ARRET No RV/CB COUR D'APPEL DE BESANCON - 172 501 116 00013 - ARRET DU DIX OCTOBRE 2006 DEUXIEME CHAMBRE CIVILE contradictoire Audience publique du 12 Septembre 2006 No de rôle : 04/01967 S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BELFORT en date du 02 SEPTEMBRE 2004 RG No 04/00098 Code affaire : 82E Autres demandes des représentants du personnel SOCIETE OCE BUSINESS SERVICE EST C/ Philippe X..., Brigitte Y..., Josette Z..., SYNDICAT FORCE OUVRIERE DU SITE ALTSHOM, SYNDICAT CGT - UNION DEPARTEMENTALE, SYNDICAT CFDT - SYNDICAT DE METALLURGIE PARTIES EN CAUSE :
SOCIETE OCE BUSINESS SERVICE EST, ayant son siège, 3 rue des Trois Chênes - 90000 BELFORT, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, APPELANTE
Ayant Me Bruno GRACIANO pour avoué
et Me Jacques TREMOLET DE VILLERS, avocat au barreau de PARIS ET :
Monsieur Philippe X..., né le 01 Octobre 1956 à BELFORT de nationalité française, demeurant ... - 90000 BELFORT Madame Brigitte Y..., demeurant 2 ... - 90000 BELFORT
Madame Josette Z..., demeurant ... - 90000 BELFORT
SYNDICAT FORCE OUVRIERE DU SITE ALTSHOM, ayant son siège, 3 rue des Chênes - 90000 BELFORT, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,
SYNDICAT CGT - UNION DEPARTEMENTALE, ayant son siège, Maison du Peuple - 90020 BELFORT
SYNDICAT CFDT - SYNDICAT DE METALLURGIE, ayant son siège, Maison du Peuple - 90020 BELFORT INTIMES
Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avoués
et Me A... CHAMY, avocat au barreau de MULHOUSE COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier, Lors du délibéré
M. SANVIDO, Président de Chambre,
M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers, FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société OCE FACILITY SERVICE EST (OFSE), devenue OCE BUSINESS SERVICES EST (OBSE), a mis en oeuvre fin 2003 une procédure de licenciement collectif pour motif économique avec information des délégués du personnel.
Par exploit d'huissier du 20 juillet 2004, Philippe X..., Brigitte Y..., Josette Z..., le syndicat F.O. du site Alsthom, l'Union Départementale CGT et le syndicat CFDT de la Métallurgie, autorisés par le président du Tribunal de Grande Instance de Belfort, ont fait assigner en référé d'heure à heure la société OFSE afin que soit prononcée la nullité des licenciements intervenus sans la mise en place d'une instance représentative au niveau de l'unité économique et sociale existant entre la société OCE FRANCE et la société OFSE, et ordonné la réintégration des salariés licenciés.
Par ordonnance du 2 septembre 2004, à laquelle la Cour se réfère pour l'exposé complet des faits et des moyens, ainsi que pour les motifs, le juge des référés a :
- déclaré les demandeurs recevables en leur action,
- constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du non respect par la société OFSE des dispositions relatives à l'institution, l'information et la consultation du comité d'entreprise obligatoire dans le cadre de l'unité économique et
sociale dont elle fait partie,
- déclaré nulle la procédure de licenciement entreprise par la société OFSE à l'encontre de 19 de ses salariés,
- condamné la société OFSE devenue OBSE à payer aux demandeurs une indemnité de 2.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 10 septembre 2004, la société OBSE a interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998,
Vu les conclusions déposées le 16 janvier 2006 par l'appelante aux termes desquelles elle demande à la Cour, en infirmant l'ordonnance entreprise, de :
- constater que Philippe X..., Brigitte Y..., Josette Z..., le syndicat F.O. du site Alsthom Belfort, le syndicat CFDT Métallurgie et l'Union Départementale CGT n'avaient pas qualité à agir pour solliciter la nullité des licenciements et étaient, en conséquence, irrecevables en leur action,
- subsidiairement, déclarer le juge des référés incompétent pour connaître du litige et renvoyer les intimés à mieux se pourvoir,
- plus subsidiairement, dire qu'il n'existe aucun trouble manifestement illicite et infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a prononcé la nullité de la procédure de licenciement entreprise par la société OFSE à l'encontre de 19 salariés,
- condamner les intimés au paiement d'une indemnité de 3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 30 novembre 2005 par les intimés concluant à la confirmation de l'ordonnance et sollicitant la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 3.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile ;
Vu les annexes régulièrement produites et la procédure ;
MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité de l'action de Monsieur X... et de Mesdames Y... et Z... :
Attendu que selon l'article 31 du nouveau code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ;
Attendu, selon les documents produits, que Madame Y... était déléguée du personnel titulaire et Madame Z... déléguée du personnel suppléante, tandis que Monsieur X... cumulait, semble-t-il, les fonctions de délégué du personnel suppléant et de délégué syndical ; Attendu que l'exercice des fonctions de délégué du personnel ne donnait cependant pas aux intimés, qualité pour agir en justice pour défendre les intérêts des salariés de l'entreprise, tandis que Monsieur X... ne justifie pas d'un mandat donné par le syndicat auquel il est affilié pour représenter ce dernier en justice ;
Attendu que Mesdames Y... et Z... n'ont pas été davantage concernées à titre personnel par la procédure de licenciement économique mise en oeuvre par la société OFSE, faisant l'objet de la présente instance, et que si Monsieur X... a été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour motif économique fixé au 29 juin 2004, rien n'établit que cette procédure a été maintenue par l'employeur et que le licenciement était en cours lors de l'assignation délivrée le 20 juillet 2004 ;
