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15/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948540

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre civile 1, 15 février 2006, JURITEXT000006948540


ARRÊT No BG/CB COUR D'APPEL DE BESANOEON - 172 501 116 00013 - ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2006 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A Contradictoire Audience publique du 18 janvier 2006 No de rôle : 03/02409 S/appel d'une décision du tribunal de grande instance de Besançon en date du 18 novembre 2003 Code affaire : 70A Revendication d'un bien immobilier Commune de MONTBENOIT C/ Epoux Jean-Marie X... Y... clés : propriété immobilière, chemin, prescription acquisitive, cours d'eau, lit abandonné, libre disposition du riverain PARTIES EN CAUSE :

COMMUNE DE MONTBENOIT, prise en la personne

de son maire en exercice, M. Frédéric Z...

domicilié Hôtel de ...

ARRÊT No BG/CB COUR D'APPEL DE BESANOEON - 172 501 116 00013 - ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2006 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A Contradictoire Audience publique du 18 janvier 2006 No de rôle : 03/02409 S/appel d'une décision du tribunal de grande instance de Besançon en date du 18 novembre 2003 Code affaire : 70A Revendication d'un bien immobilier Commune de MONTBENOIT C/ Epoux Jean-Marie X... Y... clés : propriété immobilière, chemin, prescription acquisitive, cours d'eau, lit abandonné, libre disposition du riverain PARTIES EN CAUSE :

COMMUNE DE MONTBENOIT, prise en la personne de son maire en exercice, M. Frédéric Z...

domicilié Hôtel de ville - 25650 MONTBENOIT APPELANTE Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué et la SCP BRANGET-PERRIGUEY-TOURNIER-BELLARD MEYER-BLONDEAU pour Avocat ET :

Monsieur Jean-Marie X...

demeurant Lieudit "Le Village" - 25650 MONTBENOIT

Madame Marie Edith A..., épouse X...

demeurant Lieudit "Le Village" - 25650 MONTBENOIT INTIMÉS Ayant Me Bruno GRACIANO pour Avoué et la SCP SERRI-PICHOFF pour Avocat

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : MAGISTRAT RAPPORTEUR :

Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties. GREFFIER : Mademoiselle C. B..., Greffier. Lors du délibéré :

Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, a rendu compte conformément à l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Madame M. C... et Madame H. D..., Conseillers. FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 18 novembre 2003, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de Besançon a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Montbenoît ;

- constaté que les époux X... sont propriétaires du chemin dit "du MOULIN", dont l'assiette se situe sur la parcelle cadastrée section A lieudit "Le Village" no63 et des aisances contiguùs, objets de la parcelle no183, le tout sis sur le territoire de la commune de Montbenoît ;

- rejeté le surplus des demandes présentées ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- condamné la commune de Montbenoît à payer aux époux X... la somme de 800 ç, par application des dispositions de l'article 700 du

nouveau code de procédure civile ;

- condamné la commune de Montbenoît aux dépens.

La commune de Montbenoît a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la Cour de l'infirmer ; de débouter les époux Jean-Marie X... de l'ensemble de leurs demandes ; de dire qu'elle a acquis le chemin en cause, par prescription acquisitive ; de dire et juger qu'elle est propriétaire du terrain gagné sur l'ancien lit du Doubs, par les travaux de comblement engagés par elle ; de condamner les époux Jean-Marie X... à rendre les lieux conformes à leur destination initiale, en débarrassant le chemin des matériaux entreposés et en enlevant tous autres matériaux entreposés sur le terrain correspondant à l'ancien lit du Doubs, sous astreinte de 1.000 ç par jour ; et de condamner les époux Jean-Marie X... à lui payer la somme de 3.000 ç, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'à la suite d'une erreur commise par le service du Cadastre en 1936, l'assiette du chemin en cause a été incluse dans la parcelle no63 ; que l'acte de propriété des époux Jean-Marie X... n'a jamais fait état d'un chemin et ne donne aucune indication sur les limites de leur propriété ; que la matérialité du chemin, en l'espèce son tracé, est établie depuis des temps immémoriaux.

