ARRÊT No BP/MDCOUR D'APPEL DE BESANOEON- 172 501 116 00013 - ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2006 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILESECTION ARéputé contradictoireAudience publiquedu 12 octobre 2006No de rôle :
01/01247S/appel d'une décisiondu tribunal de grande instance de BELFORTen date du 29 mai 2001 RG No 9501329Code affaire :
548Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de constructionSMABTP C/ CENTRALE LAITIERE DE FRANCHE-COMTE, SARL CALLAND REALISATIONS, SA COMPAGNIE AVIVA, SA SOCIETE FINANCIERE etamp; INDUSTRIELLE DU PELOUX, Patrick X..., liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA SOCIETE FINANCIERE etamp; INDUSTRIELLE DU PELOUX, Compagnie GROUPAMA GRAND-EST PARTIES EN CAUSE :
S.M.A.B.T.P.
Dont le siège est 114, avenue Emile Zola - 75739 PARIS CEDEX 15APPELANTEAyant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avouéet Me Georges MORER pour avocatET :
CENTRALE LAITIERE DE FRANCHE-COMTE
dont le siège est 32, rue de Marseille - 90000 BELFORTINTIMÉEayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour avoué et la SCP GAROT-GEHANT-SAIAH-GAROT pour avocats
SARL CALLAND REALISATIONS
dont le siège est 36, chemin de Devorah - 01000 BOURG-EN-BRESSE
SA COMPAGNIE AVIVA
Venant aux droits de la compagnie ABEILLE ASSURANCES
dont le siège est 52, rue de la Victoire - 75455 PARIS CEDEX 09INTIMÉESayant la SCP LEROUX pour avoués et Me Bernard VANHOUTTE pour avocat
SA SOCIETE FINANCIERE etamp; INDUSTRIELLE DU PELOUX, nouvelle dénomination sociale SA PLASTEUROP PANNEAUX ISOTHERMES
dont le siège est 6, boulevard du Général Leclerc - 92115 CLICHYINTIMÉEayant Me Bruno GRACIANO pour avoué et la SCP VERNE-BORDET-PIQUET-GAUTHIER pour avocat
Monsieur Patrick X...,
ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SOCIETE FINANCIERE ET INDUSTRIELLE DU PELOUX
demeurant 51, avenue du Maréchal Joffre - 92000 NANTERREINTIMÉn'ayant pas constitué avoué
Compagnie GROUPAMA GRAND-EST
dont le siège est 65, rue de Gray, BP 97830 - 21078 DIJON CEDEXPARTIE INTERVENANTEAyant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué
COMPOSITION DE LA COUR :Lors des débats : MAGISTRAT RAPPORTEUR :
Madame M. LEVY, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.GREFFIER : Madame M. Y..., Greffier.Lors du délibéré :Madame M. LEVY, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile aux autres magistrats :Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Monsieur B. Z..., Conseiller.L'affaire appelée à l'audience du 12 octobre 2006, a été mise en délibéré au 16 novembre 2006. A cette date, le délibéré a été prorogé au 22 novembre 2006. **************FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En 1990, la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE a fait construire à BELFORT des caves destinées à l'affinage et au stockage de fromages. Elle avait souscrit une police d'assurance dommages-ouvrage auprès de la compagnie GROUPAMA ASSURANCES.
Les parois des caves ont été réalisées au moyen de panneaux isolants fabriqués par la société PLASTEUROP, assurée auprès de la S.M.A.B.T.P., ces panneaux ayant été posés par la SARL CALLAND RÉALISATIONS, assurée auprès de la compagnie ABEILLE ASSURANCES.
La réception des ouvrages est intervenue le 8 mars 1991.
En 1992 sont apparus des désordres consistant en des décollements des parements des panneaux isolants.
Par ordonnance de référé en date du 3 mai 1994, M. A... a été désigné en qualité d'expert ; il a établi un rapport, en date du 20 décembre 1994, chiffrant à 184 000 F HT, soit 218 224 F TTC, le montant des travaux de reprise des désordres.
