La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949190

France | France, Cour d'appel de Besançon, Ct0189, 28 mars 2006, JURITEXT000006949190


ARRET No MS/MFB COUR D'APPEL DE BESANCON - 172 501 116 00013 - ARRET DU VINGT HUIT MARS 2006 DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE Contradictoire Audience publique du 28 Février 2006 No de rôle : 04/01708 S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE SALINS-LES-BAINS en date du 14 MAI 2004 Code affaire : 59 C Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat SA DIAGER C/ SA TIVOLY PARTIES EN CAUSE :

SA DIAGER, ayant son siège rue Henri Moissan - BP 149 - 39802 POLIGNY CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeura

nt pour ce audit siège, APPELANTE

Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIE...

ARRET No MS/MFB COUR D'APPEL DE BESANCON - 172 501 116 00013 - ARRET DU VINGT HUIT MARS 2006 DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE Contradictoire Audience publique du 28 Février 2006 No de rôle : 04/01708 S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE SALINS-LES-BAINS en date du 14 MAI 2004 Code affaire : 59 C Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat SA DIAGER C/ SA TIVOLY PARTIES EN CAUSE :

SA DIAGER, ayant son siège rue Henri Moissan - BP 149 - 39802 POLIGNY CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant pour ce audit siège, APPELANTE

Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avoués

et Me Nathalie BARREAU, avocat au barreau de NANTERRE

ET :

SA TIVOLY, ayant son siège Tours en Savoie - 73206 ALBERTVILLE CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant pour ce audit siège, INTIMEE

Ayant la SCP LEROUX pour avoués

et Me François COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :

MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. X... et R. VIGNES, Conseillers,

GREFFIER : M. Y..., Greffier, Lors du délibéré

M. SANVIDO, Président de Chambre,

M. X... et R. VIGNES, Conseillers, FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 14 mai 2004 aux termes duquel le Tribunal de Commerce de SALINS LES BAINS a débouté la SA DIAGER de sa demande introduite le 27 décembre 2000 tendant à obtenir la condamnation de la SA TIVOLY à lui payer en principal, outre un arriéré de factures s'élevant à 61.833,31 ç, des dommages et intérêts chiffrés au total à 1.395.277,58 ç, en réparation du préjudice né selon elle de la violation par la défenderesse des dispositions des articles 36-3, 36-4 et 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Vu la déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour le 27 juillet 2004, par la SA DIAGER ;

Vu les dernières conclusions des parties, du 5 octobre 2005 (pour l'appelante) et du 14 juin 2005 (pour la SA TIVOLY, intimée), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 1er décembre 2005 ;

Vu les pièces régulièrement produites ; SUR CE

La SA TIVOLY ne développe aucun moyen à l'appui de ses conclusions d'irrecevabilité de l'appel : présenté dans les formes légales, ce recours apparaît recevable.

Il échet de donner acte à la SA TIVOLY de ce que, nonobstant l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 2004 qui a cassé l'arrêt du 9 juin 2002 aux termes duquel la Cour de céans avait renvoyé la procédure (initialement introduite devant le Tribunal de Commerce de LONS LE SAUNIER) au Tribunal de Commerce de SALINS LES BAINS, cette partie renonce à contester devant la Cour de renvoi la compétence de cette juridiction - laquelle a statué au fond par le jugement du 19 mai 2004 déféré dans la présente instance.

Quelle que soit l'ancienneté exacte des relations commerciales des parties, sur la durée de laquelle elles divergent, il est au moins constant que depuis 1992 ces relations ont assuré à la SA DIAGER une part de son chiffre d'affaires de l'ordre de 14 % , que les prix étaient discutés annuellement et qu'en sus des avantages tarifaires obtenus par la SA TIVOLY, celle-ci recevait une bonification de fin d'année, sous forme d'avoir, calculée sur le chiffre d'affaires de l'année écoulée.

