ARRET No
MCB/CM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 25 JANVIER 2008
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 23 Novembre 2007
No de rôle : 06/02128
S/appel d'une décision
du C.P.H de VESOUL
en date du 14 septembre 2006
Code affaire : 80B
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
Didier X...
C/
Jean-Claude Y..., en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L PEPINIERES DE MARNAY, S.A.R.L PEPINIERES MARNAYSIENNES, C.G.E.A DE NANCY
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur Didier X..., demeurant ... à 25170 JALLERANGE
APPELANT
REPRESENTE par Me Anne LAGARRIGUE, Avocat au barreau de VESOUL
ET :
Maître Jean-Claude Y..., en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L PEPINIERES DE MARNAY, demeurant ...
REPRESENTE par Me Gérard PION, Avocat au barreau de VESOUL
S.A.R.L PEPINIERES MARNAYSIENNES, ayant son siège social, 1, rue Léon Paget à 70150 MARNAY
REPRESENTEE par Me Pierre-Etienne MAILLARD, Avocat au barreau de BELFORT
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA) DE NANCY, Délégation Régionale du Nord Est Unité, déconcentrée de l'UNEDIC, Association déclarée agissant poursuites et diligences de son Président, en qualité de gestionnaire de l'AGS en application de l'article L 143-11-4 du Code du travail, élisant domicile, Centre d'Affaires Libération, avenue de la Libération, BP 510, à 54008 NANCY CEDEX
REPRESENTE par Me Gérard PION, Avocat au barreau de VESOUL
INTIMES
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 23 Novembre 2007 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, en présence de Madame M.C BERTRAND, Conseiller, magistrat désigné par ordonnance rendue par Monsieur le Premier Président en date du 05 septembre 2007 conformément aux dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties
GREFFIER : Mademoiselle G. MAROLLES
lors du délibéré :
Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, et Madame M.C BERTRAND, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile à Madame H. BOUCON, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt devait être rendu le 11 janvier 2008 et que le délibéré a été prorogé au 25 Janvier 2008 par mise à disposition au greffe.
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Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2006, Monsieur Didier X... a fait appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de VESOUL du 14 septembre 2006, qui l'a débouté de ses demandes d'indemnisation consécutive à la rupture de son contrat de travail.
Monsieur Didier X... a été embauché par la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY le 11 septembre 2002 en qualité de conducteur d'engins par contrat à durée indéterminée.
Le 27 mai 2005, le tribunal de commerce de VESOUL a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 juin 2005, Maître Jean-Claude Y..., liquidateur de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY, a notifié à Monsieur Didier X... son licenciement pour motif économique.
Par ordonnance du 26 juillet 2005, le juge commissaire de la liquidation judiciaire a ordonné la cession de l'unité de production de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY à la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES.
Par courrier du 26 octobre 2005, Monsieur Didier X... a sollicité la poursuite de son contrat de travail auprès de la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES.
Par courrier du 28 octobre 2005, la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES a refusé sa demande.
Par conclusions du 17 septembre 2007 reprises oralement à l'audience, Monsieur Didier X... conclut à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes et demande la condamnation de Maître Y... en qualité de liquidateur de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY et la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES au paiement des sommes suivantes :
- 26.048 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des critères de licenciement
- 26.048 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions de l'article L 122-12 du Code du travail.
Par conclusions du 2 octobre 2007 reprises oralement à l'audience, Maître Y... conclut à sa mise hors de cause.
Par conclusions du 30 octobre 2007 reprises oralement à l'audience, la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES conclut au débouté des demandes de Monsieur Didier X... et de Maître Y... et sollicite la condamnation de Monsieur Didier X... à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR LE TRANSFERT DU CONTRAT DE TRAVAIL
Le CGEA de NANCY et Maître Y... soutiennent que le contrat de travail de Monsieur X... s'est poursuivi avec la société cessionnaire et que le choix de la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES de ne pas le réembaucher ne les concerne pas.