Par acte d'huissier en date du 23 octobre 1995, la CENTRALE LAITIÈRE a fait assigner en réparation de son préjudice la société CALLAND. Celle-ci a fait appeler en garantie la société PLASTEUROP et son assureur, suivant actes d'huissier en date des 18 et 19 mars 1996.
Le 4 juin 1996, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance condamnant la société CALLAND à payer à la CENTRALE LAITIÈRE une indemnité provisionnelle de 200 000 F.
Par jugement en date du 29 mai 2001, le tribunal de grande instance de BELFORT a, notamment :
- condamné solidairement la SARL CALLAND RÉALISATIONS, la compagnie ABEILLE ASSURANCES, la Société Industrielle et Financière du PELOUX (SFIP), venant aux droits et obligations de la société PLASTEUROP, et la S.M.A.B.T.P. à payer à la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE la somme principale de 218 224 F, outre intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 1995, dont à déduire la provision de 200 000 F,
- condamné la société S.F.I.P. et la S.M.A.B.T.P. à garantir la SARL CALLAND RÉALISATIONS et la compagnie ABEILLE ASSURANCES des condamnations prononcées à leur encontre.*
Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, la S.M.A.B.T.P. demande que, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, le panneau
PLASTEUROP fabriqué par son assurée ne soit pas qualifié "d'EPERS" au sens de l'article 1792-4 du code civil. Au soutien de cette thèse, l'appelante invoque, notamment, des arrêts de la Cour de cassation en date des 22 septembre 2004 et 15 mars 2006. Elle conteste le fait qu'en concluant une police d'assurance couvrant les EPERS, les parties au contrat d'assurance aient entendu conférer conventionnellement la qualification d'EPERS aux panneaux litigieux.
L'appelante en déduit que la garantie de l'assureur du fabricant ne relève pas, en l'espèce, de l'assurance obligatoire prévue en matière de responsabilité décennale, mais des garanties facultatives stipulées à la police et que, par conséquent, le plafond contractuel de garantie est applicable. Elle demande donc à la Cour de constater qu'elle a d'ores et déjà versé, au titre du sinistre sériel des panneaux PLASTEUROP, des sommes supérieures à ce plafond, d'un montant de six millions de francs, soit 914 694,10 ç, par année.
Subsidiairement, la S.M.A.B.T.P. soutient que l'indemnisation des dommages doit être réduite au montant hors taxe des travaux de réfection.
Elle demande en outre :
- que soit déclarée irrecevable comme tardive l'intervention, en cause d'appel, de la compagnie GROUPAMA,
- que soient rejetées, faute de preuve d'une aggravation des désordres, toutes demandes d'indemnisation excédant les conclusions de l'expert A..., ainsi que la demande de nouvelle expertise, celle-ci se heurtant, d'une part à la résiliation de la police
PLASTEUROP, en date du 4 novembre 1993, d'autre part au bref délai prévu à l'article 1648 du code civil,
- que lui soit allouée une somme de 3 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.*
Se prévalant d'une quittance subrogative en date du 25 septembre 2000, d'un montant de 849 437 F, établie en sa faveur par la CENTRALE LAITIÈRE, la compagnie GROUPAMA, assureur dommages-ouvrage, demande tout d'abord que son intervention en cause d'appel aux côtés de son assurée soit déclarée recevable.
La CENTRALE LAITIÈRE et GROUPAMA concluent à la confirmation du jugement déféré sur les responsabilités et les garanties des diverses compagnies d'assurance concernées.