Il ne résulte pas des pièces produites, plus précisément des courriers échangés entre les parties, que la SA TIVOLY ait fait subir à la SA DIAGER des pratiques discriminatoires telle que prohibées par les textes en vigueur au moment des faits (c'est-à-dire dans la rédaction de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 antérieure à la loi du 15 mai 2001) : la pluralité de tarifs n'est pas injustifiée lorsqu'elle a pour corollaire l'importance des quantités vendues (ce qui est le cas en l'espèce puisque de l'aveu même de la SA DIAGER, la SA TIVOLY constituait pour elle un gros client), et dès 1995 en tous cas les parties sont convenues (courrier de la SA DIAGER du 8 septembre 1995, de la SA TIVOLY du 20 septembre 1995) de l'établissement d'un programme d'achat annuel représentant 80 à 85 % du marché avec engagement d'achat ferme ; si ces programmes ne sont pas produits, la SA DIAGER admet elle-même que jusqu'en 1998 le chiffre d'affaires réalisé avec la SA TIVOLY est resté au moins stable ; le taux des RFA était fixé à l'avance, et non pas discuté au moment de la négociation sur les prix de l'année à venir ; les menaces, voire le chantage allégués par la SA DIAGER ne ressortent pas des pièces annexées, qui ne révèlent pas, de la part de la SA TIVOLY, une brutalité inhabituelle, sous réserves du courrier de SA TIVOLY du 5 janvier 1999 qui s'inscrit dans le processus de rupture des relations commerciales, ci-dessous examiné, étant observé que

dans le cadre des négociations menées en 1998 et particulièrement à partir de juillet 1998, c'est la SA DIAGER qui apparaît avoir tenté d'obtenir, en échange d'une réduction supplémentaire pendant trois mois, un engagement de la SA TIVOLY sur un chiffre d'affaires annuel ; la politique tarifaire consentie par la SA DIAGER ne lui a pas causé préjudice, au vu des résultats et du développement de cette société qui, si elle n'atteignait pas encore en 1998 la taille de la SA TIVOLY (laquelle s'appuie à tort sur des éléments de comparaison de 2002), s'était déjà engagée dans une démarche de constitution d'un groupe de nature à la renforcer ; enfin si la SA DIAGER réalisait 14 % de son chiffre d'affaires avec la SA TIVOLY, celle-ci a indiqué, sans être contredite, que pour la vente au grand public de forets pour le béton (qu'elle-même ne fabriquait pas), elle se fournissait à 70 % auprès de la SA DIAGER, de sorte que si la SA TIVOLY était pour la SA DIAGER un distributeur incontournable, la SA DIAGER, dont la qualité était reconnue, n'était pas pour la SA TIVOLY un fournisseur négligeable.

En conséquence la SA DIAGER, qui n'était pas en réelle situation de dépendance envers la SA TIVOLY (d'autant que celle-ci n'était pas pour la SA DIAGER un distributeur au sens strict du terme, les produits reçus n'étant pas finis, et qu'elle était ainsi elle-même soumise aux exigences de ses clients, notamment de la grande distribution), ne saurait prétendre qu'elle a été contrainte d'accepter les pratiques dont elle n'a dénoncé le caractère discriminatoire qu'après la cessation des relations commerciales.

La demande de la SA DIAGER relative au remboursement de remises dites extorquées, à hauteur de 313.006 ç est donc mal fondée, de même que la SA TIVOLY était fondée à compenser la créance de la SA DIAGER a son égard au titre des factures impayées (soit 406.800,39 francs TTC) avec sa propre créance sur la SA DIAGER au titre des RFA sur l'année

1998 (soit 405.603,23 francs TTC), cette créance étant liquide et exigible puisque calculée conformément aux accords antérieurs des parties, (peu important que les relations commerciales aient été rompus en 1999) : le solde se limite à 1.197,16 francs (182,51 ç) au profit de la SA DIAGER.

En revanche la SA DIAGER fait valoir à juste titre que la SA TIVOLY n'a pas respecté l'obligation édictée par l'article L 442-6-5o du code du commerce en rompant sans préavis les relations commerciales, étant relevé que la diminution des commandes passées par la SA TIVOLY (de 14.667.637 francs en 1998 à 1.316.153 francs en 1999 soit une baisse de plus de 90 %), s'assimile à une rupture totale : à admettre qu'il suffisait, au regard des exigences du texte précité, que la SA DIAGER fût avertie que sa co-contractante "envisageait" de cesser les relations commerciales, ceci n'est pas établi : si les parties étaient en négociation depuis avril 1998, aucun terme n'avait été fixé par la SA TIVOLY, et même le dernier courrier de cette société du 5 janvier 1999 se contentait d'indiquer à la SA DIAGER que le nouveau tarif de celle-ci ne lui permettait pas d'assurer en 1999 les volumes d'achat de 1998 et que le programme d'achat prévisionnel pour 1999 ne pouvait être communiqué, sans porter clairement rupture, alors pourtant que les achats devaient s'effondrer en 1999 comme dit ci-dessus.

En l'absence de préavis écrit, la rupture est présumée fautive et ouvre droit à réparation ; cependant le préjudice à indemniser doit être évalué en fonction de l'ensemble des circonstances de la cause, y compris, mais pas seulement, la durée raisonnable du préavis exigible, au regard de la durée des relations commerciales, en l'espèce de 7 ans dans les conditions précédemment décrites.

