16 JANVIER 2008
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Requête en annulation d'actes
X... Romain Y... Sonia Z... Frédéric A... Nicolas B... Stéphane
Annulation partielle
La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de BESANCON réunie en Chambre du Conseil au Palais de Justice de ladite Ville,
Vu la procédure instruite au Tribunal de Grande Instance de BELFORT, contre :
X... Romain né le 23 septembre 1985 à REMIREMONT (Vosges) demeurant...
Mis en examen des chefs d'acquisition, importation, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants
Ayant pour avocat Maître VEJUX au barreau de BELFORT
A... Nicolas né le 10 novembre 1983 à BELFORT (Territoire de Belfort) demeurant...
Mis en examen des chefs d'acquisition, importation, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants
Ayant pour avocat Maître QUENOT au barreau de BELFORT
Y... Sonia née le 25 juin 1973 à BELFORT (Territoire de Belfort) demeurant...
Mise en examen des chefs d'acquisition, importation, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants
Ayant pour avocat Maître GONNINau barreau de BELFORT
Z... Frédéric né le 5 septembre 1981 à BELFORT (Territoire de Belfort) demeurant...
Mis en examen des chefs d'acquisition, importation, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants
Ayant pour avocat Maître DREYFUS-SCHMIDT au barreau de BELFORT
B... Stéphane né le 22 novembre 1979 à BELFORT (Territoire de Belfort) demeurant...
Mis en examen des chefs d'acquisition, importation, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants
Ayant pour avocat Maître GONNINau barreau de BELFORT
Vu les requêtes en annulation d'actes présentées les 23 août 2007 et 9 octobre 2007 par les conseils substitués des mis en examen Romain X... et Nicolas A...
Vu l'ordonnance de Monsieur le Président de la Chambre de l'instruction en date du 9 octobre 2007 disant y avoir lieu à saisir ladite chambre
Vu l'arrêt en date du 21 novembre 2007 ordonnant la communication de pièces et renvoyant l'examen de la procédure à une date ultérieure
Vu les avis régulièrement notifiés aux parties et à leurs avocats le 21 novembre 2007 conformément à l'article 197 du Code de procédure pénale, pour l'audience du 12 décembre 2007,
Monsieur le PROCUREUR GENERAL comme il est représenté ayant déposé son réquisitoire écrit, signé et daté du 4 décembre 2007,
Vu le mémoire déposé le 10 décembre 2007 par Maître VEJUX pour Romain X...,
Vu le mémoire déposé le 11 décembre 2007 par Maître QUENOT pour Nicolas A...
Après avoir entendu :
Monsieur le Président PONTONNIER en son rapport,
Maître QUENOT en ses observations présentées pour Nicolas A...
Monsieur RICHARTE Avocat Général, en ses réquisitions,
Maître QUENOT ayant eu la parole en dernier,
La Chambre de l'Instruction met l'affaire en délibéré et renvoie le prononcé de l'arrêt à l'audience du SEIZE JANVIER DEUX MILLE HUIT,
Et ledit jour, après en avoir délibéré conformément à la loi, hors la présence du Ministère public et du greffier, la Chambre de l'Instruction composée des mêmes magistrats qu'à l'audience du 12 décembre 2007, a statué en ces termes :
Une information est en cours au Tribunal de grande instance de BELFORT contre M. Romain X..., Sonia Y..., Frédéric Z..., Nicolas A... et Stéphane B... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
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Par requêtes présentées les 23 août et 9 octobre 2007 conformément aux dispositions de l'article 173 du Code de procédure pénale, MM. Romain X... et Nicolas A..., mis en examen, sollicitent l'annulation de la procédure. A l'appui de leurs requêtes, les demandeurs font valoir les moyens suivants :
1o) l'absence de réquisitions saisissant le 29 mars 2007 le juge des libertés et de la détention afin d'autoriser le 2 avril 2007 l'écoute téléphonique de la ligne de M. A... ;
2o) l'absence de retranscription de ces écoutes lors de l'interpellation de M. X... ;
3o) un retard dans la réquisition au médecin chargé de procéder à l'examen médical qu'avait sollicité M. X... lors de la notification de ses droits lors de son placement en garde à vue ;
4o) un retard dans l'avis donné au bâtonnier de la demande d'entretien formulée par M. X... avec un avocat commis d'office.