Elle ajoute qu'il existe une possession continue, non équivoque,

paisible et publique de la commune sur le chemin depuis plus de trente ans ; que cette prescription n'a jamais été interrompue, si ce n'est depuis 1998 ; qu'elle a toujours entretenu seule ce chemin et réalisé seule les travaux de comblement du bras du Doubs.

Les époux Jean-Marie X... demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré ; et de condamner la commune de Montbenoît à leur payer la somme de 2.300 ç, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils font valoir que leur titre de propriété inclut l'assiette du chemin dans leur parcelle no63 ; que le cadastre et la contenance de la parcelle démontrent que la chemin en cause fait partie intégrante de leur propriété ; que la commune de Montbenoît ne leur oppose que des présomptions factuelles à la force probante limitée.

Ils ajoutent qu'ils se sont toujours comportés en propriétaires du chemin litigieux depuis l'achat de leur maison, en 1997, sans opposition de la commune ; que cette dernière a attendu l'année 2002, pour revendiquer la propriété du chemin ; que celle-ci ne satisfait pas aux dispositions de l'article 2229 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2006.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la parcelle no183, située de l'autre côté de la route départementale,

n'est pas concernée par le présent litige ;

Attendu que l'acte de propriété des intimés, en date du 14 août 1997, ne comporte pas mention du chemin en cause, alors que l'expert judiciaire désigné dans le cadre de l'instance en bornage introduite par les époux Jean-Marie X... à l'encontre de leurs voisins et de la commune de Montbenoît, et dont le rapport est ainsi opposable aux deux parties, relève son existence depuis des temps immémoriaux ;

Attendu que celui-ci conclut à un usage continu du chemin litigieux qui constitue, au moins depuis 1834, le passage obligé entre le village et les hameaux, prés et coteaux en rive droite du Doubs ;

Attendu que l'acte de propriété précité ne comporte aucune indication sur les limites de la parcelle no63 ;

Attendu que si un extrait cadastral est annexé audit acte, il convient de relever que le cadastre constitue une documentation à usage fiscal ; que celui-ci ne saurait constituer un mode de preuve quant à l'étendue et à la consistance des biens ;

Attendu que l'expert judiciaire a souligné que le plan invoqué résultait d'une mise à jour réalisée en 1936 de l'ancien plan cadastral, sans qu'il ait été procédé à des opérations de relevés de plan généralisées et systématiques ; que la représentation du chemin dans la parcelle 63 était manifestement en discordance avec les préceptes généraux du dessin cadastral et témoignait d'une certaine hésitation à propos de l'attribution privative du chemin ;

Attendu que celui-ci a ajouté que dans l'ancien plan cadastral ayant

les mêmes critères généraux de facture, figurait sans ambigu'té un chemin de plus vaste envergure en dehors des parcelles privatives ; que celui-ci avait été intégré, lors de la rénovation cadastrale de 1936, dans une parcelle privée, alors que sa matérialité était surabondamment prise en compte aux plans ancien, datant de 1834, et nouveau ;

Attendu que les intimés ne démontrent pas ainsi être propriétaires de l'assiette du chemin en cause ;

Attendu que l'attestation établie par Georges GARREAU, leur vendeur, le 18 mars 2002, aux termes de laquelle "l'assiette du chemin ...fait partie intégrante de la propriété A 63 qui vous a été vendue", n'est pas de nature à rapporter cette preuve, le vendeur ayant tout intérêt à formuler une telle affirmation, tout en s'abstenant de transmettre son propre acte de propriété, ou d'en offrir la communication ;

Attendu qu'en tout état de cause, la preuve de l'existence du droit de propriété des époux Jean-Marie X... sur le chemin en cause, ne saurait résulter d'une attestation ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 2229 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;

Attendu que la commune appelante produit aux débats huit attestations démontrant qu'elle a toujours entretenu le chemin en cause, depuis au moins les années cinquante, jusqu'en 1998, année à partir de laquelle les intimés l'ont obstrué ;