Elles réclament en conséquenceà titre principal :
- la condamnation de la société CALLAND, de la compagnie ABEILLE et de la SMABTP, solidairement, à payer :
* à la compagnie GROUPAMA: la somme de 129 495,83 ç, soit 849 437 F, outre 6 872,40 ç, soit 45 080 F, correspondant à la pose de cloisons provisoires,
* à la CENTRALE LAITIÈRE: "le surplus relativement à la somme de 218 224 F par rapport aux sommes allouées, soit les intérêts à compter du 23 octobre 1995 jusqu'au 25 septembre 2000 et l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile" (sic),
- la fixation aux montants précités de leurs créances à la procédure collective de la société S.F.I.P.,
- l'instauration d'une expertise portant sur l'aggravation des désordres;à titre subsidiaire :
- la confirmation des condamnations prononcées par le jugement déféré,
- une nouvelle expertise pour déterminer le préjudice complémentaire par rapport aux chiffres retenus par l'expert A...,
- le donner acte de ce qu'elles introduiront une nouvelle action afin d'obtenir l'indemnisation de l'aggravation du préjudice subi,à titre infiniment subsidiaire :
- la condamnation de la SARL CALLAND, de la compagnie ABEILLE et de la S.M.A.B.T.P. à payer :
* à GROUPAMA: la somme de 33 569,98 ç (218 224 F) outre intérêts à compter de la quittance subrogative du 25 septembre 2000,
* à la CENTRALE LAITIÈRE: la somme de 6 807,98 ç au titre des intérêts sur 218 224 F du 23 octobre 1995 au 20 septembre 2000, ainsi que la somme de 1 524,49 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- la fixation aux sommes précitées de leurs créances respectives à la procédure collective de la société S.F.I.P..
La CENTRALE LAITIÈRE et GROUPAMA sollicitent enfin une somme de 2 286,74 ç au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Concernant la recevabilité de son intervention en cause d'appel, la compagnie GROUPAMA, assureur dommages-ouvrage, fait valoir, notamment, que ses demandes ne sont pas nouvelles, puisqu'elles procèdent directement des demandes formées en première instance par son assurée, et qu'elle tendent aux même fins.
La CENTRALE LAITIÈRE et GROUPAMA soutiennent en outre que le caractère évolutif des désordres avait été constaté par l'expert A..., et que, les désordres s'étant effectivement aggravés, elles sont fondées à réclamer une indemnisation supérieure à celle sollicitée en première instance, ou, du moins, une nouvelle expertise sur ce point.*
La société CALLAND RÉALISATIONS et son assureur, la compagnie ABEILLE ASSURANCES, actuellement dénommée AVIVA, concluentà titre principal :
à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a accueilli leur recours en garantie contre la S.M.A.B.T.P., et la condamnation de cette dernière, en conséquence, à rembourser à la compagnie AVIVA la provision de 200 000 F payée à la CENTRALE LAITIÈRE le 25 juillet 1996, outre intérêts capitalisés à compter de cette date,à titre subsidiaire :
- à ce que l'indemnisation de la CENTRALE LAITIÈRE soit limitée à la somme de 184 000 F, montant hors taxe des travaux de remise en état chiffré par l'expert A..., les demandes formées au titre d'une aggravation des désordres étant irrecevables comme nouvelles devant
la Cour,
- à l'application de la franchise prévue dans le contrat d'assurance souscrit par la société CALLAND auprès de la compagnie ABEILLE,
- à ce que la S.M.A.B.T.P. soit condamnée à garantir la compagnie AVIVA de toutes condamnations.
La compagnie AVIVA réclame en outre à la S.M.A.B.T.P. une somme de 3 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, la société CALLAND et la compagnie AVIVA font valoir, pour l'essentiel, que les désordres sont dus exclusivement à la défaillance des panneaux PLASTEUROP, que ces panneaux ont été mis en oeuvre sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, qu'ils ont été conçus pour satisfaire en état de service à des exigences précises et déterminées à l'avance - en l'espèce, la régulation thermique des chambres froides - et qu'ils ont donc la nature d'EPERS. Elles ajoutent que l'arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2004, invoqué par la S.M.A.B.T.P., ne concernait pas les mêmes faits et qu'au surplus la cour d'appel d'ANGERS, statuant sur renvoi après la cassation prononcée par l'arrêt précité de la cour suprême, a rendu le 3 février 2006 un arrêt retenant la qualification d'EPERS.
La société CALLAND et son assureur prétendent en outre que la société PLASTEUROP et la S.M.A.B.T.P. ont convenu contractuellement de cette qualification en concluant une police d'assurance couvrant les panneaux PLASTEUROP au titre de la garantie décennale.*
Après avoir constitué avoué et déposé des conclusions récapitulatives, la société SFIP a été déclarée en liquidation judiciaire le 21 août 2003.