Monsieur X... soutient que :
- si son contrat de travail a été transféré, l'attitude de la société PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES qui a refusé sa reprise est fautive et le non respect de l'article L 122-12 du Code du travail doit être réparé par l'octroi de dommages-intérêts,
- si son contrat n'a pas été transféré, l'employeur devait pour choisir quels étaient les conducteurs d'engins licenciés, opérer un ordre des critères de licenciement ouvrant droit, à défaut, à des dommages-intérêts équivalents à ceux attribués dans le cadre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES affirme que les éléments d'actifs qui lui ont été cédés ne constituaient pas une entité économique car il s'agissait d'une reprise d'activité sans moyens de production, à défaut d'attribution des baux ruraux sans lesquels elle n'était pas en mesure d'avoir une quelconque activité.
A titre subsidiaire elle fait valoir que Monsieur X... a tiré les conséquences du licenciement dont il n'entendait pas remettre le principe en cause en encaissant les indemnités qui lui ont été versées, et qu'il ne pouvait à la fois accepter le principe du licenciement et demander la poursuite de son contrat de travail.
Sur le moyen tiré de l'absence d'ordre des critère de licenciement, Monsieur X... opère une confusion juridique entre les licenciements intervenant dans le cadre d'un plan de cession d'une entreprise en redressement judiciaire et les licenciements intervenant après la liquidation judiciaire d'une entreprise.
En l'espèce, Maître Y... ayant licencié la totalité du personnel de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY après le prononcé de la liquidation judiciaire, la question des critères de l'ordre des licenciements ne se posait pas et le sort ultérieur des salariés relève de la procédure suivie pour la cession des actifs de la société liquidée.
La cession de l'unité de production ordonnée par le juge commissaire le 26 juillet 2005, en transférant à la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES des salariés, les locaux, le stock et les éléments incorporels, en vue de la poursuite de l'activité de pépiniériste et de vente de produits pour l'horticulture qui était celle de la société liquidée, a porté sur une entité économique autonome, dès lors que la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES disposait ainsi des moyens de production qui lui étaient nécessaires, la part de baux ruraux dont elle n'a pas bénéficié ne constituant pas un obstacle à la poursuite de cette activité.
Dans ces conditions, tous les contrats de travail des salariés de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY se sont poursuivis de plein droit au sein de la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES, conformément aux dispositions de l'article L 122-12 du Code du travail et le licenciement intervenu à l'initiative de Maître Y... était sans effet.
Il appartenait donc à la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES d'inviter Monsieur X... à venir travailler à son ancien poste de travail.
Monsieur X... n'ayant eu, à la date de l'expiration de son préavis, le 10 août 2005, aucune offre de poursuite de son contrat de travail dans les conditions antérieures, disposait d'une option entre exiger de la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES la poursuite de son contrat ou demander l'indemnisation du licenciement.
En acceptant les indemnités offertes par Maître Y... à la suite du licenciement, Monsieur X... a exercé son option.
SUR LE LICENCIEMENT
Dépourvu d'effet, le licenciement prononcé par le mandataire liquidateur avant la cession du fonds est sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit pour le salarié à l'indemnisation prévue par l'article L 122-14-4 du Code du travail, eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, au nombre de salariés qu'elle comptait et au montant de son salaire brut, à hauteur de 9.000 euros.
La SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, les droits de Monsieur X... lui sont reconnus sous forme d'une fixation de créance.
SUR LA MISE EN CAUSE DE LA SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES
La SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES n'a proposé aucun emploi à Monsieur Didier X... alors qu'elle en avait l'obligation par application des dispositions de l'article L 122-12 du Code du travail.
Ce comportement fautif de la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES justifie sa condamnation au même titre que l'employeur responsable du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE les appels recevables,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de VESOUL du 14 septembre 2006,
FIXE la créance de Monsieur Didier X... sur la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY, société en liquidation judiciaire, à la somme de NEUF MILLE EUROS (9.000 €) à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,
DECLARE le présent arrêt opposable au CGEA de NANCY,
CONDAMNE la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES à payer à Monsieur Didier X... la somme de NEUF MILLE EUROS (9.000 euros) à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail, cette condamnation étant prononcée in solidum avec la fixation de la créance de Monsieur X... sur la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY,
CONDAMNE Maître Y... pris en sa qualité de liquidateur de la SARL PÉPINIÈRES DE MARNAY et la SARL PÉPINIÈRES MARNAYSIENNES aux dépens.
LEDIT arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE HUIT et signé par Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, et Mademoiselle G. MAROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,