victime,

- des sommes réclamées au titre de frais de repas (4 800 F par an pendant trois ans, soit 2 195, 28 €), de frais de livres scolaires (1 200 F par an pendant trois ans, soit 548, 82 €) et de l'achat d'un ordinateur (13 349 F, soit 2 035, 04 €), qui correspondent à des dépenses qui auraient été exposées même si l'enfant n'avait pas été victime de l'accident ;

Attendu que le poste frais divers sera en conséquence fixé à la somme de :

111 104, 80- (19 915, 41 + 2 195, 28 + 548, 82 + 2 035, 04) = 86 410, 25 € ;

Attendu qu'il sera tenu compte des provisions versées après calcul du préjudice global de la victime ;

B-Préjudice patrimoniaux permanents

1- Dépenses de santé futures

Attendu que l'état des prestations de la CPAM de BELFORT en date du 1er août 2007 fait apparaître que les dépenses de santé engagées postérieurement à la date de consolidation de la victime ressortent à la somme de 10 165, 42 €, dont 8 571, 95 € pris en charge par la caisse, et 1 593, 47 € à la charge de la victime ;

2- Assistance par tierce personne

Attendu que les premiers juges ont alloué de ce chef une somme de 92 760, 60 €, calculée sur la base de 5 heures par semaine, à raison de 53 semaines par année, moyennant un taux horaire de 15 €, en faisant application du coefficient de capitalisation proposé par la victime (20, 836) ;

Attendu que l'appelant ne critique cette évaluation que sur un point, à savoir que, selon lui, il conviendrait de prendre en compte 60 semaines par année, et non 53 ; qu'il réclame en conséquence une somme de 105 012 € ;

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement déféré du chef de la tierce personne ;

Sur quoi,

Attendu que la tierce personne dont l'assistance est nécessaire à la victime a droit à 5 semaines de congés payés par an ; que, pendant ces 5 semaines, la victime devra employer une autre personne ; que le calcul du coût annuel de l'assistance par tierce personne doit donc être effectué sur la base de 52 + 5 = 57 semaines par an ; qu'il s'établit dès lors comme suit :

15 x 5 x 57 = 4 275 € par an, ou 356, 25 € par mois ;

Attendu qu'une rente apparaît mieux adaptée qu'un capital à la nature du préjudice indemnisé, consistant en des dépenses futures à échéances périodiques ; que l'indemnisation prendra donc la forme d'une rente viagère d'un montant mensuel de 356, 25 €, due à compter de la date de consolidation, soit le 10 juillet 2002 ;

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor devra payer à Damien X... :

- les arrérages échus depuis le 10 juillet 2002 jusqu'à la date du présent arrêt,

- les arrérages à échoir, à compter du présent arrêt, au fur et à mesure de leurs échéances ;

3- Perte de gains professionnels futurs

Attendu que le tribunal a analysé ce chef de préjudice en une perte de chance, et alloué à ce titre une somme de 100 000 € ;

Attendu que l'appelant prétend que les séquelles de l'accident le privent de la possibilité de percevoir tous gains professionnels ; qu'il chiffre son préjudice sur la base de 2 000 € par mois et réclame en conséquence un capital de 560 064 € ;

Attendu que l'intimé conclut à la confirmation du jugement de ce chef ;

Sur quoi :

Attendu que, selon l'expert judiciaire, la victime présente d'une part des séquelles corporelles lui interdisant tout travail nécessitant un effort physique, d'autre part un déficit intellectuel limitant le choix d'une activité professionnelle ; que l'appelant s'est vu reconnaître par la COTOREP un taux d'invalidité de 80 % ; qu'il justifie de recherches d'emplois demeurées infructueuses ;

Attendu toutefois qu'il n'apparaît pas que Damien X... soit inapte à l'exercice de toute activité rémunératrice ; qu'en effet, il a pu, certes avec difficultés, effectuer des études, puisqu'il a obtenu un BEP de comptabilité et se trouvait, à la date de l'expertise, en classe de terminale, préparant un baccalauréat professionnel ;

Attendu qu'en considération de ces éléments, la perte de gains subie par l'appelant, par rapport aux gains qu'il aurait pu espérer obtenir s'il n'avait pas été victime de l'accident, peut raisonnablement être fixée à 1 000 € par mois ;

Attendu que cette perte sera calculée à partir du 1er janvier 2005, date à laquelle il est possible de présumer que la victime, âgée de 21 ans, serait entrée dans la vie active ;

Attendu qu'une indemnisation sous forme de rente apparaît préférable à un capital, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus à propos de l'assistance par tierce personne ;

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor devra en conséquence payer à Damien X...