Le liquidateur, Me Patrick X..., bien que régulièrement assigné à sa personne par acte d'huissier en date du 3 octobre 2003, n'a pas constitué avoué. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 474, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile.*
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2006.MOTIFS DE LA DÉCISIONSur la recevabilité des conclusions de la société SFIP
Attendu que, du fait de sa mise en liquidation judiciaire, la société S.F.I.P. n'a plus la capacité d'ester elle-même en justice et ne peut plus être représentée en justice que par son liquidateur ; qu'en conséquence, les conclusions de cette société, que le liquidateur, appelé en cause et non comparant, n'a pas repris à son compte, sont irrecevables ;Sur l'intervention de GROUPAMA
Attendu qu'aux termes de l'article 554 du nouveau code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance, ou qui ont figuré en une autre qualité ;
Attendu qu'encore faut-il, pour que soit recevable l'intervention en cause d'appel d'une personne n'ayant pas été partie en première instance, que cette personne ne forme pas de prétentions nouvelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction ;
Attendu qu'il s'ensuit qu'en l'espèce l'intervention de la compagnie GROUPAMA, en tant que subrogée dans les droits de son assurée, la CENTRALE LAITIÈRE, est bien recevable, mais uniquement dans la mesure où l'assureur reprend à son compte les demandes qui avaient été formées en première instance par la CENTRALE LAITIÈRE, à l'exclusion de toute demande nouvelle non soumise au premier juge ;
Or attendu que, devant le tribunal de grande instance de BELFORT, la CENTRALE LAITIÈRE n'avait réclamé que l'indemnisation des désordres initiaux, constatés par l'expert A..., et avait expressément sollicité qu'il lui soit donné acte qu'elle se réservait la faculté d'introduire une nouvelle instance à la suite de l'aggravation de ces désordres, et de l'apparition de nouveaux désordres ;
Attendu que l'intervention de GROUPAMA n'est donc recevable qu'en tant qu'elle vise à l'indemnisation des désordres constatés par l'expert A..., à l'exclusion de toute aggravation ou désordres nouveaux, et ce, dans la limite des demandes formées en première instance par la CENTRALE LAITIÈRE ;Sur les responsabilités et les obligations à garantie des assureurs
Responsabilité de la société CALLAND et garantie de la compagnie AVIVA
Attendu que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu que, les désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination, la responsabilité de la société CALLAND, qui a procédé à la pose des panneaux affectés de ces désordres, est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, le fait que l'origine des désordres réside dans un vice du matériau ne
constituant pas une cause étrangère susceptible d'exonérer la société CALLAND ;
Attendu que la société AVIVA, assureur de la société CALLAND, est tenue de garantir son assurée au titre de la garantie obligatoire couvrant les désordres de nature décennale ; qu'elle ne peut, dès lors, opposer au maître de l'ouvrage la franchise stipulée dans le contrat la liant à la société CALLAND ;
Attendu que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société CALLAND et considéré que celle-ci doit être intégralement garantie par son assureur AVIVA ;
Responsabilité de la SFIP et garantie de la S.M.A.B.T.P.