Les deux derniers moyens ne concernent que M. X....
Le 26 octobre 2007, le Président du tribunal de grande instance de BELFORT a adressé à la Chambre de l'instruction la copie certifiée conforme des deux requêtes de saisine du juge des libertés et de la détention, dont celle du 29 mars 2007, ainsi que celle des deux ordonnances correspondantes, documents classés au greffe du juge des libertés et de la détention.
L'examen de cette procédure était fixé à l'audience du 14 novembre 2007. Mais la communication de ces pièces pouvant avoir une incidence sur le fond du litige, la Chambre de l'Instruction a ordonné le renvoi de la procédure à l'audience du 12 décembre 2007.
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Dans ses réquisitions écrites, Monsieur l'Avocat général estime que :-du fait de la communication des pièces par le Président du Tribunal de grande instance de BELFORT l'existence de celles-ci est avérée ;-les avocats ne démontrent pas, concernant le second moyen, la réalité d'une atteinte aux droits de la défense dans le cadre du déroulement de la procédure dans laquelle leur présence était effective ;-le retard dans l'avis donné au bâtonnier ne saurait prospérer (quatrième moyen) dès lors que l'on se trouvait dans le cadre d'investigations des chefs spécifiques d'infractions à la législation sur les stupéfiants et que la présence d'un avocat en garde à vue n'était possible qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures ;-enfin il y a eu effectivement retard dans l'examen médical de M. X... après son placement en garde à vue. Il existe de ce fait une nullité dont les effets ne doivent s'étendre qu'aux actes concernant l'intéressé.
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MM. X... ET A... ont régulièrement déposé un mémoire auquel la Cour entend se référer pour l'exposé détaillé des moyens, mémoire dans lequel ils font valoir :-Les réquisitions de saisine du juge des libertés et de la détention relatives à la saisine de ce magistrat afin d'ordonner les écoutes du téléphone portable de M. Nicolas A... le 2 avril 2007. Ces réquisitions ont fondé l'ensemble des actes d'instruction de l'arrestation à la mise en examen des différents protagonistes. Un tel stratagème est manifestement destiné à faire échec aux droits de la défense dès lors qu'avant tout interrogatoire l'avocat doit avoir communication des pièces de la procédure. Enfin la copie certifiée conforme ne comporte pas la signature du Procureur de la République et que selon une jurisprudence constante un réquisitoire est nul lorsqu'il ne comporte pas la signature manuscrite du magistrat qui l'a rédigé ;-L'interpellation de MM. A... et X... se fondent exclusivement sur le contenu de deux conversations téléphoniques entre M. A... et un ou plusieurs interlocuteurs alors que ces conversations téléphoniques n'ont pas été retranscrites conformément aux dispositions de l'article 100-4 et 100-5 du Code de procédure pénale. Ce n'est que postérieurement au dépôt de la requête que la transcription de ces conversations téléphoniques a été versée à la procédure ;-Lors de la notification de ses droits M. Romain X... avait indiqué qu'il souhaitait s'entretenir avec un avocat commis d'office. Au terme de l'article 63-4 du Code de Procédure pénale, le bâtonnier devait être avisé sans délai de cette demande. Or l'avocat commis a été avisé plus de quarante-huit heures après le début de la garde à vue ;-Enfin, alors que M. Romain X... avait sollicité un examen médical lors de la notification de ses droits le 17 avril 2007 à 17 h 05, le médecin a été requis par les services de police plus de trois heures après cette demande alors qu'aucune circonstance exceptionnelle n'est susceptible de justifier le non-respect du délai de trois heures mentionné aux dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale.
M. Romain X... conclut à l'annulation de la procédure à compter de la cote D 51.
M. Nicolas A... invoque à l'appui de son mémoire les premiers moyens soutenus par M. X... pour conclure aux mêmes fins.
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1o) Sur l'absence de réquisitions saisissant le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner des écoutes téléphoniques.
