ARRET No MS/CB COUR D'APPEL DE BESANCON - 172 501 116 00013 - ARRET DU QUATORZE MARS 2006 DEUXIEME CHAMBRE CIVILE contradictoire Audience publique du 07 Février 2006 No de rôle : 02/02309 S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LONS LE SAUNIER en date du 12 NOVEMBRE 2002 Code affaire : 53B Prêt - Demande en remboursement du prêt Michel X... C/ CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE, Marinette Y... PARTIES EN CAUSE :
Monsieur Michel X..., né le 21 Mai 1942 à CHALON SUR SAONE (71530) de nationalité française, demeurant 15, rue Sadi Carnot - 71150 BOUZERON APPELANT
Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avoués
et Me Pierre GARCIA DUBOIS, avocat au barreau de PARIS
ET :
CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE, ayant son siège, 11, avenue Elisée Cusenier - 25084 BESANCON CEDEX 09, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, INTIME
Ayant la SCP LEROUX pour avoués
et Me Jean-Marie LETONDOR, avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER
Madame Marinette Y..., née le 06 Septembre 1944, de nationalité française, demeurant Chemin de la Baronne - 1265 LA CURE - (SUISSE) INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE
Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour avoué
Et Me Yves Marie LEHMANN pour avocat au barreau de DOLE COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier, Lors du délibéré
M. SANVIDO, Président de Chambre,
M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers, FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du 12 novembre 2002 aux termes duquel le Tribunal de Grande Instance de Lons-Le-Saunier, saisi par le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE (CAFC) à l'encontre de Marinette Y..., Michel CHEMORIN et François X... en vue du recouvrement d'une part des sommes versées par cet établissement bancaire au CEPME au titre d'un prêt de 600.000 Francs consenti à la SARL LES ARCADES le 25 juin 1982, cautionné le 28 mai 1991 par le CAFC et sous-cautionné par les parties défenderesses susnommées, d'autre part du solde dû sur un prêt de 1.000.000 Francs accordé le 5 mars 1990 à Marinette Y... et François X... et cautionné par Michel X..., a statué comme suit :
I - au titre de la caution donnée au profit du CEPME
- condamne conjointement et solidairement Madame Marinette Y... et Michel X... d'avoir à payer au CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE, la somme de 93.744,90 francs soit 14.295,89 ç, outre intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 1992 et la somme de 258.639.88 Francs soit 39.429,38 ç outre intérêts au taux légal à compter du 3 février 1994 ;
- ordonne la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
II - au titre du prêt no 402 1753 8 801 d'un million de francs
- condamne Monsieur Michel X... d'avoir à payer au CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE la somme de 783.417,20 Francs soit 119.431,18 ç outre intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1993 jusqu'à complet paiement ;
- ordonne la capitalisation des intérêts en application des
dispositions de l'article 1154 du code civil ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- fait masse des dépens de l'instance qui seront pris en charge à raison de 2/3 par Monsieur X... Michel et Madame Y..., in solidum, et à raison d'1/3 par le demandeur, Monsieur François X... conservant ses propres dépens, les autres distraits au profit des avocats de la cause, sur leur affirmation de droit ;
Vu les déclarations d'appel déposées au greffe de la Cour le 16 décembre 2002 par Michel X... et le 4 février 2003 par Marinette Y... ;
Vu l'ordonnance du 10 juin 2003 ayant prononcé la jonction des procédures ouvertes sur ces recours ;
Vu les conclusions des parties, du 18 janvier 2005 (pour Marinette Y..., appelante), du 6 octobre 2005 (pour Michel X..., appelant), et du 8 avril 2005 (pour le CAFC, intimé) auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 1er décembre 2005 ;
Vu les pièces régulièrement produites ; SUR CE
Le CAFC ne développe aucun moyen à l'appui de ses conclusions d'irrecevabilité des appels : présentés dans les formes légales, ces recours apparaissent recevables.
Encore que le dispositif du jugement entrepris ne comporte aucune mention relative à François X..., il ressort de ses motifs que le premier juge a entendu rejeter la demande présentée à l'encontre de celui-ci, à raison de la faute commise par le CAFC pour avoir fait
souscrire des engagements aussi importants à un garçon de 19 ans, certes nommé gérant de droit de la SARL LES ARCADES avec effet du 1er décembre 1989, mais de fait encore lycéen en 1989-1990.
Le CFAC, qui n'a pas relevé appel incident, déclare expressément accepter la décision du Tribunal de Grande Instance de Lons-Le-Saunier sur ce point.
La procédure de faillite ouverte à l'égard de Marinette Y... en Suisse, dans laquelle le CAFC a d'ailleurs déclaré sa créance, n'interdit pas à cette banque de poursuivre en France le recouvrement de celle-ci.