- les arrérages d'une rente de 1 000 € par mois échus du 1er janvier 2005 jusqu'à la date du présent arrêt,

- à compter du présent arrêt, les arrérages à échoir de cette rente, au fur et à mesure de leur échéance ;

II-PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1- Déficit fonctionnel temporaire

Attendu que les premiers juges ont indemnisé ce poste de préjudice, sous les dénominations ITT et ITP, en prenant pour base de calcul une somme de 800 € par mois ;

Attendu que l'appelant conclut à la confirmation du jugement sur ce point, mais réclame en sus une somme de 45 000 € au titre de son préjudice d'agrément temporaire ;

Attendu que l'intimé sollicite une réduction de ce poste de préjudice, qu'il propose d'évaluer sur une base de 375 € par mois ;

Sur quoi :

Attendu que ce préjudice concerne la période allant de la date de l'accident à la date de consolidation de la victime, pendant laquelle celle-ci était âgée de sept à dix-neuf ans ; qu'il convient de le fixer sur une base mensuelle de 600 €, somme indemnisant à la fois le déficit physiologique, c'est-à-dire la gène dans les conditions d'existence, et le préjudice d'agrément ;

Attendu qu'il convient donc de procéder à la liquidation de ce préjudice comme suit :

- ITT : 600 x 7 = 4 200, 00 €
- ITP à 80 % : 600 x 80 % x 99 = 47 520, 00 €
- ITP à 65 % : 600 x 65 % x 43 = 16 770, 00 €

Total : 68 490, 00 €

2- Souffrances endurées

Attendu que ce poste de préjudice a été évalué à 30 000 € par les premiers juges ; que l'appelant sollicite à ce titre une somme de 35 000 € ; que l'intimé conclut à la confirmation du jugement sur ce point ;

Attendu qu'au vu du rapport de l'expert judiciaire qui a quantifié ce poste à 5, 5 / 7, la Cour fait sienne l'estimation des premiers juges ;

B-préjudices extra-patrimoniaux permanents

1- Déficit fonctionnel permanent

Attendu que l'appelant sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a chiffré ce poste de préjudice à 156 000 € ; que l'intimé conclut à une réduction de ce poste à 130 000 € ;

Attendu que, compte tenu du taux d'IPP retenu par l'expert (52 %) et de l'âge de la victime lors de la consolidation de son état (19 ans), il convient de fixer ce poste de préjudice à la somme de 130 000 € offerte par l'intimé ;

2- Préjudice d'agrément

Attendu que le tribunal a fixé ce poste de préjudice à 30 000 € ; que l'appelant sollicite à ce titre une indemnité de 45 000 € ; que l'intimé conclut à la
confirmation, sur ce point, du jugement déféré ;

Attendu que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce poste de préjudice ; que leur décision mérite confirmation sur ce point ;

3- Préjudice esthétique

Attendu que le tribunal a estimé ce poste à 25 000 € ; que l'appelant réclame une somme de 40 000 € ; que l'intimé sollicite la confirmation de l'estimation des premiers juges ;

Attendu que, compte tenu de l'âge et du sexe de la victime, le préjudice esthétique, quantifié 5 / 7 par l'expert judiciaire, a été exactement évalué à 25 000 € par le tribunal, dont la décision mérite confirmation sur ce point ;

4- Préjudice d'établissement

Attendu que les premiers juges ont intégré ce poste de préjudice dans la perte de chance qu'ils ont retenue au titre du préjudice économique ;

Attendu que Damien X... sollicite une somme de 45 000 € au titre de son préjudice d'établissement, consistant dans la perte de chance de se marier, d'avoir des enfants et de réaliser un projet de vie familiale normal ;

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement déféré sur ce point

Sur quoi :

Attendu que le préjudice d'établissement invoqué, de caractère extra-patrimonial, est d'une nature différente du préjudice, à caractère patrimonial, consistant dans la perte de gains professionnels ; qu'à le supposer établi, il justifierait une indemnisation distincte du préjudice professionnel ;

Mais attendu que l'expert judiciaire n'a caractérisé aucun préjudice sexuel ; que, contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'est pas privé de toute autonomie, l'expert ayant indiqué qu'il peut accomplir seul les actes de la vie courante, et n'a besoin d'assistance qu'à raison de 5 heures par semaine, pour faire son ménage et l'aider dans ses démarches administratives ; qu'il n'est donc pas démontré que les séquelles dont est atteinte la victime sont de nature à la priver d'une chance d'avoir une vie sexuelle et affective, de vivre en couple et de fonder une famille ; que la demande formée de ce chef sera en conséquence rejetée ;

RÉCAPITULATIF

Attendu qu'en considération des éléments ci-dessus, le préjudice de la victime sera liquidé comme suit :