Il résulte de l'examen de la procédure que lors de la présentation des requêtes en nullité, manquaient les réquisitions de saisine du juge des libertés et de la détention tendant à procéder à la mise sur écoute de la ligne téléphonique attribuée à M. Nicolas A... et ayant fait l'objet des ordonnances des 14 février et 2 avril 2007 figurant aux cotes D 12 et 52.
Après recherches, il apparaissait que les originaux de ces réquisitions ainsi que ceux des ordonnances des 14 février et 2 avril 2007 avaient été égarées (correspondance du juge d'instruction du 5 octobre 2007, cote 6 de la procédure d'annulation) mais que figuraient à la procédure les copies des ordonnances des 14 février et 2 avril 2007 et qu'une copie certifiée conforme des réquisitions étaient conservée au greffe du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de BELFORT (correspondance du 26 octobre 2007 du Président de cette juridiction). Ces documents, qui sont partie intégrante de la procédure, étaient d'ailleurs joints à cette correspondance (cotes 8 / 1 à 8 / 5 de la procédure d'annulation).
Ainsi conformément aux dispositions de l'article 81 alinéa 2 du Code de Procédure pénale, il a été établi une copie certifiée conforme de toutes les pièces de la procédure. Ces copies authentiques, qui n'ont pas à supporter la signature de leur auteur, suppléent donc à la disparition des pièces originales égarées. Dès lors que figurent à la procédure ces documents à caractère authentique, la Chambre de l'instruction est en mesure de constater la régularité de la saisine du juge des libertés et de la détention. Enfin la preuve d'aucun stratagème destiné à faire échec aux droits de la défense n'est rapportée, les mis en examen ayant été par ailleurs assisté, lors de leur présentation devant le juge d'instruction, d'un avocat qui n'a présenté aucune observation sur ce point.
Ce moyen, soutenu par MM. A... et X... sera écarté.
2o) Sur l'absence de transcription des écoutes téléphoniques.
Les requérants font valoir que la transcription des écoutes téléphoniques qui ont motivé leur interpellation au mois d'avril 2007 n'a été versée à la procédure que courant octobre 2007 et invoquent une violation des dispositions de l'article 100-5 du Code de procédure pénale et des droits de la défense, le contenu de ces écoutes n'ayant pu être débattu contradictoirement lors de leur mise en examen.
Si la transcription intégrale de ces écoutes n'a été versée à la procédure que postérieurement à la présentation de MM. A... et X..., il résulte du dossier que la teneur de celles-ci figure à la cote D 51 et que MM. A... et X... étaient assistés de leurs avocats qui ont régulièrement pris connaissance de la procédure et n'ont émis aucune réserve (Cass Crim 23 / 03 / 99 B no 51), étant précisé que l'interrogatoire des intéressés n'a pas porté sur le contenu de ces écoutes.
Ce moyen, soutenu par MM. A... et X..., sera également rejeté.
3o) Sur le retard donné au bâtonnier d'entretien avec un avocat commis d'office.
M. X... expose qu'il avait sollicité, lors de la notification de ses droits de gardé à vue le 17 avril 2007 à 17 h 05 avec effet à compter de 4 h 30 compte tenu de la rétention douanière, un entretien avec un avocat commis d'office. Selon les dispositions de l'article 63-4 du Code de procédure pénale le bâtonnier doit être avisé de cette demande par tous moyens et sans délai. Le fait que l'entretien ne puisse intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures n'exonère pas pour autant les services police de leur obligation d'aviser sans délai le bâtonnier de la demande d'entretien. En l'espèce, l'avis résultant de l'article 63-4 du Code de procédure pénale n'a été donné que le 19 avril 2007 à 18 h 15 à l'avocat de permanence désigné par le bâtonnier soit plus de quarante-huit heures après la demande.
Il résulte de l'examen de la procédure que M. Romain X... s'est vu notifié ses droits de gardé à vue dans le cadre d'une procédure de trafic de stupéfiant, le 17 avril 2007 à 17 h 05, qu'il a été informé qu'il pouvait s'entretenir avec un avocat à l'issue de la soixante-douzième heure en cas de prolongation et qu'il a souhaité bénéficier à ce moment là d'un entretien avec un avocat commis d'office (D 137).