Contrairement à ce que soutient la SA TIVOLY, le montant des RFA ne constitue pas une base suffisante d'évaluation du préjudice, même si

la SA DIAGER avait proposé par courrier du 9 septembre 1999 de compenser ce montant avec les dommages et intérêts qu'elle estimait lui être dus, car il s'agissait d'une offre transactionnelle, destinée à éviter une procédure, et la SA DIAGER y précisait que ce montant était "proche de l'estimation de notre préjudice, quoique très inférieur".

La SA DIAGER ne saurait réclamer la participation de la SA TIVOLY aux charges engendrées par la cessation des relations commerciales, cette cessation en elle-même n'étant pas illégitime, et la SA DIAGER ne démontrant ni même n'alléguant que ces frais ont été nécessités par la brutalité de la rupture.

La sanction de l'inobservation d'un préavis raisonnable s'apprécie, en l'absence d'autres éléments d'évaluation invoqués par les parties, en fonction de la durée et du volume des relations commerciales (qui selon la SA TIVOLY elle-même ont assuré pendant 10 ans à la SA DIAGER un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 15 millions de francs, et se sont établies dans des conditions réciproques ci-dessus analysées à partir de 1992), et en fonction du temps mis par l'entreprise visée par la rupture pour reconstituer son chiffre d'affaires, (et en l'espèce il ressort des pièces produites que le chiffre d'affaires de 1999 de la SA DIAGER n'a été inférieur que de 1% au chiffre d'affaires 1998).

Dans ces conditions, au vu du chiffre d'affaires TIVOLY perdu par la SA DIAGER en 1999, de la marge brute dégagée par l'activité de cette société (élément de calcul usuel, non sérieusement discuté par la SA TIVOLY, qui ne propose au demeurant aucun autre chiffre, tout en faisant observer opportunément qu'un taux de 57,25 % n'autorise pas la SA DIAGER à se plaindre des avantages consentis à TIVOLY ...), mais aussi des résultats d'exploitation obtenus par la SA DIAGER en 1999, la Cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour

fixer l'indemnisation due à la SA DIAGER au titre de la rupture brutale des relations commerciales par la SA TIVOLY à la somme de 215.193 ç, montant de la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires éludé sur 3 mois.

La SA TIVOLY, qui succombe pour l'essentiel, supporte les dépens, ses propres frais et ceux que la SA DIAGER a engagés, pour le montant demandé de 8.000 ç. PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

DONNE acte à la SA TIVOLY de ce qu'elle renonce au bénéfice de l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 avril 2004,

DECLARE l'appel de la SA DIAGER recevable et partiellement fondé,

INFIRME le jugement entrepris,

ET STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la SA TIVOLY à payer à la SA DIAGER les sommes de : - MILLE CENT QUATRE DIX SEPT EUROS ET SEIZE CENTS (1.197,16 ç) à titre de solde sur factures, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, - DEUX CENT QUINZE MILLE CENT QUATRE VINGT TREIZE EUROS (215.193 ç) à titre d'indemnité pour brusque rupture des relations commerciales, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

DEBOUTE la SA DIAGER du surplus de ses prétentions au principal,

CONDAMNE la SA TIVOLY à payer à la SA DIAGER la somme de HUIT MILLE EUROS (8.000 ç) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

LA DEBOUTE de sa propre demande ce chef,

LA CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ceux-ci la possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT PAUTHER , avoués, conformément aux dispositions de

l'article 699 du nouveau code de procédure civile,

LEDIT arrêt a été prononcé en audience publique et signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. Y..., Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Ct0189
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949190
Date de la décision : 28/03/2006

Analyses

CONCURRENCE

Il résulte de l'article L 442-6-5 du code de commerce qu'en l'absence de préavis écrit, la rupture des relations commerciales est présumée fautive et ouvre droit à réparation ; il en est ainsi d'une diminution de plus de 90 % des commandes qui s'assimile à une rupture totale des relations commerciales, lorsque aucun terme n'avait été fixé par les parties ; le préjudice à indemniser doit alors être évalué en fonction des circonstances de la cause, y compris la durée raisonnable du préavis exigible au regard de la durée des relations commerciales ; en l'absence d'autres éléments d'évaluation invoqués par les parties, la sanction de l'inobservation d'un préavis raisonnable s'apprécie en fonction de la durée et du volume des relations commerciales et en fonction du temps mis par l'entreprise visée par la rupture pour reconstituer son chiffre d'affaires.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2006-03-28;juritext000006949190 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award