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19/12/2007 | FRANCE | N°1039/07

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre civile 1, 19 décembre 2007, 1039/07


ARRÊT No

BP / CB

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2007

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Contradictoire
Audience publique
du 21 novembre 2007
No de rôle : 06 / 01809

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Montbéliard
en date du 27 juin 2006 RG No 05 / 577
Code affaire : 54G
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de con

struction

SARL MAISONS TRADITION C / Lamri Y..., Salima X..., épouse Y...

PARTIES EN CAUSE :

SARL MAISONS TRADITION
ayant...

ARRÊT No

BP / CB

COUR D'APPEL DE BESANÇON
-172 501 116 00013-

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2007

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

SECTION A

Contradictoire
Audience publique
du 21 novembre 2007
No de rôle : 06 / 01809

S / appel d'une décision
du tribunal de grande instance de Montbéliard
en date du 27 juin 2006 RG No 05 / 577
Code affaire : 54G
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

SARL MAISONS TRADITION C / Lamri Y..., Salima X..., épouse Y...

PARTIES EN CAUSE :

SARL MAISONS TRADITION
ayant son siège 37, rue Lucien Quelet-25400 EXINCOURT

APPELANTE

Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué
et Me Jean-Louis LANFUMEZ pour Avocat

ET :

Monsieur Lamri Y...
demeurant ...

Madame Salima X..., épouse Y...
demeurant ...

INTIMÉS

Ayant la SCP LEROUX pour Avoué
et Me Eric MULLER pour Avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.

ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.

**************

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 3 octobre 2002, les époux Y... ont conclu avec la SARL MAISONS TRADITION un contrat intitulé " de maîtrise d'oeuvre ", en vue de l'édification d'une maison d'habitation.

La maison a été construite et les honoraires de la SARL MAISONS TRADITION payés.

Sollicitant la requalification de la convention en contrat de construction de maison individuelle, les époux Y... se sont prévalus de la nullité de la clause fixant les honoraires de la SARL MAISONS TRADITION, et ils en ont sollicité le remboursement. Ils ont en outre réclamé à la SARL MAISONS TRADITION une somme au titre du dépassement du coût des travaux initialement fixé, ainsi qu'une autre somme au titre d'un vol de matériel survenu sur le chantier.

Par jugement en date du 27 juin 2006, le tribunal de grande instance de MONTBÉLIARD n'a accueilli que ce dernier chef de demande, et, à ce titre, a condamné la SARL MAISONS TRADITION à payer aux époux Y... la somme de 4 210,04 €.

*

Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, la SARL MAISONS TRADITION sollicite le débouté des époux Y... de l'ensemble de leurs demandes, ainsi que leur condamnation au paiement d'une somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts, et d'une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de son recours, l'appelante fait valoir qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat, aux motifs, essentiellement, qu'elle n'a pas proposé aux maîtres de l'ouvrage un plan type, mais conçu pour eux un projet individualisé, qu'elle a lancé des appels d'offre pour chaque corps de métier et que les maîtres de l'ouvrage ont eux-mêmes conclu les marchés avec les entreprises.

La SARL MAISONS TRADITION ajoute que, quelle que soit la qualification du contrat, sa rémunération doit lui rester acquise dès lors qu'elle a accompli, au bénéfice des maîtres de l'ouvrage, les prestations qui en sont la contrepartie.

S'agissant du dépassement de l'estimation initiale des travaux, l'appelante prétend que la question concerne les relations directes des maîtres de l'ouvrage avec les entreprises, et qu'elle a pour origine un retard, qui ne lui est pas imputable, ayant affecté le début des travaux.

Enfin, la SARL MAISONS TRADITION conteste avoir manqué à son obligation de surveillance du chantier et prétend en conséquence ne pas être tenue à indemnisation au titre du vol de matériel commis sur le chantier.

*

Formant appel incident, les époux Y... réclament, en plus de la somme de 4 210,04 € qui leur a été allouée par les premiers juges au titre du remplacement du matériel volé sur le chantier :

-la somme de 16 684 € au titre du remboursement des honoraires perçus par la SARL MAISONS TRADITION,

-la somme de 4 782,80 € au titre du dépassement de l'estimation du coût de la construction.

Les intimés affirment que l'appelante leur a simplement proposé de choisir entre trois gammes de maisons et n'a pas conçu pour eux un projet personnalisé. Ils ajoutent qu'ils n'ont eu aucune liberté dans le choix des entreprises. Ils en déduisent que c'est avec raison que les premiers juges ont requalifié le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu avec la SARL MAISONS TRADITION en contrat de construction de maison individuelle, mais qu'en rejetant leur demande de restitution d'honoraires, ils n'ont pas tiré les conséquences qui s'imposent, à savoir la nullité ou l'inopposabilité à leur égard de la clause fixant les honoraires de l'appelante.

Les époux Y... soutiennent en outre que le supplément de prix qu'ils ont payé est imputable à la carence de l'appelante, qui, en déposant une demande de permis de construire incomplète, a été à l'origine d'un retard ayant entraîné une augmentation du coût des travaux.

Ils concluent enfin à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'appelante au titre du vol commis sur le chantier.

*

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 13 novembre 2007.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la qualification du contrat.

