ARRET No
HB / CM
COUR D'APPEL DE BESANCON
-172 501 116 00013-
ARRET DU 12 DECEMBRE 2006
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 07 Novembre 2006
No de rôle : 05 / 02373
S / appel d'une décision
du C.P.H de BESANCON
en date du 22 novembre 2005
Code affaire : 80B
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
David X...
C /
S.A CEGID
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur David X..., demeurant ... à 25000 BESANCON
APPELANT
COMPARANT EN PERSONNE
ET :
S.A CEGID, ayant son siège social 52 quai Paul Sédallian à 69279 LYON CEDEX 09
INTIMEE
REPRESENTEE par Me Yves BOULEZ, Avocat au barreau de LYON, substitué par Me Karine BASSIGNOT, Avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 07 Novembre 2006 :
CONSEILLERS RAPPORTEURS : Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, en présence de Madame H. BOUCON, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties
GREFFIER : Mademoiselle G. MAROLLES
lors du délibéré :
Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, et Madame H. BOUCON, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile à Monsieur B. POLLET, Conseiller, Magistrat désigné par ordonnance rendue par Monsieur le Premier Président en date du 26 octobre 2006
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 12 Décembre 2006 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mr David X... a été engagé par la Société TECHNILOG INFORMATIQUE le 25 novembre 1999 en qualité de moniteur-formateur Niveau V coefficient 190, moyennant une rémunération brute mensuelle de 12. 000 F brut, augmentée d'une partie variable fixée en pourcentage du chiffre d'affaires formation de la société (3 % à partir de juillet 2000).
Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er juillet 2003 à la Société CEGID qui avait repris en location gérance le fonds de commerce de la Société TECHNILOG INFORMATIQUE, dans la perspective d'une fusion-absorption de celle-ci, intervenue fin 2003.
Le 18 juillet 2003, il s'est vu proposer par la Société CEGID une modification de ses conditions de rémunération, portant essentiellement sur la partie variable de celle-ci, à laquelle il s'est opposé le 21 juillet 2003 et à nouveau le 23 août 2003, à la suite de quoi il a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 9 décembre 2003.
Contestant la légitimité de son licenciement, Mr X... a saisi le Conseil de prud'hommes de BESANCON le 7 avril 2004 d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 22 novembre 2005, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le Conseil, statuant en formation de départage, a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté Mr X... de ses demandes et condamné celui-ci aux dépens.
Régulièrement appelant de ce jugement, Mr X... demande à la Cour d'infirmer celui-ci et de condamner la SA CEGID à lui verser une somme de 40. 000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L 122-14-4 du code du travail et celle de 2. 200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient en substance à l'appui de son recours :
-que la rémunération contractuelle ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l'accord du salarié
-que la modification proposée, qui substituait à la part variable de sa rémunération fixée en pourcentage du chiffre d'affaires formation de la Société, une prime d'objectifs corrélée à des paramètres quantitatifs (niveau d'activité) et qualitatifs, était susceptible d'entraîner une baisse de sa rémunération alors que celle-ci était en constante progression, raison pour laquelle il l'a refusée
-que contrairement aux allégations de la SA CEGID, le maintien du mode antérieur de calcul de sa rémunération n'était pas de nature à préjudicier aux intérêts légitimes de celle-ci, ni à mettre en péril sa compétitivité, étant donné qu'il n'a jamais eu l'intention d'exiger un pourcentage sur le chiffre d'affaires formation global de la SA CEGID et qu'il était parfaitement possible, en dépit de la fusion, d'identifier le chiffre d'affaires formation qui correspondait aux deux agences TECHNILOG de BESANCON et NANCY, la SA CEGID n'ayant aucune agence en Franche-Comté avant la fusion
-que le refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne peut justifier son licenciement pour motif économique que dans la mesure où la modification est justifiée par des difficultés économiques, une mutation technologique ou une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité
-que la SA CEGID est leader dans son secteur d'activité, et affichait au moment de la fusion des résultats largement bénéficiaires, et qu'elle n'a pas été en mesure de démontrer que le chiffre d'affaires de l'agence de BESANCON était susceptible d'atteindre après la fusion un montant tel qu'il entraîne le versement d'une prime variable plus de trente fois supérieure à celle de l'année précédente de nature à créer un déséquilibre économique et un risque pour l'entreprise
-que la part variable qui lui a été versée de juillet à mars 2004 en application de son contrat d'origine a certes été supérieure à celle de la période précédente, et à la prime d'objectifs qui lui a été substituée, mais pas dans les proportions annoncées
-que la SA CEGID ne possédant aucune agence en Franche-Comté, le rachat de la Société TECHNILOG n'a pas entraîné de réelle restructuration de nature à imposer une modification des rémunérations versées aux formateurs en place
-que celle-ci n'avait pour but que de remettre en cause une situation jugée trop favorable aux salariés, et de satisfaire aux intérêts financiers de l'entreprise, en élevant son niveau de rentabilité, un tel objectif ne pouvant constituer selon une jurisprudence constante un motif légitime de licenciement.