S'il ne ressort pas de la procédure à quel moment a été avisé le bâtonnier, l'avocat commis d'office a été informé, quant à lui, le 19 avril 2007 à 18 h 15, du souhait de M. X... de bénéficier d'un entretien à compter de la soixante-douzième heure soit le 20 avril 2007 à 4 h 30 (D 153). Cet entretien a eu lieu le 20 avril 2007 de 7 h 30 à 8 h 00 (D 157) et n'a fait l'objet d'aucune observation.
Ainsi la Cour constate que les droits de M. X... ont été parfaitement respectés étant précisé que l'information sans délai du bâtonnier (art 63-4 du CPP) n'est que la conséquence des dispositions du premier alinéa de cet article prévoyant la possibilité d'un entretien dès le début de la garde à vue, disposition qui ne s'appliquait pas au cas d'espèce.
Ce moyen sera donc également rejeté.
4o) Sur le retard dans l'examen médical.
M. Romain X... fait valoir que, lors de la notification de ses droits de gardé à vue, le 17 avril 2007 à 17 h 05, il avait indiqué qu'il désirait faire l'objet d'un examen médical (D 137). Cet examen a eu lieu le même jour à 21 h 30, le médecin ayant été requis à une heure qui n'est pas précisée mais qui est nécessairement postérieure à la perquisition effectuée faite à son domicile de 20 h 20 à 20 h 40. Or les dispositions de l'article 63-3 disposent que le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. En l'espèce aucune circonstance particulière ne justifie le délai apporté à le soumettre à l'examen demandé. Il estime que sa garde à vue et les actes qui en découlent doivent être annulés.
Au cas d'espèce, il ressort de l'examen des pièces de la procédure que le requérant a sollicité un examen médical le 17 avril 2007 à 17 h 05, que le médecin a été requis le même jour à une heure non précisée mais, compte tenu du numéro d'ordre de la réquisition dans la procédure, obligatoirement postérieurement à la perquisition opérée à son domicile (D 141 et 142 / 3). Dès lors la Cour constate que le délai de trois heures mentionné à l'article 63-1 dernier alinéa du code de procédure pénale n'a pas été respecté et que l'existence de circonstances insurmontables ne résulte pas de la procédure. Les actes de la procédure concernant M. Romain X... seront donc annulés à compter du 17 avril 2007 20 h 05 soit les cotes 141 à 158 ainsi que les cotes D 124,125,127 et 128 ayant trait à des conversations entre M. Romain X... et d'autres gardés à vue surprises par le gardien des geôles du commissariat et concernant la mise au point d'un alibi commun.
Il ressort toutefois des déclarations faites par M. Romain X... lors de sa rétention douanière et de celles de MM. Frédéric Z..., Nicolas A... et Stéphane B... qu'il existe à l'encontre du requérant des indices graves ou concordants justifiant sa mise en examen. Dès lors les procès-verbaux de première comparution du 20 avril 2007 et de mise en examen supplétive du 4 décembre 2007 ne seront pas annulés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en Chambre du conseil,
Vu les articles 181,183,194,198,199,200,201,205,206,209,216,217 du Code de procédure pénale,
En la forme,
Déclare recevables les requêtes de MM. X... et A... en date des 23 août et 9 octobre 2007,
Au fond,
Dit mat fondée la requête de M. Nicolas A... et partiellement fondée celle de M. Romain X...,
Prononce la nullité des pièces cotées D 124,125,127,128,141 à 158,
Ordonne le retrait de ces pièces du dossier et leur classement au greffe de la Cour d'appel,
Ordonne le renvoi du dossier de la procédure au Juge d'instruction du Tribunal de grande instance de BELFORT afin de poursuivre l'information,
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le Procureur général.
Ainsi jugé et prononcé en Chambre du Conseil le SEIZE JANVIER DEUX MILLE HUIT par la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de BESANCON où siégeaient M. PONTONNIER, Président de Chambre, Président titulaire, M. VIGNES et Mme CARTIER, Conseillers, régulièrement désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale, assistés de Mme MORINI, Greffier présent lors du prononcé.
Présent : M. RICHARTE, Avocat Général
Le Greffier, Le Président,