Attendu qu'il est constant que les désordres trouvent leur origine dans un vice des panneaux isolants fabriqués par la société PLASTEUROP, consistant en un décollement des parements de ces panneaux, lesquels sont composés d'une couche de mousse de polyuréthane comprise entre un parement de tôle (côté extérieur) et un parement en polyesther (côté intérieur) ;
Attendu que les parties sont en désaccord sur le point de savoir si la responsabilité du fabricant des panneaux est susceptible d'être engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;
Attendu que, selon cet article, le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par l'article 1792 du même code à la charge du locateur
d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'élément d'équipement considéré ;
Attendu qu'en l'espèce, les panneaux litigieux, fabriqués par la société PLASTEUROP, sont destinés à constituer les parois de locaux affectés à la fabrication, au conditionnement, au stockage ou à la distribution de denrées alimentaires ; qu'en effet, ils présentent des caractéristiques d'isolation thermique et sanitaire adaptées à de tels locaux ;
Attendu qu'il résulte de la notice technique du fabricant des panneaux que ceux-ci sont proposés en plusieurs épaisseurs, suivant le pouvoir isolant recherché, et en une seule dimension (12 mètres de long), leur découpe devant être effectuée par l'entreprise chargée de la pose, selon les instructions fournies par le fabricant ;
Attendu qu'il n'est aucunement justifié qu'en l'espèce, ces panneaux aient fait l'objet d'une fabrication spécifique pour les besoins précis des locaux de la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE COMTE ; qu'il n'est fait état d'aucune étude fixant à l'avance la capacité d'isolation thermique que devaient présenter les panneaux litigieux, ni d'aucune commande faisant référence à un dimensionnement particulier;
Attendu qu'il s'agissait donc d'éléments indifférenciés, en ce qu'ils étaient proposés à la vente sur catalogue, auraient pu être remplacés par des produits concurrents présentant des caractéristiques analogues, et auraient pu aussi bien être utilisés pour des locaux autres que ceux de la CENTRALE LAITIÈRE (entrepôts frigorifiques,
chambres froides, abattoirs, tunnels de congélation...) ;
Attendu qu'il s'ensuit que la responsabilité du fabricant des panneaux n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, mais sur celui de l'article 1641 du même code afférent à la garantie des vices cachés en matière de vente;
Attendu par ailleurs que le fait, pour les parties au contrat d'assurance souscrit par le fabricant des panneaux, d'avoir prévu une garantie couvrant la responsabilité pouvant être encourue par l'assuré sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil, s'analyse en une simple précaution destinée à se conformer à l'obligation légale d'assurance, pour le cas où les produits fabriqués par l'assuré seraient considérés comme relevant du régime de responsabilité précité ; qu'en aucun cas il ne peut en être déduit une renonciation de l'assureur à discuter l'application de l'article 1792-4 du code civil aux produits fabriqués par l'assuré;
Attendu que, dès lors, la S.M.A.B.T.P., assureur du fabricant des panneaux, ne doit pas sa garantie au titre de la garantie obligatoire couvrant les éléments relevant de l'article 1792-4 du code civil, dits "EPERS", mais au titre de la garantie facultative couvrant les autres éléments fabriqués par l'assuré ; que la S.M.A.B.T.P. peut donc opposer aux victimes des désordres le plafond de garantie prévu au contrat d'assurance; que le jugement déféré doit être réformé sur ce point ;
Attendu que ce plafond est de six millions de francs (914 694,10 ç) par sinistre et par année, étant précisé que sont considérés comme constituant un seul sinistre tous ceux qui ont la même cause
technique ; que la S.M.A.B.T.P. justifie avoir effectué, au titre du sinistre des panneaux PLASTEUROP, certains versements ; que, toutefois, ces justificatifs sont imprécis en ce qui concerne l'année d'assurance à laquelle ils doivent être rattachés et ne permettent pas à la Cour d'apprécier si le plafond de garantie a été atteint en l'espèce ;
Attendu qu'il sera donc jugé que la S.M.A.B.T.P. doit sa garantie, mais au titre de la garantie facultative, et sous réserve de l'application du plafond contractuel de garantie ;
Recours en garantie de la société CALLAND et de la compagnie AVIVA contre la SFIP et la compagnie S.M.A.B.T.P.
Attendu que, les dommages étant dû à un vice des matériaux fabriqués par la société PLASTEUROP, à l'exclusion de toute faute de la société CALLAND qui a procédé à la pose de ces matériaux, il convient de faire droit au recours de cette dernière et de son assureur, la compagnie AVIVA, contre la société S.F.I.P., venant aux droits et obligations de la société PLASTEUROP, étant toutefois observé qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre la société S.F.I.P. du fait de son placement en liquidation judiciaire ;
Attendu que le recours de la société CALLAND et de la compagnie AVIVA contre la S.M.A.B.T.P., prise en qualité d'assureur de la société S.F.I.P. est pareillement fondé, sous réserve de l'application du plafond de garantie que la S.M.A.B.T.P. est en droit d'opposer ;Sur le préjudice
Désordres initiaux constatés par l'expert A...