Attendu qu'aux termes de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation, toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage, d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer, doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2 du même code ;

Attendu qu'en l'espèce, la Cour adopte les motifs pertinents des premiers juges qui ont relevé que le plan proposé par la SARL MAISONS TRADITION aux époux Y... était un plan type, que, si les marchés de travaux ont été passés directement entre les maîtres de l'ouvrage et les entreprises intervenues sur le chantier, le choix des entreprises a été effectué par la SARL MAISONS TRADITION et qu'en conséquence le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre cette société et les maîtres de l'ouvrage doit être requalifié en contrat de construction de maison individuelle ;

Attendu qu'il sera ajouté que la SARL MAISONS TRADITION n'est pas un architecte, mais une société commerciale, qu'elle effectue des opérations de publicité comme le montre la plaquette publicitaire qu'elle a remise aux intimés avant la conclusion du contrat, et que sa dénomination même la désigne comme un constructeur de maison individuelle ;

Qu'en outre, avant la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre, elle a soumis aux époux Y... un devis en date du 24 septembre 2002 qui, d'une part, faisait référence aux trois gammes de maisons proposées par l'appelante (classique, noble et prestige, la gamme choisie en l'occurrence étant la gamme " noble "), et qui, d'autre part, comportait une estimation précise, lot par lot, de l'ensemble des travaux, antérieure par conséquent à toute consultation des entreprises ;

Qu'à ce devis étaient joints des plans sommaires, dont l'appelante ne démontre pas en quoi ils répondaient à des desiderata particuliers émanant des maîtres de l'ouvrage ou à la configuration de leur terrain, et qui n'ont fait l'objet, ensuite, que de modifications de détail, concernant les ouvertures de la cuisine et de la salle de séjour ;

* Sur la restitution des honoraires.

Attendu que, les dispositions des articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation étant d'ordre public et prescrites à peine de nullité, le contrat conclu en l'espèce entre les parties est nul ;

Attendu que la nullité du contrat entraîne son anéantissement rétroactif ; que les parties doivent être replacées, autant qu'il est matériellement possible, dans la situation qui était la leur avant la conclusion du contrat ; que les intimés sont par conséquent fondés à réclamer la restitution des honoraires qu'ils ont versés à l'appelante en exécution du contrat ;

Attendu que l'appelante sera donc condamnée à rembourser aux intimés la somme de 16 684 €, le jugement déféré devant sur ce point être réformé ;

* Sur les autres demandes des maîtres de l'ouvrage.

Attendu que, le contrat étant nul, les maîtres de l'ouvrage ne peuvent se prévaloir du non-respect, par l'appelante, de ses obligations contractuelles ;

Attendu qu'ils ne peuvent pas non plus limiter leur demande de nullité à la clause du contrat fixant la rémunération de l'appelante, et pour le surplus, solliciter l'application du contrat ; qu'en effet, la clause d'honoraires étant essentielle en ce qu'elle constitue la contrepartie des prestations à la charge de l'appelante, sa nullité entraîne celle du contrat dans son entier ;

Attendu qu'il s'ensuit que les intimés ne peuvent invoquer ni le non-respect, par l'appelante, de l'estimation initiale du coût des travaux, ni des manquements à son obligation de surveillance du chantier ;

Attendu que le surplus des demandes des intimés sera donc rejeté, et le jugement déféré réformé en ce qu'il a accueilli la demande formée au titre du vol commis sur le chantier ;

* Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Attendu que l'appelante, qui succombe en plus grande part, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les intimés en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sa faveur ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, après débats en audience publique, contradictoirement, et après en avoir délibéré ;

DÉCLARE l'appel principal de la SARL MAISONS TRADITION et l'appel incident des époux Y... recevables et partiellement fondés ;

REFORME le jugement rendu le 27 juin 2006 par le tribunal de grande instance de MONTBÉLIARD, en ce qu'il a rejeté la demande des époux Y... en restitution d'honoraires, et accueilli leur demande au titre du vol commis sur le chantier ;

Statuant à nouveau sur ces deux points,

CONDAMNE la SARL MAISONS TRADITION à payer aux époux Y... la somme de 16 684 € (SEIZE MILLE SIX CENTS QUATRE-VINGT-QUATRE EUROS) à titre de restitution d'honoraires ;

REJETTE la demande des époux Y... au titre du matériel volé sur le chantier ;

CONFIRME, pour le surplus, le jugement déféré ;

Ajoutant audit jugement,

CONDAMNE la SARL MAISONS TRADITION à payer aux époux Y... la somme de 1 500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ces derniers en cause d'appel ;

REJETTE la demande de la SARL MAISONS TRADITION fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL MAISONS TRADITION aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Madame M. LEVY, Conseiller, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame M. DEVILLARD, Greffier.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 1039/07
Date de la décision : 19/12/2007
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONSTRUCTION IMMOBILIERE

1) Doit être requalifié en contrat de construction de maison individuelle le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre une société, qui n'est pas un architecte, et des maîtres d'ouvrage, dès lors que le plan proposé par la société était un plan type, et que le choix des entreprises avec lesquelles les marchés de travaux ont été passés a été effectué par cette société. Tel est le cas d'une société qui effectue des opérations de publicité en soumettant aux maîtres de l'ouvrage, avant même la signature d'un contrat de maîtrise d'oeuvre, un devis faisant référence à trois gammes de maisons proposées comportant une estimation précise de l'ensemble des travaux, ainsi que des plans sommaires qui n'ont fait l'objet, par la suite, que de modifications de détail dont il n'est pas démontré en quoi elles répondaient à des desiderata particuliers . 2) La nullité d'un contrat de maîtrise d'oeuvre entraîne son anéantissement rétroactif. Dès lors, les maîtres de l'ouvrage sont fondés à réclamer la restitution des honoraires versés.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montbéliard, 27 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2007-12-19;1039.07 ?
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