Attendu que celle-ci justifie avoir goudronné ledit chemin et l'avoir fait déneigé régulièrement ; que ces faits sont démontrés par la production du registre des délibérations municipales ;

Attendu qu'elle justifie avoir décidé, le 10 février 1960, le comblement du canal du moulin, l'édification d'un mur d'appui et la suppression du Pont du Moulin qui menaçait de s'effondrer, travaux qui ont permis de constituer les "aisances" revendiquées par les intimés ;

Attendu que les travaux ainsi réalisés ont été réceptionnés par la commune de Montbenoît, le 1er avril 1960, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal de réception définitive produit aux débats par celle-ci ;

Attendu que lesdits travaux ont fait l'objet d'une facture établie le 4 avril 1960, par l'entreprise de travaux publics Alfred ISABEY, pour un montant de 900.000 AF, à l'ordre de la commune ;

Attendu que ces faits sont corroborés par les conclusions de l'expert judiciaire, aux termes desquelles, depuis 1950, et plus formellement depuis 1960, le chemin en cause a fait l'objet d'entretien et d'aménagements réalisés par la collectivité publique communale, qui s'est impliquée au même titre que s'il s'agissait d'une voie publique ; que le chemin a toujours eu un usage public et au moins, depuis 1951, une assiette parfaitement identifiée, non intégrée dans aucune des propriétés voisines ;

Attendu que ni les intimés, ni leur vendeur n'ont interrompu cette possession avant 1998 ;

Attendu que la commune de Montbenoît justifie ainsi d'une possession plus que trentenaire, continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, sur le chemin en cause ;

Attendu, en conséquence, que le jugement déféré doit être infirmé ; que la commune appelante doit être déclarée propriétaire du chemin en cause, ainsi que du terrain gagné sur l'ancien lit du Doubs, en application des articles L. 215-2 et L. 215-3 du code de l'environnement ;

Attendu que les époux Jean-Marie X... devront remettre les lieux dans leur état initial et libérer le terrain gagné sur le Doubs, dans le délai de trois mois de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 ç par jour de retard ; que la Cour se réservera la liquidation de l'astreinte ;

Attendu que ceux-ci succombent sur le recours de la commune de Montbenoît ; qu'il convient de les condamner in solidum au paiement de la somme de 1.500 ç, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; de les débouter de leur demande correspondante fondée sur les dispositions précitées ; et de les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, en ce qui concerne ces derniers, au profit de Me ECONOMOU, avoué ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après

débats en audience publique et après en avoir délibéré ;

DÉCLARE l'appel recevable en la forme ;

Le DIT bien fondé ;

INFIRME le jugement rendu, le 18 novembre 2003, par le tribunal de grande instance de Besançon ;

Statuant à nouveau ;

DIT que la commune de Montbenoît a acquis par prescription le chemin dit "du Moulin", dont l'assiette se situe sur la parcelle cadastrée section A no63 lieudit "Le Village" ;

DIT que la commune de Montbenoît est propriétaire du terrain gagné sur l'ancien lit du Doubs ;

ORDONNE aux époux Jean-Marie X... de rendre les lieux conformes à leur destination initiale, en débarrassant le chemin des matériaux qu'ils y ont entreposés pour l'obstruer et en interdire le passage, et en enlevant la pile de bois et tous les autres matériaux entreposés sur le terrain gagné sur l'ancien lit du Doubs, dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte de 50 ç(CINQUANTE EUROS), par jour de retard au delà ;

SE RÉSERVE le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;

CONDAMNE in solidum les époux Jean-Marie X... à payer à la commune

de Montbenoît la somme de 1.500 ç (MILLE CINQ CENTS EUROS), en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties pour le surplus ;

CONDAMNE in solidum les époux Jean-Marie X... aux dépens de première instance et d'appel, avec en ce qui concerne ces derniers, droit pour Me ECONOMOU, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle C. B..., Greffier. LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948540
Date de la décision : 15/02/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.besancon;arret;2006-02-15;juritext000006948540 ?
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