La Société CEGID a conclu pour sa part à la confirmation du jugement déféré, au rejet des demandes de Mr X... et à la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement :
-que du fait de la fusion entre TECHNILOG et CEGID, le périmètre de l'entreprise se trouvant augmenté dans des proportions considérables, il n'était pas possible de maintenir le mode de calcul de la part variable de la rémunération des salariés TECHNILOG en pourcentage du chiffre d'affaires formation, sans mettre en péril la compétitivité de l'entreprise
-que l'argumentation de Mr X... ne peut être retenue, alors que la fusion visant à développer des prestations communes, il n'était plus possible à terme d'identifier la part de chiffre d'affaires concernant les anciens clients TECHNILOG
-que l'équilibre financier du contrat se trouvant fondamentalement remis en cause du fait de la fusion, les conditions de celui-ci ne pouvaient être maintenues
-que la référence dans la lettre de licenciement à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise était tout à fait appropriée à la situation, étant donné d'une part l'augmentation prévisible de la prime de 11. 005 € en 2002 à 521. 250 € en 2003, d'autre part le risque de voir les autres formateurs de la société revendiquer le bénéfice d'une telle prime en application du principe " à travail égal, salaire égal ".
SUR CE, LA COUR :
Il est constant en droit que la rémunération du salarié, tant dans son montant que dans sa structure, constitue un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord.
Il est non moins constant que le refus du salarié d'accepter une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail ne peut justifier son licenciement pour motif économique que dans la mesure où la modification est consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise destinée à sauvegarder sa compétitivité.
En l'espèce la SA CEGID fait observer à juste titre que la transposition pure et simple, dans le cadre de la fusion-absorption à intervenir entre elle-même et la Société TECHNILOG, du mode de calcul de la part variable de la rémunération des formateurs TECHNILOG, dont Mr X..., en pourcentage du chiffre d'affaires formation de ladite société, ne pouvait être envisagée sans mettre en péril sa compétitivité, dès lors qu'elle aurait abouti à fixer ladite part variable à des montants exorbitants sans commune mesure avec la prestation de travail fournie.
On ne saurait pour autant déduire d'un tel constat que la modification de la clause de rémunération telle qu'elle a été proposée à Mr X... était légitime, au regard du nécessaire maintien de l'équilibre contractuel et des exigences de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Il est en effet évident à la lecture des courriers échangés entre les parties de juillet à septembre 2003 que Mr X... n'a jamais exigé une transposition mathématique du mode de calcul de sa prime variable au chiffre d'affaires formation global de la SA CEGID, et qu'il était disposé à accepter un aménagement de la clause de rémunération de son contrat qui lui garantisse un montant équivalent à celui auquel il aurait pu prétendre au titre de la clause initiale et des perspectives de progression de celui-ci fondées sur des paramètres objectifs, indépendants du bon vouloir de l'employeur.
Or la substitution au mode de calcul en pourcentage du chiffre d'affaires d'une prime d'objectifs d'un montant annuel fixe, établi en rapport avec le niveau antérieur de la part variable de la rémunération du salarié, avait pour effet de " geler " sa rémunération à la hausse, sans pour autant le garantir contre une éventuelle baisse de celle-ci, dans le cas où il n'atteindrait pas les objectifs de niveau d'activité et de qualité définis par la clause, et ce alors même que s'agissant du niveau d'activité, il a fait observer, sans être contredit, qu'un formateur ne dispose d'aucun levier lui permettant d'atteindre l'objectif, le nombre de jours d'activité attribué à chacun variant en fonction de l'activité des commerciaux et de l'établissement des plannings de formation.
La SA CEGID ne conteste d'ailleurs pas que le maintien du mode de calcul antérieur pendant la période du 1er juillet au 31 décembre 2003 sur la base du seul chiffre d'affaires réalisé par la Société TECHNILOG (dont le fonds de commerce était alors en location-gérance) s'est traduit par un montant de prime variable supérieur à celui de la prime d'objectif fixée dans l'avenant de modification.
Et les explications de la SA CEGID concernant la fusion des activités des deux sociétés sont insuffisantes à accréditer l'impossibilité pour elle de proposer un aménagement du mode de calcul en pourcentage, de nature à garantir l'équilibre contractuel antérieur.
Il apparaît donc bien en définitive que la modification du contrat de travail telle qu'elle a été proposée à Mr X... n'était pas justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et qu'elle visait essentiellement à mettre fin à une situation jugée trop favorable au salarié et à aligner purement et simplement son mode de rémunération sur celui en vigueur dans la société absorbante, en vue d'améliorer sa rentabilité.
Il en résulte que le licenciement consécutif au refus de Mr X... d'accepter une modification qui lui était défavorable ne repose pas sur un motif économique réel et sérieux.
Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et d'allouer à celui-ci au vu des éléments d'information figurant au dossier relatifs à son âge, son ancienneté, à sa rémunération et à ses difficultés de réinsertion professionnelle, une indemnité de 30. 000 € en réparation du préjudice subi par lui du fait du licenciement.
La SA CEGID qui succombe sur l'appel supportera les dépens, outre les frais
irrépétibles exposés par Mr X... à concurrence de la somme de 800 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DIT l'appel recevable et fondé,
REFORME le jugement rendu le 22 novembre 2005 par le Conseil de prud'hommes de BESANCON en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau :
DIT que le licenciement de Mr David X... ne repose pas sur un motif économique réel et sérieux,
CONDAMNE en conséquence la SA CEGID à verser à Mr David X... la somme de TRENTE MILLE EUROS (30. 000,00 euros) en application de l'article L 122-14-4 du code du travail,
CONDAMNE ladite société aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser à Mr David X... une indemnité de HUIT CENTS EUROS (800,00 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
LEDIT arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE SIX et signé par Monsieur J. DEGLISE, Président de chambre, et Mademoiselle G. MAROLLES, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,