Il convient de rappeler que Marinette Y..., de nationalité suisse, a acquis avec son fils François X... les parts sociales de la SARL LES ARCADES au moyen pour partie du prêt de 1.000.000 Francs du 5 mars 1990, en déclarant alors, dans les renseignements réclamés par le prêteur, d'une part une expérience professionnelle dans la restauration de plus de 20 ans, d'autre part un patrimoine immobilier évalué par elle à 7.000.000 Francs (police d'assurance bâtiment à l'appui, pour 1.904.250 Francs suisses), avec une charge hypothécaire de 1.200.000 Francs seulement, des revenus locatifs de l'ordre de 300.000 Francs par an, et la disponibilité d'un apport personnel de 560.000 Francs.
C'est donc bien en vain que Marinette Y..., comme Michel CHEMORIN père de François X..., font plaider que le CAFC aurait manqué à son obligation de conseil, alors que l'ensemble des éléments d'information ci-dessus rapportés rendent singulièrement peu crédible la présentation de l'emprunteuse comme une personne inexpérimentée et sans fortune.
Au surplus, toutes les allégations de Michel X... sur les
manoeuvres dont Marinette Y... aurait été victime de la part du cédant des parts sociales de la SARL LES ARCADES et de son expert-comptable, en collusion avec le CAFC, ne sont étayées d'aucune pièce à l'exception d'un courrier de Maître Pascal LECLERC, mandataire désigné à la procédure collective ouverte à l'égard de cette société en 1992, faisant allusion à une créance fiscale de 580 KF faisant l'objet "d'une contestation du redressement dont elle émane, voire d'une action en garantie de passif contre le cédant des parts de la SARL LES ARCADES", ce qui est insuffisant pour établir les manoeuvres dénoncées, encore moins la participation ou même seulement l'abstention fautive du CAFC.
Contrairement à ce que fait plaider Michel X..., la reprise par le ou les nouveaux propriétaires des parts sociales d'un engagement de caution précédemment souscrit par le cédant n'a rien d'inhabituel ni d'anormal, pas davantage si au lieu d'être acquis directement par le cessionnaire, l'engagement de caution est pris par un établissement bancaire qui lui-même sollicite la sous-caution du cessionnaire et le cas échéant d'un tiers (étant observé que ce montage, légal, permet au prêteur de ne pas se priver de la garantie obtenue à l'origine en la remplaçant par celle de personnes inconnues de lui, au cédant qui quitte la société d'être libéré de son engagement, au cessionnaire de conclure l'achat des actions en obtenant l'appui de l'établissement bancaire qui accompagne son projet).
Enfin l'appréciation de la proportion de l'engagement pris par Michel X... avec ses facultés contributives n'est pas uniquement fondée sur ses revenus déclarés, mais sur l'ensemble de son patrimoine, constitué de nombreuses parcelles de vigne AOC dont il était propriétaire de longue date, et vierges de toutes inscriptions hypothécaires.
Il en résulte que les moyens de nullité développés par Michel X..., pour vice du consentement, manquement du CAFC à son devoir de conseil et disproportion des engagements souscrits, doivent être écartés.
L'acte de prêt du 5 mars 1990 a été intégralement paraphé par Michel X..., qui a porté la mention manuscrite "caution solidaire de 1 million de francs 1.000.000 Francs en principal plus tous intérêts frais et accessoires" et a apposé sa signature en page 6, étant observé que cet acte comporte 10 pages dont la pagination est continue ; l'acte de caution solidaire en garantie du cautionnement donné par le CAFC au CEPME est également signé par Michel X..., avec la mention manuscrite "caution solidaire à concurrence de 393.896,46 Francs trois cent quatre vingt treize mille francs et quarante six centimes plus tous intérêts frais et accessoires " ; ces actes sont réguliers en la forme, au regard des exigences des articles 1325 et suivants du code civil.
Le montant des créances mises en compte par le CAFC est justifié par les quittances subrogatives délivrées par le CEPME, le tableau d'amortissement du prêt du 5 mars 1990 et la mise en demeure du 23 novembre 1992 portant déchéance du terme, étant précisé que le CAFC ne discute pas la réduction à néant de la clause pénale et la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel, opérées par le premier juge.
La demande de Michel X... en déchéance du droit aux intérêts, présentée par celui-ci pour la première fois en appel sur le fondement de l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier, est recevable en vertu de l'article 566 du nouveau code de procédure civile.
Ce texte n'est cependant pas applicable ni en ce qui concerne le sous-cautionnement donné par Michel X... au cautionnement
consenti par le CAFC au profit du CEPME (car il ne s'agit pas d'un concours financier) ni en ce qui concerne le cautionnement donné par Michel X... au prêt souscrit par Marinette Y... et François X... (car il ne s'agit pas d'un prêt à une entreprise).
Quelles que soient les difficultés personnelles et financières de Michel X..., celles-ci ne constituent pas un motif, en droit, pour rejeter la demande du CAFC.
En conséquence la confirmation du jugement entrepris s'impose.
Michel X... et Marinette Y..., qui succombent en leur appel, supportent les dépens et leurs propres frais.
La situation respective des parties ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice du CAFC. PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
DECLARE les appels recevables mais mal fondés,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE Michel X... de toutes autres demandes,
DEBOUTE le CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE Marinette Y... et Michel X... aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP LEROUX, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été prononcé en audience publique et signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,