Attendu que le jugement déféré a fixé l'indemnité due à la CENTRALE
LAITIÈRE au titre des travaux de réfection des locaux à la somme de 218 224 F TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 1995 ; qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce qui concerne le montant de l'indemnité ;
Attendu en effet, tout d'abord, que l'expert A... a évalué les travaux de remise en état à la somme de 184 000 F HT, soit 28 050,62 ç ; que la CENTRALE LAITIÈRE ayant une activité commerciale, elle peut déduire la TVA exigible au titre des travaux de remise en état de celle qu'elle encaisse au titre de la vente des produits qu'elle vend ; que l'indemnisation doit donc être limitée au coût des travaux hors taxes;
Attendu, ensuite, qu'il convient de prévoir que l'indemnité allouée au titre de la remise en état des locaux devra être réévaluée à la date du présent arrêt en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis le 20 décembre 1994, date du rapport de l'expert A... ; que les intérêts de retard sur l'indemnité ainsi réévaluée seront dus, conformément à l'article 1153-1 du code civil, à compter du présent arrêt ;
Attendu que la Cour fait siens les motifs du jugement déféré en vertu desquels celui-ci a écarté, comme n'étant pas suffisamment justifié, le surplus du préjudice invoqué par la CENTRALE LAITIÈRE, à savoir
- 149 210 F au titre de la perte d'exploitation,
- 125 138,10 F à titre d'indemnité compensatrice des flux croisés de stocks nécessités par les travaux de remise en état,
- 12 000 F au titre des frais administratifs ;
Attendu qu'en définitive, l'indemnisation, au titre des désordres constatés par l'expert A..., sera limitée à la somme de 28 050,62 ç, outre indexation et intérêts tels que déterminés ci-dessus ;
Attendu qu'il ressort des justificatifs produits par la compagnie GROUPAMA que l'indemnité de 849 437 F qu'elle a versée à la CENTRALE LAITIÈRE a été calculée en déduisant du montant du préjudice de cette dernière, fixé, dans ses rapports avec l'assureur dommages-ouvrage, à 1 049 437 F, l'indemnité provisionnelle de 200 000 F allouée à la CENTRALE LAITIÈRE par l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 1996 et mise à la charge de la société CALLAND ;
Attendu qu'il s'ensuit que la compagnie GROUPAMA n'est subrogée dans les droits de la CENTRALE LAITIÈRE que pour le surplus du préjudice de celle-ci excédant le montant de la provision de 200 000 F (30 489,80 ç) ;
Attendu que l'indemnité allouée par le présent arrêt devra doit donc revenir
- à concurrence de 30 489,80 ç à la Centrale Laitière, étant observé que celle-ci en a déjà reçu paiement au titre de la provision qui lui a été allouée,
- pour le surplus, à la compagnie GROUPAMA ;
Aggravation et nouveaux désordres
Attendu qu'il a été vu ci-dessus que l'intervention de la compagnie
GROUPAMA est irrecevable en ce qu'elle tend à la satisfaction de prétentions autres que celles formées par son assurée, la CENTRALE LAITIÈRE, en première instance ; ; qu'il en est ainsi des demandes présentées par GROUPAMA du chef d'une aggravation des désordres initiaux ou de nouveaux désordres, pour lesquels la CENTRALE LAITIÈRE avait expressément demandé en première instance qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait d'engager une nouvelle instance ; qu'il appartiendra donc à la compagnie GROUPAMA de présenter ses demandes, en particulier sa demande de nouvelle expertise, devant la juridiction de premier degré ;
Attendu que, s'agissant des demandes formée par la CENTRALE LAITIÈRE elle-même au titre de l'aggravation des désordres ou de désordres nouveaux, celles-ci sont irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel ; qu'au surplus, la CENTRALE LAITIÈRE ne justifie pas d'un intérêt à agir, au titre de l'aggravation des désordres initiaux ou de l'apparition de nouveaux désordres, puisqu'elle a été intégralement indemnisée par l'assureur dommages-ouvrage ;Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Attendu que la responsabilité des dommages incombe à la société S.F.I.P., fabricant des panneaux isolants défectueux ; qu'il convient, dès lors, de condamner son liquidateur, ainsi que son assureur, la S.M.A.B.T.P., cette dernière sous réserve de l'application du plafond de garantie prévu au contrat d'assurance, aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement, au titre des frais non compris dans les dépens, d'une somme de 2 000 ç en faveur de la CENTRALE LAITIÈRE et de GROUPAMA, et d'une somme de même montant en faveur de la société CALLAND et de la compagnie AVIVA ;