Evaluations
Sommes revenant à la victime
Sommes revenant à la CPAM de BELFORT

I-Préjudices patrimoniaux

A-Préjudices patrimoniaux temporaires

1) Dépenses de santé actuelles
195 031, 41 €
néant
195 031, 41 €

2) Frais divers86 410, 25 €
86 410, 25 €
néant

B-Préjudices patrimoniaux permanents

1) Dépenses de santé futures10 165, 42 € 1 593, 47 € 8 571, 95 €
2) Tierce personne
rente viagère de 356, 25 € par mois à compter du 10 juillet 2002rente viagère de 356, 25 € par mois à compter du 10 juillet 2002
néant

3) Perte de gains professionnels futurs
rente viagère de 1 000 € par mois à compter du 1er janvier 2005
rente viagère de 1 000 € par mois à compter du 1er janvier 2005
néant

II-Préjudices extra-patrimoniaux

A-Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1) Déficit fonctionnel temporaire
68 490 €
68 490 €
néant

2) Souffrances endurées
30 000 €
30 000 €
néant

B-Préjudices extra-patrimoniaux permanents

1) Déficit fonctionnel permanent130 000 €
130 000 €
néant

2) Préjudice d'agrément30 000 €
30 000 € néant

3) Préjudice esthétique25 000 €
25 000 €
néant

4) Préjudice d'établissementnéant
néant
néant

TOTAL : 575 097, 08 €, outre rentes allouées au titre de la tierce personne et de la perte de gains professionnels futurs
371 493, 72 €, outre rentes allouées au titre de la tierce personne et de la perte de gains professionnels futurs
203 603, 36 €

Attendu qu'il ressort des justificatifs produits par l'intimé que le montant total des provisions versées ne ressort pas, comme le prétend l'appelant, à 74 014 € (485 500 F) et 12 195, 92 € (80 000 F), soit au total 86 209, 92 € (565 500 F), mais à 92 307, 88 € (605 500 F), l'appelant ayant omis de tenir compte de la première provision amiable de 40 000 F versée le 25 juin 1990 ;

Attendu que le solde revenant à la victime est donc de :

371 493, 72-92 307, 98 = 279 185, 84 € en capital, outre les rentes allouées au titre de la tierce personne et de la perte de gains professionnels futurs ;

Attendu que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1153-1 du code civil ;

La pénalité pour offre tardive

Attendu qu'aux termes de l'article L. 211-9 du code des assurances, applicable à l'Etat pris en qualité d'assureur de ses fonctionnaires, l'offre définitive d'indemnisation doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime ;

Attendu que, selon l'article L. 211-13 du même code, lorsque l'offre n'a pas été faite dans le délai imparti, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement définitif ;

Attendu qu'en cas d'offre faite par l'assureur en cours d'instance, les intérêts au double du taux légal ne courent que jusqu'à la date de cette offre, et non jusqu'à la date de la décision mettant fin à l'instance ; que des conclusions contenant une proposition d'indemnisation valent offre d'indemnisation au sens de l'article L. 211-9 du code des assurances ;

Attendu que le doublement du taux des intérêts s'applique à la totalité de la somme à la charge de l'assureur, avant imputation de la créance des organismes sociaux, et sans déduction des provisions versées à la victime ; que, lorsque le préjudice est réparé sous la forme d'une rente, le doublement des intérêts s'applique uniquement aux arrérages qui auraient été perçus à compter de l'expiration du délai de l'offre, jusqu'au jour de celle-ci, si elle intervient avant la décision définitive ;

Attendu qu'en l'espèce, l'Agent Judiciaire du Trésor a été informé de la consolidation de la victime lorsqu'il a reçu le rapport d'expertise définitif du Docteur C..., en date du 15 mars 2004 ; qu'il aurait donc dû présenter une offre définitive d'indemnisation avant le 1er septembre 2004 ; qu'il n'a fait connaître une telle offre qu'au moyen de ses conclusions de première instance, en date du 13 décembre 2005 ; qu'il convient donc d'appliquer le doublement des intérêts du 1er septembre 2004 au 13 décembre 2005 :

- sur la somme de 575 097, 08 € correspondant au montant de l'indemnité due en capital, comprenant la créance de la CPAM de BELFORT, et sans déduction des provisions versées,

- sur les arrérages des rentes allouées au titre de la tierce personne et de la perte de gains futurs, échus du 1er septembre 2004 au 13 décembre 2005 ;

Le compte entre les parties

Attendu que, compte tenu de l'indexation des rentes et du calcul du doublement des intérêts, la Cour n'est pas en mesure de fixer exactement la somme due par l'intimé à la date du présent arrêt ; qu'en outre, l'intimé ne justifie pas des règlements qu'il a effectués au titre de l'exécution provisoire partielle dont était assorti le jugement déféré ;