Qu'il s'ensuit que les intéressés étaient dépourvus d'intérêt à agir et, qu'en infirmant sur ce point l'ordonnance entreprise, il y a lieu de les déclarer irrecevables en leur action ; Sur la recevabilité de
l'action des syndicats :
Attendu que la société OBSE fait grief au premier juge d'avoir déclaré recevable l'action des syndicats sur le fondement des articles L 411-11 et suivants du code du travail, alors que ceux-ci n'ont pas respecté l'obligation d'information des salariés concernés et de l'employeur prévue par l'article L 321-15 ;
Mais attendu que l'action exercée par les syndicats intimés ne tend pas à la satisfaction d'une prétention déterminée au profit de personnes déterminées, mais à la contestation de l'absence de consultation d'une institution représentative du personnel au niveau d'une unité économique et sociale dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique et, subséquemment, à l'annulation des licenciements prononcés ;
Qu'à ce titre elle a pour objet la défense de l'intérêt collectif des salariés et est régie par les dispositions de l'article L 411-11 du code du travail et non par celles de l'article L 321-15 de sorte que le grief opposé par l'appelante est infondé et que l'ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action desdits syndicats ;
Sur le bien-fondé des recours :
Attendu qu'il résulte de l'article L 321-3 du code du travail que dans les entreprises où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, les employeurs qui projettent d'y effectuer un licenciement pour motif économique sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise ;
Que l'article L 431-1 dernier alinéa dispose que lorsqu'une unité économique et sociale regroupant au moins cinquante salariés est
reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun est obligatoire ;
Attendu, en l'espèce, que la société OFSE employait 40 salariés à l'époque de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique,
Que par jugement définitif du 20 novembre 2003, le Tribunal d'Instance du Raincy, a reconnu une unité économique et sociale entre la société OCE FACILITY SERVICES et la société OCE FRANCE, ayant leur siège à SAINT-CLOUD ;
Que par deux jugements des 24 mai et 5 juillet 2004, le Tribunal d'Instance de Boulogne-Billancourt, saisi d'une contestation relative à la désignation d'un délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale existant entre les sociétés OCE FRANCE, OCE FACILITY SERVICES et la société OFSE ayant son siège à Belfort, a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces sociétés ;
Qu'il n'est pas allégué que ces deux derniers jugements ont fait l'objet de voies de recours ;
Attendu que pour contester la portée des jugements précités et la nécessité de mettre en place un comité d'entreprise au niveau de l'unité économique et sociale, la société OBSE ne peut se prévaloir de la différence des missions dévolues aux différentes institutions représentatives concernées, alors que la notion d'unité économique et sociale n'est pas relative et que le juge a reconnu son existence à l'occasion des litiges précités selon des critères propres indépendants de la finalité des institutions représentatives comprises dans son périmètre, et alors qu'il n'est pas allégué par l'appelante une modification postérieure de la structure économique, sociale et organisationnelle des sociétés qui la composent ;
Que d'ailleurs, consciente de son obligation, la société OFSE a
entamé, après l'intervention de ces décisions, des négociations pour organiser des élections en vue de constituer un comité d'entreprise au niveau de l'unité économique et sociale ;
Attendu que le premier juge, tirant les conséquences de l'existence d'une unité économique et sociale, a, à bon droit, énoncé que la société OFSE, devenue OBSE, devait, alors qu'une procédure de licenciement collectif pour motif économique était envisagée, mettre en place, en application de l'article L 431-1 du code du travail, un comité d'entreprise commun, puis l'informer et le consulter sur ce projet et, compte tenu du nombre de salariés concernés, accompagner cette mesure d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
Attendu que le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Belfort a exactement considéré que le non respect de ces formalités par l'employeur caractérisait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser par l'annulation de l'ensemble de la procédure de licenciement ;
Que l'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée ;
Attendu que la société OBSE qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et à payer au Syndicat Force Ouvrière du site Alsthom, à l'Union Départementale CGT et au syndicat CFDT de la Métallurgie la somme de 800 ç chacun en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
Infirmant partiellement sur la recevabilité des actions l'ordonnance rendue le 2 septembre 2004 par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Belfort,
DECLARE irrecevables les actions de Philippe X..., Brigitte Y... et Josette Z...,
CONFIRME l'ordonnance déférée pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société OCE BUSINESS SERVICE EST à payer au syndicat FORCE OUVRIERE du site Alsthom, à l'Union départementale CGT et au syndicat CFDT-Syndicat de la Métallurgie la somme de HUIT CENTS EUROS (800 ç) chacun en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE la société OCE BUSINESS SERVICE EST aux entiers dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été prononcé en audience publique et signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,