Attendu que l'équité ne prescrit pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la S.M.A.B.T.P. ;PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE irrecevables les conclusions de la société S.F.I.P. ;
DÉCLARE recevable l'intervention en cause d'appel de la compagnie GROUPAMA ASSURANCES, mais uniquement en ce que ladite intervention tend à reprendre, pour le compte de la compagnie intervenante, les prétentions formées en première instance par la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE ;
DÉCLARE l'appel principal de la S.M.A.B.T.P. recevable et bien fondé, l'appel incident de la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE recevable mais non fondé, l'appel incident de la société CALLAND et de la compagnie AVIVA recevable et partiellement fondé ;
CONFIRME le jugement rendu le 29 mai 2001 par le tribunal de grande instance de BELFORT en ses dispositions concernant les responsabilités ;
RÉFORME, pour le surplus, le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
DIT que la S.M.A.B.T.P. peut opposer le plafond de garantie prévu au contrat d'assurance la liant à la société S.F.I.P. ;
FIXE le préjudice de la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE à la somme de 28 050,62 ç, à actualiser en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction entre le 20 décembre 1994 et la date du présent arrêt ;
CONSTATE que la compagnie AVIVA a payé à la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE une provision de 30 489,80 ç ;
En conséquence,
CONDAMNE in solidum la société CALLAND RÉALISATIONS, la compagnie AVIVA et la S.M.A.B.T.P., cette dernière sous réserve de l'application de son plafond de garantie, à payer :
- à la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE : la somme de 30.489,80 ç (TRENTE MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT-NEUF EUROS QUATRE-VINGTS CENTIMES), étant observé que cette somme a d'ores et déjà été payée à titre de provision,
- à la compagnie GROUPAMA ASSURANCES : la différence entre, d'une part, l'indemnité de 28 050,62 ç, réévaluée comme prévu ci-dessus, et, d'autre part, la somme de 30 489,80 ç ;
DIT que la somme allouée à la compagnie GROUPAMA ASSURANCES sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
CONDAMNE la S.M.A.B.T.P., sous réserve de l'application de son
plafond de garantie, à relever et garantir la SARL CALLAND et la compagnie AVIVA des condamnations ci-dessus ;
FIXE la créance de la CENTRALE LAITIÈRE de FRANCHE-COMTE à la liquidation judiciaire de la société SFIP à la somme de 30 489,80 ç ;
FIXE la créance de la compagnie GROUPAMA ASSURANCES à la liquidation judiciaire de la société S.F.I.P. au montant de la condamnation prononcée ci-dessus en faveur de ladite compagnie ;
DÉCLARE irrecevables les demandes de la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE et de la compagnie GROUPAMA ASSURANCES au titre d'une aggravation des désordres ou de l'apparition de nouveaux désordres ;
CONDAMNE in solidum Maître Patrick X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société S.F.I.P., et la S.M.A.B.T.P., cette dernière sous réserve de l'application de son plafond de garantie, à payer, au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- la somme globale de 2 000 ç (DEUX MILLE EUROS) à la CENTRALE LAITIÈRE DE FRANCHE-COMTE et à la compagnie GROUPAMA ASSURANCES,
- la somme globale de 2 000 ç (DEUX MILLE EUROS) à la société CALLAND RÉALISATIONS et à la compagnie AVIVA ;
REJETTE la demande de la S.M.A.B.T.P. fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Maître Patrick X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société S.F.I.P., et la S.M.A.B.T.P., cette dernière sous réserve de l'application de son plafond de garantie, aux dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile en faveur de Maître ECONOMOU et de la SCP LEROUX, avoués.
LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Madame M. LEVY, Conseiller, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle C. B..., Greffier.LE GREFFIER,
LE CONSEILLER,