Attendu que la Cour prononcera en conséquence une condamnation à paiement en quittances ou deniers et précisera qu'au cas où il apparaîtrait que des sommes ont été versées en trop à l'appelant, celui-ci devra en rembourser le montant, assorti des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Dépens et frais non compris dans les dépens

Attendu que l'Agent Judiciaire du Trésor, qui succombe en cause d'appel, sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelant ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DÉCLARE l'appel principal de Damien X... et l'appel incident de l'Agent Judiciaire du Trésor recevables et partiellement fondés ;

REFORME le jugement rendu le 4 juillet 2006 par le tribunal de grande instance de BELFORT, en ce qu'il a :

- fixé le préjudice de Damien X..., en suite de l'accident dont il a été victime le 5 février 1990, à la somme de 839 788, 66 €, dont 754 788, 66 € soumis à recours,

- condamné l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Damien X... la somme de 636 185, 30 €, sauf à déduire les provisions réglées pour un montant de 81. 947, 86 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la somme de 636 185, 30 € portera intérêts au double du taux légal entre le 1er septembre 2004 et le 13 décembre 2005 ;

Statuant à nouveau sur la liquidation du préjudice de Damien X...,

FIXE le préjudice de Damien X..., hors les postes assistance par tierce personne et perte de gains futurs, à la somme de 575 097, 08 € ;

FIXE le poste assistance par tierce personne sous la forme d'une rente viagère d'un montant mensuel de 356, 25 €, due à compter du 10 juillet 2002 ;

FIXE le poste perte de gains professionnels futurs sous la forme d'une rente viagère d'un montant mensuel de 1 000 €, due à compter du 1er janvier 2005 ;

En conséquence, compte tenu :

- de la créance de la CPAM de BELFORT, d'un montant de 203 603, 36 €,

- des provisions versées pour un montant de 92 307, 98 €,

CONDAMNE l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Damien X..., en quittances ou deniers :

- la somme de 279 185, 84 € (deux cent soixante dix-neuf mille cent quatre vingt cinq euros et 84 cts) au titre du solde indemnitaire restant dû en capital,

- les arrérages échus depuis le 10 juillet 2002 et à échoir, mensuellement et d'avance, d'une rente viagère d'un montant de 356, 25 € (trois cent cinquante six euros et 25 cts) par mois, au titre de l'assistance par tierce personne,

- les arrérages échus depuis le 1er janvier 2005 et à échoir, mensuellement et d'avance, d'une rente viagère d'un montant de 1 000, 00 € (mille euros) par mois, au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

DIT que le capital et les arrérages de rente échus à la date du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter de cette date, et que les arrérages de rente à échoir porteront intérêts au taux légal à compter, pour chacun d'eux, de sa date d'échéance ;

DIT que les rentes prévues ci-dessus seront indexées conformément aux dispositions de la loi du 27 décembre 1974 et de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

CONDAMNE l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Damien X..., à titre de pénalité pour tardiveté de son offre d'indemnisation, les intérêts au double du taux légal calculés, du 1er septembre 2004 au 13 décembre 2005,

- sur la somme de 575 097, 08 € en capital,

- sur les arrérages des rentes allouées au titre de la tierce personne et de la perte de gains futurs, échus du 1er septembre 2004 au 13 décembre 2005 ;

CONFIRME, pour le surplus, le jugement déféré ;

Ajoutant audit jugement,

DIT que, le cas échéant, les sommes perçues en trop, au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, devront être restituées par Damien X..., avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

CONDAMNE l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Damien X... la somme de 1 500, 00 € (mille cinq cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier en cause d'appel ;

CONDAMNE l'Agent Judiciaire du Trésor aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et par Madame A. ROSSI, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06/01761
Date de la décision : 04/06/2008
Sens de l'arrêt : Délibéré pour prononcé en audience publique
Type d'affaire : Civile

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Offre de l'assureur - Formes - / JDF

Concernant la prise en charge d’un préjudice corporel par un organisme d’assurance, l’article L.211-9 du code des assurances, applicable à l’Etat, pris en qualité d’assureur de ses fonctionnaires, dispose que l’offre définitive d’indemnisation doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation de la victime. A défaut, selon l’article L.211-13 du même code, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement définitif. Des conclusions déposées en cours d’instance et contenant une proposition d’indemnisation, valent offre d’indemnisation au sens de l’article L.211-9 du code des assurances. Dès lors, les intérêts au double du taux légal ne courent que jusqu’à la date de cette offre et non jusqu’à la date de la décision mettant fin à l’insta


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Belfort, 04 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2008-06-04;06.01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award